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Unis d'Amérique viennent, avec l'ardeur d'un jeune homme, s'unir à la vieille Europe. Plus heureux que nous, ils n'ont pas eu de moyen âge: l'Angleterre, en voulant les dominer, leur inspira le besoin de l'indépendance. Ils apprirent de leurs maîtres à chérir la liberté, et les premières nouvelles de leur gloire furent un grand exemple aux nations de l'autre rive.

La jeune Amérique fut donc libre en naissant. Aucune habitude de servage, aucun regret du passé, aucun préjugé gothique ne troublèrent sa victoire. Elle n'eut point à se débattre contre ces théocraties qui retiennent les peuples dans les abjections de la misère et de l'ignorance; elle ne vit pas son sol souillé par les superstitions des brames ou par les fureurs du prosélytisme: toutes les sectes qui s'y établissent ont l'esprit de l'Evangile. O spectacle non encore vu par des yeux mortels! Elle naît avec la liberté, la tolérance et l'intelligence, elle échappe en même temps aux moines et à la barbarie ! Ses plus antiques souvenirs sont ceux de sa gloire et de son affranchissement, et, sans avoir passé par les ténèbres de l'enfance, elle arrive à l'âge de la vérité, riche de l'expérience et de la raison du genre humain.

Ainsi le tiers des habitants de l'ancien monde et bientôt le nouveau monde tout entier, deux cent soixantedix millions d'hommes, forment aujourd'hui l'armée de la civilisation, et, au milieu de cette armée, la France et l'Angleterre se lèvent comme deux astres dont les clartés se projettent sur toute l'étendue du globe.

(De l'Education des mères de famille.)

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* VIENNET.

De

* J. P. G. VIENNET est né à Beziers le 18 Novembre 1777. bonne heure, il se sentit une vocation décidée pour la carrière littéraire ; mais, ainsi qu'il le raconte dans une préface fort spirituelle, sa vie s'est écoulée à ne point faire sa volonté. Après avoir servi dans l'artillerie de marine et s'être distingué sur plusieurs champs de bataille de l'Allemagne, M. Viennet se laissa entraîner dans l'arène politique. Il aurait pu devenir ministre: il s'est contenté d'être longtemps député, puis pair de France. Malgré cette double existence de soldat et d'homme politique, M. Viennet n'en a pas moins trouvé le temps d'écrire un grand nombre d'ouvrages. Nous citerons son Histoire des guerres de la Révolution, sa tragédie do Clovis, ses romans de La tour de Montlhéry et du Château Saint-Ange et enfin ses Fables qui ont mis fin aux critiques passionnées dont on l'a accablé, par suite de son opposition aux écrivains de l'école dite romantique.

M. Viennet, dont le style est facile et souvent élégant, est membre de l'Académie française depuis 1830.

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Un enfant de Paris, tout fier de son berceau,
Mais à courir le monde occupant son jeune âge,
Avant de se mettre en voyage
Avait réglé sa montre au cadran du château.
C'était un chef-d'œuvre impayable,
Un mouvement à nul autre pareil,
Qui, dans sa marche invariable,
Aurait défié le soleil.

Dans Bruxelles d'abord mon jeune homme s'arrête.
Grâce aux lettres qu'il porte, on l'accueille, on le fête,
On l'invite de toute part;

Mais, à chaque dîner, rendez-vous ou rencontre,
En prenant l'heure de sa montre,
Il arrive toujours trop tard,
Donnant pour excuse éternelle

Qu'il doit s'en rapporter à son bijou modèle,

Que les horloges du pays

Ont tort d'avancer sur Paris.

A Londres, c'est une autre chance : Les cadrans retardaient, il arrivait trop tôt, Et, s'en excusant comme un sot,

De sa montre toujours il vantait l'excellence.

"Monsieur, lui dit un vieux marín,

"Sur le globe avant vous j'ai fait bien du chemin.
"J'ai vu bien des pays, bien des mœurs en ma vie ;
Mais, sans prétendre y rien changer,
"Pour bien vivre avec l'étranger,

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"J'ai tâché d'oublier les mœurs de ma patrie. "Vous avez, dites-vous, un instrument parfait : "Je vous en félicite et ne vais à l'encontre ; "Mais sachez que toujours il faut régler sa montre "Sur les cadrans du pays où l'on est." (Liv. I. Fab. xvi.)

* MME. DESBORDES VALMORE.

* MME. DESBORDES VALMORE (MARCELINE) est née à Douai, vers 1787. Les revers de fortune qu'éprouva sa famille l'engagèrent à suivre la carrière du théâtre; mais bientôt fatiguée de cette existence, et ses amis lui ayant reconnu un talent naturel pour la poésie, elle se livra à l'étude des lettres et ne tarda pas à se placer au premier rang des poètes élégiaques de notre époque. Ses vers sont pleins de grâce, d'abandon, de charme et de sensibilité.

L'OREILLER D'UNE PETITE FILLE.

Cher petit oreiller! doux et chaud sous ma tête,
Plein de plume choisie, et blanc, et fait pour moi!
Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête,
Cher petit oreiller! que je dors bien sur toi!

Beaucoup, beaucoup d'enfants, pauvres, nus et sans mère,
Sans maison, n'ont jamais d'oreiller pour dormir ;

Ils ont toujours sommeil! ô destinée amère !
Maman, douce maman! cela me fait gémir.

Et quand j'ai prié Dieu pour tous ces petits anges
Qui n'ont pas d'oreiller, moi, j'embrasse le mien ;
Seule dans mon doux nid qu'à tes pieds tu m'arranges,
Je te bénis, ma mère, et je touche le tien.

Je ne m'éveillerai qu'à la lueur première

De l'aube au rideau bleu ; c'est si gai de la voir!
Je vais dire tout bas ma plus tendre prière ;
Donne encore un baiser, douce maman, bonsoir !

PRIÈRE.

Dieu des enfants, le cœur d'une petite fille
Plein de prière, écoute ! est ici sous mes mains.
Hélas! on m'a parlé d'orphelins sans famille !
Dans l'avenir, bon Dieu, ne fais plus d'orphelins!

Laisse descendre au soir un ange qui pardonne,
Pour répondre à des voix que l'on entend gémir;
Mets sous l'enfant perdu, que sa mère abandonne,
Un petit oreiller qui le fasse dormir!

(Elégies.)

GUIRAUD.

GUIRAUD (PIERRE-MARIE-THERESE-ALEXANDRE) naquit à Limoux, le 25 décembre 1788. Le premier ouvrage qu'il fit recevoir au Théâtre-Français est une tragédie intitulée Pélage; en 1822 il donna à l'Odéon les Machabées, ouvrage qui le fit connaître d'une manière remarquable; la simplicité du plan, le pathétique des situations, et l'éclat du style de cette tragédie lui méritèrent d'unanimes applaudissements; le Comte Julien, donné en 1823, eut peu de représentations;

l'auteur le retira dans l'intention d'y faire quelques changements. La tragédie de Virginie est la dernière œuvre dramatique de M. Guiraud. Mais de toutes ses productions, celles qui ont fait le plus d'honneur à son talent, et procuré à son nom le plus de popularité, ce sont ses Elégies savoyardes et ses Poèmes et Chants élégiaques. Le naturel des sentiments, la simplicité de l'expression, la grâce naïve et le charme touchant de ces petites compositions éveillent dans l'âme l'émotion la plus vive et la plus profonde. On doit au même auteur un ouvrage en prose intitulé Flavien.

M. Guiraud a été nommé membre de l'Académie française en 1826.

LE DÉPART DU PETIT SAVOYARD.

Pauvre petit, pars pour la France.

Que te sert mon amour? Je ne possède rien.
On vit heureux ailleurs; ici, dans la souffrance.
Pars, mon enfant, c'est pour ton bien.

Tant que mon lait put te suffire,

Tant qu'un travail utile à mes bras fut permis,
Heureuse et délassée en te voyant sourire,
Jamais on n'eût osé me dire :
Renonce aux baisers de ton fils.

Mais je suis veuve; on perd sa force avec la joie.
Triste et malade, où recourir ici?

Où mendier pour toi, chez des pauvres aussi !
Laisse ta pauvre mère, enfant de la Savoie;
Va, mon enfant, où Dieu t'envoie.

Mais, si loin que tu sois, pense au foyer absent;
Avant de le quitter, viens, qu'il nous réunisse.
Une mère bénit son fils en l'embrassant:

Mon fils, qu'un baiser te bénisse.

Vois-tu ce grand chêne, là-bas ?
Je pourrai jusque là t'accompagner, j'espère.
Quatre ans déjà passés, j'y conduisis ton père;
Mais lui, mon fils, ne revint pas.

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