FABLE XIII. L'ASTROLOGUE QUI SE LAISSE TOMBER DANS UN PUITS. Un astrologue un jour se laissa choir Au fond d'un puits. On lui dit : Pauvre bête, Cette aventure en soi, sans aller plus avant, Ne se plaisent d'entendre dire Qu'au livre du Destin les mortels peuvent lire. 2 Et parmi nous, la Providence? Or, du hasard il n'est point de science : De l'appeler hasard, ni fortune, ni sort: Quant aux volontés souveraines De celui qui fait tout, et rien qu'avec dessein, 1. C'est-à-dire Euripide et Platon (Prométhée, v. 513; Républ., liv. X), auteurs que La Fontaine considère comme appartenant à Homère, parce qu'ils ont écrit sous l'inspiration de ce grand poëte. 2. Qu'est-ce, si ce n'est le hasard. Auroit-il imprimé sur le front des étoiles Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles? De ceux qui de la sphère et du globe ont écrit ? Tous les jours sa clarté succède à l'ombre noire, D'amener les saisons, de mûrir les semences, Quittez les cours des princes de l'Europe : 3 C'est l'image de ceux qui bâillent aux chimères, 1. C'est-à-dire les alchimistes, ceux qui cherchent la pierre philosophale. Le mot souffleur était très-usité, dans cette acception, du temps de La Fontaine. 2. Spéculateur, celui qui examine, qui observe; ici l'astrologue. Du latin speculari. 3. La Fontaine, dans toutes les éditions qu'il a publiées, a écrit baaillent, selon l'orthographe de son temps; depuis on a remplacé les deux a par l'ac Cependant qu'ils sont en danger, Soit pour eux, soit pour leurs affaires. cent circonflexe, ce qu'il ne faut pas oublier pour distinguer ce verbe d'avec celui de bailler, sans accent sur l'a, qui veut dire, donner. Dans l'édition des Fables de La Fontaine publiée par M. Didot aîné en 1813, on a substitué au mot báillent celui de bayent. (W.) FABLE XIV. LE LIÈVRE ET LES GRENOUILLES. Un lièvre en son gîte songeoit, Car que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe? Sont, disoit-il, bien malheureux! Ils ne sauroient manger morceau qui leur profite : Il étoit douteux,1 inquiet : Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnoit la fièvre. 1. Douteux s'est appliqué longtemps aux personnes aussi bien qu'aux choses. Regnier s'en est servi très-heureusement en peignant le vieillard Imbécile, douteux, qui voudroit et qui n'ose; Racine également a dit : Oui, Taxile, mon cœur, douteux en apparence. Et Boileau lui-même, dans son épître au grand Arnauld : Toujours douteux, chancelant et volage. Le mélancolique animal, En rêvant à cette matière, Entend un léger bruit ce lui fut un signal Il s'en alla passer sur le bord d'un étang. Qu'on m'en fait faire! Ma présence Effraie aussi les gens! je mets l'alarme au camp! Et d'où me vient cette vaillance? Comment! des animaux qui tremblent devant moi! Il n'est, je le vois bien, si poltron sur la terre, |