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Mon malheur est certain: me voilà confondu.

Que vais-je devenir? Hélas! j'ai tout perdu.

(Les Châteaux en Espagne, act. 111, sc. 6 et 7.)

FONTANES.

FONTANES (Louis, marquis de) naquit à Niort (Deux-Sèvres), le 6 mars 1757. Il débuta dans la carrière littéraire par la traduction de l'Essai sur l'homme de Pope. Le style pur et brillant de cet ouvrage donna une opinion avantageuse du goût et du talent de l'auteur, que les petits poèmes du Cloître des Chartreux, du Verger et de la Forêt de Navarre placèrent au rang des littérateurs les plus distingués de son temps. Le Jour des morts dans une campagne, poème imité de Gray, est celui des ouvrages de Fontanes qui lui fait le plus d'honneur et sur lequel repose le plus solidement sa réputation littéraire.

Fontanes, nommé membre de l'Académie en 1794, vit bientôt la carrière politique s'ouvrir devant lui. Membre de l'Institut, grand maître de l'Université, flatteur complaisant de Napoléon, il fut assez ingrat pour oublier tous les bienfaits de l'empereur et rédiger le décret qui prononça la déchéance de ce grand homme.

Cet écrivain élégant et correct, mais sans inspiration chaleureuse, mourut à Paris, d'une attaque d'apoplexie, le 17 Mars 1821.

ORIGINE DE L'ASTRONOMIE.

Cependant vers l'Euphrate on dit que des pasteurs,
Du grand art de Képler rustiques inventeurs,
Etudiaient les lois de ces astres paisibles,
Qui mesurent du temps les traces invisibles;
Marquaient et leur déclin et leur cours passager,
Le gravaient sur la pierre; et du globe étranger
Que l'univers tremblant rêvait par intervalle,
Savaient même embrasser la carrière inégale.
Ainsi l'astronomie eut les champs pour berceau.
Cette fille des cieux illustra le hameau :
On la vit habiter, dans l'enfance du monde,
Des patriarches-rois la tente vagabonde,
Et guider le troupeau, la famille, le char
Qui parcourait au loin le vaste Sennaar.

(Essai sur l'astronomie.)

LE BAILLY.

LE BAILLY (ANTOINE-FRANÇOIS) naquit à Caen, le 4 avril 1758. Les opéras qu'il a donnés et les poésies qu'il a publiées n'ont laissé ni trace ni souvenir; mais son recueil de Fables renferme les apologues les plus ingénieux et les plus naïfs qu'on ait composés depuis La Fontaine. Le Bailly reproduit souvent avec bonheur la manière de cet illustre modèle, dont il est jusqu'à présent le plus habile imitateur. Son style n'a pas l'élégance de celui de Florian, mais il a plus de vérité, de franchise et d'abandon.

Le Bailly mourut en 1832.

L'OCCASION MANQUÉE.

Maitre Lambin dans son petit ménage
Aurait pu vivre heureux; il avait deux bons bras,
Le travail ne lui manquait pas :

Mais monsieur n'aimait pas l'ouvrage.

Il vivait donc très pauvre, en regardant souvent
De quel côté soufflait le vent.

Lambin venait un jour d'achever un long somme,
Lorsqu'une femme ailée apparaît à notre homme.
C'est une déité dont le vol est si prompt

Que sans cesse elle glisse, en sa course incertaine,
Sur un rasoir tranchant où son pied touche à peine.
Un toupet de cheveux, qui lui couvre le front,

Dérobe sa figure entière,

Et la déesse enfin est chauve par derrière.
-Çà, dit-elle à Lambin, debout, vite, et suis-moi.
-Debout! c'est bientôt dit, je veux savoir pourquoi.
-Je viens te combler de largesses.

-Est-il croyable ?-Oui, l'or va pleuvoir chez toi:
Honneurs, dignités, et richesses,

Voilà ton lot.-O ciel !...et quand puis-je l'avoir ?

-A l'instant. Suis mes pas. Mais où donc ?—Tu vas voir.

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-Une minute au moins, pour passer ma mandille,

Et je vous suis.-En achevant ces mots,

Lambin fait mille tours; à son aise il s'habille ;

Il perd le temps en vains propos,

Disant à sa moitié :-Vide-moi cette armoire ;
Pour mieux serrer mon or vide ce coffre aussi.
Ce soir, la poule au pot: je prétends rire et boire.
Me voilà riche; et nargue du souci !
Lambin débite encor cent sottises pareilles,
Ne rêvant que monts et merveilles,
Et puis il part. Mais inutile soin!
Plus de déesse! il la cherche, il l'appelle.
Hélas! elle est déjà bien loin :
Vainement il court après elle.

C'était l'Occasion: qui la laisse échapper
Ne saurait plus la rattraper.

(Liv. 11, fable 7.)

LES MÉTAMORPHOSES DU SINGE.

Gille, histrion de foire, un jour par aventure
Trouva sous sa patte un miroir.

Mon singe, au même instant, de chercher à s'y voir.
—O le museau grotesque! ô la plate figure!
S'écria-t-il; que je suis laid!

Maître des dieux, j'ose implorer tes grâces:
Laisse-moi le lot des grimaces ;

Du reste je demande un changement complet.-
Jupin l'entend, et dit: Je consens à la chose.
Regarde es-tu content de ta métamorphose?-
Le singe était déjà devenu perroquet.
Sous ce nouvel habit le drôle s'examine,
Aime assez son plumage, et surtout son caquet;
Mais il n'a pas tout vu.-Peste la sotte mine
Que me donne, dit-il, le long bec que voilà!..
Jupin, vois donc quel bec énorme !

Je me fais peur; eh! vite une autre forme.
Par bonheur, en ce moment-là

Le seigneur Jupiter était d'humeur à rire:
Il en fait donc un paon; et cette fois le sire,
Promenant sur son corps des yeux émerveillés,

S'enfle, se pavane, s'admire.

Mais las! il voit ses vilains pieds,
Et mon impertinente bête

A Jupin derechef adresse une requête.

-Ma bonté, dit le dieu, commence à se lasser;
Cependant j'ai trop fait pour rester en arrière.
En te revêtissant d'une forme dernière,

Je vais de chaque état où tu viens de passer
Te conserver le caractère :

Mais plus de babil importun.

A ces mots, Jupiter lui donne un nouvel être,
Et qu'en fait-il? un petit maître.

Depuis ce temps, dit-on, les quatre n'en font qu'un.

(Liv. 1, fab. 12.)

ANDRIEUX.

ANDRIEUX (FRANÇOIS-GUILLAUME-JEAN-STANISLAS) naquit à Strasbourg, le 6 mai 1759. Il a donné au théâtre plusieurs comédies agréables: Anaximandre, le Trésor, la Soirée d'Auteuil, le Manteau, et les Etourdis, son chef-d'œuvre; il fit représenter à la fin de sa carrière une tragédie de Junius Brutus, qui n'eut pas de succès. On lui doit plusieurs contes qui brillent par le naturel, l'esprit et la grâce. Comme professeur de littérature, Andrieux se fit un nom qui restera éternellement cher à ses nombreux élèves. Nommé secrétaire perpétuel de l'Académie française, dont il était membre depuis 1799, il exerça ses fonctions avec autant de talent que de zèle jusqu'en 1833, époque à laquelle la mort l'enleva aux lettres.

Andrieux avait été l'ami de Collin d'Harleville, aux travaux et aux succès duquel il n'était pas resté étranger.

LE MEUNIER SANS-SOUCI,

(CONTE.)

L'homme est, dans ses écarts, un étrange problème.
Qui de nous en tout temps est fidèle à soi-même ?

Le commun caractère est de n'en point avoir :
Le matin incrédule, on est dévot le soir.
Tel s'élève et s'abaisse au gré de l'atmosphère,
Le liquide metal balancé sous le verre.

L'homme est bien variable; et ces malheureux rois,
Dont on dit tant de mal, ont du bon quelquefois.
J'en conviendrai sans peine, et ferai mieux encore;
J'en citerai pour preuve un trait qui les honore:
Il est de ce héros, de Frédéric second,
Qui, tout roi qu'il était, fut un penseur profond,
Redouté de l'Autriche, envié dans Versailles,
Cultivant les beaux-arts au sortir des batailles,
D'un royaume nouveau la gloire et le soutien,
Grand roi, bon philosophe, et fort mauvais chrétien.
Il voulait se construire un agréable asile,
Où, loin d'une étiquette arrogante et futile,
Il pût, non végéter, boire et courir les cerfs,
Mais des faibles humains méditer les travers,
Et mêlant la sagesse à la plaisanterie,
Souper avec d'Argens, Voltaire et Lamettrie.
Sur le riant coteau par le prince choisi,
S'élevait le moulin du meunier Sans-Souci.
Le vendeur de farine avait pour habitude
D'y vivre au jour le jour, exempt d'inquiétude;
Et, de quelque côté que vînt souffler le vent,
y tournait son aile, et s'endormait content.
Fort bien achalandé, grâce à son caractère,
Le moulin prit le nom de son propriétaire ;
Et des hameaux voisins, les filles, les garçons
Allaient à Sans-Souci pour danser aux chansons.
Sans-Souci !... ce doux nom d'un favorable augure
Devait plaire aux amis des dogmes d'Epicure.
Frédéric le trouva conforme ses projets,
Et du nom d'un moulin honora son palais.

Il

Hélas! est-ce une loi sur notre pauvre terre

Que toujours deux voisins auront entre eux la guerre ; Que la soif d'envahir et d'étendre ses droits Tourmentera toujours les meuniers et les rois ?

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