la puissance absolue des Rois: ce qui le fit tellement aimer du peuple, qu'on donna son nom à tous fes defcendans, qui furent appellés Eurytionides. Ce relâchement produisit dans Sparte une horrible confusion & une licence effrénée, qui y cauferent des maux infinis pendant un affez longtems. Le peuple devint si infolent, que rien ne pouvoit l'arrêter. Si les Rois, qui fuccéderent à Eurytion, vouloient emploier la force pour recouvrer leur autorité, ils se faifoient haïr; & fi, par complaisance ou par foibleffe ils prenoient le parti de ditfimuler leur bonté ne fervoit qu'à leur attirer le mépris de la part de ces rebelles: de maniere que tout étoit en defordre, & qu'on n'écoutoit plus les loix. Ces troubles avancerent la mort du pere de Lycurgue. Il se nommoit Eunomus, & fut tué dans une émeute populaire. Polydecte, fon fils aîné qui lui fuccéda étant mort bientôt après fans enfans, tout le monde crut que Lycurgue alloit être roi. Il le fut en effet pendant que la grosse se de sa belle-sœur fut inconnue: mais, sitôt qu'elle parut, il déclara que la roiauté appartenoit à l'en , 3120. l'enfant qui en naîtroit, si c'étoit un fils; & dès ce moment il administra le roiaume comme son tuteur, fous le titre de Prodicos, que les Lacédémoniens donnent aux tuteurs des Rois. Quand l'enfant fut venu au monde, ΑΝ. Μ. Lycurgue le prenant entre ses bras, Av. J.C. & adreffant la parole à ceux qui étoient 884. présens, Voici, dit-il, le Roi qui nous vient de naître, Seigneurs Spartiates; & en même tems il le mit dans la place du Roi, & le nomma Charilaüs, à cause de la joie que tout le peuple témoigna de sa naissance. On peut voir, à la fin du second volume, tout ce qui regarde l'histoire de Lycurgue, la réforme qu'il fit dans Sparte, & les loix q'uil y établit. Agéfilas régnoit pour lors dans la branche aînée. §. III. Guerre entre les Argiens & les Lacédémoniens. QUELQUE tems après, sous le régne Herod. de Théopompe, il s'éleva une guerre lib. 1. entre les Argiens & les Lacédémo- cap. 82. niens, au sujet d'un petit pays appellé Thyrea, qui confinoit aux deux peuples, & qu'ils prétendoient chacun leur appartenir. Les deux armées étant près d'en venir aux mains, on B 4 con convint, pour épargner le sang, de vuider la querelle par trois cens des plus braves qu'on choisiroit de chaque côté, à condition que la terre en litige demeureroit au parti vainqueur. Pour laiffer aux combattans plus de liberté, les troupes se retirerent. Alors ces généreux champions, qui avoient tout le courage de deux grandes armées, s'avancerent fiérement les uns contre les autres, & combattirent avec tant d'acharnement, qu'ils resterent tous fur la place, excepté trois, deux du côté des Argiens, & l'autre de celui des Lacédémoniens: encore fut-ce la nuit qui les sépara. Les deux Argiens, se comptant pour vainqueurs, coururent en porter la nouvelle à Argos: le Lacédémonien, il s'appelloit Othryade, ayant dépouillé les corps morts des Argiens, & porté leurs armes dans le camp des siens, demeura dans son poste. Le lendemain, les troupes revinrent de part & d'autre. Chacun prétendoit avoir la victoire de son côté: les Argiens, parce qu'il étoit resté plus de soldats de leur part que de l'autre; les Lacédémoniens, parce que le peu d'Argiens qui étoient restés avoient pris la fuite; au lieu que leur unique foldat étoit demeuré maitre du champ de bataille, & avoit dépouillé les corps morts des ennemis. Il falut en venir aux mains, pour décider la question. Le fort se déclara pour les Lacédémoniens, & le champ Tyreate leur demeura. Othryade, ne pouvant se réfoudre à survivre à ses bra ves compagnons, ni foutenir après leur mort la vûe de Sparte, se tua luimême sur le champ de bataille, & voulut avoir avec eux un fort & un tombeau commun. §. IV. Guerres entre les Messéniens &les Lacédémoniens. ON COMPTE jusqu'à trois guerres entre les Messeniens & les Lacédémoniens toutes très-vives & très-fanglantes. La Messénie étoit une région du Péloponnese, au couchant & affez près de Sparte, qui étoit puissante, & qui avoit ses rois particuliers. Premiere guerre de Messénie. ΑΝ. Μ. 3251Av. J. C. LA PREMIERE guerre de Messenie 743. dura vingt ans entiers, & commença Paufan. la seconde année de la IX. Olympia- lib. 4. de. Les Lacédémoniens prétendoient pag. 216. 342. Ju avoir plusieurs griefs considérables hin. lib. ap. 4. 226. contre les Messeniens, entre autres l'injure faite à leurs filles qui furent deshonorées par les habitans de la Messenie, lorsqu'elles alloient, felon la coutume, à un temple limitrophe des deux peuples, & le meurtre de Télecle leur roi qui en fut la fuite. Peut-être l'envie d'étendre leur domi nation, & de s'emparer d'un terrain qui étoit fi fort à leur bienféance, futelle la véritable cause de cette guerre. Quoiqu'il en soit, elle éclata sous le régne de Polydore & de Théopompe rois de Sparte, dans le tems qu'à Athénes les Archontes étoient encore dix ans en charge. Paufan. Euphaès, 13e. defcendant d'Hercu1 g. 225. le, étoit pour lors roi de Messénie. Il confia le commandement de son armée à Cléonnis. Les Lacedémoniens commencerent la campagne par le siege d'Amphée, petite ville & peu considérable, mais qui leur parut fort propre à en faire leur place d'armes. Elle fut emportée d'emblée, & tous les habitans furent paffés au fil de l'épée. Ce premier échec ne fervit qu'à animer les Messeniens, en leur faifant voir ce qu'ils avoient à craindre s'ils ne fe défendoient courageusement. Les Lace 2 |