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à nôtre égard. Mais, felon la Coûtume reçue des Peuples, quiconque fait la Guerre dans les formes & avec autorité publique, devient maître abfolument & fans restriction de tout ce qu'il peut prendre fur l'Ennemi, quoi que la valeur du butin excéde de beaucoup les prétenfions qui ont été le fujet de la querelle, & le dommage ou les frais de la

Guerre.

Les chofes mobiliaires (b) font cenfées prifes, du moment qu'elles font à couvert de la (b)Voiez Grotius, pourfuite de l'Ennemi; & les Immeubles, lors que ceux qui s'en font emparez, fe trou- ubi fuprà, §. 3, 4o vent en état de chaffer l'Ennemi, s'il vouloit s'en remettre en poffeffion. Mais il faut bien remarquer ici, que, pendant tout le tems de la Guerre, le droit qu'on aquiert fur les chofes dont on a dépouillé l'Ennemi, n'eft valable que par rapport à un tiers Neutre. Car l'Ennemi peut reprendre ce qu'il a perdu, toutes fois & quantes qu'il en trouvera le moien; jufques à ce que, par un Traité de Paix, il aît renoncé à toutes fes prétenfions.

revient le butin

Lib. III. Cap. VI.

Var. Hift. Lib. VI.

§. XVIII. ON demande, fi les chofes prifes dans une Guerre Publique & Solennelle, Au profit de qui appartiennent à tout le Corps du Peuple, ou aux Particuliers qui en font Membres, ou à fait à la Guerre ? ceux qui ont fait eux-mêmes le butin (a)? Voici en peu de mots de quelle manière il faut, (a)Voiez Grotius, à mon avis, décider cette queftion. Il eft certain que c'eft au Souverain feul qu'appartient s. 8, 9, & feqq. le droit de faire la Guerre, qui comprend le pouvoir d'obliger les Citoiens à prendre les armes, & de les mener en campagne, comme auffi celui d'exiger d'eux de l'argent, & toutes les autres chofes néceffaires pour foûtenir la Guerre. Mais, comme on entreprend la Guerre ou pour quelque raifon qui regarde tout l'Etat, ou pour faire rendre ce qui eft dû à quelque Particulier; il eft clair, que, dans le dernier cas, il faut commencer par dédommager celui en faveur de qui l'on a pris les armes. Que s'il y a quelque chofe de ref te, ou fi l'on s'eft engagé à la Guerre pour quelque fujet qui intérefle le Public; comme c'eft toûjours par l'autorité du Souverain qu'elle fe fait, c'eft auffi à lui qu'est (b) aquis (b) Voiez Elien, prémiérement & originairement tout le butin, qui que ce foit qui le fafle, foit Etrangers Cap. VI. à fa folde, foit Sujets, quand même ceux-ci ferviroient fans gages. Cependant, puis qu'il n'y a prefque point de Citoien à qui la Guerre ne foit onéreufe, ou par les fubfides auxquels il eft obligé de contribuer, ou par les charges & les fervices militaires qu'on exige de lui; il eft de l'Equité & de l'Humanité du Souverain de faire en forte que chacun fe reffente des avantages qui reviennent de la Guerre, auffi bien que des charges & des incommoditez. Pour cet effet, on peut ou donner à ceux que l'on fait marcher en campagne, une paie des (c) deniers publics; ou partager entr'eux le butin; ou laifler à cha- (c) Voiez T. Liv cun (d) ce qu'il a pris; ou faire du butin un fonds qui foit destiné à décharger déformais & Lib. V. C. IV. les Citoiens, ou en tout, ou en partie, des charges & des impôts. Pour ce qui eft des (d) Voicz Polyb. Etrangers, le Souverain n'eft tenu que de leur paier exactement leur folde; & s'il leur don- LIV Cap ne quelque chofe au delà, c'eft ou par pure libéralité, ou en récompenfe de quelque belle action, ou pour les encourager à bien faire leur devoir.

Lib.IV. Cap.LX.

Lib.
XXVI. XXXVI.

Grotius (e), qui traite fort au long cette queftion, diftingue entre les actes d'hoftilité (c) vbi fuprà. véritablement publics, & les actes d'hoftilité particuliers, qui s'exercent feulement à l'occafion d'une Guerre Publique. Par les derniers, felon lui, les Particuliers aquiérent pour eux-mêmes prémiérement & directement ce qu'ils prennent fur l'Ennemi: au lieu que, par les prémiers, tout ce que l'on prend eft au profit du Peuple. Mais il faut remarquer fur cette diftinction, qu'il y a lieu de douter, fi tout ce que les Particuliers prennent fur l'Ennemi de leur chef, & fans ordre du Souverain, leur appartient par cela feul qu'ils s'en font emparez eux-mêmes. Car c'eft une partie du droit de la Guerre, que de choisir ceux qui doivent agir offenfivement contre l'Enneini, & de leur prefcrire jufques où ils doivent porter les actes d'hoftilité. Ainfi aucun Particulier ne fauroit légitimement faire des courfes fur les terres de l'Ennemi, ni lui enlever quoi que ce foit, fans ordre du Souverain, à qui il appartient par conféquent de permettre ou de défendre le pillage, autant qu'il le ju ge à propos; & de laiffer tout le butin, ou une partie feulement, à ceux qui l'ont fait.

Iii 3

Ainfi

Comment on aquiert par droit

Ainfi tout le droit que

volonté du Souverain.

les Particuliers ont ici, dépend toûjours (1) originairement de la

§. XIX. POUR ce qui regarde en particulier l'Aquifition des chofes incorporelles pat de Guerre les droit de Guerre, il faut remarquer qu'on n'en devient maître que quand on eft en poffefhofes incorporel- fion du fujet auquel elles font comme attachées. Or elles accompagnent ou les Perfonnes, ou les Chofes. On attache fouvent, par exemple, aux Fonds de terre, aux Riviéres, aux Ports, aux Villes, aux Païs, & à d'autres chofes femblables, certains droits qui les fuivent toûjours à quelque poffeffeur qu'elles parviennent: ou plûtôt ceux qui les poffédent, ont par cela feul certains droits fur d'autres chofes ou d'autres perfonnes. Or ici il faut voir, fi les droits attachez à ces fortes de chofes, viennent d'une Convention perfonnelle, ou d'une Convention réelle, c'est-à-dire, fi celui, qui y a le prémier attaché quelque droit, a établi qu'il fuivroit toûjours le poffeffeur, quel qu'il fût, & à quel titre qu'il eût aquis la chofe; ou s'il a prétendu feulement, que ce droit n'eût fon effet que quand telles ou telles perfonnes poffederoient la chofe à certain titre: car, dans le dernier cas, on n'aquiert pas le droit avec la chofe, par cela feul qu'on l'a prife fur l'Ennemi, à moins que cette maniére de la poffèder n'ait été déclarée, dans la prémiére inftitution, un titre suffisant pour s'approprier le droit qui y eft attaché.

(a)Voiez Grotius, Lib.III. Cap. VII.

S. 4.

Les droits (a), qui conviennent directement & immédiatement à une Perfonne, regardent 5.4. & Cap. VIII. ou d'autres Perfonnes, ou feulement certaines choses. Ceux qu'une Perfonne a fur une autre Perfonne, ne s'aquiérent que par le confentement de celle-ci; laquelle n'est pas cenfée avoir prétendu donner quelque pouvoir fur elle à tout autre, mais feulement à une certaine Perfonne déterminée. Ainfi lors qu'on a pris le Roi du Peuple, avec qui l'on eft en guerre, on n'eft pas pour cela feul devenu véritablement Maître de fon Roiaume. Si un Mari ou un Pére tombent entre les mains des Ennemis, ceux-ci n'aquiérent par là aucune autorité fur la Femme ou les Enfans. Que fi l'on a pris la Femme & le Mari tout enfemble, on aquiert alors un droit fur la Femme, non parce qu'on tient fon Mari, fous la puiffance de qui elle étoit, mais uniquement parce qu'on l'a prife elle-même; & on n'auroit pas moins de pouvoir fur elle, fi on l'avoit prife toute feule. Mais feule, ou avec fon Mari, ou n'aquiert jamais fur elle le même pouvoir qu'a le Mari en vertu de l'union Conjugale, mais feulement celui que le droit des armes donne fur les Prifonniers de Guerre.

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Si une Dette peut être aquife par droit de Guerre?

A l'égard des droits perfonnels fur les chofes, il faut diftinguer fi le Prifonnier de Guerre eft Membre d'une Société Civile, ou s'il vit dans l'indépendance de l'Etat Naturel. Dans le dernier cas, par cela feul qu'on eft maître de la Perfonne, on eft censé s'être faifi en même tems de tous les biens, ou du moins avoir aquis le droit de les prendre à la prémiére occafion; n'y aiant aucun autre qui puiffe légitimement nous en empêcher. Mais, dans les Sociétez Civiles, il eft établi par un ufage reçû, que les biens d'une perfonne ne font pas toujours perdus avec elle, & que le droit, qu'elle y avoit, paffe à d'autres Particuliers de l'Etat, ou, à leur défaut, eft incorporé au Domaine. Si donc un Citoien vient à tomber entre les mains des Ennemis, ceux-ci n'aquiérent point en même tems les biens de cet homme dont ils n'ont pas pû fe faifir, mais ces biens reviennent à ceux que les Loix du Païs appelloient à la Succeffion, fi le Prifonnier fût décédé de mort naturelle. Que fi l'on prend un homme avec tous fes biens, on les aquiert alors purement & fimplement parce qu'on les a entre les mains, & non pas à caufe que l'on tient leur ancien Propriétaire de forte que, par rapport au droit qu'on a fur ces biens, c'eft tout un de prendre, ou non, en même tems celui à qui ils appartenoient.

§. XX. POUR illuftrer ceci, il ne fera pas inutile de dire quelque chofe fur une Cause

§. XVIII. (1) Caton difoit, que quiconque n'eft pas reçû Soldat, n'a aucun droit de fe battre avec l'Ennemi. Negat enim [Marcus Cato] jus effe, qui miles non fit, pugnare cum hofte. Cicer. de Offic. Lib. I. Cap. XI. Au refte nôtre Auteur ne dit rien des Alliez, qui, comme

chacun voit, doivent avoir leur part au butin, quand même il n'y auroit point là-deffus de Convention expreffe entr'eux, & celui dont ils ont embraffé la défenTe. Voiez Grotius, Lib. III. Cap. VI. §. 23.

putez de tous les

}

célébre, que l'on fuppofe avoir été autrefois portée devant les (a) Amphillyons. (1) Alexan- (a) Affemblée dre le Grand aiant détruit la Ville de Thébes, il y trouva l'acte d'un Contract par lequel générale des Dés les Theffaliens reconnoiffoient devoir aux Thebains cent talens que ceux-ci leur avoient Peuples de la prêtez; &, comme les Theffaliens l'avoient fervi dans cette expédition, il leur rendit leur Gréce. obligation, & leur fit préfent de la dette, Les Thébains étant depuis rétablis par Caffandre, redemandent leur argent aux Theffaliens; & un ancien Orateur leur prête ces raifons; Que, devant les Tribunaux Civils, le droit de la Guerre n'étoit pas un titre recevable: Que, par le droit de la Guerre, le Vainqueur ne devient maître que de ce dont il eft actuellement en poffeffion: Qu'on ne peut pas s'emparer par les armes d'un droit incorporel: Qu'il y a bien de la différence entre un Héritier, & un Vainqueur; le prémier aquérant les droits de celui, à qui il fuccéde, au lieu que l'autre ne devient maître que des chofes qu'il peut prendre: Que ce qui eft du au Peuple, eft dû à chaque Citoien; & qu'ainfi, tant qu'il en reste un feul, la Dette fubfifte. Mais les Theffaliens pouvoient répondre 1. Qu'on n'eft pas en droit de redemander ce dont on a été dépouillé par quelque acte légitime d'hoftilité: or, felon la Coûtume établie entre les Peuples, on tient pour jufte & licite tout acte d'hoftilité qui s'exerce dans une Guerre Publique dûement déclarée, en forte qu'après la Paix faite l'ancien maître n'a plus rien à prétendre aux chofes qu'il a perdues dans le cours de cette Guerre, 2. Que le droit de la Guerre eft fans contredit un bon titre à alléguer devant les Tribunaux Civils: car fi, après que la Paix eft faite, quelcun vient à nous contester une chofe que l'on avoit prife fur l'Ennemi, il fuffit certainement de faire voir que le drois des armes l'a faite tomber entre nos mains. 3. Que les chofes qu'on a aquifes dans une Guerre juste & Solennelle, nous appartiennent, après qu'elle eft finie, à plus juste titre encore qu'auparavant; fur tout lors que la Paix a été faite par un Traité entre les deux Parties: car alors on confent tacitement de part & d'autre, que chacun demeure légitime poffeffeur de tout ce qu'il n'eft pas tenu de rendre en vertu de quelque clause expresse du Traité. 4. Que l'on peut aquérir avec la perfonne du Prifonnier de guerre les droits qui font fondez proprement & immédiatement fur les chofes mêmes dont on n'eft pas en poffeffion, pourvû que le Prifonnier nous céde fes droits par un confentement exprès, ou tacite: confentement que l'on peut tirer de lui de gré, où de force, en le menaçant d'un mal plus fâcheux, s'il refufe de le donner. Comme donc je puis céder à un autre ce qui m'eft dû par un tiers, en forte que le Débiteur fera déformais auffi indifpenfablement tenu de paier celui à qui j'ai transféré mon droit, qu'il étoit obligé auparavant de me fatisfaire: de même, fi un Prifonnier de guerre me céde fa Dette, le Débiteur dès-lors change de Créancier, & c'est à moi qu'il a affaire déformais. Or Alexandre pouvoit fur ce piedlà contraindre les Thébains à lui céder leur Dette, quand même il auroit laiffé fubfifter la Ville de Thébes; & il étoit cenfé en effet avoir fuccédé à leur droit, du moment qu'il devint maître de Thebes & de tous les Thébains fans aucune exception; de forte qu'il dépendoit de lui ou de fe faire paier aux Theffaliens, ou de leur quitter les cent talens. Rien n'empêchoit même qu'il n'obligeât les Thébains à remettre eux-mêmes immédiatement cette dette aux Theffaliens. Si donc il rendit aux derniers l'acte de leur obligation, ce n'étoit pas tant afin que la République de Thébes, qu'il détruifoit entiérement, ne redemandât pas un jour aux Theffaliens ce qu'elle lui avoit prêté, que pour leur donner des affû

§. XX. (1) Cum Thebas evertiffet Alexander, invenit tabulas, quibus centum talenta mutua Theffalis dediffe Thebanos continebatur. Has, quia erat ufus commilitio Theffalorum, donavit his ultro. poftea reftituti à Caffandro Thebani repofcunt Theffalos. Apud Amphityonas agitur.... Dicamus in primis in eo quod in judicium deduci poteft, nihil valere jus belli: nec armis erepta, nifi armis poffe retineri... Tum fecundo gradu, non potuiffe donari à victore jus, quia id demum fit ejus, quod ipfe teneat: jus, quod fit incorporale, apprehendi mánu non pof

ran

fe.... Vt alia fit conditio heredis, alia victoris: quia ad
illum jus, ad hunc res tranfeat..... Jus publici crediti
tranfire ad victorem non potuiffe: quia quod populus cre-
diderit, omnibus debeatur; & quamdiu quilibet unus fu-
perfuerit, effe cum totius fumma creditorem: Thebanos
autem non omnes in Alexandri manu fuiffe.... Non in ta-
bulis effe jus. Quintil. Inftit. Orat. Lib. V. Cap. X. pag.
387, 388. Voiez ce que dit fur cette queftion Mr. Titius
dans fes Obfer vat, in Compend. Lauterbach, Obf. 1438%

Comment on

de commander

aux Vaincus ?

rances, qu'il ne leur demanderoit rien lui-même. 5. Qu'il eft faux, que, tant qu'il refte un feul Citoien, les Dettes contractées envers l'Etat, fubfiftent toûjours, en forte que ce Citoien ait le même droit qu'avoit l'Etat, dont il a été Membre. Car ceux qui restent, après l'entiére deftruction du Corps d'un Etat, n'en étant plus Membres, ne fauroient s'attribuer les mêmes droits qu'il avoit. Or il eft clair, qu'Alexandre détruifit entiérement la République de Thébes; & ceux qui rebâtirent enfuite cette ville, formérent un Peuple tout nouveau, qui ne pouvoit pas prétendre entrer dans les droits particuliers des anciens Thébains, par cela feul qu'il occupoit le même Pais; & qu'il n'avoit aquis aucun autre titre en vertu duquel il pût exiger la Dette des Theffaliens. 6. Enfin, que les Theffaliens n'avoient pas recouvré l'acte de leur obligation par une fimple poffeffion fans titre, mais qu'il leur avoit été volontairement délivré par celui qui étant devenu maître de tout ce qui appartenoit aux Thébains, avoit bien voulu leur remettre cette Dette.

§. XXI. ON aquiert encore par les armes le droit de commander aux Peuples vaincus, aquiert le droit aufli bien qu'aux Particuliers (1). Mais afin que cet empire foit légitime, & qu'il oblige en confcience ceux qui y font foûmis, il faut que les Vaincus aient promis au Vainqueur, ou expreflément, ou tacitement, de le reconnoitre pour leur Maître, & que lui de fon côté ne les traite plus en Ennemis.

Comment on

§. XXII. AU RESTE (1) on recouvre quelquefois les chofes dont on avoit été dérecouvre ce qui pouillé par l'Ennemi, & les gens qu'il avoit faits Prifonniers de Guerre. En ce cas-là voici, à mon avis, ce qui eft le plus conforme à l'Equité Naturelle.

la Guerre?

Ceux qui échappent des mains de l'Ennemi, de quelque maniére que ce foit, fans lui avoir donné parole de ne pas fe fauver, doivent rentrer non feulement dans leur prémier état, mais encore dans tous leurs biens & dans tous leurs droits. Pour ce qui eft des chofes, fi on les recouvre pendant la Guerre ou par foi-même, ou par le moien des Citoiens & des Soldats de l'Etat; il eft jufte qu'elles retournent à leurs anciens Maîtres, tant les mobiliaires, que les immeubles; pourvû qu'on fache bien à qui elles appartiennent. Car le Souverain étant tenu de mettre en fûreté & de défendre les biens de les Sujets, autant qu'il lui eft poffible; il doit auffi leur faire recouvrer ce qu'ils ont perdu. Et il n'importe que ce foient les Soldats qui l'aient repris fur l'Ennemi : car ils ne font que les Miniftres de l'Etat; & ce qu'ils prennent, eft au profit de l'Etat, & non pas pour eux-mêmes. Or

§. XXI. (1) Ce paragraphe eft tiré de l'Abrégé De Offic. Hom. & Civ. Lib. II. Cap. XVI. §. 14. car l'Auteur fe contentoit de renvoier ici à Grotius, Lib. III. Cap. VIII. Voiez ci-deffus, Liv. VII. Chap. VII. §. 3, 4. & Grotius, Lib. III. Cap. XV. comme aufli Mr. Buddé, dans fes Elernens de Philofophie Pratique, Part. II. Cap. V. Sect. VI. §. 9,&feqq. Voici quels font là-deffus les principes de Mr. Locke, dans fon Traité du Gouvernement Civil, Chap. XV. Un Conquérant, dit-il, même dans une jufte Guerre, n'aquiert aucun pouvoir fur ceux qui ont été les compagnons de fa Conquête. Ce n'eft que fur ceux qui ont actuellement concouru, ou confenti à lui faire une injufte Guerre. Le pouvoir qu'il aquiert fur ceux qu'il fubjugue, eft tout à fait defpotique, à l'égard de leurs vies; mais non à l'égard de leurs poffeffions. La raifon de ce dernier chef, qui femble d'abord paradoxe, eft que l'on peut tuer ceux qui ont pris les armes injuftement, pour ôter la vie, s'ils avoient pû, à ceux qui les ont vaincus: mais cela étant une faute perfonnelle de ceux qui ont fait une Guerre injufte, leur poftérité ne doit pas s'en reffentir. Or c'eft ce qui arriveroit, fi l'on fe faififfoit de tous leurs biens, deftinez à l'entretien de leurs Enfans; que l'on réduiroit ainfi à la mendicité, à caufe de la faute de leurs Péres. Tout ce qu'un Conquerant peut faire avec juftice, c'eft de fe dédommager, s'il a fouffert de la perte. Ainfi les Peuples, dont on a opprimé les Prédéceffeurs, & la Patrie, par

il

force, ont toûjours droit, felon Mr. Locke, d'en revenir, & d'emploier la même voie pour recouvrer leur liberté. En effet, il feroit abfurde de dire qu'un Prince a droit de prendre tout ce qu'il peut, & que, dès qu'il l'a poffede quelque tems, les Peuples, qui naitront dans les Pais Conquis, pendant tous les fiecles avenir, font par avance foûmis, de Droit Divin, à fa domination; Tans que ces Peuples puiffent jamais ôter à fes Defcendans ce qu'un de leurs Prédéceffeurs a pris par force. ,, La vérité eft, (ajoûte Mr. Le Clerc, de qui j'ai em„, prunté cet Extrait) qu'il y a de grandes difficultez fur ,, cette matiére, à caufe des malheurs des Guerres Ci,, viles, que l'on doit tâcher d'eviter, autant qu'il eft ,, poffible. Mais il femble que tout le Droit, que l'on ,, peut établir dans cette occafion, étant fonde fur le Bien Public, qui eft la Souveraine Loi, il faut voir fi ,, ce qu'on entreprend fera probablement plus de mal », que de bien à la Société. Si cela eft, ce qu'on fait de» vient injufte; mais fi le bien, qui en revient, eft ,, beaucoup plus grand que le mal, l'entreprife pourra être nommée jufte. Biblioth. Univerf. Tom. XIX. pag. 586.

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S. XXII. (1) Voiez fur ce droit de Poftliminie, que l'on aquiert par un retour dans fon Païs, ou dans celui de fes Amis ou Alliez (ex reditu in limen) Grotius, Lib. III. Cap. IX. & Mr. Buddé, dans fes Elem. Phil. Pract. II. Part. Cap. V. Scc. VI. §. 25, & seqq.

il feroit injufte, que l'Etat gardât pour lui les biens dont on avoit dépouillé fes Sujets; il (a) Voiez I. Sa faut donc qu'il les rende à leurs anciens maîtres (a).

muel, XXX, 22, &fuiv.& Homer

Iliad. Lib. XI.
Comment on

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§. XXIII. *LORS qu'un Peuple entier fecoue, ou par fes feules forces, ou avec le fecours de quelque Allié, le joug d'un Ennemi, qui l'avoit conquis; il recouvre fans contredit fa liberté & fon ancien état. En ce cas-là, fi une partie des biens, qui lui apparte- dépouille l'Ennoient, demeure encore entre les mains des Ennemis, il conferve le droit de les leur re- nemi des Peuples qu'il avoit prendre, tant qu'il n'y a point encore de Traité de Paix, qui les adjuge aux uns ou aux conquis? autres. Que fi un tiers, agiffant en fon propre nom, délivre ce Peuple, par les armes victorieuses, de la domination de l'Ennemi qui l'avoit conquis; le Peuple délivré ne fera alors que changer de maître, & entrera fous les Loix de fon Libérateur. Il faut dire la même chofe d'une partie du Peuple. Mais fi une Province vient à être reconquife par le Peuple, du Corps duquel elle avoit été détachée, ou par quelcun de fes Alliez; elle fera réunie à fon ancien Corps, & elle rentrera pleinement dans tous fes droits. On peut néanmoins convenir avec fes Alliez de leur laiffer les Pais qui nous appartenoient autrefois, & qu'ils ont repris eux-mêmes fur nôtre Ennemi commun. C'eft ainfi que Démétrius (a) ai- (a) Justin. Lib. moit mieux céder fon Roiaume à Philippe, s'il pouvoit le reconquerir, que de le laiffer XXIX. Cap. II. aux Romains. Mais quand même un Peuple conquis auroit lui-même chaffé, par les feules forces, les troupes de l'Ennemi, il ne laifferoit pas pour cela d'être tenu de fe rejoindre à fon ancien Corps, & il ne pourroit pas, fous ce prétexte, s'ériger déformais en Etat féparé; tant que le Corps, dont il a été détaché, n'auroit pas renoncé manifestement à toutes les prétenfions.

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Des Conventions que l'on fait avec un Ennemi, pendant le cours

de la Guerre.

qui fuppofent

S.I. S. L. PARLONS maint RLONS maintenant des Conventions Publiques, qui fuppofent l'état de Guerre. 11 y a deux fortes Il y en a de deux fortes: les unes qui laiffent fubfifter l'état de Guerre, & qui ne de Conventions font que tempérer un peu la rigueur des actes d'hoftilité: les autres qui le font ceffer entié- l'état de Guerre. rement. Mais avant que de traiter en particulier des unes & des autres, il faut dire quelque chofe en général fur la validité de la prémiére forte de Conventions Publiques.

tendent pas à ré

(a) Lib. III. Cap.

§. II. GROTIUS (a) foûtient, que toutes les Conventions généralement, que l'on fait si les Convenavec un Ennemi, doivent être gardées avec une fidélité inviolable. La chofe eft évidente tions, qui ne à l'égard des Conventions qui tendent à rétablir la Paix: mais il y a quelque difficulté par tablir la Paix, rapport à celles qui laiffent fubfifter l'état de Guerre. De ce qu'une perfonne eft capable font valides? de favoir ce qu'elle fait, & de donner un confentement véritable, il ne s'enfuit pas nécef- xix. fairement que fes Promeffes donnent toûjours quelque droit à tout autre à qui elle les fait, ni qu'elles lui impofent à elle-même quelque Obligation indifpenfable. Car la violence & la force ouverte étant le caractére diftinctif de l'état de Guerre, confidéré comme tel; il ne femble pas que la fidélité dans les Conventions, qui eft l'inftrument propre & naturel de la Paix, puiffe avoir lieu (1) dans les actes où il ne s'agit ni de rétablir la Paix,

§. II. (1) Malgré tout ce que nôtre Auteur dit ici, il me femble que ces fortes de Conventions doivent être auffi religieufement obfervées, qu'aucune autre. Ses raifons ne prouvent rien, parce qu'elles prouvent trop. Car enfin, fi le Droit Naturel ne nous impofoit pas une Obligation indifpenfable de tenir ce dont nous fommes volontairement convenus avec un Ennemi, pendant le TO M. II.

ni

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