LA PAUVRE FILLE. J'ai fui ce pénible sommeil Qu'aucun songe heureux n'accompagne ; Les premiers rayons du soleil. S'éveillant avec la nature, Le jeune oiseau chantait sur l'aubépine en fleurs, Oh! pourquoi n'ai-je pas de mère ? Pourquoi ne suis-je pas semblable au jeune oiseau, Dont le nid se balance aux branches de l'ormeau ? Rien ne m'appartient sur la terre, Je n'eus pas même de berceau, Et je suis un enfant trouvé sur une pierre, Loin de mes parents exilée, Ne m'appellent jamais leur sœur! Le joyeux laboureur ne m'invite à m'asseoir, Autour du sarment qui pétille, Vers la chapelle hospitalière En pleurant j'adresse mes pas, Où je ne sois point étrangère, La seule devant moi qui ne se ferme pas! Souvent je contemple la pierre Qu'en m'y laissant, peut-être, y répandit ma mère. Souvent aussi mes pas errants J'ai pleuré quatorze printemps LAMARTINE. LAMARTINE (ALPHONSE DE) est né à Mâcon, le 21 octobre 1790. Son nom de famille est de Prat; il prit plus tard celui d'un oncle maternel. Il s'est placé par ses Méditations poétiques, qui parurent en 1820, au premier rang de nos poètes lyriques; les Nouvelles Méditations poétiques, quoique étincelantes de beautés, eurent moins de succès que les premières. Après la Mort de Socrate, le Pèlerinage de Childe-Harold, et le Chant du sacre, productions faibles, parurent les Harmonies poétiques, œuvre digne de figurer à côté des premières Méditations. M. de Lamartine a publié sous le titre de Jocelyn et sous celui de la Chute d'un ange deux épisodes d'un poème conçu dans de vastes proportions. Ces ouvrages, où l'on retrouve une partie du talent et de l'imagination brillante de l'auteur, sont, comme forme, une tentative nouvelle, un essai auquel, nous l'espérons, le poète soigneux de sa gloire ne donnera pas de suite. Entre les Premières Méditations et la Chute d'un ange ou les Recueillements poétiques, il y a tout un abîme. On doit encore à M. de Lamartine un ouvrage en prose intitulé Voyage en Orient: c'est un livre plein de charme et d'intérêt. M. de Lamartine, membre de l'Académie française, depuis 1830, a été nommé député en 1834 Aujourd'hui l'homme politique a absorbé le poète, fait fâcheux que les amants de la suave poésie ne sauraient assez déplorer. LE PAPILLON. Naître avec le printemps, mourir comme les roses, Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose, * L'AUTOMNE. Salut, bois couronnés d'un reste de verdure! Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire ; Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire, Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie, Terre, soleil, vallons, belle et douce nature, L'air est si parfumé! la lumière est si pure! Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie Au fond de cette coupe où je buvais la vie, Peut-être l'avenir me gardait-il encore Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu! La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphyre; Moi je meurs et mon âme, au moment qu'elle expire, (Méditations.) VERS ÉCRITS SUR UN ALBUM. Le livre de la vie est un livre suprême Et le feuillet fatal se tourne de lui-même. On voudrait revenir à la page où l'on aime.... C. DELAVIGNE. DELAVIGNE (JEAN-FRANÇOIS-CASIMIR) naquit au Havre au mois d'avril 1793. Un fort beau dithyrambe commença, dès le collége, la réputation de celui qui devait rendre au théâtre la langue pure et mélodieuse de Racine. Les Messéniennes, dont les trois premières parurent en 1815, eurent un succès qu'aucune œuvre lyrique n'avait obtenu auparavant. La France tout entière applaudit avec enthousiasme au jeune poète qui s'était fait le noble interprète de ses douleurs et de ses espérances. Les Vêpres siciliennes, représentées en 1821, furent pour C. Delavigne, l'occasion d'un nouveau triomphe. Aucune pièce, à l'exception du Cid, n'avait été accueillie avec une faveur aussi éclatante. Depuis cette époque, chaque œuvre du poète a ajouté à sa réputation. Le Paria, Marino, Louis XI, les Enfants d'Edouard, la Fille du Cid, les Comédiens, l'Ecole des vieillards, la Popularité, etc., sont des ouvrages qui restent dans toutes les mémoires, et dont la place est déjà marquée parmi les chefs-d'œuvre de notre théâtre. C. Delavigne, élu à l'unanimité par l'Académie française en 1825, a rencontré, dans ses dernières années, une critique un peu trop sévère à son égard.-Ce poète élégant et chaste est mort à Lyon le 14 décembre 1843. Quelques heures avant sa mort, il récitait des vers de Mélusine, tragédie qu'il n'a pas eu le temps d'achever. LA MORT DE JEANNE D'ARC. A qui réserve-t-on ces apprêts meurtriers ? D'où vient ce bruit lugubre? où courent ces guerriers, La joie éclate sur leurs traits, Sans doute l'honneur les enflamme; Ils vont pour un assaut former leurs rangs épais ? Qui vont voir mourir une femme. Qu'ils sont nobles dans leur courroux! Qu'il est beau d'insulter au bras chargé d'entraves! 66 Des esprits infernaux suscité la magie...” Lâches, que lui reprochez-vous ? En faut-il d'autres que des armes Pour combattre, pour vaincre et punir l'étranger? |