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Saint Augustin nous a avertit que Selon la regle de la justice, SECUNDUM JUSTITIÆ REGULAM, non Seulement nous ne pouvons point blâmer & condanner ces actions, mais que nous avons raison de les louer & de les relever. Ce n'est pas que ces actions foient bonnes & louables en tout: Saint Augustin étoit bien éloigné de le penser. b Il les trouvoit telles en elles-mêmes, & du côté du devoir; mais du côté de la fin il les trouvoit très-condannables, parce qu'elles n'é toient point rapportées à Dieu. Ce n'est pas au vrai Dieu, qui leur étoit inconnu, qu'ils demandoient la fageffe des bons conseils, le fuccès des entreprises, les talens, la vertu. Ce

n'eft

a Habendi funt in eorum numero, quorum etiam impiorum, nec deum verum veraciter justeque colentium, quædam tamen facta vel legimus, vel novimus, vel andimus. QUE SECUNDUM JUSTITIÆ REGULAM NON SOLUM VITUPERARE NON P'OSSUMUS, VERUM ETIAM MERITO RECTEQUE LAUDAMUS, S. Auguft.lib. teSpir. Eflit.n 48.

6 Noveris itaque, non officiis, fed finibus,& vitiis discernendas esse virtutes. Officiú autem eft, quod faciendű est: finis verò, propter quod faciendum eft. Id. contra Julian.1.4.0.3.n. 21. Non erat in eis vera jultitia, quia non actibus fed finibus pensantur officia. Ibid. n. 26.

:

n'est pas au vrai Dieu qu'ils en ren.
doient graces, & qu'ils en rapportoient
la gloire par une humble reconnoif-
sance. Ils ne le regardoient ni comme
la source & le principe, ni comme le
terme de tout ce qu'ils faisoient de
bien. Leurs meilleures actions étoient
corrompues ou par l'amour propre,
ou par l'ingratitude. Elles n'ont pu
leur être utiles pour le falut, qui ne
s'obtient point sans la foi en J. Chift.

Mais cela n'empêche pas selon le mè- S. Au-
me faint Augustin, qu'il ne soit très- guft. de
utile pour l'instruction des chrétiens, Civ. D.
& pour la regle des mœurs, de rapporter
lih. 5.
cup. 18.
& de mettre dans tout leur jour les ac-
tions des payens, pourvu qu'on ne les
faffe valoir que leur juste prix : car je
puis bien ici appliquer aux Grecs, ce que
ce Pere dit des Romains. Il emploie un
chapitre entier, qui est assez long, à en
indiquer les actions & les vertus es plus
éclatantes : amour du bien public, dé-ACADEM
vouement pour la patrie, conft.nce à LATIN

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fouffrir les tourmens les plus cruels
& la mort même delintéressement-
noble & généreux, estime & pratique
de la pauvreté, profond respect pour
les dieux & pour la religion. Il fait fur
ce sujet quelques rédexions, qui mé

A 6

ritent

REAL

ritent bien de trouver ici leur place: Premiérement, il reconnoit que c'estt pour récompenfer toutes ces vertusdes Romains, qui n'en avoient pourtant que le nom & l'apparence, que Dieu leur a accordé l'Empire de l'u. nivers: récompense proportionnée à leurs mérites, & dont ils ont été affez aveugles pour se contenter. a C'est par la même raison qu'il a voulu que leur nom fût si glorieux & fi honoré chez toutes les nations & dans tous les fié... cles, afin que tant de belles actions ne demeuraffent pas absolument fans récompenfe.

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En second lieu, il remarque que ces vertus, toutes fausses qu'elles font ne laiffent pas de devenir fort utiles. au genre humain, & qu'elles entrent. dans les vûes secrettes que Dieu a fur les peuples, soit pour les récompenser, soit pour les punir. En effet l'amour de la gloire, qui est un vice, en étoufe d'autres beaucoup plus nuifi. bles, & plus funestes; comme sont l'in

a Si Romanis Deus neque hanc terrenam gloriam excellentissimi imperii concederet, non redderetur merces bonis artibus eorum, id est virtutibus, quibus ad tantam gloriam pervenire nitebantur. At non eft quòd de fummi & veri Dei justitia conquerantur: Perceperunt mercedem fuam. Ibid. cap. 15.

justice,, la violence, la cruauté. a Et
qui doute qu'un Magistrat, qu'un
Gouverneur de province, qu'un Roi,
qui ne fera doux, patient, juste, cha-
fte, bienfaifant, que par des vûes hu-
maines de gloire ou d'intérêt, ne soit
infiniment plus utile à la République,
que s'il n'avoit pas cette ombre & ces
dehors de vertu, & que des hommes
de ce caractere ne soient un présent
du ciel bien précieux. On en peut ju-
ger par la comparaison de Magistrats
& de Princes d'un caractere oppofé,
qui renonçant à tout honneur & à
toute probité, comptant pour rien la
réputation, foulant aux piés les loix
les plus saintes, n'en reconnoiffent
d'autres que leurs paffions & leur bru-
talité; tels enfin que Dieu en donne
dans fa colere aux peuples qu'il veut
punir, & qu'il juge dignes de tels mai-
tres. Et talibus quidem dominandi po-
teftas non datur nisi summi Dei provi- 19.
dentia, quando res humanas judicat
talibus dominis dignas..

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La troisiéme & derniere réflexion & la plus propre à mon sujet &. au but

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a Constat eos qui cives non fint civitatis æternæ, utiliores esse terrenæ civitati, quando habent virtutem vel ipfam, quam fi nec ipfam. Ibid. cap. 19,

Ibid. cap.

but que je me propose en écrivant P'histoire ancienne, regarde l'usage qu'il faut faire des louanges qu'on donne aux payens. Elle montre le fruit qu'un sage Lecteur doit tirer du récit des belles & vertueuses actions des Grecs, dont ce volume & les fuivans feront remplis. Quand on les verra facrifier leurs biens au soulagement de leurs concitoiens, leur vie au falut de l'Etat, leur gloire mème à l'utilité publique: quand on leur verra pratiquer les vertus les plus difficiles, & cela par de purs motifs humains pour acquerir une réputation passagere; a quels reproches ne doiton pas fe faire, & combien ne doiton pas rougir, si dans une religion qui nous promet des récompenfes éternelles, & qui nous présente de fi puissans motifs d'amour & de reconnoiffance, nous n'avons pas le courage de pratiquer les mêmes vertus? Que si nous avons le bonheur d'ètre fideles à nos engagemens, pouvons

nous

a Ideo nobis proposita funt neceffariæ commonitionis exempla, ut, si virtutes, quarum ifte utoumque funt fimiles, quas stipro.civitatis terrenægloriatenuerunt, pro Dei gloriofiffima civitate non tenuerimus, pudore pungamur; litenuerimus, fuperbianon extollamur. Ib.cap. 18.

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