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Lib. XV. verf. 28,

29.

foit Socrate.

Voicz auffi Valer.
Flace. Argon.
Lib. VII.

(c)Ovid. Metam. d'argent, ou en laiffant une partie de fes biens. A, Argos (c) les Loix défendoient fur peine de la vie, de quitter le Pais, Mais lors qu'il n'y a point de Loi là-deffus, c'est par la Coûtume, ou par la nature même des engagemens des Sujets, qu'il faut juger de la liberté que chacun a à cet égard. Tout Citoien peut légitimement faire ce qui eft permis par la Coûtume. Il y a plufieurs Etats i peuplez, qu'on travaille plûtôt à diminuer le nombre des habitans, qu'à les empêcher de fe retirer où ils veulent. Si la Coûtume n'a rien établi là-deffus, & qu'il n'en foit fait d'ailleurs aucune mention dans la Convention par laquelle on s'eft foumis à l'Etat; il y a lieu de préfumer, que toute perfonne libre, en entrant dans une Société Civile, s'eft tacitement refervée la permiffion d'en fortir quand elle voudroit, & qu'elle n'a pas prétendu s'affujettir à demeurer toute la vie dans un cer(d) Ainfi que fai tain Pais, mais plutôt fe regarder toûjours comme (d) Citoien du Monde. En effet, par cela feul qu'on entre dans un Etat, on ne renonce pas entiérement au foin de foi-même & de fes propres affaires; au contraire on cherche par là une protection puiffante, à l'abri de laquelle on puiffe vivre & travailler en fûreté à fe procurer les néceffitez & les commo ditez de la vie. Comme donc il arrive fouvent, que le Gouvernement du Pais ne s'accommode pas avec nôtre intérêt particulier, ou que l'on peut vivre ailleurs plus commodé ment; & que cependant il ne feroit pas jufte de prétendre, que l'on réformât les Loix & le Gouvernement, felon la fantaisie ou les intérêts de quelque peu de Particuliers: il faut qu'il leur foit permis de fe retirer en quelque autre endroit, où ils pourront mieux faire leurs affaires. D'ailleurs il y a des gens qui ne trouvent pas occafion de faire valoir leurs talens dans l'Etat, dont ils font originaires. D'autres éprouvent la vérité de ce Proverbe (c) Luc, IV, 24. de l'Evangile: (e) Qu'aucun Prophéte n'eft bien reçû en fa Patrie: foit parce que des Esprits envieux & malins font jaloux de voir élevez au deffus d'eux, par leur merite, des Compatriotes qui leur étoient autrefois égaux, ou même inférieurs; foit parce que l'on fait (f) Voiez, dans plus (f) de cas des chofes éloignées, que de ce que l'on trouve chez foi. Vouloir refuser Diogene Laerce, a de telles perfonnes la permiffion de s'aller établir ailleurs, ce feroit une auffi grande tymot du Philofo- rannie, que de défendre à des gens libres d'afpirer jamais à une condition plus relevée que phe Lacyde, mais celle de leurs Parens. Les Etats même peuvent retirer un grand avantage de cette permiffion que l'on donné aux Citoiens de paffer de l'un à l'autre, puis que par là on trouve moien d'attirer chez foi des Etrangers d'un grand mérite, & qui feront honneur à l'Etat. Les Romains recevoient tous ceux qui venoient des autres Etats pour entrer dans le leur, & ils ne forçoient perfonne d'y refter. Ciceron (1) loue fort ce fage établissement, & il l'appelle le fondement le plus ferme de la Liberté, qui confifte à pouvoir ou retenir fon droit, ou y renoncer, comme on le juge à propos. Et il ne ferviroit de rien de dire, que les Péres de Famille, qui ont fondé les Sociétez Civiles, fe font engagez tacitement les uns envers les autres, à réunir enfemble déformais toutes leurs forces. Car, dans toute autre forte de Société, chaque Membre peut y renoncer, pourvû qu'il ne le faffe pas de mauvaise foi, ni hors de faifon, ou au préjudice des autres, fur tout fi la Société n'eft pas contractée un certains tems limité.

Lib. IV. §. 60. un

qui ne fait rien ici.

Quelles Régles

lors qu'on veut

pour

§. III. IL y a pourtant certaines maximes de Devoir ou de Bienféance, dont on ne on doit obferver, fauroit honnêtement fe difpenfer, lors qu'on veut fortir d'un Etat. Comme pour l'ordifortit d'un Etat? naire il importe à l'Etat de favoir le nombre de fes Citoiens, il faut donner avis de fa retraite; à moins qu'on n'ait des raifons manifeftes de croire que l'Etat ne s'en foucie point. Ceux qui fe font chargez de quelque Emploi particulier, fur tout pour un certain tems, comme les Ambaffadeurs, les Officiers de Guerre qui font en campagne, &c. ne doivent pas quitter leur pofte fans un confentement exprès de l'Etat. De plus, il ne faut pas s'en aller à contretems, & dans des circonstances où l'Etat a un intérêt particulier que l'on ref

§. II. (1) Ó jura preciara, atque divinitus jam inde à primipio Romani nominis à majoribus noftris comparata....

me quis invitus civitate mutetur, neve in civitate mancat

te;

invitus ! Hec funt enim fundamenta firmissima noftra li-
bertatis, Tui quemque juris & retinendi, & dimittendi
effe dominum. Orat. pro L. Corn. Balbo, Cap. XIII.
§. IV.

num. 2. Voiez

te; par exemple, (comme le dit (a) Grotius) lors que l'Etat eft fort endetté, à moins que (a) vbi suprà, l'on ne veuille, avant que de fortir, paier fa quote part des Dettes: on lors qu'il s'eft enga Lu Lycurg. Orat.adv. gé dans une Guerre, où il comptoit fur le nombre des Citoiens, fur tout fi l'on eft à la veille Leocrat. Ce n'eft d'un fiege; à moins que l'on n'ait en main quelque autre perfonne qui veuille prendre nôtre Pas place, & qui foit auffi capable de défendre l'Etat.

toien, que de faire comme

Horace, Lib. I.

(c) La maniére

Au refte, il faut bien remarquer, que quand on parle ici de fortir d'un Etat, cela veut ceux dont parle dire que l'on fe retire hors des terres de la domination de cet Etat, & non pas que de- od. XXXV. verf. meurant toûjours fur fes terres on prétende n'être plus foûmis à fon empire (b); car cela 26, 27, 28. (b) Voiez ci-defeft contraire à la conftitution des Sociétez Civiles (c). fus, Liv. VII. De ce que nous avons dit, il paroit encore, quelle eft la vertu & l'effet des Lettres Chap. 11. §. 20. Avocatoires, par lesquelles un Etat rappelle les Naturels du Païs de chez les Etrangers, où dont Mariana ils fervent. Car fi une perfonne, qui n'avoit point d'engagement particulier dans un Etat, rapporte (Lib. où il eft permis à chacun d'en fortir quand bon lui femble, s'eft allée établir dans un au- Reb. Hifp.) que tre; le prémier n'a plus aucun pouvoir fur elle, & par conféquent tous fes Avocatoires les Grands d'Ef font nuls & fans force, quand même ils la menaceroient de la noter d'infamie, fi elle n'y doient autrefois obeit pas au plûtôt. Mais l'Etat conferve encore son droit fur un de fes Sujets, qui eft for fe dégager de ti du Païs contre les Loix, ou contre les engagemens particuliers où il étoit entré, ou qui ils étoient enl'Obligation où a encore des biens dans le Pais, fur tout s'ils confiftent en Immeubles, ou enfin qui n'é- vers leur Patric, n'eft pas bien lés toir forti que pour voiager dans les Païs Etrangers (d). gitime.

XIII. Cap. XI. de

pagne préten

recevoir à Athe

Il eft clair encore, que, fi un ancien Citoien vient à être revêtu par le nouvel Etat, où (d)voiez,en pafil est entré, du caractère d'Ambaffadeur auprès de l'Etat dont il étoit Membre autrefois; Selon au fujet il doit fans contredit jouir de tous les droits & de tous les priviléges des Ambaffadeurs, des Etrangers dont un des principaux eft d'être exemt de toute Jurifdiction de la Puiffance auprès de la- que l'on devoir quelle il exerce cet Emploi. En effet, fi l'Etat ne veut pas faire cet honneur à un homme nes; dans Plu qui a été autrefois fous fa domination, il peut refufer de le recevoir comme Ambaffadeur, tarch. pag. 91. F. Bien plus fi un Citoien encore dans le Pais s'engage, au vû & au fû de fon Etat, avec un autre, qui lui confie le foin de ménager là-même fes affaires en qualité d'Ambaffadeur ou de Miniftre Public; l'Etat eft cenfé alors tenir quitte fon Sujet des engagemens où il étoit envers lui; deux Obligations de cette nature ne pouvant pas à la fois être attachées à un feul & même fujet. De forte qu'un tel homme étant dès lors regardé comme aiant quitté fa Patric, par une fiction de droit, y jouira déformais des droits & des priviléges d'Ambafladeur Etranger.

troupes !
(b) Voiez T. Live,

§. IV. GROTIUS (a) foûtient que les Citoiens ne peuvent pas fortir de l'Etat (b) en si l'on peut for troupes: car, dit-il, fi cela étoit permis, la Société Civile ne fauroit fubfifter. Mais cette tir de l'Etat en opinion n'eft pas fans difficulté. (1) Car fi chacun a la liberté de fe retirer ailleurs, pour- (a) vbi fuprà. quoi plufieurs ne pourroient-ils pas fortir de l'Etat à la fois, & s'aller établir ailleurs en Lib. XLI. Cap. même tems, lors que cela les accommode, & qu'ils peuvent d'ailleurs le faire fans man- VIII. IX. quer à ce que nous avons dit ci-deflus qu'on doit obferver en ce cas-là. En vain objecte roit-on, que l'Etat est affoibli l'Etat est affoibli par là: car puis que, comme on le fuppofe, il n'a aucun

5. IV. (1) Mr. Wernher, Profeffeur à Vittemberg, répond à notre Auteur, (dans fes Elementa J. N. & Gent, Cap.XXVI.5.4.) que de ce que les Particuliers d'un Corps, pris un à un, ont tels ou tels droits, il ne s'enfuit pas toûjours que la Multitude entiére les ait auffi, parce qu'il peut y avoir quelque raifon qui empêche de permettre à un grand nombre de gens ce que l'on accorde à un petit nombre; comme cela a lieu ici, où l'on voit bien qu'il eft de l'intérêt de l'Etat que fes Citoiens ne fe retirent pas ailleurs en troupes. D'ailleurs cela eft contraire à la Convention primitive qui forme les Societez Civiles, & en vertu de laquelle les Citoiens font tenus de ne rien faire qui tende à detruire l'Etat. Et il ne fert de rien de dire qu'un Etat profite des debris de l'autre. Car la Convention, dont il s'agit, fe rapporte à l'avantage de l'Etat

droit

particulier dans lequel on entre; & ce n'eft pas par rap-
port aux Sociétez Civiles en general, mais par rapport à
P'intérêt de chaque Société particulière qu'il faut juger de
Pétendue des engagemens & des Devoits des Citoiens.
Voilà de quelle maniere cet Auteur défend ici l'opinion
de Grotius. Quoi qu'il en foit, le cas dont il s'agit ne fau-
roit guéres arriver que quand les Souverains fe font ren-
dus odieux & infupportables à leurs Sujets par un Gou-
vernement tyrannique; & alors c'est à eux fans contredit
à changer de conduite, s'ils ne veulent pas voir depeu-
pier leurs Etats. Autrement toutes les défenfes du mon-
de ne feroient pas fort efficaces, & n'empêcheroient pas
qu'ils ne fuffent réduits avec le tems à regner fur de vates
déferts.

droit de nous retenir malgré nous, on ne lui fait aucun tort en le privant, par nôtre départ, d'un avantage encore avenir, que l'on n'étoit pas tenu de lui procurer. D'ailleurs il n'eft pas plus néceffaire qu'un Etat ait un certain nombre de milliers de Citoiens, ou qu'il foit toûjours formidable à fes voifins; qu'il n'eft néceffaire qu'un Particulier poffède tant de milliers d'Ecus, ou d'arpens de terre: quoi qu'on ne doive rien ôter de tout cela, par. des voies illicites, ni à cet État, ni à ce Particulier. Ainfi la raifon de Grotius ne paroit pas fort folide. Car, quoi qu'un Etat s'affoiblifle confidérablement, ou fe détruise même enfin, par le grand nombre de gens qui l'abandonnent à la fois; la Société Civile n'eft pas (c) Comme Sé pour cela entiérement anéantie parmi les Hommes: tout ce qu'il y a, c'est qu'un Etat (c) des ruines de profite du débris de l'autre, ou qu'il s'en forme un tout nouveau. Depuis la multiplicaBabylone, & Crétion du Genre Humain, la Nature a voulu qu'il y eût dans le monde des Sociétez Civiles; Siphon de celles de Seleucie. Voiez mais non pas que tel ou tel Etat en particulier fut toûjours floriffant, & ne vint jamais à Plin. Hift. Nat. être détruit. Il eft vrai que les Citoiens qui abandonnent leur Etat par troupes, doivent, Lib. VI. C.XXVI. aussi bien que ceux qui s'en vont un à un, fortir en même tems des terres de fon obeiffance autrement il y auroit une grande confufion de Jurifdictions, fi des Villes & des Provinces entiéres pouvoient, quand il leur plairroit, le dégager de l'empire de leur Souverain, pour se foûmettre à un autre, ou pour s'ériger en Corps d'Etat particulier.

leucie fe forma

S'il eft permis de
paffer dans un
une défertion
feinte?

muel, XXIX, 4.
(b) Voiez Vopif
eas, in Aurelian
Cap. XXIII.

(c) Les uns attribuent ce mot à autres, à Philip Pede Macédoine.

Lyfimaque; les

§. V. EXAMINONS ici, en paffant, une queftion qui fe préfente, favoir, fi l'on doit autre parti par approuver la conduite de ceux qui, par une défertion feinte, paflent dans le parti d'un autre Etat, en vue de lui caufer quelque dommage confidérable, pour le bien de celui d'où ils font femblant de fortir? A la vérité, c'eft fans contredit une grande imprudence (a) que de fe fier légèrement à de telles perfonnes; & je ne voudrois pas fort blâmer, d'autre cô té, ceux qui (b), après avoir profité de la trahison, ont puni les Traitres comme ils le méritoient. Mais il faut avouer auffi, qu'on ne peut pas honnêtement, & en bonne confcience, tromper qui que ce foit, par cette feule raifon qu'il n'est pas affez en garde contre les embûches qu'on lui drefle; & nous avons fait voir ailleurs, qu'on ne doit jamais commettre de Crime pour rendre fervice à fa Patrie. Or c'eft fans contredit un Crime énorme, de prêter ferment de fidélité à quelcun, pour avoir occafion, en le trahiffant, de lui faire plus de mal; & tous ceux qui ont eu quelque fentiment d'honneur & de probité, ont détesté la maxime de cet (c) ancien, qui difoit, qu'il falloit amufer les hommes par des fermens, comme on amufe les enfans avec des offelets. Si donc un tel Transfuge a expreffèment promis fidélité & obéiflance à ceux dans le parti defquels il eft paffé; il ne fauroit, fans crime, manquer à fes engagemens, pour rendre fervice à ceux de chez qui il eft forti par une désertion vraie, ou feinte. En vain objecteroit on, que le Transfuge ne fait aucun tort à ceux qui fe laiffent ainfi tromper, puis qu'ils favoient bien qu'il ne pouvoit innocemment embraffer leurs intérêts, & qu'ainfi fon engagement étoit nul. Mais il n'eft pas befoin ici d'examiner, fi l'on péche, ou non, en fe fervant des Transfuges. Car de ce que l'on péche en profitant du fervice de quelcun, il ne s'enfuit pas qu'il aît droit par cela feul de nous faire du mal. Un Affaffin, par exemple, ne peut pas tuer celui qui lui a donné de l'argent pour commettre un meurtre, fous prétexte que le dernier eft auffi coupable que l'autre. C'eft à la vérité une opinion commune, que (1) l'on reçoit les Transfuges en vertu du Droit de la Guerre; c'est-à-dire (d), que l'on ne fait rien de contraire aux Loix de la Guerre, en recevant ceux qui abandonnent le parti de l'Ennemi, pour paffer dans le nôtre. Mais il y a lieu de douter, fi l'on doit entendre cela fimplement du droit extérieur de la Guerre, comme parle Grotius, ou bien du droit intérieur, c'est-à-dire, de celui qui eft exactement conforme aux Loix de la Nature & de la Confcience. Pour moi, il me femble, que fi l'on veut foûtenir qu'il foit abfolument permis de fe fervir des Transfuges, on ne doit pas tant faire fond fur la preuve que Grotius allégue, tirée de l'exemple

Voiez Elien, V.

H. Lib. VII. Cap.

XII.

(d) C'eft ainfi qu'expliquent cette Loi Cujas

Obf. IV, 9. &

Grotius, Lib. III.
Cap. I. §. 22.

§. V. (1) Transfugam jure belli recipimus. Digest. Lib. XLI. De adquir. rerum dominio, Leg. LI.

de

(2) Voicz

tin. Lib. I. C. X.

LIV.Voiez enco

fus, & qui eft di

par Appien, &

le du fourbe Si

de DIEU, qui fe fert des Impies & du Diable même comme d'autant d'inftrumens pour exécuter fes deffeins;, on ne doit, dis-je, pas tant appuier là-deffus, que fur le droit (2). que donne la juftice d'une Guerre qui tend uniquement à repouffer les injures qu'on a reçues, ou à pourfuivre fon droit. Quand on a une caufe fi légitime, & fi favorable, il femble qu'on ne doit pas trop s'informer fi ceux qui ont abandonné le parti de nos Ennemis, y ont été pouffez par des raifons honnêtes, ou deshonnêtes. Ainfi, comme on peut préfumer qu'elles font juftes & légitimes, on ne fe rend point complice, pour ainsi dire, d'une défertion criminelle, en recevant ces gens-là. Quoi qu'il en foit, il eft clair, que perfonne ne fauroit, fans crime, faire fervir la fainteté de la foi donnée à tromper ceux qui s'y fient. D'autre côté, il n'eft pas moins certain, que l'engagement d'un Transfuge, qui n'allégue aucune raifon légitime de fa défertion, eft vain & de nulle force, puis qu'il tend (e) voiez Heraà commettre un crime, ou à le continuer; de forte que ceux qui comptent fur une telle dor. Lib. 111. JufPromeffe (3), agiflent avec beaucoup d'imprudence. Auffi voit-on, que les Transfuges (f)Voiez T.Live, qui veulent tenir quelque rang un peu confidérable dans le parti qu'ils embraffent, ou qui, Lib. I. Cap.LIII. par une défertion feinte, cherchent l'occafion de nuire à ceux qui les reçoivent, alléguent re l'hiftoire du ordinairement pour prétexte les mauvais traitemens & les injures infupportables qu'on leur Transfuge qui a fait dans le parti qu'ils abandonnent; comme on le voit, par exemple, dans la feinte trompa M. Craf défertion de Zopyre (e), auprès des Babyloniens, & dans celle de Sexins Tarquin, auprès vertement des (f) Gabiens. Au refte, on ne regarde pas comme des Transfuges, ceux qui, fans rien mé par Florus, promettre aux Ennemis, se gliffent fecrétement parmi eux, pour leur jouer quelque mau- par Plutarque: vais tour. Et on ne peut pas dire, que, par cela feul qu'ils entrent dans les terres occupées comme aufli celpar l'Ennemi, ils s'engagent tacitement à ne commettre contre lui aucun acte d'hoftilité: non dans Virg. car cet engagement tacite n'a lieu que par rapport à ceux qui viennent en tems de Paix, En. Lib. II. verf. 57.& feqq. & non pas en tems de Guerre. §. VI. Nous avons examiné, s'il eft permis à un Citoien de fortir de l'Etat? On de- Si l'Etat ou le mande encore, fi l'Etat, de fon côté, peut, quand il lui plait, chaffer un Citoien, fans chafer, quand qu'il l'aît mérité par aucun Crime? Ciceron (a) regarde avec raifon comme un des fonde- il lui plait, de fes mens de la Liberté, qu'aucun Citoien ne foit obligé, malgré lui, à fortir de l'Etat. En vain fes Sujets il veut? objecteroit-on, que, pour rendre les chofes égales, il faut que, fi chaque Citoien a la (a) Dans le pafliberté de fe retirer ailleurs quand il lui plait, l'Etat à fon tour aît pouvoir de le chaffer fag cire ci-dequand bon lui femble. La raifon de la différence eft claire. Car quiconque entre dans un Etat, attache, du moins pour le préfent, tous les intérêts, tous les biens, & toute fa fortune, à la protection de cet Etat; de forte qu'il feroit ruiné, ou que du moins fes affaires y perdroient beaucoup, s'il pouvoit être chaffé à tout moment, par pur caprice. Comme (b) Voiez Ifocr.* donc cela lui feroit fort fâcheux & fort préjudiciable, il eft cenfé avoir ftipulé de l'Etat, & in Panathen. qu'il ne pourroit être chaffé du Païs fans l'avoir mérité par quelque Crime. Mais il n'im- Vell. Patere. Lib. porte au contraire que peu ou point à l'Etat, que les Citoiens du commun aient la liber- 1. Cap. 1. Dion. té, ou non, de fe retirer ailleurs comme bon leur femble: car lors qu'il voit quelque Ci- Strab. Lib. V. toien diftingué, qui peut lui être fort utile, il fait bien d'ordinaire le lier par des engage- Paul. Warnefrid.· de geft. Longobard. mens particuliers, qui ne lui permettent plus de fortir du Pais fans fon confentement. Et Lib. I. C. II. Bal'Etat ne doit pas être jaloux de ce que fes Sujets ont, à cet égard, un peu plus de liberté con, Serm fi qu'il n'en a par rapport à eux. Car le Souverain peut aifément mettre à la raifon un Sujet voiez aufi, au qui ne fe conforme pas à fa volonté. Au lieu que, fi un Sujet ne fe trouve pas bien du fujet du Ver faGouvernement, il ne lui refte d'autre reflource que la patience, ou la retraite. D'ailleurs, ciens, T. Liv. les Etats ont en main un moien moins odieux d'éloigner les Citoiens fufpects,ou inutiles, Lib. XXXIV. C. & de décharger le Païs d'un trop grand nombre d'Habitans; c'eft d'envoier ailleurs des Co- tic. Lib. I. & II, lonies (b), dans lesquelles même chacun s'enrolle d'ordinaire volontairement, foit par l'effufin, L. XXIV.

(2) Voiez le Chap. VI. de ce Livre, §. 16.

(3) Voiez T. Live, Lib. XXII. Cap. XXII. comme auffi le Difcours d'Indibilis, dans le même Auteur, Lib. XXVII. Cap. XVII. celui de Cn. Marcius aux Volsques, dans Denys TOM. II.

Souverain peut

fus, §. 2. Nor. 1.

Orat. ad Philipp.

Halicarn. Lib. I.

fid.

Cap. XXXIII.

crum des An

XLIV. Dion. Ha

.C. IV. Feftus, fur pé- ce mot, & fur d'Halicarnaffe, Lib. VIII. & celui de Ségefte, dans Taci- celui de Mamerte, Ann. Lib. I. Cap. LVIII. Voiez auffi Ammian. Marcel- tini: Piin. L. III. lin. Lib. XVIII. Cap. XI. à la fin. C.XIII. Hift. Nat. & Strab. Lib. V. Naa

S. VII.

Du Bannie

ment.

(a) A moins que

'on ne foit de

l'humeur de ce Marius, dont

pérance de vivre plus commodément dans le Païs où il va fe tranfplanter, ou parce qu'il eft bien aife de fortir d'un Pais où l'on le regarde de mauvais cull. Ces Colonies peuvent fe faire & fe font ordinairement de différentes maniéres. Car tantôt elles demeurent toûjours attachées au Corps de l'Etat qui les établit; tantôt elles font fimplement tenues de témoigner du refpect pour l'Etat d'où elles font forties, de forte qu'elles ont avec lui une espéce d'Alliance Inégale; tantôt enfin elles forment un Etat qui va du pair avec l'autre. §. VII. ON ne celle donc d'être Citoien d'un Etat, malgré foi, que quand on eft banni à perpétuité en punition de quelque Crime vrai, ou faux, dont on a été accufé en Juftice. Car du moment que l'Etat ne veut plus reconnoitre quelcun pour un de fes Menibres, & qu'il le chaffe de fes terres, il le tient quitte des engagemens où il étoit entant que Ciparle Juvenal, toien, & il ne conferve plus fur lui aucune Jurifdiction; comme le foûtient (1) Iolás, dans Sat. I, 49. Un 49 nur une Tragédie d'Euripide, au fujet des Heraclides, qui avoient été chaflez d'Argos. Si peut néanmoins l'on eft banni pour un Crime fuppofé, c'est un cruel (a) outrage: que fi le Crime étoit fe confoler par véritable, c'eft une Peine bien rigoureufe, jufques-là que quelques-uns (b) l'ont jugée plus nocence; Voiez cruelle que la mort même. En effet, quand même on ne perdroit pas par là fes biens, c'est un grand embarras d'être obligé de les tranfporter ailleurs. Il n'eft pas moins fâcheux de (b) Voicz Philon, fe féparer des perfonnes avec qui l'on avoit des liaisons étroites (c). Enfin c'eft une chose de Abraham, P: fort ignominieufe, d'être juge indigne de demeurer dans un Etat; car ce que dit (2) Cice(C)Voicz Oppian. ron pour faire voir, que l'Exil n'eft pas une Punition, fe rapporte uniquement aux idées & aux Coûtumes des Romains. Une perfonne néanmoins, qui a été injuftement bannie de (d) Diog. Laert. fon Pais, peut témoigner quelquefois les mêmes fentimens que fit paroitre Diogéne; lors qu'on lui reprochoit que ceux de Sinope l'avoient chaffé de chez eux; C'est moi (d), répondit-il, qui les ai condamnez à demeurer dans leur Païs.

homme de cœur

Ta vûe de fon in

Stob. Serm.
XXXVIII.

359.A. Ed. Parif.

verf.274, & feqq.

Lib. VI. §. 49.

Ed. Amftel.

Comment on ceffe d'être Ci

§. VIII. UNE autre maniére de fortir d'un Etat malgré foi, c'est lors que, par la force toien d'un Etat, des armes, on eft réduit à la néceffité de fe foûmettre à une domination étrangère, foit par l'effet d'une que l'on demeure toûjours dans le Pais, ou que l'on foit tranfporté ailleurs. Or il eft clair, de la part de que cela eft permis non feulement à chaque Citoien, du moins tant qu'il n'a point d'autre Voltz Grotius, engagement particulier avec l'Etat (a), mais encore aux Villes & aux Provinces entiéres, (a) Voicz Grotius, lors qu'il ne paroit pas d'autre moien de fe fauver.

force fupérieure

P'Ennemi?

L. II. C. VI. §. s.

Si un Citoien,

qui a été livre par l'Etat à quel fance, fans que

que autre Puif

Celle-ci l'ait voulu recevoir, demeure toùjours Citoien du premier? (a)Voiez Grotius, Lib.II. Cap.XXI. §. 4. num. 7.

§. IX. IL arrive encore quelquefois, qu'un Etat, pour fe mettre à couvert de la Guer re (1), livre un de fes Sujets qui a fait quelque injure à un autre Etat. On demande, fi celui qui a été ainfi livré, mais que l'Etat, à qui on l'envoioit, n'a pas voulu recevoir, demeure toûjours Citoien de l'Etat qui l'a livré (a) ? Un ancien Jurifconfulte foûtenoit que non (2); parce que livrer un Citoien c'eft comme fi on le banniffoit. Mais, dans l'affaire

- §. VII. (1) Ἐπεὶ γδ Αργες ἐδέν ἐσθ ̓ ἡμῖν ἔτι,
Heraclid, verf. 186. Voicz Grotius, Lib. II. Cap. V. §. 25.

(2) Orat. pro A. Cacina, Cap. XXXIV. Exfilium enim
non fupplicium eft, fed perfugium portufque fupplici. Voiez
auf Polyb. Lib. VI. Cap. XII. C'est que, par les Loix
anciennes, on ne pouvoit oter à aucun Citoien, malgré
lui, le droit de Bourgeoilie. Voiez la Harangue du mê-
me Orateur, Pro domo fua, Cap. XXIX. Or les Magif-
trats & les Tribunaux Politiques ne pouvoient pas en
vertu des Loix Porcienne & Sempronienne, punir de mort
un Citoien Romain, fans le confentement du Peuple.
Pour ne pas laiffer donc les Crimes impunis, fans don-
ner d'ailleurs aucune atteinte au droit que chacun avoit
de ne pas être chaffe de l'Etat, ils defendoient à tous
ceux qui habitoient fur les terres du Peuple Romain, de
fournir quoi que ce fut, pas même du feu ni de l'eau,
à ceux qui étoient condaminez pour des Crimes dignes
de mort; de forte que par là ils les obligeoient à fortir
de l'Etat. Aini ces gens-là étoient cenfez se bannir eux-
mêmes volontairement, pour eviter la peine. (Voiez ce
que dit Cefar, dans Sallufe, Bell. Catilin. Les Ethiopiens
avoient une coûtume toute oppofee, au rapport de Diod.
de Sicite, Lib. IL Cap. V.) ÎÎ faut au restë (ajoûtoit ici

d'Hoftinôtre Auteur) bien prendre garde de ne pas en venir à impofer la peine du Banniffement, lors que cela pour roit être prejudiciable à l'Etat ; comme fi celui, que l'on bannit, peut devenir un Ennemi dangereux. D'où vient que quelques Peuples, les Turcs, par exemple, & les Mofovites, ne banniffent perfonne. La même chofe avoit lieu parmi les anciens Juifs, mais ils le faifoient pour une autre raison, favoir, de peur que celui, qui feroit banni, ne changeât de Religion. Au refte il y a de la différence entre etre banni, & relégué: car la derniere punition, qui eft moins rigoureufe, n'exclur pas des droits de Citoien, mais impofe feulement la néceffité de demeurer en un certain endroit, ou de ne point entrer dans certaines parties des terres de l'Etat. Voiez Briffon. Select. Antiq. Lib. III. Cap. V. Ant, Matth. de crimin. ad Tit. de Pan. Cap. I. §. 6, 10.

§. IX. (1) Comme les Grecs demandérent autrefois aux Thebains, après la bataille de Platée, de leur livrer Timégénide, & Atragin, chefs de la faction qui avoit favorife les Perfes. Herodot, Lib. IX. pag. 344. Ed. H. Steph.

(2) Quem [deditum hoftibus] hoftes fi non recepiffent, quafitum eft, an Civis Romanus maneret ? quibusdam exifti

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