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Cap. XXXIX.

fans rien fpécifier; il y a lieu de préfumer, que celui, qui nous impofe cette Obligation, laiffe en nôtre liberté de nous en aquitter comme nous le jugerons à propos. Mais lors que l'ordre eft accompagné d'une claufe, où il eft parlé de choix, elle eft cenfée ajoûtée en faveur de celui, qui doit recevoir, de peur que l'autre ne lui donne quelque chofe de peu de valeur. Pour la fameufe décifion du Duc d'Offonne, Vice-Roi de Naples, qui adjugea à un Fils toute la fucceffion de fon Pére, à l'exclufion des Ecclefiaftiques, que le Teftateur avoit inftitué fes Héritiers, avec cette clause, de donner à fon Fils ce qu'ils voudroient: elle n'eft pas tant fondée fur la rigueur du Droit, & fur le véritable fens des termes du Teftament, que fur un jufte motif de fruftrer l'avarice déteftable de cette forte de gens, toùjours alerte pour attrapper le bien d'autrui. Il y a quelque chofe de femblable dans la réponse de Charles Quint, à l'Ambaffadeur de François I. qui lui demandoit le Duché de Milan (d): Je veux, lui dit-il, précisément ce que mon Frére le Roi de France veut. Sur (d) Marfelaër, quoi l'Ambaffadeur fe hâtant un peu trop, écrivit à fon Maître, comme fi l'affaire étoit agai §. VI. C'EST encore par le moien des conjectures qu'il faut tâcher de concilier les con- 2. A concilier les tradictions apparentes qui fe trouvent dans un acte. Je dis les contradictions apparentes: car fi la contradiction eft manifefte, (1) alors les derniers articles, dont les Parties feront con- a faire voir à venues, dérogeront à ceux qui font de plus vieille datte. En effet, on ne fauroit vouloir quoi l'on doit en même tems deux chofes directement oppofées; & telle eft la nature des actes, qui dé- que la contrapendent uniquement de la Volonté de l'Agent, ou par lefquels perfonne n'a aquis aucun nifefte. droit, que l'on peut les révoquer entiérement par un nouvel acte de la même Volonté. Et en ce cas-là le changement de volonté eft néceffaire, ou d'une part feulement, comme dans l'abrogation des Loix Civiles, dans la révocation d'un Teftament, & autres chofes femblables; ou des deux côtez, comme en matière de Conventions, qui, à moins que quelque Loi n'en difpofe autrement, ne peuvent être annullées que du commun confentement des Parties (2).

faite.

Voici un exemple de deux Loix qui paroiffent fe détruire l'une l'autre. (3) L'une porte, qu'on élévera une ftatue dans le lieu des exercices à quiconque aura tué un Tyran. L'autre défend de mettre aucune ftatue de femme dans le lieu des exercices. Il fe trouve qu'un Tyran a été tué par une femme. On demande, fi elle doit avoir une ftatue? Pour moi, je la lui adjuge. Car le but de la premiére Loi, eft de faire en forte que la Jeuneffe, que l'on dreffe à la Vertu dans le lieu des exercices, foit portée par la vûe d'un tel honneur à imiter l'exemple de ceux qui l'ont mérité. Et la raifon de l'autre eft, que les Vertus propres & or dinaires des Femmes ne font point néceflaires aux Hommes, ni dignes d'être propofées pour objet à leur émulation. Mais, dans le cas, dont il s'agit, la femme aiant montré un courage au deffus de fon fexe, elle mérite d'autant mieux une ftatue dans le lieu des exercices, que fon exemple peut piquer & enflammer davantage d'une noble émulation, que celui des Hommes. Ciceron propofe un autre cas: (4) Il eft ordonné par une Loi, que qui

rurfum promiffor ferendus eft, fi ejus intererit, de certis porius vafis forte, aut hominibus actum. Digest. ibid. Ainfi les obfcuritez ou les ambiguitez d'un Contract de Vente, ou de Louage, s'interpretent contre le Vendeur, ou le Bailleur. Veteribus placet, pactionem obfcuram, vel ambiguam, venditori, & ·qui locavit, nocere: in quorum fuit poteftate Legem apertius confcribere. Digeft. Lib. II. Tit. XIV. De Pactis, Leg. XXXIX. Voiez auffi Lib. XVIII. Tit. I. Leg. XXI. & XXXIII. & Lib. L. Tit. XVII. De diverfis Regulis Juris, Leg. CLXXII. princ.

§. VI. (1) Ubi dua contraria leges funt, femper antiqua ebrogat nova. Tit. Liv. Lib. IX. Cap. XXXIV. Ai μETAγενέτεραι διατάξεις ισχυρότεραι 7 πως αὐτῶν εἰσιν. Digeft. Lib. I. Tit. IV. De conftitutionibus Principum, Leg. IV. Voiez auffi le Droit Canon, De Refcriptis, Can. III. & un paffage de Plutarque, qui fera cité dans la Nore 6. fur le §. 9.

TOM. II,

con

(2) De là il paroit, pour le dire ici en paffant, (ajoùtoit nôtre Auteur) de quelle maniére Lycortas pouvoit s'excufer de ce qu'en renouvellant le Traite des Acheens avec le Roi d'Egypte, il n'avoit pas eû la précaution de marquer précisément, lequel des Traitez paffez on renouvelloit. Car il n'avoit qu'à dire, que tous ces Traitez étoient cenfez renouvellez en tout ce en quoi ils s'accordoient; mais qu'à l'égard des articles, au fujet defquels ils différoient, il falloit s'en tenir au dernier. Voiez Polyb. Excerpt. Legat. XLI.

(3) Tyrannicida imago in gymnafio ponatur: contra, mulieris imago in gymnafio ne ponatur. Mulier Tyrannum occidit. Quintilian. Inft. Orator. Lib. VII. Cap. VII.

(4) Ex contrariis autem Legibus controverfia nafcitur, cùm inter fe dua videntur Leges, aut plures difcrepare, hoc modo: Lex eft: QUI TYRANNUM OCCIDERIT, OLYMPIONICARUM PREMIUM САРІТО,

N

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QUAM

contradictions

apparentes, ou

s'en tenir, lors

diction eft ma

conque tuera un Tyran, fera couronné aux Jeux Olympiques, & que les Magiftrats feront tenus de lui accorder une chofe qu'il leur demandera, quelle que ce foit. Mais par une autre Loi les Magiftrats devoient faire mourir les cinq plus proches Parens d'un Tyran, qui auroit été tué. Thébé, Femme d'Alexandre, Tyran de Phéres en Theffalie, le tua une nuit qu'elle étoit couchée auprès de lui: après quoi elle demanda pour récompenfe un Fils qu'elle avoit en du Tyran. Lá-deffus, quelques-uns prétendoient, que, nonobftant la derniére Loi, il falloit faire mourir cet Enfant, fuivant la premiére.

A l'égard des contradictions qui fe trouvent entre deux claufes d'une même Loi, on allégue, entr'autres, cet exemple (5). La Loi porte, que, fi une Fille a été enlevée, elle aura le choix, ou de faire condamner à la mort le Raviffeur, on de l'obliger à l'épouser fans dot. Un homme a enlevé deux Filles, dont l'une demande fa mort, & l'autre veut qu'il l'époufe. Pour décider la queftion, il faut confidérer le but & l'efprit de cette Loi. Lors qu'on permet à une Fille enlevée, de choisir la mort de fon Raviffeur, ce n'eft pas qu'on croie qu'il s'en trouve plufieurs qui prennent ce parti-là. Mais le Légiflateur niet cette alternative en faveur des Filles, qui ont eû le malheur de fe laiffer enlever, afin qu'elles ne foient pas réduites à paffer toute leur vie dans le célibat, foit parce que le Raviffeur, après que les premiers feux de fon amour feroient pafflez, viendroit à fe dégoûter de fa conquête, & à méprifer la pauvre Fille dans la crainte qu'elle n'accordât à d'autres fans beaucoup de réfiftance les faveurs qu'elle ne lui avoit pas réfufé à lui-même, malgré la défense des Loix; foit parce qu'on ne trouve guéres de gens qui veuillent épouser une Fille qu'ils favent avoir paffe par les mains d'un Galant. Ainfi, dans le cas dont il s'agit, celle qui veut que le Raviffeur l'époufe, doit l'emporter fur l'autre, qui demande fa mort. En effet, outre que cela s'accorde avec le but de la Loi, qui a plus en vûe l'avantage des Filles enlevées, que la punition des Raviffeurs; une des deux fe trouve par là mariée honnêtement: au lieu que, fi l'on faifoit mourir le Raviffeur, l'une & l'autre feroit fans mari. D'ailleurs on peut faire valoir ici une maxime fort raifonnable, & très-commune, qui eft, que, dans une égalité de raifons pour & contre, il faut prendre le parti le plus doux.

Quelquefois les termes d'une Loi ne renferment quelque contrariété qu'en un certain cas particulier. Par exemple, la Loi porte (6), que l'on donne à un homme, qui s'eft fignalé par fa bravoure, ce qu'il demandera. Il s'en trouve deux, qui demandent la même fille. Sur quoi je dis, que l'on doit donner la préférence à celui qui le premier a demandé cette fille. Que s'ils l'ont demandée tous deux en même tems, il faut qu'ils tirent au fort à qui f'aura. Car la liberté indéfinie de choifir, que l'on donne dans cette Loi à un homme, qui a fait quelque action de bravoure, doit être entendue avec cette reftriction tacite, que l'on puiffe le fatisfaire commodément. Voici un autre exemple, tiré de Philoftrate (7): La Loi dit; Qu'on puniffe de mort celui qui fera une fedition; mais que celui, qui l'appaifera, foit récompenfe. Il arrive, que le même, qui avoit formé une fédition, l'a enfuite appaifee. La décision de Secundus eft également vive & folide: Il faut commencer, dit-il à cet homme, par punir ton crime; permis à toi après cela, fi tu peux, de recevoir la recompenfe de ce que tu as fait de bien.

QUAM VOLET SIBI REM A MAGISTRATU DEPOSCITO, ET MAGISTRATUS EL CONCE DITO. Et altera Lex: TYRANNO OCCISO, QUIN QUE EJUS PROXIMOS COGNATIONE MAGISTRATUS NICATO. Alexandrum, qui apud Pherxos in Thellalia tyrannidem occuparat, Uxor fua, cui Thebe nomen fuit, wollu, cùm fimul cubaret, occidit. Hac Filium fuam, quem ex Tyranno habebat, fibi pramii loco depofcit. Sunt qui ex Lege Puerum occidi dicant oportere. Res in judiis eft. De Invent. Lib. II. Cap. XLIX.

(5) C'est le fujet de la V. Controverse de Senéque: Lex : RAPTA RAPTORIS AUT MORTEM, AUT INDOTATAS NUPTIAS OPTET Una notte quidam

Dans

duas rapuit: altera mortem optat, altera nuptias. Pref que tous les Declamateurs, dont Senéque rapporte des fragmens, vont à condamner à mort le Raviffeur.

(6) Voiez la Controverfe XXXI. de Senéque.

(7) Ὁ ἄρξας τάσεως, ἀποθνησκέτω, καὶ, ὁ παύσας τάσιν, εχέτω δωρεάν. ὁ αὐτὸς καὶ ἄρξας, καὶ παύσας, αἰτεῖ τὴν δωρεάν. την δε ὑπόθεσιν, ὧδε ἑβραχυλόγησεν. ε ἔφη, τὶ πρότερον τὸ κινησαι τάσιν, τὶ δεύτερον τὸ την

. [Ici la verfion de Frederic Marel eft ridicule.] das ἂν, ἐφ ̓ οἷς ἀδίκοις, τιμωρίαν, τὴν ἐφ ̓ οἷς οὐ πεποίηκας, εἰ δύνασαι, (δωρεάν) λάβε. Car il faut fuppléer dope, comme Mr. Meibom l'a remarqué. Philoflrat. de Viris Sophiftarum, in Secundo, Lib. I. in fine.

(8) C'eft

Dans tous les cas, dont nous venons de parler, & autres- femblables, c'est l'obscurité manifeste des termes qui oblige d'avoir recours aux conjectures. Mais quelquefois, encore que les termes fe prennent en un fens bien différent de celui qu'ils ont dans l'ufage commun, leur véritable fignification fe préfente d'abord d'elle-même par des conjectures de la derniére évidence (8). En voici un exemple, que l'on allégue ordinairement. (9) Il y a une Loi, qui défend aux Etrangers, fur peine de la vie, de monter fur les murailles de la ville. Les Ennemis aiant voulu efcalader la muraille, un Etranger y eft monté, & en a jetté quelques-uns en bas de l'échelle. Faut-il le punir comme aiant violé la Loi? Si l'on fuit la lettre, ou les termes feuls de la Loi, l'Etranger eft perdu: mais fi l'on entre dans l'efprit de la Loi, & dans l'intention du Légiflateur, fur quoi il faut fans contredit se régler, l'Etranger doit être abfous. Car le but de la Loi eft certainement d'empêcher, qu'aucun Etranger ne monte fur les murailles de la ville, pour en épier le fort & le foible; ce qui n'a point de lieu dans le cas, dont il s'agit (a).

Quelquefois même on trouve de la contradiction où il n'y en a point, parce que l'on s'éloigne du fens propre des termes, qui eft néanmoins celui qu'a eû dans l'efprit la perfonne qui les prononçoit. C'eft ainfi qu'autrefois, au rapport de Jofeph (b), Sédécias ne vouloit pas ajoûter foi aux Prophéties de Jérémie, & d'Ezechiel, dans la penfée qu'ils fe contredifoient l'un l'autre, le premier affurant que ce Prince feroit mené captif en Babylone, & l'autre difant qu'il ne verroit point de fes yeux le pais de Babylone. Cependant fout cela s'accordoit parfaitement bien, puis que Sédécias ne fut conduit en Babylone, qu'après qu'on lui eût arraché les yeux.

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la nature de l'af

§. VII. IL y a, felon Grotius, trois chefs principaux, d'où fe tirent les Conjectures que On tire des Conl'on peut avoir de la volonté ou de l'intention de celui qui parle, lors que les termes, dont lectures, 1. De il s'eft fervi, font obfcurs, ou équivoques. 1. La nature même de l'affaire, dont il s'agit. faire, dont il 842. Les effets. 3. Et enfin la liaison où la conformité des termes avec d'autres emploiez ou sit. dans la fuite du difcours, ou en pareilles circonftances.

Lib. III. C.XXV.

A l'égard du premier chef, c'eft une maxime commune (1) des Jurifconfultes, que les termes doivent être expliquez felon la nature du fujet, dont il s'agit. En effet, il y a lieu de préfumer, que celui qui parle a toûjours eû devant les yeux la chofe, dont il étoit queftion. Par exemple, dit-on, (2) fi un Vendeur promet à l'Acheteur de le maintenir en paifible jouiffance de la chofe vendue, il n'eft point cenfé pour cela s'engager à le garentir des pures voies de fait, & de toute violence hors des procédures de la Justice. On peut, à mon avis, appliquer la même régle au Vou de (a) Jephté; auffi bien (b) qu'à celui d'A- (a) fuges, XI, 31. gamemnon car quand on parle de facrifices, on fuppofe toûjours tacitement une chofe (b) Cicer. de Offic qui foit de nature à pouvoir être facrifiée (c). De même, fi l'on eft convenu d'une trêve (c) Voicz Everde trente jours, le mot de Four ne doit pas s'entendre feulement du Jour Naturel, ou du remata tems que le Soleil demeure fur nôtre Horizon; mais du Jour Civil, ou d'un espace de fubjecta. vingt-quatre heures égales. Et c'étoit une miférable chicane que celle de Cléomene (d), qui (d) Plutarch. Aaiant fait trêve pour quelques jours avec ceux d'Argos, & les trouvant endormis le troifié- opht, Lacon. me jour fur la bonne foi du Traité, en tua une partie, & fit les autres prifonniers; après Strabon, Geogr. quoi, comme on lui reprochoit fon parjure, il s'excufa fur ce qu'il n'avoit point compris Edit. Genev. Ca les nuits fous le terme de Fours. Ainfi, le mot d'Armes fignifiant tantôt les inftrumens fanb. & Herodor.

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dont

5. VII. (1) Quotiens in ftipulationibus ambigua oratio eft,
commodiffimum eft, id accipi, quo res, qua de agitur, in
tuto fit. Digeft. Lib. XLV. Tit. I. Leg. LXXX.

(2) Expulfos vos de fundo per violentiam à Nerone, quem
babere jus in eo negatis, profitentes, nullam vobis adverfus
eum, ex cujus venditione fundum poffidetis, actionem com-
petere probatis. Cod. Lib. IV. Tit. XLIX. De actionibus
empti & venditi, Leg. XVII. Voicz d'autres exemples
Lib. XIX. Tit. II. Locati, conducti, Leg. XV. §. 4. &
Lib. XXXIX. Tit. II. De damno infecto &c. Leg. XLIII.
N 2
(3) C'ea

XL. De

P. 223. A. Voiez
Lib.IX. pag.277.

in Euterpe, p. 89. Ed. H. Steph.

dont on fe fert à la Guerre, tantôt les Soldats qui en font pourvûs; il faut entendre l'un ou l'autre de ces fens felon la nature de l'affaire, dont il s'agit. Si, par exemple, on eft est convenu de ne point prendre les armes contre un tiers, il eft clair qu'on entend par là lever des Soldats, & envoier une armée contre lui. Mais fi, dans une Capitulation, il eft dit, (e) Voicz Albe- que la Garnison livrera les armes, ou les laiffera dans la Place, on voit bien que cela veur Tic. Gentil. de Fu- dire, que les Soldats en fortant n'emporteront point avec eux les inftrumens dont on fe fert Te Belli, Cap.XX. à la Guerre (e). C'eft encore une vaine fupercherie, que celle des Platéens (f), qui aiant (f) Thucydid.Lib. II. init. promis aux Thébains de leur rendre leurs prifonniers, les leur renvoiérent morts: car dans (Valer. Maxim. un pareil Traité on entend parler (3) de gens en vie. Il faut dire la même chofe de l'action de ce Romain (g), qui après avoir vaincu le Roi Antiochus, & ftipulé de lui qu'il lui donneroit la moitié de fes Vaiffeaux, les fit tous fcier par le milieu, & de cette maniere le priva de toute fa flotte. Rhadamifte, par une femblable chicane, accompagnée de parjure (h) Tacit. Annal. & de cruauté, après (h) avoir juré à Mithridate de ne le faire mourir ni par le fer, ni par le poifon, le fit étouffer fous un tas de couvertures.

Lib. VII. Cap.

III. Tite Live,

Lib. XXXVIII, Cap. 38. ne dit rien de cela.

XII, 47.

2. Des Effets.

(a) Guicciardin. Hift. Lib. V. pag.

134.

§. VIII. LES effets & les fuites, qui réfulteroient d'un certain fens, fervent auffi fou vent à découvrir le véritable. Car, quand les termes, pris abfolument & à la lettre, rendroient l'acte nul & fans effet, ou aboutiroient à quelque chofe d'abfurde & de contraire à la Raifon; il faut alors, pour éviter ces inconvéniens, s'éloigner un peu de la fignifica tion ordinaire (1). On en trouve un exemple dans le Traité conclu (a) entre Louis XII. Roi de France, & Jean Bentivoglio, qui s'étoit rendu maître de Bologne: car le premier aiant déclaré, qu'il prenoit fous la protection cette ville, avec fon chef, fans préjudice des droits du Pape, chicanoit enfuite fur ces termes, en vrai homme de Palais, & non pas en Idem, P. 146. Roi, comine le remarque (b) un Hiftorien judicieux. C'eft ainfi que (c) les Athéniens, (c) Thucyd. Lib. IV. Cap.XCVIII. après avoir promis de fortir des terres des Béociens, y restérent néanmoins, foûtenant que celles, qu'occupoit leur Armée, n'appartenoient point aux Béociens; comme fi par les terres des Béociens on n'avoit pas dû entendre tout ce qui étoit renfermé dans leurs anciennes limites. Alexandre le Grand ufa d'une pareille chicane, pour refufer les propofitions de paix, que lui faifoit Darius. Ce Prince lui offroit tout le Pais qui eft entre l'Hellefpont, & l'Euphrate; &, comme fes Ambaffadeurs en portoient la parole, Alexandre leur ré(d) 2. Curt. Lib. pondit (d): Il me donne, dites-vous, tout ce qui est au delà de l'Euphrate. Et où est-ce iv. Cap. XI. J'ai donc que vous me parlez? Vous femble-t-il point, que je fuis au deçà, & à ce compte n'ai-je pas deja franchi les bornes de cette grande dot, qu'il me promet, & que vous faites fonner fi haut? Chaffez-moi prémiérement d'ici, fi vous voulez que j'avoue, que ce que vous me donnez eft à vous. Beau raisonnement! Comme fi c'étoit tout un d'occuper un Païs avec une Armée qui s'en empare par force, ou de le poffeder déformais paifiblement par une ceffion de l'ancien Propriétaire. Le même Louis XII. dont nous avons déja parlé, étant convenu avec un Légat du Pape, que la nomination aux Evêchez qui fe trouveroient vacans en France par la mort de leur Prélat, appartiendroit au Roi; il arriva, quelque tems. après, qu'un Evêque de France mourut à Rome. Auffi-tôt le Pape nomma un fucceffeur à cet Evêché; & le Roi de fon côté en fit autant: ce qui produifit entr'eux un grand démêlé. Pour moi, j'aurois prononcé, fans balancer, en faveur de Louis XII. (e). Car, afin qu'un Bénéfice puiffe être cenfé vacant, il n'importe en quel lieu foit mort le Bénéficier. Et fi l'interprétation fubtile du Pape avoit eû lieu, on auroit pû éluder le droit du Roi en

fuivi Vaugelas.

(e) Voiez Marfeleer, Legat. Lib.

I. Cap.XXXVIII.

(3) C'est ainsi qu'Ovide dit, dans un paffage, que
nôtre Auteur citoit, fans dire de qui il eft:

Hector erat tunc cùm bello certabat; at idem
Trattus ab Hamonio non erat Hector equo.
Trift. Lib. III. Eleg. XI, 27, 28.

Au refte, nôtre Auteur rapportoit encore ici une vaine
chicane de Pericles, que l'on trouvera dans Grotius, §. 5.
ubi fupra; & une autre des Campaniens
dans Polyan.
Strateg. Lib. VI. Cap. XV. comme aufli ce que Xiphilin

plufieurs

raconte de deux Soldats, in Caracalla, ad ann. 217.

§. VIII. (1) C'est ce que difent les Jurifconfultes Romains, à l'égard des Loix: In ambigua voce Legis ea potius accipienda eft fignificatio, que vitio caret: prafertim cùm etiam voluntas Legis ex hoc colligi poffit. Digeft. Lib. I. Tit. IIL De Legibus, & Senatufconfultis &c. Leg. XIX. Ciceron dit aufli très-bien, nullam effe Legem, qua aliquam rem inutilem, aut iniquam fieri velit. De Invent. Lib. II. Cap. XLVII.

(2) Pau

Legal. VIII. ab

plufieurs maniéres. On raconte (f) qu'à Bologne il étoit défendu autrefois, fous de très- (f) Everhard.loc. rigoureuses peines, de tirer du fang de qui que ce fut dans les rues. Il arriva qu'un pau- abfurdo. vre Barbier faigna un jour quelcun dans la rue; fur quoi étant accufé il courut grand rif que d'être puni, parce que la Loi portoit, que ces défenses devoient s'entendre dans toute leur étendue, & felon la fignification propre & littérale des termes, fans explication ni exception quelconque. Il y a une Déclamation de Quintilien, qui roule fur le cas fuivant. (2) Un homme riche inftitua héritier univerfel de tous fes biens, un de ses amis, avec ordre de donner à un autre ami, qu'il avoit, mais qui étoit pauvre, autant que celui-ci lui donneroit par fon Teftament. On ouvrit le Teftament du pauvre, & il fe trouva qu'il avoit inftitué le riche fon héritier univerfel. Là-dessus le pauvre demande toute la fucceffion du riche; mais l'Héritier du riche ne veut donner qu'autant que le pauvre a vaillant. Dans une occafion, comme celle-là, l'Héritier inftitué peut, à mon avis, alléguer, entr'autres, une raifon très-forte pour faire valoir fa caufe, c'eft qu'autrement l'inftitution n'auroit aucun effet. C'est là auffi le principal fondement de la Loi (3) Falcidienne, & du (4) Sénatufconfulte Pégafien, qui affignoient toûjours à l'Héritier ie (5) quart de la fucceffion: car de cette manière on pourvoit en même tems à l'intérêt de l'Héritier, & à celui du Légataire, ou du Fideicommiffaire.

Pour ce qui regarde l'interprétation des Loix Civiles, il y a là-deffus une (6) belle maxime de Ciceron: Toutes les Loix, dit-il, doivent être rapportées à l'avantage de l'Etat, & par confequent il faut les expliquer par les vies de l'utilité publique, plûtôt que par le fens propre & littéral des termes ... Le but des Législateurs n'étoit pas d'établir des chofes préjudiciables à l'Etat, &, quand ils auroient voulu le faire, ils favoient bien qu'on rejetteroit de telles Loix, auffi-tôt qu'on en auroit apperçu les inconvéniens. En effet, fi l'on fouhaitte de maintenir les Loix, ce n'eft pas à cause d'elles-mêmes, mais pour le bien de la République, que l'on croit ne pouvoir mieux être gouvernée que par de bonnes Loix.

§. IX. UN troifiéme chef, qui, comme je l'ai dit, fournit de grandes lumiéres pour l'intelligence des termes obfcurs, c'eft la comparaifon qu'on en fait avec d'autres termes, qui y ont quelque rapport, foit qu'ils fe trouvent dans la fuite (1) même du difcours, ou

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te T.

(3) Voiez ci-deffus, Liv. III. Chap. IV. §. 5. No(4) Sous le Confulat de Trebellius Maximus, on fit un Sénatufconfulte, qui portoit, qu'un Heritier, qui étoit oblige de rendre la fucceffion au Fideicommiflaire, feroit déchargé de toutes les dettes & charges, qui, aussi bien que les droits, noms, & actions, palleroient avec les biens au Fideicommiffaire, à qui ils étoient remis. Mais comme les Héritiers chargez d'une Subftitution, ne retiroient que peu ou point de profit de l'hérédité qu'il leur falloit rendre ; & qu'ainfi on ne trouvoit prefque perfonne, qui voulût s'embarraffer d'un Fideicommis: il fut ordonné par un autre Senatufconfulte, fait fous le Confulat de Pegafe, que celui, qui feroit obligé de rendre la fucceffion au Fideicommiffaire, en pourroit retenir le quart. L'Empereur Juftinien réunit enfuite ces deux Sénatufconfultes, qui auparavant avoient eté diftinguez, & appellez du nom de leur Auteur, le premier Sénatufconfulte Trebellien, & l'autre SénatufconSuite Pegafien. Le nom du plus ancien, ou du Trébellien, demeura feul; & de là vient qu'on appelle la quarte Trébellianique, ou fimplement la Trebellianique, ce quart de l'hérédité, qui doit refter à l'Héritier chargé de la rendre. Voiez inftitut. Lib. II. Tit. XXIII. De fideicom

dans

3.

De la liaison des termes avec d'autres emploiez

ou la conformité

ou dans la fuite même du difcours ou en pareilles

miffariis hereditatibus &c. & Digeft. Lib. XXXVI. Tit. I.
Ad Senatufconfultum Trebellianum; comme auffi les Loix circonftances.
Civiles dans leur ordre naturel, par Daumat, II. Part. Liv.
V. Tit. IV.

(s) Nôtre Auteur, dans toutes les Editions, dit ici
dodrantem, les trois quarts; au lieu de quartam partem.
Je ne devois pas laiffer dans le texte une bevac fi grof-
liére. Au refte, il faut remarquer, que, dans le Droit
Romain, la quarte Trébellianique eft quelquefois ap-
pellée Falcidie; parce qu'en effet la Trebellianique eft,
à peu près, à l'égard de l'Héritier charge d'une Subfti-
tution, ce qu'eft la Falcidie à l'égard de l'Héritier pur
& fimple. Voiez, par exemple, Digeft. Lib. XXVIII.
Tit. VI. De vulgari & pupillari fubftitutione, Leg. XLI. §. 3–

(6) Omnes Leges, fudices, ad commodum Reipublica referre aportet, & eas ex utilitate communi, non ex fcriptione, qua in literis eft, interpretari..... Neque enim ipfi, [qui Leges fcripferunt] quod obeffet, fcribere volebant:& fi fcripfiffent, cùm effet intellectum, repudiatum iri Legen intelligebant. Nemo enim Leges Legum caufà falvas esse vult, fed Reipublica, quod ex Legibus omnes Rempublicam optimè putant adminiftrari. De Inventione, Lib. II. Cap.

XXXVIII.

§. IX. (1) C'est une maxime judicieufe du Droit Romain, que chaque partie d'une Loi doit être interprétée par la teneur de la Loi toute entiére. Incivile eft, nifi tota Lege perfpecta, una aliqua particula ejus propofita, judicare, vel refpondere. Digeft. Lib. I. Tit. III. De Legibus &c. Leg. XXIV. Voiez auffi, au fujet des Conventions, Lib. XLV. Tit. I. De verbor. obligat. Leg. CXXXIV.

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