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Antonio Fogazzaro.

Discours de M. A. BARZELLOTTI au Sénat, dans la séance du 7 mars 1911 (Rassegua nazionale, 1er avril 1911).

Il a été bienfaisant à des miliers et a des milliers d'âmes. Mérite si rare chez nos écrivains, il était populaire. Pourquoi et comment? C'est que sous le lettré, sous l'artiste, transparaissait l'homme au très grand cœur. Par l'abbé Zanella, son maître, il nous venait tout droit de l'école de Manzoni, seul héritier, aujourd'hui encore, du réalisme manzonien. Son petit poème de prime jeunesse,Miranda, remua profondément toute la jeunesse. italienne. Puis Malombra qui révéla un des secrets de cette nature,ce « quelque chose d'exotique, pour ainsi parler, de nordico qui était au plus profond de cet italien septentrional. Alors, la fameuse suite, Cortis, les deux Piccolo mondo, Il Santo. M. B. n'entrera pas dans le détail de ces livres, il ne touchera pas aux controverses qu'ils ont suscitées, il dira seulement leur mérite unique, à savoir que, dans ces livres, F. seul entre tous les romanciers italiens,a osé aborder de front les plus intimes et les plus difficiles problèmes de la vie morale en Italie,et le plus haut de ces problèmes, le problème religieux. Il a montré la souveraine importance du fait religieux, rappelé d'une façon convaincante que d'un tel fait ni le poète,ni le philosophe,ni l'éducateur n'ont le droit de se désintéresser; qu'il faut, de toute urgence, travailler à une renaissance religieuse, et que cette renaissance n'a de chances sérieuses que si elle s'appuie sur la conscience morale du pays. Ne voir dans le Santo qu'un livre de polémique interconfessionnelle, c'est manquer tout à fait d'intelligence s'arrêter aux quelques défauts artistiques d'un pareil livre, c'est manquer de justice et de sens. Qu'on songe à la prodigieuse difficulté que F. a surmontée, qu'on se rappelle le merveilleux retentissement de ce livre dans une foule de consciences croyantes ou non. L'auteur du Santo reste le romancier le plus dense, le plus riche, le plus important de la littérature italienne contemporaine. Ceux qui n'ont pris garde qu'à la nature rêveuse, méditative, inquiète, hésitante de ce noble esprit ont pu le traiter de « debole ». Ils n'ont rien compris à la complexité de cette âme, à l'énergie déployée par cet artiste et par ce croyant. Avec ses doutes, ses incertitudes, ses hésitations, ses délicatesses de conscience,il incarne en lui les aspects principaux de l'âme contemporaire. Tel quel, si noble, si droit et si bon, il était, il reste une force, et de ce point de vue, il est unique dans notre littérature d'aujourd'hui. ZANETTO VERONA.

Revue des Revues

Revue philosophique, Octobre. L. DAURIAC. Le Pragmatisme et le Réalisme du sens commun. Le pragmatisme prend sa source dans un état d'esprit beaucoup plus ancien que lui, aussi ancien peut-être que l'esprit lui-même. Ne disons pas, pour éviter de froisser M. Moore, que la philosophie pragmatiste n'est pas une nouveauté. En tant que philosophie, elle en est bien une. Quant à la forme d'esprit dont cette philosophie est issue, elle me paraît s'être montrée au xviu siècle, surtout avec Thomas Reid, dont la philosophie entend suivre le sens commun de plus près qu'aucune autre et pour des motifs où les nécessités de la vie quotidienne jouent un rôle à demi conscient mais prépondérant. Ces nécessités veulent être satisfaites. Dès qu'elles le sont si nous voulons être sages, déclaronsnous satisfaits à notre tour. Et c'est pourquoi toute philosophie à base d'esprit pragmatiste revêtira les caractères d'une philosophie de l'immédiat. Ce sera l'honneur de James d'avoir détaché cette philosophie du rationalisme qu'elle a paru contrefaire, au temps de Reid et de Cousin, dont elle est ou nous paraît être l'antithèse absolue ». - G. CANTECOR: Les tendances actuelles de la psychologie anglaise. M. Cantecor entreprend de nous renseigner sur la psychologie anglaise en la considérant à partir du moment où s'arrête le livre de M. Ribot. Il analyse les travaux de MM. James Sully, James Ward et Stout. << Ces trois auteurs s'accordent sur un certain nombre de points qui vont nous permettre de les situer dans l'histoire. En tous on retrouve un certain nombre de conceptions ou de tendances dont les unes les rapprochent non seulement l'un de l'autre, mais tous ensemble du groupe de philosophes qui constituent l'école empirique anglaise, tandis que les autres les en séparent nettement et orientent la philosophie traditionnelle en une voie quelque peu nouvelle. La psychologie associationniste, dont les progrès constituent toute l'histoire de la psychologie anglaise au XIX siècle, a trouvé sa forme la plus systématique

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dans l'œuvre de Bain. Or au moment où Bain préparait ou achevait son œuvre, d'autres philosophes, en Angleterre même, s'avisaient que cette psychologie pure et statique n'est pas toute la science mentale, qu'elle laisse bien des problèmes irrésolus ou même qu'elle oublie de les poser. Spencer rétablit les droits du temps dans la psychologie et distribue dans la série des âges les diverses formations mentales... D'autres auteurs tels que Carpenter en sa Physiologie mentale (1855), ou Maudsley dans sa Physiologie et sa Pathologie de l'Esprit orientent les études psychologiques dans une autre direction : ils veulent décrire la vie morale parallèlement à la vie physique... et chercher dans le corps la raison du moral. De sorte qu'aux abords de 1880 au moment où débutaient et prenaient parti les auteurs dont nous nous occupons, trois voies s'ouvraient, semble-t-il, à la psychologie: elle pouvait rester statique, analytique, descriptive à la manière de celle de Bain; elle pouvait être dynamique, synthétique, génétique à la manière de celle de Spencer : elle pouvait être physiologique à la manière de celle de Maudsley. C'est la tradition qui l'a emporté. Les représentants de la psychologie anglaise actuelle, MM. Ward, Stout et Sully, ne se préoccupent nullement d'évolution mentale. Ils considèrent l'homme avec les éléments essentiels de sa nature, tels en somme qu'ils ont dû exister et agir de tout temps : les produits mentaux ont pu être plus ou moins complexes ou raffinés; les éléments et les processus d'élaboration ont toujours été les mêmes en principe et dans la race humaine. De la même façon ils attribuent peu d'importance à la physiologie. Ils ne laissent pas d'ailleurs de s'écarter singulièrement de la tradition sur d'autres points non moins essentiels. Tous réagissent... contre l'associationnisme...par la préoccupation de dégager la signification véritable et l'ordre réel et concret des processus mentaux; et ils y croient arriver en rattachant toutes les fonctions et tous les produits de la conscience aux besoins de la vie ». Selon M.Stout, << la pensée est subordonnée à la vie; la vie elle-même est déterminée et orientée par les tendances. D'où la nécessité de fonder la psychologie sur une théorie des tendances, de leur naissance, de leur développement, de leur multiplication. De ce point de vue, la pensée apparaît comme un moyen pour les diverses fins de la vie; puis elle devient fin elle-même et donne lieu à des besoins spéciaux qui peuvent même se subordonner les autres. Mais toujours un processus mental est une action dont la raison est dans la nécessité d'un certain résultat. C'est

donc au point de vue de la finalité et de la vie que le psychologue doit toujours se placer ». De même pour M. Ward « dont justement toute la psychologie se définit par cette idée de croissance. La psychologie doit expliquer comment un sujet se fait son monde et s'y fait sa place, comment il s'y accommode ou s'en accommode. C'est son effort pour être qui domine tout; ce sont ses besoins qui dirigent l'attention, facteur central et constant de l'expérience. Toute pensée est un moyen inventé pour s'assurer dans l'être ou conquérir quelque avantage... MM. Ward, Stout et Sully s'écartent encore de l'associationisme en refusant la conception de la vie mentale qui est le postulat de cette doctrine, à savoir l'atomisme psychologique... Ils tendent tous à substituer à l'atomisme associationniste la conception d'une réalité mentale continue... Enfin nos trois auteurs ont introduit dans la psychologie une conception, à quelques égards nouvelle, du processus mental considéré comme une action, une organisation, une invention, comme une synthèse qui se surajoute aux éléments qui en sont la matière et qui ne la renferment pas et ne la déterminent pas nécessairement. C'est tout le contraire de l'associationnisme... Au total donc réintroduire dans la psychologie, en opposition avec le mécanisme associationiste, les idées de vie, d'action, de croissance, de continuité, d'invention, de liberté... voilà quelle a été la fonction de ces nouveaux psychologues ».

Revue de philosophie. Septembre-Octobre. C. PEILLAUBE: L'Evolutionnisme et l'intelligence humaine. L'auteur se propose de répondre à cette question: L'intelligence humaine évolue-t-elle conformément à la théorie générale de l'évolution ? Après avoir exposé et critiqué les théories de Darwin, de Wallace et de Romanes, il conclut: «L'abîme infranchissable qui sépare l'homme de l'animal consiste en ce que l'homme abstrait, tandis que l'animal ne fait que dissocier. Il y a bien une certaine évolution dans la faculté d'abstraire et dans la faculté de dissocier, mais il n'y a aucune espèce d'évolution de la faculté de dissocier à la faculté d'abstraire : c'est pourquoi il n'y a pas évolution mentale de l'animal à l'homme ». H.-D. NOBLE: L'évolution des états effectifs. « L'évolution des états affectifs dans la série animale ne se présente pas, chez Darwin, comme une conséquence du transformismé intégral, mais comme une preuve de celui-ci, la mimique émotive, telle qu'elle se manifeste chez l'homme, lui semblant une survie de mou

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vements utilitaires ancestraux. Cette théorie n'est pas valable: une explication toute physiologique rend compte de la mimique émotive sans qu'il soit nécessaire d'invoquer la descendance. A plus forte raison, le transformisme de nos sentiments les plus élevés reste improuvé... L'évolution des étals affectifs dans l'espèce humaine peut être admise au sens d'un progrès accidentel qui ne modifie pas essentiellement le patrimoine affectif de l'espèce humaine. Le facteur principal et spécifique en est le progrès de la connaissance au cours de l'histoire de la race. Quant à l'hérédité affective normale ou pathologique, elle ne saurait par elle seule, transformer le fonds humain, car, après quelques générations, les influences héréditaires se dispersent et s'amortissent. L'évolution des états effectifs dans l'individu a aussi pour facteur principal la représentation. Les phénomènes émotifs peuvent varier en se substituant les uns aux autres, en se composant par mélange et combinaison. Soumis aux lois de l'habitude, ils peuvent se renforcer par l'accoutumance et, sans modifier leur spécificité, s'accroître en intensité. Enfin ils peuvent être acclimatés à l'utilisation rationnelle, et c'est là, pour les états affectifs, l'évolution la plus profonde et la plus parfaite ». CH. CALIPPE : Les applications sociales du darwinisme. « Il y a trois écoles irréductibles en économie sociale, écrivait naguère M. le marquis de la Tour du Pin celle où l'on considère l'homme comme une chose; celle où on le considère comme une bête ; et celle où on le considère comme un frère ». Selon M. Calippe, «< ces trois écoles, au fond, peuvent se ramener à deux », car les deux premières, « si hostiles qu'elles soient l'une à l'autre dans certaines de leurs réalisations concrètes », résultent d'une application des théories évolutionnistes aux rapports sociaux. « Le marxisme, le collectivisme, le syndicalisme, sous des noms divers, appliquent la loi de lutte et de concurrence vitale aux individus associés et rigoureusement classés en catégories imperméables. Et, sous ces implacables et mouvantes formules, la guerre des classes devient un agent de transformation économique des sociétés, tout comme la lutte individuelle pour la vie était, aux yeux des anciens économistes, un facteur nécessaire de la sélection des élites. La guerre appelle la guerre contre la Confédération générale du travail se dresse la Confédération générale du patronat. Des deux côtés de la barricade, la philosophie darwinienne compte des disciples plus ou moins conscients, pour qui l'humanité s'arrête aux frontières de leur

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