Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins, La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue : Un loup, quelque peu clerc, prouva, par sa harangue, Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal. Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable! D'expier son forfait. On le lui fit bien voir. Selon que vous serez puissant ou misérable, (Liv. vII, fab. 1.) LA LAITIÈRE ET LE POT AU LAIT. Perrette, sur sa tête ayant un pot au lait, Prétendait arriver sans encombre à la ville. Notre laitière ainsi troussée Comptait déjà dans sa pensée Tout le prix de son lait, en employait l'argent, D'élever des poulets autour de ma maison ; S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon. Le porc à s'engraisser coûtera peu de son; Va s'excuser à son mari, En grand danger d'être battue. Le récit en farce en fut fait; On l'appela le pot au lait. (Liv. VII, fab. 10.) T. CORNEILLE. CORNEILLE (THOMAS), frère de Pierre Corneille, naquit à Rouen le 20 août 1625. Il se fit poète par imitation: la carrière que suivait son frère aîné fut celle qu'il choisit, mais sans vocation décidée. Une grande intelligence, un goût sûr et exercé, et surtout une vaste érudition, suppléèrent au génie qui lui manquait. Il travailla près de cinquante ans pour le théâtre, et y obtint des succès nombreux et brillants. Le plus intéressant de ses ouvrages, Ariane, représenté en 1672, en même temps que Bajazet, fut accueilli avec beaucoup plus de faveur que la tragédie de Racine; mais le moment d'enthousiasme passé, le public revint de sa première erreur. Le Comte d'Essex, donné en 1678, eut moins de succès. Thomas Corneille, qui faisait les vers avec une prodigieuse facilité, eut le tort, pour se rendre agréable aux comédiens, de traduire la prose énergique et concise du Don Juan de Molière en un langage poétique souvent lâche et diffus: le discours de don Louis à son fils est le seul morceau qui soit digne de Molière. A la mort de son frère, Thomas Corneille fut choisi par l'Académie pour lui succéder. Devenu aveugle, il se retira aux Andelys près de Rouen, et y mourut le 8 décembre 1709, à l'âge de 84 ans. RÉPONSE D'ARIANE À THÉSÉE QUI LUI CONSEILLE Périsse tout s'il faut cesser de t'être chère ! Là, possédant ton cœur, ma gloire est sans seconde, (Ariane, act. III, Sc. IV.) QUINAULT. QUINAULT (PHILIPPE) naquit à Paris le 3 juin 1635, l'année même de la fondation de l'Académie française. Tristan l'Hermite, auteur de Marianne, le prit en affection, et cultiva les heureuses dispositions qu'il avait reçues de la nature. En 1653, Quinault donna au théâtre une comédie intitulée les Rivales: il n'avait alors que dixhuit ans. Toutes les pièces qu'il fit représenter après cet essai, comédies et tragédies, obtinrent un succès prodigieux; jamais poète ne trouva le public aussi constamment favorable; tout ce qui tombait de sa plume était accueilli avec enthousiasme ; mais aujourd'hui comédies et tragédies, tout est oublié, à l'exception de la Mère coquette, restée au répertoire. C'était dans le drame lyrique qu'il était réservé à Quinault de produire des œuvres durables et d'immortaliser son nom. Les opéras d'Alceste, d'Atys, de Proserpine, de Roland et d'Armide vivront autant que notre langue, et seront toujours comptés au nombre des chefsd'œuvre du siècle de Louis XIV Quinault, qui était entré à l'Académie française en 1670, mourut le 20 novembre 1688. ARMIDE TROUVE RENAUD ENDORMI ET NE PEUT SE RÉSOUDRE À LE TUER. Enfin il est en ma puissance, Ce fatal ennemi, ce superbe vainqueur. Le charme du sommeil le livre à ma vengeance, Par lui tous mes captifs sont sortis d'esclavage : Quel trouble me saisit; qui me fait hésiter? * (Armide, act. II, SC. IV.) BILLET D'ISABELLE À ACANTE. Je voudrais vous parler et nous voir seuls tous deux. Je ne sais ce que je vous veux : (La Mère Coquette.) BOILEAU. BOILEAU-DESPRÉAUX (NICOLAS) naquit à Paris le 1er novembre 1636. Ses Satires, dont les sept premières parurent en 1666, frappèrent d'étonnement des lecteurs peu habitués à ce style rapide, ferme et élégant; et la raison enjouée de l'auteur mit tous les rieurs de son côté. Les Epîtres que publia ensuite Boileau, son Art poétique et son Lutrin l'élevèrent au rang des plus grands écrivains du siècle de Louis XIV. La postérité, qui s'est montrée, à l'égard de ce poète, beaucoup plus sévère que ses contemporains, n'a pu, malgré ses attaques, porter atteinte à sa réputation. Les ouvrages de Boileau sont des titres de gloire aussi légitimes que les chefs-d'œuvre de Racine, et le ridicule serait le partage des critiques et des novateurs assez fous pour en contester la valeur. Boileau, qui fut reçu par l'Académie française le même jour que La Fontaine, mourut d'une hydropisie de poitrine le 16 mars 1711. LA MOLLESSE CONJURE LA NUIT DE LUI CONSERVER SON DERNIER ASILE. "O Nuit! que m'as-tu dit? Quel démon sur la terre On reposait la nuit, on dormait tout le jour. [comte. Seulement au printemps, quand Flore dans les plaines |