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Daniel l'ordre, la fucceffion, & les différens caractéres des quatre grands Empires auxquels il a réfolu de foumettre toutes les nations de l'univers : celui des Babyloniens, celui des Perfes & des Médes, celui des Grecs, & enfin celui des Romains.

C'est dans la même vûe qu'il infifte fortement fur les deux plus fameux Conquérans qui aient jamais été, Cyrus & Alexandre, l'un fondateur, l'autre deftructeur du puiffant Empire des Perfes. Il fait nommer le premier par fon nom deux cens ans avant fa naillance, prédit par la bouche d'Ifaïe fes victoires, & marque en détail toutes les circonftances de la prife de Babylone, auxquelles on n'avoit encore rien vû de pareil. Ici, par la bouche de Daniel, il défigne Alexandre, & lui attribue des qualités & des caractéres qui ne conviennent qu'à lui feul, & qui le font connoitre auili clairement que s'il avoit été nommé.

Ces endroits de l'Écriture, où Dieu s'explique nettement, doivent nous paroitre bien précieux, & nous fervir comme de clés pour entrer dans l'intelligence des voies fecrettes par lefquelles il conduit le monde. A la lueur de ces raions de lumiére, un homme raifonnable & religieux doit ouvrir les yeux fur tout le reste, & conclure de tout ce qui eft dit

des quatre grands Empires, de Cyrus & d'Alexandre, de Babylone & de Tyr, qu'il faut reconnoitre & admirer dans tous les événemens de l'hiftoire profane l'attention continuelle de Dieu fur tous les hommes & fur tous les États, dont la destinée dépend uniquement de fa fageffe, de fa puillance, & de sa liberté.

On conçoit aisément quelle joie & quelle admiration cauférent à Alexandre des prophéties fi claires, fi détaillées, fi avantageufes. Avant que de fortir de Jérufalem, il fit affembler les Juifs, & leur ordonna de lui déclarer quelle grace ils fouhaitoient de lui. Ils lui répondirent qu'ils le prioient de leur permettre de vivre felon les loix de leurs peres, & de les exemter en la feptiéme année du tribut ordinaire; parce que cette année là, felon leurs loix, il ne leur étoit pas permis de femer leurs terres, ni de faire par conféquent de récolte. Alexandre leur accorda leur requête. Et fur ce que le Grand Prêtre le pria d'agréer aufli que les Juifs qui étoient dans Babylone & dans la Médie puffent vivre de même felon leurs loix, il le promit avec beaucoup de bonté, & dit que fi quelquesuns vouloient le fervir dans fes armées, il leur permettoit d'y vivre felon leur religion, & d'y obferver toutes leurs cou

tumes. Sur quoi plufieurs s'enrollérent. A peine étoit-il forti de Jérufalem, que les Samaritains vinrent le trouver en grande pompe, & le fupplier de faire auffi à leur temple l'honneur d'y aller. Comme ils s'étoient foumis de bonne grace à Alexandre, & qu'ils lui avoient envoié du fecours, ils crurent, après un tel fervice, mériter bien mieux fes fayeurs que les Juifs; & ils se flatoient d'obtenir les mêmes graces qu'eux, & de plus grandes encore. Ce fut dans cette vûe qu'ils firent cette proceffion pompeule pour l'inviter à paffer dans leur ville; & les huit mille hommes de leurs troupes qui étoient dans fon armée joignirent leurs priéres à celles de leurs compatriotes. Alexandre les remercia obligeamment, & leur dit qu'il étoit obligé de fe rendre en Egypte, qu'il n'avoit point de tems à perdre, & qu'à fon retour, fi fes affaires le lui permettoient, il y pafferoit. Alors ils le priérent de leur accorder l'exemtion du tribut chaque feptiéme année. Alexandre leur demanda s'ils étoient Juifs. Sur la réponse ambigue qu'ils lui firent, le Prince, n'aiant pas alors le tems d'examiner à fond leur expofé, remit aufli cette affaire à fon retour, & il continua fa marche vers Gaza.

En arrivant devant cette place, il la,,Diod. lib.

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Den. 7.2.3.

y faifant monter à leur place les derniers d'entre les hommes.

Afin de rendre plus fenfibles ces importantes vérités, Dieu montre à Daniel quatre bêtes terribles qui montent hors d'une vafte mer, où les quatre vents fe combattent l'un l'autre avec furie; & fous ces fymboles, il représente au Prophéte l'origine, les caractéres, & la décadence des quatre grands Empires, qui doivent fucceffivement dominer fur les peuples de l'univers. Terrible, mais trop véritable image! Les Empires naillent de la confufion & du tumulte : ils vivent de carnage & de fang: ils exercent leur pouvoir avec violence & cruauté: ils mettent leur gloire à porter par-tout la terreur & les ravages: & malgré tous leurs efforts ils font fujets à des viciffitudes continuelles, & à des renversemens inopinés.

Le Prophéte entre enfuite dans un plus grand détail fur le caractére particulier de chacun de ces Empires. Après avoir Dan. 7. 4. représenté l'Empire des Babyloniens fous la figure d'une lionne, & celui des Perfes & des Médes fous la forme d'un ours avide de proie, il caractérise la Monarchie des Grecs par des traits plus marqués. Sous l'image d'un a léopard mar

5. 6.

a Ecce alia quafi pardus, I tuor capita erant in beftia; & alas habebat quafi avis & poteftas data est ei. quatuor fuper fe, & qua.

qué

fur lui quatre

qué de taches, & portant fur lui
ailes & quatre têtes, il dépeint Alexan-
dre, mêlé de bonnes & de mauvaises
qualités; promt & impétueux dans fes
réfolutions; rapide dans fes conquêtes;
volant plutôt avec la légéreté d'un oifeau
de proie, que marchant avec la pefanteur
d'une armée chargée de tous les attirails
de la guerre; foutenu par la valeur & la
capacité de fes Généraux, dont quatre
partagérent entr'eux fon Empire, après
l'avoir aidé à le conquérir.

Ace tableau le Prophéte ajoute ailleurs Dan. 11. 24 de nouveaux traits. Il a compte par ordre la fucceffion des Rois de Perfe. Il déclare précisément qu'après les trois premiers Rois (c'est-à-dire après Cyrus, Cambyfe & Darius) il s'élévera un quatriéme Roi, qui n'eft autre que Xerxès, lequel furpaffera en puiffance & en richeffes tous fes prédéceffeurs. Que ce Prince, enflé de l'idée de fa grandeur qui fera montée à fon comble, raflemblera tous les peuples de fes États immenfes, pour les mener à la conquête de la Gréce. Mais le Prophéte ne parlant que de la marche de certe multitude, fans rien dire du fuccès, donne affez clairement à entendre, que

a Ecce adhuc tres reges | valuerit divitiis fuis, conftabunt in Perfide, & quar- citabit omnes gentes adtus ditabitur opibus nimiis versùm regnum Græciæ. fuper omnes ; &, cùm in

Tome VI.

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