Vous êtes maigre entrée, il faut maigre sortir. 1 Ce que je vous dis là, l'on le dit à bien d'autres ; Mais ne confondons point, par trop approfondir, Leurs affaires avec les vôtres. 1. C'est le trait d'Horace avec toute sa précision : FABLE XVIII. LE CHAT ET LE VIEUX RAT. J'ai lu, chez un conteur de fables, 1 Qu'un second Rodilard, 1 l'Alexandre des chats, L'Attila, le fléau des rats, Rendoit ces derniers misérables: J'ai lu, dis-je, en certain auteur, Vrai Cerbère, étoit craint une lieue à la ronde : Comme il voit que dans leurs tanières Qu'elles n'osoient sortir, qu'il avoit beau chercher; : A de certains cordons se tenoit par la patte. 1. Rodilard, premier du nom, est le Rodilardus de la fable i du second livre. Toutes, dis-je, unanimement, Se promettent de rire à son enterrement, Puis ressortant, font quatre pas, Mais voici bien une autre fête : Le pendu ressuscite, et sur ses pieds tombant, Nous en savons plus d'un, dit-il en les gobant : Il prophétisoit vrai notre maître Mitis 1 Et, de la sorte déguisé, Se niche et se blottit dans une huche ouverte. La gent trotte-menu s'en vient chercher sa perte. 1. Mitis, qui en latin signifie doux, est un surnom qui convient bien à la mine hypocrite du chat. 2. Les joue. Le mot affiner n'est plus usité dans ce sens; mais on l'employait encore, avec cette signification, du temps de La Fontaine, puisqu'on le trouve dans Nicot, qui cite cet exemple : « Affiner un trompeur, circumventorem circumvenire. » Marot a dit : Fuyez du tout, fuyez la garse fine Qui sous beaux dits un vray amant affine. Élég. XIV. Et dans Rabelais on trouve (prologue du liv. IV): «Par leur astuce sera trompé et affiné. » Ce bloc enfariné ne me dit rien qui vaille, Car, quand tu serois sac, je n'approcherois pas. C'étoit bien dit à lui; j'approuve sa prudence. Et savoit que la méfiance Est mère de la sûreté. 1 1. VAR. Dans la première édition des six premiers livres des fables, 1668, in-4o, et dans la seconde édition, 1669, in-12, ce troisième livre a deux fables de plus, savoir, celles qui sont intitulées l'OEil du Maître, et l'Alouette et ses Petits. Ces deux fables ont été transportées par La Fontaine à la fin du quatrième livre, dans la troisième édition de ces six premiers livres, qu'il fit paraître en 1678. FIN DU TROISIÈME LIVRE. LIVRE III. SOURCES, RAPPROCHEMENTS, COMMENTAIRES. FABLE I. Le Meunier, son Fils et l'Ane. Cette fable a une longue généalogie. Elle est dans Ésope, au moins dans le recueil de Camérarius. Elle est dans les ouvrages arabes ou turcs qui dérivent du livre indien de Sendabad, et dans l'Historia septem sapientum, qui en vient également. Elle avait cours au moyen âge. Voyez dans les Latin stories, publiées par M. Wright, la fable CXLIV, de Sene et Asino. Le meunier monte d'abord sur l'âne, et son fils le suit; comme on y trouve à redire, il fait ensuite monter son fils sur l'âne et va à pied. Puis, comme on se moque de ce jeune homme agile et vigoureux qui se fait porter par un âne, le fils descend de sa monture et ils cheminent tous deux derrière l'âne. On critique alors le soin qu'ils prennent de leur bête. Ils montent dessus tous deux. On leur crie qu'ils vont tuer le pauvre animal. Enfin, ils lient les pattes de l'âne et le portent entre eux comme un lustre. On les traite d'imbéciles et de fous. Toutes les péripéties y sont, comme on le voit, mais non suivant le même ordre que dans le récit de La Fontaine. La conclusion est identique: Fili, ex isto vides quod quicquid feceris judicaberis. Elle est dans le Comte Lucanor de l'Espagnol don Juan Manuel, 1. Esopus Camerarii, 185. Fabulæ Æsopicæ, plures quingentis, etc. Lipsiæ, 1564, in-8. |