FABLE VII. LA LICE ET SA COMPAGNE. 1 Une lice étant sur son terme, Et ne sachant où mettre un fardeau si pressant, Ce second terme échu, l'autre lui redemande La lice cette fois montre les dents, et dit : Ses enfants étoient déjà forts. Ce qu'on donne aux méchants, toujours on le regrette : Il faut que l'on en vienne aux coups; 1. La lice est la femelle du chien de chasse. FABLE VIII. L'AIGLE ET L'ESCARBOT. L'aigle donnoit la chasse à maître Jean lapin, : Étoit sûr mais où mieux? Jean lapin s'y blottit. L'escarbot intercède et dit : Princesse des oiseaux, il vous est fort facile C'est mon voisin, c'est mon compère. L'étourdit, l'oblige à se taire, Enlève Jean lapin. L'escarbot indigné Vole au nid de l'oiseau, fracasse en son absence 1. L'aigle est au féminin dans toute cette fable, et il le fallait; La Fontaine parle d'une mère. Au reste, il paraît que, de son temps, on employait indifféremment l'un et l'autre genre; car il a également usé du féminin dans sa prose, comme on peut le voir à la fin de la Vie d'Ésope. (N.) 2. Gros insecte volant. On a peine à se figurer le lapin se cachant dans le trou de l'escarbot; c'est la convention, bien plus que la vraisemblance, qui règne dans l'apologue. Ses œufs, ses tendres œufs, sa plus douce espérance : L'aigle étant de retour, et voyant ce ménage, L'an suivant, elle mit son nid en lieu plus haut. L'oiseau qui porte Ganymede Du monarque des dieux enfin implore l'aide, Hardi qui les iroit là prendre. Aussi ne les y prit-on pas. Leur ennemi changea de note, Sur la robe du dieu fit tomber une crotte : Elle menaça Jupiter D'abandonner sa cour, d'aller vivre au désert, 1 Avec mainte autre extravagance. Le pauvre Jupiter se tut 1. VAR. Après ce vers, dans la première édition in-4°, 1668, et dans la seconde, 1669, in-12, on lit celui-ci : De quitter toute dépendance. Mais La Fontaine a retranché ce vers, inutile et faible, dans l'édition de 1678. Devant son tribunal l'escarbot comparut, Fit sa plainte, et conta l'affaire. On fit entendre à l'aigle, enfin, qu'elle avoit tort. FABLE IX. LE LION ET LE MOUCHERON. Va-t'en, chétif insecte, excrément de la terre! Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de roi Un bœuf est plus puissant' que toi; A peine il achevoit ces mots Que lui-même il sonna la charge, Puis prend son temps, fond sur le cou Le quadrupède écume, et son œil étincelle; 2 Il rugit. On se cache, on tremble à l'environ; Est l'ouvrage d'un moucheron. Un avorton de mouche en cent lieux le harcelle; 1. Puissant exprime ici la grosseur de la taille. Cette acception est indiquée dans la première édition du Dictionnaire de l'Académie, et elle est encore d'usage dans le style familier et populaire. (A. M.) 2. « Le lion en colère ne rugit point, dit Buffon. Le rugissement est la voix ordinaire du lion, et, lorsqu'il est en colère, il a un autre cri qui est court, réitéré subitement, et plus terrible encore que le rugissement. » |