qui s'étoit passe on ne pouvoit pas les X ERsoupçonner de manquer de zêle pour X E S. l'intérêt commun; mais que la condition de tous les alliés devant être égale, il étoit juste que les Athéniens puffent, comme tous les autres, pourvoir à leur propre fûreté par tous les moiens qu'ils jugeroient nécessaires; qu'ils l'avoient fait, & qu'ils étoient en état de défendre leur ville contre quiconque oferoit l'attaquer: a qu'au refte les Lacédémoniens avoient fort mauvaise grace de vouloir établir leur pouvoir non fur leurs propres forces & leur courage, mais fur la foiblesse de leurs alliés. Ce discours déplut beaucoup aux Lacédémoniens: mais, foit par un sentiment d'estime & de reconnoiffance pour les Athéniens, qui avoient rendu de si grands services à la patrie, soit par impuissance de s'opposer à leur entreprise, ils dissimulerent, & les Députés, renvoiés de part & d'autre avec honneur, retournerent dans leur ville. Thémistocle, toujours attentif à Thucyd. augmenter la puissance & la gloire de pag. 62. la 63. Diod. a Graviter caftigat eos, quod, non virtu- lib. II. p. te, fed imbecillitate fociorum, potentiam 32.33. quærerent. Juft. lib. 2 cap. 15. pag. 1. XR R-la République, ne s'en tint pas aux XE S. murs de la ville: il s'appliqua avec la même ardeur à achever de bâtir & de fortifier le Pirée, car dès le tems qu'il entra en charge, il avoit commencé ce Paufan. grand ouvrage. Avant lui, Phalere lib. 1. étoit l'unique port d'Athénes, peu spacieux & peu commode, & qui ne convenoit point aux grands deffeins qu'avoit Thémistocle. Il tourna donc ses vûes du côté du Pirée, qui sembloit l'inviter par sa situation avantageufe, & par la commodité de ses trois grands ports, où il pouvoit tenir plus de quatre cens vaisseaux. On y travailla avec un empressement & une vivacité qui avança l'ouvrage confidérablement en affez peu de tems. Thémistocle fit ordonner auffi, que tous les ans on bâtiroit vingt vaisseaux pour augmenter la flote: & afin d'attirer un grand nombre d'ouvriers & de matelots dans la ville, il leur fit accorder des immunités particulieres. Son deffein étoit, comme je l'ai déja marqué ailleurs, de tourner toutes les forces d'Athénes du côté de la mer; en quoi il suivit une politique toute contraire à celle des anciens rois d'Athènes, qui ne cherchant qu'à éloigner de la ma rine & de la guerre leurs citolens, & à XERles emploier uniquement à la culture X E s. de la terre, & à la paix, publierent cette fable: Que Minerve, plaidant un jour contre Neptune, pour savoir qui d'elle ou de lui seroit déclaré patron de l'Attique, & donneroit fon nom à la ville nouvellement bâtie, gagna fa cause en montrant à ses Juges le rameau d'olivier qu'elle avoit planté, heureux symbole de la paix & de l'abondance, au lieu que Neptune avoit fait fortir de la terre un cheval fougueux, image du trouble & de la guerre. §. XIII. Noir dessein de Themistocle rejetté d'un commun accord par le peuple d'Athènes. Condescendance d'Ariftide pour ce peuple. 122. In THEMISTOCLE, qui avoit formé en Plut. in lui-même le dessein de supplanter les Themift. Lacédémoniens, & de substituer les pag. 121. Athéniens à leur place dans le gou- Arift. vernement de la Grece, ne perdoit pag. 332. point de vûe ce grand projet. Peu délicat fur le choix des moiens, il trouvoit bonne & légitime toute voie qui pouvoit le conduire à ce but. Un jour donc il déclara en pleine afsemblée, 7 qu'il XER- qu'il avoit conçu un dessein imporXES. tant, mais qu'il ne pouvoit le com - muniquer au peuple, parce que pour le faire réuffir il avoit besoin d'un profond fecret; & il demanda qu'on lui nommât quelqu'un avec qui il pût s'en expliquer. Tous nommerent Aristide, & s'en raporterent entierement à fon avis, tant ils comptoient sur sa probité & fur sa prudence. Thémistocle l'aiant tiré à part, lui dit qu'il songeoit à brûler la flote des Grecs qui étoit dans un port voisin; & que par là Athénes deviendroit certainement maitreffe de toute la Grece. Aristide retourna à l'affemblée, & déclara fimplement que rien ne pouvoit être plus utile que le projet de Thémistocle, mais qu'en même tems rien n'étoit plus injuste. Tout le peuple, d'une commune voix, défendit à Thémistocle de paffer outre. On voit par là que ce ne fut point sans quelque fondement qu'on accorda à Ariftide, de fon vivant méme, le furnom de Juste: furnom, dit Plutarque, infiniment préférable à tous ceux que les Conquérans recherchent avec tant d'ardeur, & qui approchent en quelque forte l'homme de la divinité. Au Au reste je ne fai si dans toute l'his- XER toire il y a un fait plus digne d'admira- x x s. tion que celui que je viens de rapor ter. Ce ne font point des philosophes, à qui il ne coute rien d'établir dans leurs écoles de belles maximes & de fublimes regles de morale, qui décident que jamais l'utile ne doit l'emporter sur l'honnête. C'est un peuple entier, intéressé dans la proposition qu'on lui fait, qui la regarde comme très importante pour le bien de l'Etat, & qui néanmoins, sans hésiter un moment, la rejette d'un commun accord par cette unique raison, qu'elle est contraire à la justice. Quelle noirceur au contraire & quelle perfidie dans le dessein que Thémistocle propose, de bruler en pleine paix la flote des Grecs pour accroitre la puissance des Athéniens! Eût-il encore cent fois plus de mérite qu'on ne lui en donne, cette action fuffiroit seule pour ternir tout l'éclat de sa gloire. Car c'est le cœur, c'est-à-dire la probité & la droiture, qui décide du vrai mérite. Je suis faché que Plutarque, qui pour l'ordinaire juge fort sainement des choses, semble ici ne pas condamner Thémistocle. Après avoir parlé des travaux qu'il fit dans le Pyrée, il paffe ainfià |