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de Ira, Lib. I.

(a) Voiez Senec. re Offenfive, dont il eft queftion proprement ici, & qui d'ordinaire laiffe le tems de conCap. XVI. &.ce fulter le Souverain. Ainfi, quoi qu'il fe trouve, en certaines circonstances, que le Souque l'on a rap- verain trouve lui-même à propos de déclarer la Guerre à un certain Ennemi; il ne peut Chap. III. S. 17. néanmoins que défapprouver (a) l'action du Miniftre, qui a paflé les bornes de fon pou

porté ci-deffus,

Not. 4. Voiez voir.
pourtant Tire Li-
ve, Lib. XLIV.
Cap. X.

* En quel cas l'injure reçue d'un Citoien

la Guerre à l'E

Membre ?

Lib.II. Cap.XXI.

XVI. Lib. XXXV.

*§. XII. AU RESTE, dans l'indépendance de l'Etat Naturel, on ne peut en venir à la Guerre contre perfonne que pour les injures qu'on a reçues de lui-même. Mais, dans les Sociétez Civiles, lors que quelcun des Citoiens a fait du mal à un Etranger, on s'en prend quelquefois à tout le Corps de l'Etat, ou à celui qui en eft le Chef, & voici en quels cas fournit un jufte cette imputation a lieu (a). Il eft certain qu'aucune Communauté n'eft tenue du fait des fujet de déclarer Particuliers, dont elle eft compofée, qu'autant qu'elle a commis ou négligé elle-même tat dont il eft quelque chofe qui influe fur l'action dont on la rend refponfable: car, quelque févéres que foient les menaces des Loix & du Souverain, elles laiflent toûjours aux Sujets la Fa(a)Voiez Grotius, culté Naturelle de contrevenir à leurs ordres. Or il y a deux raifons principales, pour lef 5.2. & Tit. Liv. quelles on peut déclarer la Guerre à un Prince, pour tirer raifon des injures que l'on a Lib. XXIX. Cap. reçues de quelcun de fes Sujets, foit anciens & naturels du Pais, ou nouvellement venus: Cap. XXXI. Lib. l'une, c'eft parce qu'ils ont fouffert que l'on fît du tort à l'Etranger: l'autre, parce qu'ils XLV.Cap.XXIII. donnent retraite à l'Offenfeur. Le prémier fournit un jufte fujet de Guerre, lors que le Lib. VI. Cap. VI. Prince aiant connoiffance du crime, & pouvant & devant l'empêcher, fans avoir lieu de craindre de s'attirer par là un mal plus fâcheux, ne l'a pas fait néanmoins: ces deux conditions pofées, qui font (1) toutes deux abfolument néceffaires, on eft cenfé avoir commis foi-même ce que l'on n'a pas empêché de commettre. Or il y a préfomtion, qu'un Sou (b)Voiez Lycurg. verain fait tout ce que fes Sujets font tous les jours, & fans fe cacher (b). Pour le pou crat. & Polyb. voir d'empêcher le mal, on le préfume toûjours, à moins que le Prince ne prouve clairement fon impuiffance. A l'égard de l'autre raifon (2), fi l'on eft tenu de livrer un Coupable, qui s'eft réfugié chez nous uniquement pour éviter la Peine, c'eft plûtôt en conféGratian. Cauf. I. quence de quelque Traité particulier fait là-deffus avec un Voifin, ou un Allié, qu'en vertu d'une Obligation commune & indispensable; à moins que celui, à qui l'on donne retraite, & que l'on protége, ne trame quelque chofe dans nôtre Pais même contre l'Etat d'où il s'eft fauvé.

& Valer. Max.

S. 3, 5.

Orat. adv. Leo

Lib. IV. Cap.

XXVII. au commencement :

& III. Dift. LXXXVI.

Du droit de Re

préfailles.

§. XIII. C'EST (1) encore un usage établi entre les Peuples, que les biens de chaque

§. XII. (1) C'eft la décifion du Droit Romain, au fujet des fautes d'un Esclave, dont le Maître étoit refponfable. Is autem accipitur fcire, qui fcit & potuit prohibere: fcientiam enim fpectare debemus, qua habet & voluntatem. Digeft. Lib. XLVII. Tit. VI. Si familia furtum feciffe dicatur, Leg. I. §. 1.

(2) J'ai tiré ceci de l'Abrégé De Offic. Hom. & Civ. Lib. II. Cap. XVI. §. 9. Mais, comme le remarque Mr. Titius (Obferv. DCXCVI.) l'Auteur raifonne ici fur une fauffe hypothefe que nous avons réfutée ailleurs (Chap. III. §. 4. Not. 8.) je veux dire fur fon principe, que perfonne n'eft dans aucune Obligation de fouffrir la Peine qu'il a méritée. Il vaut mieux dire donc, qu'indépendamment de toute Convention particuliére, on doit livrer celui qui s'eft réfugié sur nos terres, fuppofé qu'il foit véritablement coupable, ou du moins le punir foimême. Voiez Grotius, Lib. II. Cap. XXI. §. 3, 4, 5, 6. où il traite à fond cette matiére.

6. XIII. (1) Cette définition du droit de Repréfailles, eft tirée de l'Abrégé de Officio H. & Civ. Lib. II. Cap. XVI. §. 10. Car notre Auteur fe contentoit de renvoier ici à Grotius, Lib. III. Cap. II. Pour donner une idée générale de la matiére, ajoûtons quelques remarques que Mr. Buddé fait (dans fes Elem. Philof. Pratt. Part. II. Cap. V. Sect. III. §. 6, & feqq.) Les Repréfailles étant une elpece d'acte d'hoftilité, ou du moins le prelude de la Guerre; il eft clair que perfonne ne fauroit légitime

Sujet ment ufer de ce droit qu'avec l'approbation du Souverain, qui, avant que d'en accorder la permiffion, doit bien examiner fi l'intérêt public permet de fe porter à cette extrémité. Il faut auffi que le fujet, pour lequel on ufe de Repréfailles, foit bien clair, & la chofe, dont il s'agit, de grande conféquence: car il y auroit également de l'imprudence & de l'injuftice à accufer un Magiftrat etranger de connivence, ou d'un refus malicieux de rendre la Juftice, dans une affaire obfcure & litigieufe, ou de nulle importance, ou fans avoir de bonnes preuves de la mauvaise foi du Souverain, à qui l'on s'eft adreffé, ou avant que d'avoir tâché de fe faire raifon par quelque autre voie plus douce, comme, par exemple, par celle de la Compenfation. Mais quelque jufte sujet que l'on aît d'ufer de Reprefailles, on ne peut jamais directement pour cette feule raifon faire mourir ceux dont on s'eft faifi; mais feulement les garder, fans les maltraiter, jufques à ce que l'on ait obtenu fatisfaction: de forte que, pendant tout ce tems-là ils font comme en ôtage. Pour les biens faifis par droit de Repréfailles, il faut en avoir foin, jufques à ce que le terme auquel le paiement devoit fe faire, foit expiré; après quoi on peut, ou les ajuger au Créancier, ou les vendre pour l'aquit de la dette, en rendant à celui, fur qui on les a pris, ce qui refte, tous frais faits. Mais il n'eft permis d'ufer de Repréfailles, qu'a l'egard des Sujets proprement ainfi dits, & de leurs biens: car pour

ce

Sujet répondent, pour ainfi dire, des dettes de l'Etat, dont il eft Membre, comme auffi du tort qu'il peut avoir fait en ne rendant pas justice aux Etrangers; en forte que les intéreffez peuvent le faifir des biens de tous les Sujets de cet Etat, qui fe trouvent chez eux, & de leurs perfonnes mêmes. Ces fortes d'exécutions s'appellent des Repréfailles; & elles font fouvent un prélude de la Guerre. Pour en faire voir la juftice, il faut ajoûter à ce que dit Grotius fur cette matiére, que, comme tout le Corps de l'Etat prend fur fon compte les injures faites par des Etrangers à quelcun de fes Citoiens; on a trouvé auffi qu'il n'étoit point injufte de fuppofer que chaque Citoien s'oblige, pour ainfi dire, fubfidiairement, pour les dettes de l'Etat, qui, en cas de Repréfailles, eft tenu de le dédommager de la perte qu'elles lui ont caufé. Que fi quelques Citoiens en fouffrent quelquefois, il faut mettre cela au nombre des inconvéniens inévitables de la Société Civile, mais qui font bien peu de chose en comparaison de ceux où l'on auroit été expofé dans l'indépendance de l'Etat Naturel.

peut faire la

(a) Voiez Grotius, Lib. II. Cap.XXV.

(b) Autrement on pourroit appliquer ici ce qui fe trouve dans Lucain, Lib. IV. verf. 707,& feqq,

§. XIV. ON fait fouvent la Guerre pour autrui (a), & ces fortes de Guerres font légi- En quels cas on times (b), pourvû que celui, en faveur de qui l'on s'y engage, aît un jufte fujet de pren- Guerre pour audre les armes; & que d'ailleurs on aît avec lui quelque liaifon particulière, qui nous auto- trui? rise à traiter en Ennemi un homme qui ne nous a fait à nous-mêmes aucun tort. Parmi ceux que l'on peut & que l'on doit même défendre, il faut mettre au prémier rang les Sujets de l'Etat; & cela non feulement parce qu'ils font comme partie de leur Chef, mais encore parce que c'eft en vue de cette protection que les Hommes, auparavant libres, ont formé ensemble des Sociétez Civiles, (1) ou font entrez dans celles qui étoient déja établies. Les Princes ne doivent néanmoins prendre les armes pour tirer raifon des injures faites à quelcun de leurs Sujets, que quand ils peuvent s'engager dans une Guerre fans attirer un mal plus fâcheux fur tout le Corps de l'Etat, ou même fur plufieurs autres Citoiens: car le Devoir des Souverains regarde l'intérêt du Tout, plûtôt que celui de chaque Partie; & plus une Partie eft grande, plus elle approche du Tout.

Après les Sujets, viennent les Alliez, à qui l'on eft engagé expreffément, par le Traité d'Alliance, de donner du fecours dans le befoin. Mais on peut, fans préjudice de l'Alliance, défendre ses Sujets préférablement aux Alliez, quand il n'y a pas moien de les fecourir les uns & les autres en même tems. Car les engagemens d'un Etat envers fes Citoiens l'emportent toûjours fur ceux où il entre envers tout Etranger. Lors donc qu'il promet du fecours à quelque autre, il eft cenfè ne s'engager qu'à ce qu'il pourra faire fans préjudice de l'Obligation où il eft envers fes propres Citoiens. D'où il s'enfuit, qu'il faut être bien fot pour compter fur une Alliance, qui n'est pas avantageuse à l'un & à l'autre des Alliez. De plus, comme perfonne ne doit entreprendre aucune Guerre injufte, ou téméraire, on n'eft pas non plus tenu d'affifter un Allié dans une pareille Guerre. Et cela a lieu en quelque maniére dans les Guerres même Défenfives: car fi nôtre Allié voiant bien qu'avec toutes nos forces jointes aux fiennes il n'eft pas en état de tenir tête à celui qui l'attaque, & pouvant s'accommoder avec lui à des conditions fupportables, ne laiffe pas de vouloir courir à une ruine certaine, il faudroit être bien fou & bien ennemi de foi-même, pour fe réfoudre à périr avec lui, en fecondant fes foibles efforts. Ce n'eft qu'en ce

fens

ne l'ont d'ailleurs aquis en vertu de quelque Traité.
§. XIV. (1) C'eft ainfi que les Campaniens, après s'être
donnez aux Romains, leur demandoient du fecours com-

ce qui eft des Etrangers, qui ne font que paffer, ou qui
viennent feulement pour demeurer quelque tems dans
le Païs, ils n'ont pas une affez grande liaison avec l'E-
tat, dont ils ne font Membres qu'à tems & d'une ma-me une chofe que ceux-ci ne pouvoient leur refufer.

niére fort imparfaite, pour que l'on puiffe fe dédommager fur eux du tort qu'on a reçû de quelque Citoien originaire & perpétuel, & du refus que le Souverain a fait de nous rendre juftice. Il faut encore excepter les Ambaladeurs, qui font des perfonnes facrées même pendant une Guerre pleine & entiére. Mais pour ce qui eft des Femmes, des Ecclefiaftiques, des Gens de Lettres &c. le Droit Naturel ne leur donne ici aucun privilege, s'ils TOM. II.

Voiez Tite Live, Lib. VII. Cap. XXXI. & Flerus, Lib. I.
Cap. VII. Il faut remarquer pourtant (ajoûtoit nôtre
Auteur) que, fi les Campaniens avoient fait injuftement
la Guerre aux Samnites, les Romains, quoi que devenus
leurs maîtres, ne pouvoient légitimement prendre leur
défenfe, qu'après avoir offert aux Samnites la réparation
du dommage, & la reftitution des frais de la Guerre.

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XXV. §. 4.

(c) Lib. II. Cap. fens qu'on doit admettre la maxime de Grotius, qui dit, (c) qu'on n'eft pas obligé de don ner du fecours à un Allié, lors qu'il n'y a aucune espérance d'un bon fuccès: car, ajoûte-t-il, toute Alliance fe contracte en vue du bien qu'on en efpére, & non pas pour en fouffrir du mal. Ces paroles entendues fans quelque reftriction, rendroient les Alliances fort inutiles: car à quoi bon chercheroit-on à s'allier avec quelcun, fi, en vertu de cette union, il ne devoit s'expofer à aucun péril, ou à aucune perte, pour nous fecourir?

abi fuprà, §. 8.

Les Amis (2), c'est-à-dire, ceux avec qui l'on eft uni par une bienveillance & une affection particulière, tiennent ici le troifiéme rang. Car, quoi qu'on ne leur aît point promis certains fecours déterminez par un Traité formel; l'Amitié emporte par elle-même un engagement réciproque de s'entre-fecourir autant que le permettent des Obligations plus étroites; & cela avec plus d'empreffement que ne le demande la fimple liaifon de l'Hu

manité.

Cette conformité d'une même nature peut néanmoins fuffire pour nous autorifer à prendre la défense d'un autre, contre les injures & les infultes manifeftes d'un tiers d'autant mieux que nôtre propre intérêt, & même le bien public, demandent fouvent qu'on ne laiffe pas infulter impunément ceux qui ne le méritent pas. Comme on demandoit un jour à Solon, quelle Ville lui fembloit la plus heureuse & là mieux policée, il répondit, que (3) c'étoit celle dont les Citoiens étoient fi unis, que ceux qui n'avoient pas été outragez fentoient l'injure faite à leurs Compatriotes, & en pourfuivoient la réparation, auffi vivement que ceux qui l'avoient reçue. Il ne faut pourtant pas s'imaginer, que, dans l'indépendance de l'Etat Naturel, chacun aît toûjours droit de réprimer & de punir par la voie des armes les injures qu'il voit faire à tout autre, par cette feule raifon qu'il eft de l'intérêt public qu'on ne laiffe pas opprimer l'innocent, & que chacun s'intéreffe à ce qui regarde les autres. Car celui qui eft injuftement attaqué pouvant lui-même repoufler la force par la force; fi l'on époufe fa querelle, au lieu d'une Guerre il en naîtra deux, de forte que par là Ja Société Humaine fera doublement troublée. Il est même contre l'Egalité Naturelle, de fe rendre foi-même, fans en être requis, l'arbitre, pour ainfi dire, des démêlez & des querelles d'autrui. Pour ne pas dire, que cela ouvriroit la porte à un grand nombre d'abus; n'y aiant prefque perfonne que l'on ne pût attaquer fous ce prétexte. Pour être donc en droit de prendre les armes contre celui qui fait quelque injure à un tiers, avec lequel on n'a point de rélation particulière, il faut que l'Offenfé nous appelle lui-même à son secours; en forte que nous agiffions alors en fon nom, & non pas de nôtre chef.

Mais peut-on entreprendre une Guerre en faveur des Sujets d'un autre Prince, pour les (d)Voiez Grotius, délivrer de l'oppreffion de leur Souverain (d)? Le plus fûr eft, à mon avis, de dire que cela n'eft permis que dans le cas où la tyrannie eft montée à un tel point, que les Sujets eux-mêmes peuvent légitimement prendre les armes pour fecouer le joug du Tyran, qui ·les opprime.

Jufques où les
Nations ont por-

te les droits & la
licence de la
Guerre ?

(a) Lib. III. Cap. IV..& fegg,

§. XV. PLUSIEURS (1) Nations, comme (a) Grotius le fait voir amplement, n'ont mis aucunes bornes au droit que nous avons dit que la Loi Naturelle donne d'agir contre un Ennemi. Sur quoi il faut remarquer, que, bien que les Généraux d'armée défendent fouvent aux Soldats de porter les actes d'hostilité au delà d'un certain point, & leur com-.

(2) Mr. Buddé dit, qu'il faut, finon préférer aux Amis, du moins mettre au même rang, ceux qui font de même Religion que nous. (Differt. de comparatione Obligationum qua ex diverfis hominum ftatibus oriuntur, §. 60.) Mais il n'oublie pas de remarquer en même tems, (§. 62.) que, fous prétexte de défendre & de favorifer la Religion qui nous paroit véritable, il ne faut pas fe croire tout permis contre ceux d'une autre Religiou, quelle que ce foit: maxime deteftable, que tout le monde blåme avec raifon dans la conduite des Papiftes, mais dont, ajoute-t-il, ceux qui deteftent le plus la tyrannie de l'Eglife Romaine, ne paroiffeut pas entierement defabufez.

man

(3) Ἐρωτηθεὶς γδ (ὡς ἔοικεν) ἥτες οἰκεῖται κάλλιςα πόλεων, Εκείνη (είπεν), ἐν ᾗ ἢ ἀδικτυων εχ ἧττον οἱ μὲ ἀδικέωμοι προβάλλονται καὶ κολάζεσι τῆς ἀδικόντας. Plutarch. in Solon. pag. 88. D.. J'ai fuivi la verfion de Mr. Dacier. Voiez Euripid. in Supplic. verf. 267, 268. & Quintil. Inft. Orat. Lib. IV. Cap. I. pag. 270.

§. XV. (1) Ce paragraphe eft le XVI. dans l'Original. Car le XV. le XVII. & le XIX. ne contenant que de fimples renvois à Grotius; je les ai retranchez, d'autant mieux que j'avois déja traite dans les Notes précédentes, des matiéres qu'ils indiquent.

§. XVI.

mandent d'épargner certaines chofes; la raifon pourquoi l'on punit ceux qui ont contrevenu à ces Loix, ce n'eft pas qu'ils aient par là fait du tort à l'Ennemi, mais uniquement pour avoir violé les ordres de leur Commandant, & afin de maintenir la Difcipline Militaire, qui demande beaucoup de févérité. De même, ceux qui, dans une Guerre Publique & Solennelle, ont pouflé le carnage & les pilleries au delà de ce que la Loi Naturelle permet, ne paffent pas d'ordinaire dans le monde pour des Meurtriers, ou des Voleurs, & ne font pas punis comme tels, ni tenus pour de malhonnêtes gens, lors qu'ils viennent dans un Pais Neutre. La raifon pourquoi les chofes font fur ce pied-là, c'eft non feulement parce que l'on n'a que faire de tirer vengeance des Crimes qui n'ont pas été commis fur nos terres; mais encore parce qu'il femble y avoir entre les Peuples une Convention tacite, en vertu de laquelle chacun eft tenu de ne pas fe mêler de ce qui fe pafle dans les Guerres des autres, auxquelles il n'a aucune part. En effet, pourquoi eft-ce que les Peuples Neutres iroient, fans néceffité, époufer la querelle de l'un ou de l'autre des Combattans? Ajoûtez à cela, que dans les Guerres même les plus légitimes, il eft bien difficile de déterminer jusques où il fuffit de porter les actes d'hoftilité pour le défendre, & pour obtenir la réparation du dommage, ou les fûretez néceffaires pour l'avenir. Ainfi il vaut mieux laiffer tout cela à la Confcience de ceux qui fe font la Guerre, que de s'attirer des querelles fâcheufes en s'ingérant de condamner l'un ou l'autre des Partis. D'autant mieux que ceux qui entrent en Guerre, fe donnent eux-mêmes l'un à l'autre, par une espece de Convention tacite, une liberté entiére de tempérer ou d'augmenter la fureur des armes, & d'exercer toutes fortes d'actes d'hoftilité, felon que chacun le jugera à propos.

faire affliner

IV. §. 18.

§. XVI. ON demande ici, entr'autres chofes, s'il eft permis de faire aflaffiner un En- S'il eft perrais de nemi (1) Grotius (a) diftingue entre les Affaffins qui violent par là leurs engagemens ex- un Ennemi ? près, ou tacites, comme font les Sujets à l'égard de leur Prince; les Soldats, à l'égard de (a) Lib. III. Cap. celui pour qui ils portent les armes, les Vaffaux, à l'égard de leur Seigneur; les Réfugiez, ou les Transfuges, à l'égard de celui qui les a reçûs: & les Affaffins qui n'ont aucun engagement avec celui qu'ils vont tuer. Rien n'empêche qu'on n'emploie ces derniers (b): mais (b) Voiez Th pour les autres, qui ne fauroient exécuter fans perfidie la commiffion dont ils fe chargent, Mo les Nations un peu civilifées tiennent à infamie d'emploier leur bras pour se défaire d'un Ennemi. Cependant, lors qu'il s'agit de Rebelles, ou d'un Chef de Brigands & de Corfaires, les Princes les plus pieux ne font pas difficulté de propofer de grandes récompenfes à quiconque voudra les trahir; & la haine que l'on a pour ces fortes de gens fait qu'on ne trouve pas mauvais qu'un Prince mette en ufage contr'eux toutes fortes de voies.

Morus, Utrop.

1. 5.21,22. Voicz

pourtant la

tilien, où l'on

C'eft à peu près par les mêmes principes que l'on décide ordinairement la question générale, s'il eft permis de fe fervir à la Guerre de tous ceux que l'on trouve? Car on diftingue entre les Déferteurs, ou les Traitres, qui s'offrent d'eux-mêmes; & ceux que l'on corrompt par des promeffes, ou des récompenfes. Grotius dit (c), que, par le Droit des Gens, (c) Lib. III. Cap. on peut fe fervir des prémiers, mais non pas des derniers. Cette décifion n'eft pourtant pas fans difficulté. Car, pofé un jufte fujet de Guerre, on a droit certainement d'ôter à l'Ennemi Declamation tout ce qui lui eft de quelque fecours, & de lui caufer tout le dommage poffible. Or je ne CCLV. de Quinvois pas pourquoi, quand l'occafion s'en préfente, il ne feroit pas permis de le faire en foûtient, qu'il gagnant les Sujets par l'efpérance de quelque récompenfe. D'autant mieux que, de l'aveu ne faut pas rece de tout le monde, on peut, par exemple, donner une fauffe alarme pour obliger une teurs de l'Arince Garnifon à fe rendre; auquel cas la Garnifon n'eft pas entiérement excufable, & en effet Ennemie. les Loix de la Difcipline Militaire puniffent de mort ceux qui fe laiffent tromper de cette maniére, comme s'ils avoient été d'intelligence avec l'Ennemi: la crédulité & la lâcheté n'étant pas moins contraires aux Devoirs d'un bon Soldat, que la trahifon & la perfidie. Quoi que la force ouverte foit le moien le plus naturel & le plus légitime de nuire à un

5. XVI. (1) Car il eft permis de tuer un Ennemi, par tout où on le trouve; & il n'importe qu'on fe ferve pour

En-
cela d'un grand nombre de gens, ou d'une feule per-
fonne. Voicz Grotius, dans l'endroit cité.
lii 2
§. XVII.

voir les Defer

Ennemi; la rufe & l'artifice n'eft pas toûjours illicite. J'avoue que les Traitres & les Déferteurs commettent eux-mêmes une action criminelle mais le Crime ne femble réjaillir en aucune manière fur celui qui les y a follicitez. Car je ne vois pas en vertu dequoi il feroit obligé de ne pas fe fervir, pour défendre fes droits, de la voie la plus commode qui fe préfente; feulement afin de ne pas donner occafion de pécher à ceux qui, par leurs injuftices, ont rompu avec lui tout commerce des Devoirs réciproques. Pourquoi ne pourroit-on pas attaquer par le charme des piftoles, ceux contre qui on a vainement tiré des coups de canon? D'autant mieux que, malgré toutes les follicitations, il eft libre à ceux que l'on follicite à abandonner leur Maître, de demeurer exposez à éprouver de nôtre part des actes d'hoftilité, ou de fe raccommoder avec nous en nous rendant fervice. Autre chofe eft, lors qu'on débauche les Efclaves ou les Sujets d'un autre, avec qui l'on eft en paix; car on fait mal alors pour deux raifons, qui n'ont pas lieu dans le cas dont il s'agit: l'une, c'eft qu'on n'a aucun droit de prendre ce qui appartient à une perfonne avec qui l'on n'eft point en guerre: l'autre, c'eft qu'on ne pouvoit légitimement faire aucun mal à l'Esclave même ou au Sujet, s'il eût refufé de fe mettre à notre fervice. Comme donc un Ennemi n'a, par rapport à nous, aucun droit de Propriété, qui nous impofe une Obligation indifpenfable de ne pas lui prendre fon bien; il n'a non plus fur fes Sujets aucune Autorité inviolable par rapport à nous. Ainfi ce que l'on objecte ici, qu'il n'eft pas permis de pouffer les autres à aucune action qu'ils ne puiffent commettre fans crime, & que l'on péche foi-même, lors que l'on fournit à autrui l'occafion de pécher; cette maxime, dis-je, semble n'avoir lieu qu'entre ceux qui font en paix. Car l'état de Guerre où l'on entre avec un Ennemi, fait qu'en pourfuivant fon droit contre lui on ne doit pas fe mettre en peine, fi on lui donne occafion de pécher, ou non. Ainfi, quoi que l'argent qu'on offre, ou les promeffes qu'on fait à un homme du Parti ennemi, le portent véritablement à déserter, ou à trahir fon Maître; fa perfidie ne peut pas nous être justement imputée, comme fi nous participions à ce qu'il y a de criminel dans l'action; parce que la Guerre, tant qu'elle dure, romp tout commerce de Devoirs réciproques avec l'Ennemi, & qu'en prenant les armes contre nous, il nous a donné, entant qu'en lui étoit, une permiffion fans bornes d'exercer contre lui toutes fortes d'actes d'hoftilité. D'ailleurs, puis que l'on peut perdre entiérement l'Ennemi, lors que l'intérêt de la Guerre le demande; pourquoi feroit-ce un Crime de lui donner fimplement occafion de pécher? Car de ce qu'on doit garder la foi à l'Ennemi, il ne s'enfuit pas que, comme quelques-uns l'objectent, on ne puille point légitimement folliciter fes Sujets à le trahir. Tout ce qu'il y a, c'eft qu'il faut bien prendre garde de ne pas fe nuire à foi-même, par l'exemple qu'on donne aux autres. Et il faut la Harangue de avouer, que c'eft un acte de grande générofité, de s'abftenir, tant qu'on le peut, de ces Paftor & Afelé fortes de voies. Il eft certain auffi, que ceux-là mêmes qui aiment la trahison, & qui en piodote. profitent, haiffent enfuite le Traitre, & fe défient toûjours de lui (d).

(d) Voiez Valer.
Max. Lib. VI.

Cap. V. §. 7. &
Procop. Hift.
Gotth. Lib. I.
Cap. VIII. dans

Comment on aquiert la Pro

fur l'Ennemi.

§. XVII. DANS une Guerre jufte, on (1) aquiert, par le Droit Naturel, & l'on peut prieté des chofes retenir en confcience, des chofes (2) que l'on a prifes fur l'Ennemi, ce qui nous est dû, que l'on prend ou l'équivalent; y compris les frais de la Guerre, auxquels l'Ennemi nous a engagez pour (a)Voiez Grotius, ir'avoir pas voulu nous fatisfaire, & même ce que l'on juge néceffaire de garder comme Lib. III. Cap. VI. une fûreté pour l'avenir (a). Ainfi, lors que la confiance que l'Ennemi avoit en fes forces l'a porté à nous faire du tort & à nous infulter; on peut fort bien, après l'avoir vaincu, l'affoiblir, & le dépouiller de fes richeffes fuperflues, afin qu'il foit déformais plus retenu

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5. XVII. (1) Voiez ci-deДus, Liv. IV. Chap. VI. §. 14. où l'on explique comment fe fait l'Aquifition de ce que l'on a pris fur l'Ennemi.

(2) Pourvû qu'elles foient à lui: car il n'en eft pas de même de celles qui fe trouvent dans fon Païs, mais qui appartiennent à des Etrangers, avec lesquels il eft en paix; à moins qu'ils ne les lui cuffent envoices à def

à

fein de le fécourir dans la Guerre préfente. Pour ce qui eft de la charge des Vaiffeaux appartenans à l'Ennemi, elle eft cenfée lui appartenir toute entiére, & par confequent être de bonne prife, tant que les Etrangers n'ont pas reclamé, & juftifié clairement les effets qu'ils peu vent y avoir. Voiez Grotius, Lib. III. Cap. VI. §. sasa

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