Page images
PDF
EPUB

DA- chaffe, se donna une violente entorse RIUS. au pié, & que son talon se déboita. Les Egyptiens paffoient alors pour les plus habiles dans la médecine, & le Roi en avoit plusieurs auprès de lui. Ancien- Ils entreprirent de le traiter, & déploierent tout leur art dans une occa

nement les mê

mes exer

sion si importante: mais ils s'y prirent goient la fi mal adroitement & fi durement en médecine lui maniant le pié, qu'ils lui cauferent &la chi- des douleurs incroiables; & il fut fept Surgie. jours & fept nuits fans dormir. Quel

qu'un pour lors indiqua Démocede, dont il avoit entendu parler à Sardes comme d'un médecin très habile. It étoit actuellement en prifon. On le fit venir fur le champ dans l'état où on le trouva, c'est-à-dire avec ses chaînes, & avec un habit fort mal propre. Le. Roi lui demanda s'il avoit quelque connoiffance de la médecine. Il le nia d'abord par la crainte quil avoit que s'il faisoit preuve de fon art, on ne le retînt en Perfe, & qu'il ne fût privé pour toujours de la vûe de sa patrie, pour laquelle il avoit une extrême paffion. Darius, mécontent de fa réponse, ordonna qu'on le mît à la queftion. Il falut avouer la vérité. Voila. donc Démocede reconnu pour méde

cin. Il commence par appliquer des DAfomentations douces fur la partie ma- RIUS. lade. L'effet du remede fut prompt. Le sommeil revint au Roi, & en peu de jours il fut parfaitement guéri, & le talon fut remis à sa place. Darius lui fit présent de deux paires de chaînes d'or. Démocede lui demanda s'il prétendoit le bien récompenfer de l'heureux succès de fa cure, en doublant fon mal. Ce mot fit rire le Roi: il le fit conduire par les Eunuques chez ses femmes, pour leur montrer celui à qui il étoit redevable de sa santé. Elles le comblerent toutes de présens magnifiques, & ce jour seul l'enrichit extrêmement.

Ce Démocéde étoit de Crotone, Herod. ville de la Grande Grece en Italie dans lib. 3. la Calabre ultérieure, d'où les mauvais cap. 131. traitemens de fon pere l'avoient obli

&l'Atti.

que.

gé de fortir. Il avoit paffé en Egine, où Isle entre il commença à se faire connoître par le Péloplusieurs cures fort heureuses: les ha- ponnese bitans lui affurerent par an un talent. Le talent avoit foixante mines, & revenoit à trois mille livres de notre monnoie. Quelque tems après il fut appellé à Athénes, où l'on fit monter ses appointemens à cinq mille livres

par

DA- par an. Enfin il s'établit chez PolyRIUS. crate Tyran de Samos, qui lui donna deux mille écus. Il est honorable aux Deux ta. Villes & aux Princes de s'attacher lens. par des établissemens honnêtes, & par des pensions considérables, des perfonnes utiles au public, en les attirant mème des pays étrangers. Les Crotoniates, depuis ce tems-là, pafferent pour les plus habiles des médecins, & après eux ceux de Cyréne dans l'Afrique. Les Argiens, dans le même tems, avoient la réputation d'exceller dans la musique.

Herod.

Démocede, depuis la guérision du lib. 3. Roi, devint fort puissant à Suse, & il cap. 132. avoit l'honneur de manger à sa table. Il obtint la grace des médecins d'Egypte, qui avoient tous été condannés à être pendus pour avoir été moins habiles que le médecin de Grece, comme s'ils eussent été tenus de répondre du succès, & que ce fût un crime de ne pouvoir guérir un Prince. Etrange abus & effet affez ordinaire d'une puissance sans bornes, qui n'est point conduite par la raison ni par l'équité, qui est accoutumée à voir tout plier sous ses ordres, & qui prétend que ses volontés quelles qu'elles foient,

2

foient, ne doivent jamais demeurer DAfans exécution? On a vû quelque cho-RIUS. se de pareil dans l'histoire de Nabucodonofor, qui prononça un arret de mort généralement contre tous les Mages, parce qu'ils n'avoient pu deviner le fonge qu'il avoit eu pendant la nuit, & qu'il avoit lui-meme oublié. Démocede tira auffi de la prifon plusieurs de ceux qu'on y avoit mis avec lui. Il étoit dans une abondance universelle, & avoit un crédit extrême auprès du Roi. Mais il étoit éloigné de fa patrie, & il tournoit fans celle ses regards & ses desirs vers la Grece. Une autre cure contribua encore Cap. 135. beaucoup à augmenter la réputation 137. & le crédit de Démocede. Atoffe, fille de Cyrus, & l'une des femmes du Roi, fut attaqueé d'un cancer au fein. Tant que la douleur fut médiocre, elle la supporta avec patience, ne pouvant se résoudre, par pudeur, à découvrir fon mal. Mais enfin elle y fut forcée, & elle fit venir Démocede, qui lui. promit de la guérir, & la pria en même tems de vouloir bien de son côté lui promettre de lui accorder une grace qu'il lui demanderoit, laquelle ne préjudicieroit en rien à fon honneur. Elle

DA- Elle s'y engagea, & fut guérie. Cette RIUS. grace étoit de lui procurer un voyage

dans sa patrie. La Reine n'oublia pas sa promeffe. Il a n'est pas inutile de se rendre attentif à ces fortes d'événemens, peu considérables en eux - mes, mais qui souvent donnent occafion aux plus grandes entreprises des Princes, & qui en sont le mobile secret & la cause éloignée.

[ocr errors]

il

Un jour qu'Atoffe s'entretenoit avec Darius, elle lui représenta qu'étant à la fleur de l'âge, d'une complexion forte & capable de foutenir les fatigues de la guerre, & ayant à sa difposition des armées nombreuses étoit de son honneur de former quelque grand projet, & de montrer aux Perses qu'ils avoient pour roi un homme de courage. Vous avez déviné ma pensée, repliqua Darius, & je roulois dans mon esprit le dessein d'aller attaquer les Scythes. J'aimerois bien mieux, dit Atoffe, que vous tournaffiez d'abord vos vûes du côté de la Grece. J'entends fort parler des femmes de Lacédémone, d'Argos, d'Athénes,

a Non fine usu fuerit introfpicere illa primo aspectu levia, ex queis magnaruni fæpe serum motus oriuntur I acit. lib. 4. cap. 32.

« PreviousContinue »