Page images
PDF
EPUB

Livres déposés au bureau des Annales 1

1

Etudes d'histoire et d'art, par E. BERTAUX, 252 p. in-16. Hachette, Paris, 1911, 3 fr. 50.

La vocation au sacerdoce, par F. J. HURTAUD, 453 p. in-16. Lecoffre, Paris, 1911.

Le Darwinisme dans les sciences morales, par JAMES MARK BALDWIN, Trad. Dupont, 163 p. in-16. Alcan, Paris, 1911.

Cournot et la psychologie vitaliste, par J. SEGOND, 169 p. in-16. Alcan, Paris, 1911.

Les manuels scolaires, par GEORGES VALOIS et FRANÇOIS RENIÉ, 445 p. in-16. Nouvelle librairie nationale, Paris, 1911.

Gabriel Tarde, introduction et pages choisies par ses fils, préface de H. BERGSON, 223 p. in-16, Michaud, Paris, 1911.

Correspondance de RENOUVIER et SECRETAN, 165 p. in-8°, Armand Colin, Paris, 1910. 3 fr. 50.

Le secret du succès, par RAMON RUIZ AMADO S. J., traduit de l'espagnol par l'abbé Ev. GERBEAUD, 271 p. in-16. de Gigord, Paris, 1911.

Cours d'instruction religieuse, par Mgr E. CAULY, 561 p. in-16. de Gigord, Paris, 1911.

L'accueil, méditations eucharistiques par la R. Mère MARIE LOYOLA, traduit de l'anglais par Mme la baronne AUGUSTE DE NEXON, XII-388 p. in -16. de Gigord, Paris, 1911.

Cérémonial des Ordinations, par le P. LE VAVASSEUR, 3° éd. revue et augmentée par le R. P. HAEGY, XII-168 p. in-16. Gabalda, Paris, 1911.

La valeur éducative de la Morale catholique, par le P. GILLET, O. P. XII-279 p. in-16. Gabalda, Paris, 1911.

Cours de Doctrine et de Pratique sociales, compte-rendu de la VII session (Rouen, 1910) de la Semaine sociale de France. Gabalda, Paris; Vitte, Lyon, 1911.

Société et solitude, par R. W. EMERSON, traduction M. DoGARD, VIII-293 p. in-16. Armand Colin, Paris, 1911.

Regards sur l'Europe intellectuelle, par ALBERT REGGIO, 343 p. in-16. Perrin, Paris, 1911.

L'Inquisition, par M. LANDRIEUX, VIII-166 p. in-18. Lethielleux, Paris [sans date].

1. Les livres déposés au bureau des Annales, 23, rue Las-Cases. Paris, seront d'abord annoncés ici, sans préjudice des comptes-rendus dont ils pourront être ultérieurement l'objet.

L'un des Gérants: J. THEVENOT

La Variabilité des Essences

Les essences ou généralités sont pour les phénomènes des principes d'unité, mais elles-mêmes sont multiples; elles le sont même doublement. Elles le sont d'abord en ce sens qu'il y a pluralité d'essences, ce que personne ne conteste. Elles le sont encore individuellement et par ellesmêmes, parce qu'il y a en elles de la variabilité et du devenir. Ce dernier point est contesté; il faut pourtant l'admettre si l'on veut comprendre ce qu'est l'unité de la nature, car cette unité n'est possible qu'avec la variabilité des essences.

La raison en est que si les individus seuls varient, les genres demeurant immuables, si pour chaque genre les individus évoluent en quelque sorte à l'intérieur de la loi, sans en sortir et sans la modifier, ce qui d'ailleurs ne se conçoit pas, les genres, impénétrables entre eux et intransmutables les uns dans les autres, feront la nature irréductiblement multiple, et multiple dans son être intelligible, c'est-à-dire là précisément où il faut avant tout qu'elle soit une. Car des essences impénétrables, à la manière des atomes de Démocrite, ne peuvent constituer ensemble un système, ce qui est pourtant la seule façon dont puisse se concevoir l'unification d'une pluralité de termes. Ensuite chacune de ces essences, toujours comme l'atome, serait un absolu; de sorte que l'Absolu serait multiple, ce qui le ferait nature et non pas absolu, car la multiplicité est et nature non unifiable, ce qui est une absurdité. Les anciens, avec leurs habitudes d'esprit polythéistes, répugnaient faiblement, sauf les Eléates, à la conception d'absolus multiples. Aujourd'hui, fortement pénétrés de la relativité universelle, nous avons bien de la peine à admettre l'Absolu; mais, si nous l'admettons,

la caractéristique de la nature

4 SÉRIE, TOME XIII. - No 3

1

du moins nous le faut-il unique. L'unicité de Dieu est le premier dogme de toutes nos religions. Il n'y a pas de raisons pour que nous soyons moins attachés à l'unité de la nature, et cette unité n'est possible qu'avec l'évolution des genres, des espèces et des lois. Aussi ceux qui croient à un Dieu éternel ont-ils eu tort, à notre avis, de jeter les hauts cris contre les doctrines nouvelles de l'évolutionisme et du transformisme. Des espèces immuables ne pouvaient guère manquer d'être éternelles, car comment ne pas changer quand on est dans le temps? Eternelles, il était difficile qu'elles fussent créées : et incréées elles menaçaient fortement la toute puissance divine. Il ne paraît donc pas qu'il y ait rien à regretter à ce qui s'est fait.

Les essences sont variables, mais à des degrés différents. Il en est même, les essences mathématiques, dont la variabilité peut être considérée comme nulle. Ceci tient à ce que les essences mathématiques se rapportent exclusivement au temps et à l'espace purs, lesquels, en raison de leur parfaite inanité, sont en quelque sorte des antithèses de l'absolu, des contre-absolu, et par là-même des absolus encore. Les essences mathématiques, qui sont leurs modalités, doivent participer à ce caractère d'absolu qui leur appartient; et voilà pourquoi le nombre en général, le triangle, le cercle et tous les concepts mathématiques nous apparaissent comme des lois immuables de la nature, comme des nécessités éternelles au regard de tous les esprits.

Dans les qualités sensibles considérées objectivement, ce qui est un point de vue légitime, car, sans nier leur relativité à nos organes, on doit leur reconnaître une objectivité réelle, nous apercevons un commencement de variabilité, très faible encore il est vrai. Chacun de nous voit à sa manière tel objet blanc; mais il paraît bien que l'idée générale de la blancheur est toujours la même chez un individu donné, et qu'elle ne diffère pas d'un individu à un autre. Cependant on est porté à croire que son immutabilité n'est pas absolue, pour la raison que cette idée a son fondement dans l'ordre général de la nature, et que, tout le détail des choses de la nature changeant perpétuellement, il est im

possible que cet ordre général ne se modifie jamais en rien. La même raison entraîne également la variabilité des espèces et des genres naturels; d'abord celle des corps. simples. On doit, à notre avis, admettre la possibilité, la nécessité même d'un léger changement après un temps considérable dans la constitution de l'hydrogène et de l'oxygène par exemple, sans qu'ils cessent pour cela d'être de l'hydrogène et de l'oxygène, de même qu'un homme change dans le cours de sa vie sans cesser pour cela d'être homme, et le même homme.

Les espèces organiques auront naturellement une mobilité plus grande. Si l'espèce homme, par exemple, est autre chose qu'une entité vide et un flatus vocis; s'il faut réellement y voir la loi de structure physique et intellectuelle suivant laquelle sont constitués les individus qu'on appelle des hommes, comme il est impossible de réaliser cette loi en dehors de ce qu'elle constitue; comme, d'autre part, l'homme varie manifestement dans le cours des temps, et même chaque homme dans le cours de sa vie individuelle; comme enfin, en vertu de l'unité de l'être humain, les variations les plus superficielles en apparence ne peuvent manquer d'atteindre cet être jusque dans ses dernières profondeurs et de le transformer tout entier à un degré d'ailleurs aussi faible que l'on voudra, il est inadmissible que l'espèce humaine demeure indéfiniment identique à elle-même. Elle évolue, c'est inévitable, et la stabilité avec laquelle elle nous apparaît ne peut être que relative.

Du reste, il est certain qu'il n'a pas toujours existé sur la terre des hommes, ni des animaux, ni des plantes. Donc l'espèce humaine et toutes les espèces animales et végétales ont eu un commencement, à moins qu'on ne suppose que les espèces existent à part des individus qui les représentent, opinion qui, apparemment, rencontrerait à notre époque, peu de partisans. Mais, si elles ont eu un commencement, elles appartiennent au temps et elles en subissent la loi. Or la loi du temps c'est le changement perpétuel, puisque le temps n'est rien que la forme des choses en tant qu'elles

changent. Le fait donc que les êtres de la nature sont dans le temps exclut l'immutabilité des espèces.

[ocr errors]

La mobilité des espèces naturelles a cependant été niée formellement par Aristote. Que Platon, qui réalisait les essences en général hors du monde sensible, ait pu attribuer aux espèces l'immutabilité et l'éternité, on le conçoit sans peine. De la part d'Aristote, qui fait de l'idée une forme, qui l'incorpore au phénomène pour rendre le phénomène intelligible par lui-même, et qui par là fait rentrer les essences dans le monde sensible, pareille thèse se comprend moins aisément. Car si la forme est l'unité du phénomène, et telle est bien la pensée d'Aristote, le phénomène variant, il faudra nécessairement que sa forme varie aussi, puisqu'il est clair que l'unité d'une chose variable ne peut pas ne pas varier. Dira-t-on que si, pour les êtres de la nature, la forme, chez Aristote, est nettement présentée comme étant l'unité d'une multiplicité indéfinie, - par exemple l'âme du vivant il n'en est peut-être pas de même à l'égard des genres et des espèces considérés dans leur rapport avec les individus dont ils sont les lois, de sorte qu'Aristote aurait pu croire la permanence des genres conciliable avec la variabilité des individus ? Mais cette solution de la difficulté n'est pas acceptable; car, si les genres ne sont pas des formes, ou si ce sont des formes qui soient autre chose que l'unité d'une pluralité d'individus, on ne voit pas le moyen de les faire entrer dans le monde de notre expérience, et par là Aristote retourne au dualisme platonicien de l'intelligible et du sensible. Son erreur pourtant s'explique. Il croyait les astres immuables et éternels parce qu'il les voyait immobiles dans le ciel, et pour cette raison il en faisait des dieux. Qu'il crut après cela à l'immutabilité des espèces, c'était assez naturel, d'autant plus que celles qu'il avait sous les yeux lui donnaient comme les astres l'illusion de l'immobilité. Nous savons à présent que les astres se meuvent, bien qu'il nous soit impossible presque toujours, même à travers plusieurs siècles, de noter leurs déplacements à cause de l'énormité des distances. Les espèces naturelles évoluent, et leurs transformations échappent à notre

« PreviousContinue »