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le tableau où les Athéniens firent DApeindre la bataille de Marathon, on RIUS. le représenta à la tête des dix Chefs, exhortant les foldats, & leur donnant l'exemple. Mais ce même peuple, dans les sfiécles postérieurs, devenu plus puissant, & corrompu par les flateries de ses Orateurs, décerna trois cens statues à Démétre de Phalere.

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Plutarque fait la même réflexion, In pret. & il remarque sagement que a l'hon- de rep. neur qu'on rend aux grands hommes, ger. pag. ne doit pas ètre regardé comme la 820. récompense de leurs belles actions, mais simplement comme la marque de l'estime qu'on en fait, dont on veut par là perpétuer le souvenir. Ce n'est donc pas la richesse ni la magnificence des monnumens publics qui en fait le prix, ni qui les rend durables, mais la sincere reconnoissance de ceux qui les érigent. Les trois cens statues de Démétre de Phalere furent toutes renversées de son vivant même, & le tableau où le courage de Miltiade étoit representé, subsista plusieurs fiécles après lui.

a

Ce

οὐ γὰρ μισθὸν εἶναι δεῖ τὴς πράξεως, ἀλλὰ σύμβολον τὴν τιμήν, ἵνα καὶ διαμένῃ πολὺν χρόνον.

:

1

DA-
Ce tableau étoit placé à Athenes,
RIUS. dans une galerie, qui étoit ornée &

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λη

- enrichie de différentes peintures touPlin. tes excellentes, & de la main des meillib. 35. leurs maîtres, & qui, pour cette raison, fut appellée Pécile, d'un mot Ποικί- grec, qui signifie variée. Le célebre Polygnote, qui étoit de l'ile de Thafos, l'un des premiers peintres de son tems, avoit peint ce tableau, du moins pour la plus grande partie; & comme il se piquoit d'honneur, & étoit plus fenfible à la gloire qu'à l'intérêt, il l'avoit fait gratuitement, & fans vouloir en tirer aucune récompense. Athénes le paia en une monnoie qui étoit de fon goût, en lui décernant, par l'ordre des Amphictyons, un logement public dans la ville, où il pourroit demeurer tant qu'il lui plairoit.

Herod.

lib. 6. cap. 132. 136.

Corn

7.8.

La reconnoiffance des Athéniens à l'égard de Miltiade ne fut pas de longue durée. Après la bataille de Marathon, il avoit demandé & obtenu

une flote de soixante & dix vaisseaux, Nep. in pour aller punir & foumettre les îles Min.cap. qui avoient favorisé les barbares. Il en subjugua plusieurs: mais aiant mal réufli dans l'i'e de Paros, & fur un faux bruit de l'arrivée de la flote en

,

,

nemie, s'étant cru ob gé de lever le DAsiege qu'il avoit mis devant la prin- RIUS. cipale ville où il avoit reçu une bletture fort dangereuse, il revint à Athénes avec sa flote; & il fut appellé en jugement par un citoien nommé Xanthippe, qui l'accusa d'avoir levé ce siege par trahison, & après avoir reçu de grandes sommes du Roi des Perfes. Quelque peu de vraisemblance qu'eût cette accufation elle prévalut contre le mérite & l'innocence de Miltiade. Il fut condan- Plat. in né à perdre la vie & à être jetté dans Georg. le barathre, qui étoit le lieu où l'on pag. 519. précipitoit les coupables convaincus des plus grands crimes. Le Magiftrat s'opposa à l'exécution d'un jugement fi inique. Toute la grace qu'on fit au Libérateur de la patrie, fut de commuer la sentence de mort, en une amende de cinquante mille écus, qui 50. ta étoit la fomme où montoient les frais lens. de la bote qu'on avoit équipée sur ses remontrances & ses avis. Comme il étoit hors d'état de la paier, il fut mis en prison, & y mourut de la bleffure qu'il avoit reçue à Paros. Cimon sonals, qui étoit alors fort jeune, fignala en cette occasion sa pieté, com

me

DA- me nous verrons dans la suite qu'il fiRIUS. gnalera fon courage. Il acheta la permiffion d'ensevelir le corps de fon pere, en paiant pour lui les cinquante mille écus ausquels il avoit été condanné; somme qu'il ramassa du mieux qu'il put dans la bourse de ses parens & de ses amis.

,

Cornélius Népos remarque que ce qui engagea principalement les Athé niens à en ufer ainsi à l'égard de Miltiade fut fon mérite même & fa grande réputation, qui fit craindre au peuple, délivré affez recemment du joug de la servitude sous Pisistrate, que celui-ci, qui avoit été autrefois tyran dans la Cherfonnése, ne voulût le devenir à Athénes. a Ainfi il aima mieux punir un innocent, que d'avoir toujours devant les yeux un tel sujet de crainte. C'est ce même principe qui établit l'Ostracisme à Athénes. Manie J'ai raporté ailleurs les raisons les dier, 70. plus plausibles, sur lesquelles pouvoit ètre fondé l'Ostracisme. Mais il est pug. 407. difficile d'excuser pleinement une fi étrange politique, à qui tout mérite devient

re d'étu

me 3. P

a Hæc populus refpiciens, maluit eum inno xium plecti, quam se diutius effe in timore. a In his cognitum est, quanto antistaret eloquentia innocentiæ. Quanquam enim adeo ex. cellebat Ariftides abstinentia, ut unus poft hominum memoriam, quod quidem nos audierimus, cognomine Justus fit appellatus; tamen à Themistocle collabefactus testulâ illâ exilio decem annorum multatuseft Corn. Nep.in Arif.

devient suspect, & qui convertit la DAvertu même en crime,

RIUS.

3230

On le vit bien clairement dans l'exil d'Ariftide. Son attachement inviola- Plut. in ble à la justice l'obligea en plusieurs Arift. occasions de s'opposer à Themistocle, pag. 322. qui ne se piquoit pas de délicatesse sur ce point, & qui mit en usage toutes fortes d'intrigues & de cabales pour écarter par les fuffrages du peuple un rival qu'il trouvoit toujours contraire à ses desseins ambitieux. Il aparut bien dans cette occafion qu'on peut être supérieur en mérite & en vertu, fans l'être en crédit. L'éloquence impétueuse de Themistocle l'emporta fur la justice d'Aristide, & il vint à bout de le faire bannir. Dans cette forte de jugement les citoiens donnoient leurs fuffrages en écrivant le nom de l'accufé fur une coquille, appellée en grec όσρακον, d'où eft venu le nom d'Oltracisme. Ici un paysan, qui ne favoit pas écrire, & qui ne connoissoit pas ArifTome 111. tide,

H

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