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1. Françoise-Marguerite de Sévigné, fille de la célèbre Mme de Sévigné. Elle avait à peu près vingt ans lorsqu'en 1668 La Fontaine fit paraître cette fable qu'il lui avait dédiée. Ce fut un an après, le 29 janvier 1669, qu'elle épousa M. de Grignan. (W).

2. Mme de Sévigné, dans une lettre écrite à sa fille, en date du 22 septembre 1680, lui dit : « D'abord on vous craint; vous avez un air dédaigneux; on n'espère pas pouvoir être de vos amis. »

Et voir, sans vous épouvanter,
Un lion qu'Amour sut dompter?
Amour est un étrange maître.
Heureux qui peut ne le connoître
Que par récit, lui ni ses coups!
Quand on en parle devant vous,
Si la vérité vous offense,

La fable au moins se peut souffrir:
Celle-ci prend bien l'assurance
De venir à vos pieds s'offrir,
Par zèle et par reconnoissance.

Du temps que les bêtes parloient',
Les lions entre autres vouloient
Être admis dans notre alliance.
Pourquoi non? puisque leur engeance
Valoit la nôtre en ce temps-là,
Ayant courage, intelligence,

Et belle hure outre cela.
Voici comment il en alla :

Un lion de haut parentage,
En passant par un certain pré,
Rencontra bergère à son gré :
Il la demande en mariage.

1. Exorde devenu très-commun depuis Ésope. Rabelais en a fait usage: « Au temps que les bestes parloient (il n'y a pas trois jours), un pauvre lion, etc.» (Liv. II, chap. xv.) Un poëte français ajoute :

Ce temps est plus voisin du nôtre qu'on ne pense.

(Élite des Poésies fugitives, t. I, p. 230.)

1.

Le père auroit fort souhaité

Quelque gendre un peu moins terrible.
La donner lui sembloit bien dur:

La refuser n'étoit pas sûr;

Même un refus eût fait, possible,
Qu'on eût vu quelque beau matin
Un mariage clandestin :

Car, outre qu'en toute manière
La belle étoit pour les gens fiers,
Fille se coiffe volontiers
D'amoureux à longue crinière.
Le père donc ouvertement
N'osant renvoyer notre amant,
Lui dit Ma fille est délicate;
Vos griffes la pourront blesser
Quand vous voudrez la caresser.
Permettez donc qu'à chaque patte
On vous les rogne; et pour les dents,
Qu'on vous les lime en même temps:
Vos baisers en seront moins rudes,
Et pour vous plus délicieux;
Car ma fille y répondra mieux,
Étant sans ces inquiétudes.
Le lion consent à cela,

Tant son âme étoit aveuglée!
Sans dents ni griffes le voilà,
Comme place démantelée.

E vivrem teco poi lieti, et sicuri;
E tu ti goderai con dolce pace
L'amata spoza alle tue voglie pronta.

VERDIZOTTI, p. 223, édit. 1661.

On lâcha sur lui quelques chiens :
Il fit fort peu de résistance.

Amour! Amour! quand tu nous tiens,

On peut bien dire : Adieu prudence!'

1. VAR. Dans les deux premières éditions in-4° et in-12, publiées en 1668 et 1669, on trouve à la suite de ces vers les six vers suivants, que La Fontaine a depuis supprimés:

Par tes conseils ensorcelants

Ce lion crut son adversaire :
Hélas! comment pourrois-tu faire
Que les bêtes devinssent gens,
Si tu nuis aux plus sages têtes,
Et fais les gens devenir bêtes"

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