1 sacrifice conjurer le fléau de la peste. Le lion, le loup et l'àne, dans la fable de Guéroult, se rencontrent par hasard : Le Lion, le Loup et l'Ane. Le fier lion, cheminant par la voie, Le loup, voyant cette bête royale « O mes amis, maintenant il est heure, Et pour avoir de la majesté haute Ce conseil fut de si grand véhémence, Disant qu'il a par bois, montagne et plaine, Dont humblement pardon à Dieu demande, En protestant de plus n'y retourner. Ce fait, le loup le vient arraisonner, Lui remontrant que l'offense n'est grande. « Comment, dit-il, seigneur plein d'excellence, 1. Voyez sur la double origine de la fable de La Fontaine notre commentaire à la suite du livre VII. Te peut aucun établir quelque loi, Il est loisible à un prince de faire Ces mots finis, le loup, fin de nature, Puis, que souvent, trouvant en lieu champêtre Il a bergier et les troupeaux épars, Enfin qu'il a, ensuivant sa coutume, Sur ce répond, en faisant bonne mine, Puis dit à l'âne : « Or, conte-nous ta vie, L'âne, craignant de recevoir nuisance, Quelque temps fut que j'étois en servage Le jour advint d'une certaine foire, Où, bien monté sur mon dos, il alla; 1. C'est-à-dire, quelqu'un peut-il t'imposer aucune loi, lorsque tu es plus puissant que la loi, lorsque tu es au-dessus de la loi . 2. Si tu manques, je ne te manquerai pas. Parquoi appert que des grands on tient compte, Et, malfaisants, qu'ils sont favorisés; Mais les petits sont toujours méprisés, Et les fait-on souvent mourir de honte. Il n'est pas besoin de faire ressortir les excellents traits de ce récit la flatterie du loup exaltant les droits illimités du prince, le ton protecteur et familier avec lequel le lion réplique au loup, et le ton sévère et menaçant qu'il prend en s'adressant à l'àne, la sincérité et la maladresse de celui-ci : Mauvais sont mes forfaits, Mais non si grands que ceux-là qu'avez faits; et, dans le réquisitoire du loup, cette plaisante exclamation: Comment! la paille aux souliers demeurée De son seigneur manger à belles dents! Et si le pied eût été là dedans, Sa tendre chair eût été dévorée ! Tout cela, sans contredit, est du meilleur comique, et si nous sommes loin encore de la magnifique composition de La Fontaine, celle-ci est dignement préparée par l'apologue de Guéroult et par d'autres dont nous parlerons dans notre commentaire sur les origines de cette fable. Quelques poëtes de la même époque, sans être des fabulistes proprement dits, ont introduit des apologues dans leurs ouvrages. Clément Marot a fait son épître à Lion Jamet avec la fable du Lion et du Rat, excellemment traitée. Marot reste en possession de ce récit, même après La Fontaine, au même titre qu'Horace est demeuré maître du sujet du Rat de ville et du Rat des champs. Si vous voulez avoir dans sa forme la plus ingénieuse le récit du double repas du rat citadin et du rat villageois, vous allez droit au satirique latin. Si vous voulez voir comment maître rat paya sa dette de reconnaissance au roi des animaux, allez droit à l'épître de Clément Marot. Mathurin Régnier a également inséré plus d'un apologue dans ses satires. C'est dans ces satires de Régnier que l'apologue poétique avant La Fontaine présente chez nous la forme littérairement la plus avancée. Nous en donnerons en preuve la fable de la Lionne, du Loup et du Mulet, qui est ainsi racontée dans la satire III: Sçais-tu, pour sçavoir bien, ce qu'il nous faut sçavoir? Or entends à ce point ce qu'un Grec en escrit. Rugissante à l'abord, et qui montroit aux dents Mais enfin le hasard si bien le secourut, Qu'un mulet gros et gras à leurs yeux apparut. Ils cheminent dispos, croyant la table prête, Et, comme les Normands sans lui répondre voire : Et d'un œil innocent il couvroit sa pensée, Que les loups de son temps n'alloient point à l'école; Alloit précipitant la rage et le dessein, S'approche, plus sçavante, en volonté de lire. Le mulet prend le temps, et, du grand coup qu'il tire, Alors le loup s'enfuit, voyant la bête morte, Et de son ignorance ainsi se réconforte : « N'en déplaise aux docteurs, cordeliers, jacobins, Pardieu! les plus grands clercs ne sont pas les plus fins. » Cet apologue offre des traits que La Fontaine n'a pas tous surpassés; il est plein de vivacité et d'animation. On sent qu'on approche de La Fontaine, et pourtant entre La Fontaine 1. Conf. La Fontaine, livre V, fable vin, et livre XII, fable xvII. |