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A cette vue le cheval frissonna et trembla d'horreur et d'é

pouvante.

« Voici des jambes plus hautes et plus effilées, dit Jupiter; voici un long cou de cygne, une plus large poitrine, une selle donnée par la nature! Veux-tu, cheval, que je te métamorphose ainsi? »

Le cheval tremblait encore.

« Va, continua Jupiter; la leçon, cette fois, sera exempte de châtiment. Mais pour exciter parfois en toi un souvenir repentant de ta témérité, continue de subsister, toi, nouvelle créature (Jupiter, en parlant ainsi, jetait sur le chameau un regard de conservation), et que le cheval ne te voie jamais sans frémir! »

FABLE XVIII. La Chatte métamorphosee en Femme. Æsop., 172, 48.

Nous avons dit, dans notre étude sur la Fable, que cette idée d'une chatte métamorphosée en femme avait paru peu acceptable aux fabulistes du moyen âge et en particulier à Marie de France, et l'on a vu comme elle s'était permis de modifier l'anecdote. La même vérité générale a, de plus, inspiré un grand nombre d'apologues, et Marie de France notamment a écrit la jolie fable du Prêtre qui enseigne au Loup l'alphabet, laquelle montre également la force du naturel, et prouve que « les loups vieillissent dans la peau où ils sont nés. » Le digne prêtre instruit le loup et veut le convertir aux bonnes doctrines. Le loup se laisse faire assez docilement. « A, B, C, » dit le prêtre indiquant les lettres. « A, B, C, » répète le loup après son précepteur. « Maintenant dites seul,» reprend celui-ci. Le loup essaye d'épeler : « A, fait-il, Agneau, Agneau. » Ce qui est dans la pensée vient toujours aux lèvres.

Voyez encore, dans notre étude générale, la fable de l'Autour et du petit Busard.

FABLE XIX. Le Lion et l'Ane chassant. Phædr., II, 11; 130, 99.

Esop.,

L'Ysopet de 1333 raconte spirituellement la chasse du lion et de l'âne; le lion dit à l'âne :

« Tais-toi, Bernart;

Bien en as desservi ta part. >>

Dont cuida Bernart l'oreillu,
Le fol, le lourd et le pelu,

Pour le braire qu'il avoit fait

Que pour égal au lion estoit.

Le lion dit, comme celui de La Fontaine :

Je meismes paour éusse

De toy, se je ne te cognusse.

Une autre fable analogue à celle-ci, mais qui contient une leçon un peu différente, se trouve dans les Latin Stories of the thirteenth and fourteenth centuries, publiées par M. Wright, p. 50, Fabula de Columbis et duce:

L'épervier a ravi une colombe et l'a dévorée. Les autres colombes tiennent conseil pour savoir à qui elles se plaindront. << Allons nous plaindre au grand-duc, disent-elles. C'est un oiseau grave et sévère, à la tête grosse, aux grandes ailes : il doit être bon justicier. » Elles vont trouver le grand-duc et lui exposent comment leur compagne a été enlevée. Leur plainte entendue, le grand-duc, avec un son caverneux, répond : « Clock! » d'un air imposant. « Quelle voix tonnante! s'écrient les colombes; à coup sûr il ne fera qu'un coup de bec de l'épervier! » Elles s'en retournent donc enchantées. Mais voilà l'épervier qui revient et qui dérobe une autre colombe. Les colombes revolent vers le grand-duc, disant : « Fais-nous justice! Clock!» répond le grand - duc non moins solennellement que la première fois. << Comme il est en colère! s'écrient les colombes; certes il nous rendra bonne justice. » Une troisième colombe devient bientôt la victime de l'épervier rapace. Les colombes reviennent demander vengeance, et la même réponse : « Clock!» leur est faite. « Qu'est-ce que signifie cet éternel clock? disent les colombes; cet animal est un sot et un trompeur! » Et, irritées, elles se mettent à poursuivre et insulter le grand-duc, qui est obligé de s'aller cacher dans quelque crevasse de muraille ou de rocher. Et chaque fois qu'il se montre pendant le jour, tous les oiseaux qui ont appris des colombes leur aventure font comme elles et houspillent le prétendu justicier. La fière attitude, les belles paroles, quand elles ne sont pas suivies d'actes qui justifient l'attente qu'elles font naître, n'inspirent pas longtemps le respect.

Lessing ajoute deux traits au récit ésopique : La corneille se moque du lion qui prend l'âne pour compagnon. « A celui qui peut m'être utile, réplique le lion, je puis bien permettre de marcher à mes côtés. » Un autre âne rencontrant le couple chasseur, et criant: « Bonjour! » à son frère : « Insolent! » répond celui-ci, enorgueilli par son rôle.

FABLE XX. Testament expliqué par Ésope. Phæd., IV, 5.

Le peuple s'étonna comme il se pouvoit faire

Qu'un homme seul eût plus de sens

Qu'une multitude de gens.

L'étonnement du peuple n'est pas très-justifié. Le cas est assez ordinaire, et l'histoire va plus loin que la fable: « Le plus grand malheur des hommes, disait déjà Hérodote (liv. IX, ch. xvi), c'est que les plus sages d'entre eux sont toujours ceux qui ont le moins de crédit. »

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Le baudet n'en peut plus; u mourra sous leurs coups

Garnier freres. Editeurs

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