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FABLE X.

LA MONTAGNE QUI ACCOUCHE.

Une montagne en mal d'enfant
Jetoit une clameur si haute

Que chacun, au bruit accourant,
Crut qu'elle accoucheroit sans faute
D'une cité plus grosse que Paris :
Elle accoucha d'une souris.

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Que firent les Titans au maître du tonnerre.

C'est promettre beaucoup : mais qu'en sort-il souvent?

Du vent.

FABLE XI.

LA FORTUNE ET LE JEUNE ENFANT.

Sur le bord d'un puits très-profond
Dormoit, étendu de son long,

Un enfant alors dans ses classes:
Tout est aux écoliers couchette et matelas.
Un honnête homme, en pareil cas,
Auroit fait un saut de vingt brasses.
Près de là tout heureusement

La Fortune passa, l'éveilla doucement,

Lui disant Mon mignon, je vous sauve la vie;

:

Soyez une autre fois plus sage, je vous prie.
Si vous fussiez tombé, l'on s'en fût pris à moi ;
Cependant c'étoit votre faute.

Je vous demande, en bonne foi,

Si cette imprudence si haute

Provient de mon caprice. Elle part à ces mots.
Pour moi, j'approuve son propos.

Il n'arrive rien dans le monde

Qu'il ne faille qu'elle en réponde :

Nous la faisons de tous écots; 1

1

Elle est prise à garant de toutes aventures.
Est-on sot, étourdi, prend-on mal ses mesures;
On pense en être quitte en accusant son sort :
Bref, la Fortune a toujours tort.

1. VAR. Dans la réimpression de l'édition de 1692, sous la date de 1678, on a mis à tort échos. (W.)

FABLE XII.

LES MÉDECINS.

Le médecin Tant-pis alloit voir un malade
Que visitoit aussi son confrère Tant-mieux.
Ce dernier espéroit, quoique son camarade
Soutînt que le gisant iroit voir ses aïeux.
Tous deux s'étant trouvés différents pour la cure,
Leur malade paya le tribut à nature,

Après qu'en ses conseils Tant-pis eut été cru.
Ils triomphoient encor sur cette maladie.
L'un disoit Il est mort; je l'avois bien prévu.

S'il m'eût cru, disoit l'autre, il seroit plein de vie.

FABLE XIII.

LA POULE AUX OEUFS D'OR.

L'avarice perd tout en voulant tout gagner.
Je ne veux, pour le témoigner,

Que celui dont la poule, à ce que dit la fable,
Pondoit tous les jours un œuf d'or.

Il crut que dans son corps elle avoit un trésor ;
Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable
A celles dont les œufs ne lui rapportoient rien,
S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien.

Belle leçon pour les gens chiches! 1

Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus
Qui du soir au matin sont pauvres devenus

Pour vouloir trop tôt être riches!

1. M. Geruzez fait observer avec raison que chiche n'est point ici le mot propre. Cupide est le mot qui rendrait l'idée et l'intention de l'auteur, car la leçon s'adresse à ceux qui veulent s'enrichir trop vite.

FABLE XIV.

L'ANE PORTANT DES RELIQUES.

Un baudet chargé de reliques
S'imagina qu'on l'adoroit:

Dans ce penser il se carroit,

Recevant comme siens l'encens et les cantiques.
Quelqu'un vit l'erreur, et lui dit :

Maître baudet, ôtez-vous de l'esprit
Une vanité si folle.

Ce n'est pas vous, c'est l'idole

A qui cet honneur se rend,

Et que la gloire en est due.'

D'un magistrat ignorant

C'est la robe qu'on salue.

1. Il faudrait, pour que la phrase fût correcte: Et à qui la gloire en est due. (N.)

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