FABLE XIV. LE LION MALADE ET LE RENARD. De par le roi des animaux, Qui dans son antre étoit malade, 1 Fut fait savoir à ses vassaux 1 Un d'eux en dit cette raison : Les pas empreints sur la poussière Par ceux qui s'en vont faire au malade leur cour, Pas un ne marque de retour : 1. Ces formules, prises dans la société des hommes, et transportées dans celle des bêtes, ont le double mérite d'être plaisantes, et de nous rappeler sans cesse que c'est de nous qu'il s'agit dans les fables. (CHAMFORT.) 2. Sélis avait, dans une leçon de littérature, développé cette fable. Quelqu'un lui demanda d'un air triomphant comment les renards gardant la maison avaient pu apercevoir les pas empreints sur la poussière.— « En mettant le nez à la fenêtre, » répondit le professeur encore tout inspiré du génie de La Fontaine. (SOLVET.) Cela nous met en méfiance. Je le crois bon : mais dans cet antre FABLE XV. L'OISELEUR, L'AUTOUR ET L'ALOUETTE. Les injustices des pervers Servent souvent d'excuse aux nôtres. Telle est la loi de l'univers : SI TU VEUX QU'ON T'ÉPARGNE, ÉPARGNE AUSSI LES AUTRES. Un manant au miroir prenoit des oisillons. Sur celle qui chantoit, quoique près du tombeau. Lorsque, se rencontrant sous la main de l'oiseau, Pendant qu'à la plumer l'autour est occupé, 1. VAR. La Fontaine a mis maline dans toutes les éditions qu'il a publiées, non que ce mot s'écrivit de son temps différemment qu'on ne le fait aujourd'hui, mais parce qu'il a usé du privilége qu'avaient les poëtes d'altérer quelquefois légèrement la prononciation ou l'orthographe de certains mots pour les assujettir à la rime. Seule, l'édition de 1692, sous la date de 1678, porte maligne. (W.) Le mot ongle était déjà masculin du temps de La Fontaine, ainsi que le constate la première édition du dictionnaire de l'Académie française. Ce mot vient toutefois d'ungula, qui est féminin en latin, et il y a eu longtemps incertitude dans notre vieille langue sur le genre auquel il appartenait. Oiseleur, laisse-moi, dit-il en son langage; Je ne t'ai jamais fait de mal. L'oiseleur repartit: Ce petit animal T'en avoit-il fait davantage? FABLE XVI. LE CHEVAL ET L'ANE. En ce monde il se faut l'un l'autre secourir C'est sur toi que le fardeau tombe. Un âne accompagnoit un cheval peu courtois, Tant qu'il vit sous le faix mourir son camarade, Du baudet en cette aventure 1. Devant qu'être à la ville. Malherbe disait de même : Et qu'avant qu'être à la fête De si pénible conquête... 1 (Ode au roi Henri le Grand, sur l'heureux succès du voyage de Sedan.) 2. La voiture, pour la charge, le fardeau. |