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Cap. VIII. §. 1.

XXI. Cap. XII.

verain, (2) quelque Traité concernant les affaires publiques; & en ce cas-là le Souverain n'eft pas obligé de le tenir. Il fe préfente ici, entr'autres, une queftion difficile & importante (a), favoir, à quoi eft tenu le Miniftre envers l'autre Partie, lors qu'il a conclu le Trai. (a) Voiez Grotius, ubi fuprà, §. 16. té purement & fimplement, & que le Souverain refufe enfuite de le ratifier? Cette queftion fut agitée autrefois avec beaucoup de chaleur, au fujet (3) de la Paix que Lucius Véturius, & Spurius Pofthumius, avoient faite avec les Samnites, fans ordre du Peuple ni du Sénat Romain, après la malheureuse journée des Fourches Caudines. Sur quoi je dis, que le Sénat & le Peuple Romain n'étoient tenus, à la rigueur, ni de ratifier ce Traité, ni de remettre les chofes au même état qu'elles étoient auparavant: il fuffifoit qu'on livrât ces Confuls qui avoient agi de leur pure autorité (b). Mais, à en juger par les maximes (b) Voiez Val. de l'Equité Naturelle, le Peuple Romain,à mon avis, devoit certainement ratifier le Trai- Maxim. Lib. IV. té, quoi qu'il eût été fait fans fon ordre. Car ces Confuls avoient eu une préfomption & 7. Mariana raisonnable du (4) confentement du Peuple, puis qu'ils ne pouvoient pas autrement fau- Hift. Hifpan. Lib. ver tant de milliers de Citoiens, & la fleur même du Peuple; outre que les conditions du Traité ne renfermoient d'ailleurs rien de trop dur ou d'infupportable, & que les Ennemis avoient tenu de leur côté ce à quoi ils s'étoient engagez comme équivalent à la Paix que les Confuls avoient obtenue d'eux. La fierté du Peuple Romain ne pouvoit pas à la vérité digérer la maniére ignominieuse dont on avoit traité fon Armée, en la faifant paffer fous le joug; & il faut avouer, que ce fut une grande folie au Général des Samnites, d'irriter fi fort cet Ennemi fuperbe, par un affront qui ne fervoit de rien à l'affoiblir. Mais, d'autre côté, l'Armée Romaine le méritoit bien, pour s'être témérairement engagée dans un (c) Voiez ce que lieu qu'elle ne connoifloit pas, fans l'avoir fait reconnoitre par fes efpions. Avec tout cela T. Live, Lib.IX. il valloit encore mieux (c) le réfoudre à fouffrir ce traitement honteux, que de laiffer périr Cap. IV. les forces de la République. Souvent même l'Etat ratifie les Promeffes & les autres actes Annal. XII, 18. de fes Généraux d'armée, pour ne (d) rien diminuer de leur crédit & de leur autorité, ou (e) Mais ce que de la haute idée qu'on a de leur habileté & de leur prudence. Mais ce Peuple fier & fu- fit pofthumins, perbe ne vouloit pas confidérer, qu'il n'avoit point de privilége particulier, qui l'exem- la fin) eft ridicu tât de fouffrir une fois lui-même les mauvais traitemens dont il avoit ufé fi fouvent envers fexion que fait les autres. Les Samnites cependant firent une action généreufe, de ne pas recevoir les Confuls que les Romains vouloient leur livrer, pour avoir paflé leurs ordres (e). §. XIII. LORS que le Souverain vient à être informé du Traité conclu par un de fes Miniftres fans fon ordre (a); fon filence tout feul n'emporte pas une ratification tacite, moins qu'il ne foit accompagné de quelque acte ou de quelque autre circonftance, qui puiffe vraisemblablement fouffrir d'autre explication.

fuite. Si quelcun des Domeftiques a fait du mal, on peut demander à leur Maître qu'il nous le livre: autrenient il fe rend complice de fon crime; & en ce cas-là il nous donne droit d'agir contre lui de la même maniere que s'il avoit commis un crime propre & perfonnel. Il ne peut pourtant pas punir lui même fes Domestiques: car ce droit ne fervant de rien au but de fon Emploi, il n'y a pas lieu de préfumer que fon Maître le lui aît donne. A l'égard de les biens, on ne peut pas les faire faifir en gage par voie de Justice; car cela fuppoferoit qu'il releve de la Jurifdiction du Souverain auprès duquel il eft en Ambaflade: mais, s'il ne veut pas paier fes dettes, on doit agir avec lui comme nous avons dit qu'il falloit s'y prendre pour tirer fatisfaction du dommage & du tort qu'il nous a fait. Pour ce qui eft du droit des Franchises, il n'eft pas une fuite de la nature & du but des Ambaflades. Cependant, fi on l'a une fois accordé aux Ambaffadeurs d'une certaine Puiffance, rien ne nous autorife à le révoquer, tant que le bien de l'Etat ne le demande pas. On ne doit pas non plus, fans de fortes raisons, tefufer aux Ambaffadeurs les autres fortes de droits, & les honneurs, qui font établis par un commun confenTOM. II.

à

ne

tement des Souverains; car alors ce feroit une efpece
d'outrage.

(2) On exprime cela en Latin par un feul mot, Spon-
fio. Mais nous n'avons, que je fache, aucun terme de
nôtre Langue qui y réponde. Voiez Grotius, Lib. II.
Cap. XV. §. 3.

(3) Voiez Tite Live, Lib. IX. Cap. VIII, & feqq. & la
Differtation de Mr. Budde, intitulée, Jurifpr. Hiftorica
Specimen; auffi bien que celles de Mr. Thomafius, de
Sponfione Caudina & Numantina.

(4) Voiez ce que Guicciardin rapporte (Hift. Lib. XII.
pag. 342, 344,) du Traité que La Trimouille conclut à
Dijon, avec les Suiffes, fans ordre du Roi de France fon
Maitre. Le Chevalier Temple (dans fes Remarques fur
PEtat des Provinces-Unies) rapporte, qu'en 1668. il con-
clut, en cinq jours, trois Traitez avec les Etats Géné
raux, fans que ceux-ci euffent, felon la coûtume, con-
fulté leurs Provinces, parce que ces Traitez étoient fort
néceffaires pour le bien de la République. Cependant,
fi les Provinces n'euffent ratifié ces Traitez, il y alloit
de la tête de ceux qui les avoient faits.

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dit Lentulus,dans

(d) Voiez Tacit.

le. Voiez la ré

Tite Live, à la

fin du Chap. XI.

si le filence du Souverain donne qu'il ratific un

lieu de préfumer

Traité fait fans
fon ordre ?
(a)Voiez Grotius,
ubifuprà, §. 17.

res contenues

dans ce Chapi

tre.

(a)Voiez Grotius,

I

CHAPITRE X.

Des Contracts & autres Conventions ou Promeffes des Rois.

Plan des matié §. I. IL NE refte plus qu'à examiner ici quelques Questions que l'on agite ordinairement, au fujet des Contracts & autres Conventions ou Promeffes des Rois. On peut les rapporter à ces trois chefs (a). 1. Si les Rois ont quelque privilége particulier en Lib.II. Cap.XIV. vertu duquel ils puiffent, de leur pure autorité, fe dégager eux-mêmes de leur parole? 2. Si un Roi peut se difpenfer lui-même de tenir les engagemens où il eft entré envers fes Sujets? 3. Enfin, jufqu'où les Contracts & les Promelles des Princes obligent leurs Succefleurs ?

contractez en

Etranger?
(a)Voiez Grotius,

3,4, S.

Comment un §. II. ON demande donc ici d'abord, fi un Roi qui a le pouvoir de reftituer en entier Roi peut fe relever lui-même fes Sujets, lors qu'ils ont été lézez dans quelque Contract, ou de les abfoudre de leur des engagemens Serment pour de juftes caufes, peut auffi fe relever lui-même, lors que, par crainte, ou vers quelque par furprife, ou pendant qu'il étoit encore en bas âge, il a fait quelque Contract qui tourne à fon préjudice; & fe dégager auffi de l'Obligation d'un Serment téméraire (a)? wbi fuprà, S. 1, 2, Cette question prife felon le fens propre & ordinaire des termes dans lesquels elle eft conçue, implique contradiction manifefte. Car ces mots, reftituer en entier, abfoudre d'un Serment, marquent des actes qui s'exercent non feulement envers autrui, mais encore qui font produits par un Supérieur. Il vaut donc mieux exprimer la queftion de cette maniére: fi, lors qu'un Roi fe trouve lézé dans un Contract, de quelque manière que ce foit, il peut, de fa pure autorité, déclarer que fon engagement eft nul à caufe du vice de la Convention? Sur quoi je dis, que ceux qui vivent dans l'indépendance de l'Etat Naturel, ne relevant d'aucun Tribunal qui ait droit de décider de leurs démêlez, peuvent, de leur pure autorité, fe dédire des engagemens d'un Contract où ils fe trouvent injuftement lézez, ou fe faire dédommager de la lézion, pourvû qu'elle foit manifefte: car, dans un doute, ils doivent s'en remettre au jugement d'Arbitres. Si donc un Roi vient à recon (b) Voiez ce que noitre quelque (b) vice dans un Contract auquel il a confenti, il n'eft pas néceffaire qu'il dit Louis XIII. fe faffe relever par un autre de cet engagement, qui eft nul de lui-même; il lui fuffit de Hift. Gall.Lib.II. déclarer lui-même, qu'il ne veut pas le tenir. Cependant, comme il peut arriver qu'un Contractant de mauvaise foi prenne pour prétexte de fa perfidie quelque vice qu'il fuppofe avoir trouvé dans le Contract; on a eu raifon, dans les Sociétez Civiles, de déterminer les actes qui font regardez comme nuls par eux-mêmes, & ceux qui doivent être déclarez invalides par voie de Juftice.

dans Gramond,

Comment il fe

gemens contractez envers fes propres Sujets ?

§. III. MAIS lors que le Contract eft entre le Roi, & quelcun de fes Sujets, il faut releve des enga diftinguer divers cas, felon lefquels on doit répondre différemment à la queftion. La Minorité d'un Roi eft cenfée durer tant que fes Tuteurs ont la Régence du Roiaume. Pendant tout ce tems-là il ne fauroit entrer par lui-même dans aucun engagement avec les Etrangers. Si donc il fe trouve enfuite lézé dans un Contract qu'il a fait, étant Mineur, avec quelcun de fes Sujets; je ne vois pas pourquoi il ne devroit pas jouit luimême du bénéfice des Loix, qu'il accorde aux autres: car la foibleffe de fon âge ne permet pas de préfumer, qu'il aît renoncé validement à l'exception de Minorité. Mais il n'en eft pas de même des Conventions légitimes que les Tuteurs du Roi ont faites en fon nom avec les Etrangers: car fi, fous prétexte de la Minorité du Roi, elles pouvoient enfuite être révoquées, perfonne ne voudroit ni ne pourroit le fier aux Promelles d'un Roi Mineur. Tout ce qu'il y a, c'eft que les Tuteurs font refponfables de leur administration par devant qui il appartient de leur en faire rendre compte.

Lors

Lors que, dans une Monarchie Limitée, le Peuple ftipule certaines chofes du Roi, à qui il défére la Couronne, il n'y a point d'exception valable de crainte, de furprife, ou de lézion, qui le difpenfe de fe conformer exactement à ces Loix Fondamentales de l'Etat:" car fi elles lui paroiffoient trop dures, il n'avoit qu'à refufer la Couronne, perfonne ne le forçoit de l'accepter. Et l'on ne fauroit raisonnablement préfumer, qu'un Peuple foit fi imprudent & fi peu foigneux de fes intérêts, que d'impofer à fon Prince des conditions qui rendent la Souveraineté imparfaite, ou fans force & fans vertu.

Contracts des

mens des Loix

§. IV. DE PLUS, il faut remarquer, que, bien que les Rois, en traitant avec leurs En quel fens lé Sujets non en qualité de leurs Souverains, mais comme feroit un fimple Particulier, foient Rois font au def cenfez ordinairement avoir eû devant les yeux les Loix Pofitives de l'Etat, qui réglent la fus des reglevalidité de ces fortes d'actes; cependant, comme ils font au deffus des Loix Civiles, rien Civiles? ne les oblige indifpenfablement à fuivre ces réglemens, même dans les Contracts où ils agiffent comme de Particulier à Particulier. Si donc ils font de propos délibéré, & avec pleine connoillance, quelque Contract d'ailleurs invalide par les Loix Civiles, ils font cenfez l'avoir déclaré valide dans l'affaire, dont il s'agit: autrement ce ne feroit qu'un jeu, & un acte de mul effet. Ainfi ce fut injustement que Philippe II. Roi d'Espagne (a), pour faire perdre à fes Créanciers ce qu'il leur devoir, fe prévalut des Loix au fujet de l'Ufure. Néanmoins, s'il fe trouve dans un tel Contract une lézion énorme, que le Roi n'avoit pas prévue d'abord, il pourra l'annuller, ou du moins le réformer felon les régles de l'Equité Naturelle.

(a) Voiez Grotin

Hift. Belg. Lib.

&

de 7. 8. & P. ubi fuprà, §. 2. *

§. V. POUR ce qui regarde (1) les Sermens d'un Roi, il eft clair (a), que s'il les a Un Roi ne faufaits dans les formes, & qu'il n'y ait rien d'ailleurs qui les rende nuls, il ne fauroit légiti roit fe difpenfer mement fe difpenfer de les tenir, fous prétexte qu'il peut quelquefois refcinder ceux de fes Serment valide Sujets. Car les Sermens des Sujets renfermoient déja par eux-mêmes cette reftriction taci- qu'il a fait. (a) Voiez Grotius, te, qu'ils ne feroient point valides, à moins que le Souverain n'y confentit. Mais il fe- ubi supra, §. 3. roit abfurde de dire, que le Prince, en jurant, s'eft refervé la liberté de tenir ou de né pas tenir fon Serment: car en ce cas-là il eft clair qu'il n'y auroit point eu d'engagement véritable.

Justice contre

§. VI. AU RESTE, quoi qu'en confcience un Roi foit auffi indifpenfablement obligé Comment un de tenir fes Promelles & fes Conventions, qu'un fimple Particulier; il y a 'cette différence Sujeta action en confidérable entre l'Obligation du Roi envers fes Sujets, & celle de fes Sujets envers lui, fon Roi? qu'il peut aisément les contraindre à s'aquitter de ce qu'ils lui doivent, au lieu qu'un Sujet, comme tel, n'a aucun moien de fe faire paier, lors que fon Roi le refufe. Que fi les Princes donnent action en Justice (1) contr'eux-mêmes & devant leurs propres Tribunaux, à ceux de leurs Sujets à qui ils doivent quelque chofe par Contract; c'eft feulement afin que le Sujet prouve clairement la Dette, & l'Obligation de fon Prince, & non pas comme fi le Souverain pouvoit être contraint par voie de Juftice à tenir fa parole: de forte que

ces

S. VI. (1) En ce cas-là (ajoûtoit nôtre Auteur) on doit fe fouvenir des paroles fuivantes que Sifimitrès dit au Roi Hydafpe, dans l'Hiftoire Ethiopique d'Héliodoré: Τὰς ὑπεροχὰς ὁ δυσωπεῖ τὸ δίκαιον, ἀποκρίνατο αὐτὸν ὁ Σισιμίθρης, ἀλλ' εἷς ἐςὶν ὁ βασιλεύων ἐν ταῖς κρίσεσι,

§. V. (1) Nôtre Auteur, à la fin du §. 3. examine en paffant (comme il le dit lui-même) fi le Roi David pouvoit révoquer la parole qu'il avoit donnée, avec Serment, à Seméi, de ne point le faire mourir; & il foûtient que non. Car, ajoûte-t-il, ce Prince n'avoit été ni furpris, ni forcé: ce fut un trait de Politique dont ils sunoywringis next. Lib. X. C'eft-à-dire, felon

fe fervit pour ramener le Peuple à fon devoir par un acte fi infigne de Clémence. D'ailleurs cette impunité, qu'il donna à Semei, ne renfermoit par elle-même rien d'illicite, & le Roi pouvoit, fans faire tort à perfonne, pardonner um outrage qui le regardoit perfonnellement. Notre Auteur traitoit enfuite la queftion, fi David ne fie rien de contraire à fon Serment, lors qu'en mourant, il donna à fon fils Salomon, des ordres qui tendoient a perdre Seme? Mais comme il a deja expliqué fa penfée la-deffus, (Liv. IV. Chap. II. §. 13.) je ne repeterai pas ici ce que l'on a vu ailleurs prefque dans les mêmes

termes.

fa verfion d'Amiot: Juftice ne revere, ny ne recognoist au-
cane preeminence, ne dignité: ains en jagement celuy feul
eft le Roy, qui a le meilleur droit, & qui allegue de meil
leures rafons. Les paroles fuivantes méritent d'être rap-
portées, felon la version du même Traducteur Voyre
mais, repliqua le Roy, noftre loy, & conftume, no vous
permet d'efire Juges des Roys, fon quand ilz ont procez
contre leurs fajets, & non pas contre des eftrangers. Les
gents de bien, refpondit Syfimethres, ne doivent pas feu-
lement regarder à quelles perfonnes ilz plaident, quand il
eft question de juftice: mais auffi à leur confcience & à leurs
§. IX.

ames.

Mmm 2

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Comment un

Souverain peut Sujets du droit qu'ils avoient

aquis par quelque Contract?

(a)Voiez Grotius,

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Σεισάχθεια. Voiez Plutarch.

in Solon. & Cicer.

de Offic. Lib. II. Cap. XXIV.

* Comment un

Roi tranfinet à fes Succeffeurs

les Obligations

où il eft entré par quelque Contract particulier ?

(a) vbi fuprà, $.10, & feqq.

ces pourfuites font fondées fur l'Equité Naturelle, plûtôt que fur le Droit Civil. Il faut avouer pourtant, qu'il n'y a point de Roi fage, qui ofe refufer de fatisfaire ceux de fes Sujets à qui il doit quelque chofe en vertu d'un engagement valide, pour peu qu'il falle réflexion, que fon éminente Dignité & la confervation même eft fondée fur la bonne foi des Conventions; & que rien n'eft plus honteux à un homme établi pour rendre la Juftice aux autres, que de la fouler lui-même aux pieds, lors qu'elle fe trouve contraire à fon intérêt particulier.

§. VII. MAIS un (a) Roi peut dépouiller fes Sujets du droit qu'ils ont aquis par quelque Contract, foit en forme de Punition, foit en vertu du Domaine éminent: bien en. tendu, en ce dernier cas, que les befoins de l'Etat le demandent abfolument, & qu'on dédommage des deniers publics, s'il eft poffible, celui à qui l'on a ôté quelque chose. On peut auffi, à plus forte raifon, différer le paiement d'une Dette, dans une néceffité preffante, où l'Etat a befoin d'argent. D'où il paroit quel jugement on doit porter de l'abolition des dettes que fit Solon à Athenes, & à laquelle il donne le nom de (b) Décharge, Pour en adoucir la dureté.

§. VIII. POUR venir maintenant à la derniére queftion, favoir, fi un Roi peut tranfmettre à fes Succeffeurs les engagemens où il eft entré par quelque Contract particulier; il faut diftinguer les Roiaumes Patrimoniaux, d'avec les Roiaumes établis par un confentement volontaire du Peuple, & defquels par conféquent les Princes n'ont que l'Ufufruit. Dans les prémiers, le Succeffeur héritant de tous les biens du Roi défunt, eft cenfé aufli chargé de fes Dettes, & de toutes fes Obligations qui n'étoient pas abfolument perfonnelles. Dans les autres, felon (a) Grotius, le nouveau Roi n'entre à cet égard dans aucune Obligation directe & immédiate, c'est-à-dire, précisément entant que Succeffeur; puis qu'il tient fon droit à la Couronne du Peuple même, & non pas de fon Prédéceffeur. Mais cela n'empêche pas qu'il ne foit tenu des dettes de fon Prédéceffeur médiatement, c'est-à-dire, entant que Chef de l'Etat, de forte que les Dettes contractées par le Roi défunt tombent directement fur tout le Corps de l'Etat. En effet, les Rois ont le pouvoir d'obliger le Corps de l'Etat par les Dettes qu'ils contractent; puis que, fans cela, ils ne fauroient fouvent fubvenir aux befoins de l'Etat, du foin duquel ils font chargez. Ce pouvoir ne s'étend pas, je l'avoue, à l'infini; mais feulement auffi loin que le demande la nature même b) On le peut à de la Souveraineté. Il ne faut pas néanmoins, d'autre côté, le borner (b) fi fort, que de l'egard des Ma- prétendre que l'Etat ne doive prendre fur fon compte les Dettes du Roi, que quand elles rieurs. Voiez Di- ont actuellement tourné à l'avantage public. Mais il fufit, que le Roi aît eû des raifons 10ft. Lib. XII. fort apparentes de faire ce pourquoi il a emprunté de l'argent, quoi que le fuccès n'ait pas creditis &c. Leg. répondu à fes efpérances. Ainfi tous les Contracts d'un Roi, qui ne font pas manifeftement injuftes ou déraisonnables, (car, dans un doute, la préfomtion eft toûjours en faveur du Roi) obligent le Corps de l'Etat; & par conféquent le Succeffeur, entant que Chef de l'Etat. Bien plus, lors même que le Peuple vient à s'ériger en République, il ne laiffe pas pour cela d'être tenu des Dettes de fon ancien Roi; par la même raifon que, fi un Peuple Libre fe foûmettoit au Gouvernement Monarchique le plus abfolu, le Roi élû feroit chargé des Obligations contractées auparavant par le Peuple.

gittrats infé

Tit. I. De reb.

XXVII.

Si les Donations

Ces principes font beaucoup plus naturels, que la diftinction que plufieurs font ici entre une grande lézion, & une médiocre. Car, en matiére de Gouvernement, le fuccès eft une marque fort équivoque, puis qu'il arrive mille cas imprévûs, qui font échouer les projets les mieux concertez.

§. IX. ON doit (a) appliquer les mêmes principes aux Donations des Rois; c'est-à-dire, des, Ross fort que fi elles ont été faites pour des raifons apparentes (1), les Succeffeurs ne doivent pas les caller. Mais il faut encore diftinguer, de quel fond elles ont été faites. Car fi c'eft des

cables?

(a) Voiez Grotius, ubi fuprà, §. 13.

§. IX. (r) Voiez Cicer. de Offic. Lib. III. Cap. XXII. Sueton. in Galb. Cap. XV. & in Tit. Cap. VIII. Plin.

biens Lib. X. Epift. LXVI. Gratian. Caus. XXV. Quæft. 1. C. XV. Hier. Oforins, de reb. geftis Eman. Lib. I. (2) Voica

biens propres & particuliers du Roi, elles font entièrement irrévocables. Mais fi c'est des revenus du Domaine de l'Etat, il faut certainement examiner, fi elles ont été faites pour quelque bonne raifon, & avec mefure. Car lors qu'un Prince a épuifé les Finances par fon ambition démesurée, & par des largeffes exceffives envers des gens de néant, ou qui ont toûjours été inutiles à l'Etat ; pourquoi ne fubviendroit-on pas aux befoins du Roiaume, en faifant rentrer dans le Thréfor public ce qui en avoit été tiré mal à propos (b)? Il faut dire la même chose des (2) Priviléges & des Immunitez: car on peut les révo- 107.& Laur.Valfi la conceffion en a été faite fans raifon & fans mefure, & fi elle eft contraire au la, de rebus geftis bien de l'Etat, qui doit l'emporter fans contredit fur un droit dont l'unique fondement eft ferdin. Arragon. la facilité inconfidérée du Prince. Du refte, ces fortes de Priviléges, lors qu'ils tendent à la charge des autres Citoiens, doivent toûjours être interprétez à la derniére

quer,

(2) Voiez les Obfervat. Select. ad rem Litterariam Spectant. imprimées à Hall en Saxe, Tom. III. Obf. XIII. XIV. XV. ou l'Extrait que Mr. Bernard en donne dans la Républ. des Lettres, Août, 1704. p. 190, & fuiv. Voiez auffi la Biblioth. Choifie de Mr. Le Clerc, Tom. I. p. 47, & fuiv. Ajoûtons que la révocation la plus légitime des Priviléges eft une chofe fort délicate & qui demande beaucoup de Prudence. Car, pour appliquer ici des paroles de Mr. de la Bruyere (Caralt. ou Mœurs de ce fiécle, p. 316.) il y a des conjonctures où l'on ne peut trop ménager le Peuple. Vous pouvez aujourd'hui ôter à cette Ville fes franchifes, fes droits, fes priviléges; mais demain ne fongez pas même à réformer fes enfeignes. Il y a (comme le remarquoit plus bas notre Auteur) des Priviléges qui ne font accordez que pour auffi long-tems qu'on le jugera à propos; & ce n'eft qu'à l'égard de ceux-là qu'on peut ad

rigueur.

mettre ce qui fut répondu autrefois aux Celtibériens de
la part du Sénat Romain, dans App. Alexandr. in Iber.
pag. 279. E. Ed. Steph. (Voiez auffi Guicciardin. Hist.
Lib. VII.) En effet, (comme le dit Mr. Le Clerc, dans
l'endroit que j'ai cité,) on ne peut faire dépendre la durée
de toutes fortes de Priviléges du caprice changeant des Prin-
ces, fans expofer la Société à des brouilleries, qui feroient
difficiles à appaifer..... Quelle estime pourroit-on même
faire de ces Priviléges, qui ne dureroient qu'autant qu'il
plairoit au Souverain? Ainfi en élevant les Princes au def
fus des Priviléges, on leur fait autant de tort qu'au Peu-
ple.
(3) Voiez Digeft. Lib. XLIII. Tit. VIII. Ne quid in loce
publico vel itinere fiat &c. Leg. I. §. 16. & Demofthen.
Orat. adv. Leptin.

(b) Voiez Boecler fur Grotius, P.

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Comment on vient à n'être plus Citoien ou Sujet d'un Etat.

d'être toujours

§. I. S. ON N CESSE d'être Citoien d'un Etat en plufieurs maniéres. Une de ces maniéres, On ne laiffe pas c'eft, felon quelques-uns, lors que le Roi vient à abandonner fon Roiaume, ou citoien du eà mourir fans Succeffeur: car alors, dit-on, chaque Citoien rentre dans l'indépendance de me Etat, quoi l'Etat Naturel. Mais, à mon avis, il réfulte de la feulement un Interregne. Ainfi, quoi que le Roi vienque l'engagement des Citoiens envers leur Roi décédé fans Héritiers, ne fubfifte plus; ils le Roiaume ne laiffent pas d'être encore unis par la prémiére des deux Conventions originaires, qui succeffeur.

forment les Sociétez Civiles.

§. IL LA maniére la plus commune de cefler d'être Citoien d'un Etat, c'eft lors que, de fon pur mouvement, & avec la permiffion de l'Etat même dont on étoit Membre, on va s'établir dans un (a) autre.

ne à abandonner

à mourir fans

Mais on ceffe tre Citie

d'être

retire ailleurs.
(a)Voiez Grotius,

Lib. I. Cap. V.
24-

Or cette liberté de fe retirer ailleurs, eft plus ou moins grande, felon la manière dont on étoit devenu Membre de l'Etat. Ceux qui ont été conquis dans une Guerre jufte & lé- 5. gitime, ou que la néceffité a contraints de fe mettre eux-mêmes fous la domination d'un Etat, n'ont ici de liberté qu'autant que les Loix de l'Etat leur en donnent. Lors qu'un homme, renonçant de lui-même à l'indépendance de l'Etat Naturel, dans laquelle il avoit vêcu jufques-là, comme les anciens Péres de Famille, ou après avoir été dégagé de la domination à laquelle il étoit foûmis, eft entré volontairement dans un Etat, c'eft encore des Loix (b) du Païs que dépend la liberté qu'il peut avoir de se retirer ailleurs. Il y a des Etats, d'où l'on ne peut fortir fans une permiffion exprefle du Souverain. En d'autres on ne peut obtenir cette permiffion qu'en donnant, par exemple, une certaine fomme Mmm 3

d'ar

Lib. XLIX. Tit.

(b) Voiez Diveff. xv. De capt.& poflim. &c. Leg.

XII. §-9

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