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n'auroit grand vigueur; de plus, disoit que, habitant la maison d'un laboureur, icelui lui faisoit mille maux, comme la mener à toutes heures aux champs et là extraordinairement travailler, tracasser, aller aux vignes, fendre du bois, fagoter, relier tonneaux, moissonner, somme tant barbouiller qu'elle vouloit et concluoit par ses moyens que s'il avoit délibéré la tenir là plus longuement en cet état, elle protestoit d'injure.

« Voilà sa requête, laquelle Jupiter ne voulut dépescher sans que préalablement n'eust vu celle de l'Yraigne, qui ne concluoit qu'au contraire et à toutes forces demandoit congé de librement habiter les maisons des pauvres gens, quittant, cédant et transportant le droit qu'elle pouvoit prétendre aux maisons des riches. Car, au moyen qu'on la brouilloit, tourmentoit sur son écot, chassoit avec force balais, elle n'entendoit plus y être, implorant Sa Majesté lui assigner quelque coin où elle pût sûrement et librement baliverner. Beaucoup d'autres bonnes choses étoient contenues là dedans.

« Tout quoi ayant lu d'un fin bout jusqu'à l'autre, Jupiter, haussant une main en l'air et croulant la tête, dit qu'il y donneroit telle provision que de raison. Il appelle ses maîtres de requêtes, sans admettre cause d'absence. Mme la Goutte et damoiselle Yraigne assistèrent là par grande honnêteté. Le tout vu au net, fut dit et appointé que l'Yraigne, changeant de logis, demeureroit paisiblement, sans lui faire tort ne violence, aux maisons du pauvre populaire. Au reste, que dame Goutte, suivant sa requête et légitime et civile, laissant les maisonnettes des pauvres gens, iroit habiter aux cours des gros seigneurs, gentilshommes (j'entends des otieux), chez présidents, conseillers, avocats, marchands. Et dès lors fut donné commissaire pour les mettre en possession respective. »

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FABLE IX. Le Loup et la Cicogne. Esop., 144, 94. - Phæd., I, 8. Alexander Neckam, fable 1.1

Dans l'Ysopet de 1333, il y a de jolis détails :

De Montpellier estoit venue

Madame Hauteve la grue,

Qui de physique (medecine) avoit licence...

1. V. Poésies inédites du moyen âge, publiées par. Ed. de Méril, p. 176.

FABLE X. Le Lion abattu par l'Homme. Æsop., 223, 169.

FABLE XI. Le Renard et les Raisins. Esop., 159, 170.— Phæd.. IV, 3.

On trouve cette fable dans la quatrième lettre attribuée à Abailard et dans la chanson de geste d'Amis et Amile.

FABLE XII. Le Cygne et le Cuisinier. Esop., 74, 288.

Quant à la réalité du chant du cygne, La Fontaine en faisait lui-même bon compte:

« Ce n'est pas, dit-il en un autre endroit de ses œuvres, que tous les cygnes chantent en mourant. Bien que cette tradition soit fort ancienne, on peut en douter sans impiété, aussi bien que de plusieurs autres articles de la croyance des poëtes. » (Fragm. du Songe de Vaur.)

FABLE XIII. Les Loups et les Brebis. Æsop., 241, 211.

FABLE XIV. Le Lion devenu vieux. Phæd., I, 21.

Dans quelques fables du moyen âge, ce n'est pas un lion qui est exposé à ces outrages, c'est un loup; au lieu d'un roi, ce n'est plus qu'un baron féodal maltraité par ses vassaux.

Ménage avait, dans une fable latine qui date de 1652, changé le dénoûment. Le vieux lion est harcelé par les chiens. A une dernière insulte, il rassemble ce qui lui reste de force, étend la griffe et brise la tête d'un aboyeur. Aussitôt tous les chiens s'enfuient la queue entre les jambes et cessent d'outrager le vieux lion.

FABLE XV. Philomèle et Progné. Esop., 152, 260.

Térée, roi de Thrace, ayant, dans un bois écarté, outragé et cruellement mutilé Philomèle, sœur de Progné, sa femme, les deux sœurs s'en vengèrent en tuant le fils de ce prince, et en le lui donnant à manger. Philomèle fut changée en rossignol, et Progné en hirondelle. OVID., Métamorph., lib. VI, 13.

FABLE XVI. La Femme noyée. Poggii facetiæ, fac. 60. Verdizotti, 54, d'un Marito che cercava al contrario del fiume la Moglie affogata.

Nos aïeux ne tarissaient pas en railleries sur l'esprit de contradiction des femmes. Ce bon mot, que La Fontaine a admis dans

ses fables, est un des traits les plus inoffensifs qu'il pouvait recueillir dans cette abondante matière. Il est dans les Latin stories publiées par M. Wright, p. 13: De muliere contraria viro suo. Traduisons ce récit:

« J'ai entendu parler d'une méchante femme qui était toujours en désaccord avec son mari et qui faisait toujours le contraire de ce qu'il lui demandait. Un jour qu'il avait invité des amis à dîner, la table avait été mise dans le jardin, près d'une rivière qui y coulait. La femme était assise du côté de l'eau, elle recevait d'un air disgracieux les convives et se tenait à quelque distance de la table. Le mari lui dit : « Montrez un visage riant « à nos hôtes et approchez-vous de la table. » A ces mots, elle écarta encore son siége de la table et se recula jusqu'au bord de la rivière. L'époux, irrité, lui répéta: « Approchez-vous donc de « la table. » Elle fit un mouvement pour s'en éloigner encore plus et tomba dans l'eau, où elle disparut. L'époux se jeta dans une barque, et avec une grande perche se mit à naviguer en remontant le courant. Les voisins lui demandèrent pourquoi il cherchait sa femme en amont au lieu de la chercher en aval, comme il l'aurait dû. Il répondit: « Ne connaissez-vous donc pas ma « femme? Elle faisait toujours l'opposé de ce que la raison lui «< commandait de faire, et je suis sûr qu'elle n'aura pas voulu « descendre le courant de l'eau comme tout le monde, mais « qu'elle l'aura remonté. »>

Marie de France a rimé la même anecdote (fable xcvi de l'édition de Roquefort). C'est aux gens qui cherchent sa femme que le mari donne le conseil de la chercher en remontant le cours de l'eau. Il ne le met pas en pratique lui-même.

Voyez aussi le Livre du chevalier de Latour Landry pour l'instruction de ses filles.

Comme pendant à cette anecdote, on peut citer le fabliau du Pré tondu. Un mari et sa femme traversent un pré. « Voilà un pré bien fauché, » dit le mari. « Il a été tondu, et non fauché, »> réplique la femme, contredisant suivant sa coutume. Là-dessus s'élève une dispute interminable. Le mari, furieux, précipite sa femme dans une fontaine où il la plonge jusque par-dessus la tête. La tenant ainsi par les cheveux, il lui dit : « Ce pré a été fauché. >> Elle, ne pouvant ouvrir la bouche à cause de l'eau,

levait les bras au-dessus de sa tête et faisait signe avec ses doigts que le pré avait été tondu.

FABLE XVII. La Belette entrée dans un grenier. Æsop., 161, 12. Horat., Ep. lib. I, v. 29.

Cet apologue a été appliqué à divers animaux; au renard d'abord, au loup ensuite, au serpent (V. dans notre étude générale l'apologue attribué au roi Théodebald par Grégoire de Tours). La Fontaine a préféré la belette, sans doute à cause du corps long et fluet.

Dans le Roman de Renard, Renard conduit son compère Ysengrin dans un lardier, où l'on ne peut entrer que par un trou fort étroit. Ysengrin à jeun entre sans peine, mais gorgé de viandes, il ne peut pas sortir, et les gardiens du logis, mis en éveil, le bâtonnent jusqu'à ce qu'il ait tout rendu, et il s'enfuit à demi écorché. Les sermonnaires du xir et du x siècle citaient fréquemment cet apologue, et ils concluaient : « Ainsi, quand un usurier, engraissé du bien d'autrui, sort de ce monde, dépouillé même de sa peau, les démons le fouettent impitoyablement en enfer. 1 »

La Fontaine glisse fort rapidement, on l'a remarqué, sur les applications qu'on peut faire de cet apologue:

Ce que je vous dis là, l'on le dit à bien d'autres,
Mais ne confondons point, par trop approfondir,
Leurs affaires avec les nôtres.

Est-ce le souvenir de Fouquet ou la crainte des traitants qui l'empêchait d'être plus explicite? Nodier n'y voit qu'un trait de bon goût : « La Fontaine n'a pas cru avoir besoin d'une affabulation. Il a laissé dans la bouche du rat cette remarque malicieuse, et la réticence non moins épigrammatique dont elle est brusquement suivie. On sent avec quelle finesse le poëte châtie, sans se montrer, le ridicule qu'il a en vue, en enfermant le résultat moral de sa narration dans la contexture de sa narration même. >>

1. Sic dæmones usurarium, cum per congregationem rerum fuerit inflatus, a pelle carnis exutum, anim im in inferum fustigabunt.

FABLE XVIII. Le Chat et le vieux Rat. Esop., 28, 67. —-Phæd., - Faerno, 59.

IV, 1.

Nous avons indiqué dans notre étude générale la variante assez curieuse de Marie de France: Du Cat ki se fist evesque.

La Fontaine finit ce troisième livre, comme le premier, par un chef-d'œuvre.

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