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nemi, & par rapport à ceux (2) qui lui fourniffent quelque chofe; on trouvera là-defus

l'on ne pouvoit fe fervir des moiens néceffaires pour en venir à bout. Mais auffi il ne feroit pas jufte, que, fous prétexte de poursuivre fon droit, l'on fe permit tout, & que l'on fe portât, fans néceffité, aux derniéres extrémitez. 2. Le droit que l'on pourfuit par les armes, ne doit pas être confideré uniquement par rapport au fujet qui a fait commencer la Guerre, mais encore par rapport aux nouvelles caufes qui furviennent depuis: tout de même qu'en Juftice une des Parties aquiert fouvent quelque nouveau droit pendant le cours du Procès. C'eft là le fondement du droit que l'on a d'agir contre ceux qui fe joignent à nôtre Ennemi, foit qu'ils dependent de lui, ou non. 3. Hy a bien des chofes qui, quoi qu'illicites d'ailleurs, deviennent permifes, parce qu'elles font des fuités inévitables de la Guerre, & qu'elles arrivent contre nôtre intention: autrement il n'y auroit pas moien de faire jamais la Guerre fans injuftice, & les actions les plus innocentes devroient être regardées comme injuftes, puis qu'il y en a peu d'où il ne puiffe, par occafion, provenir quelque mal, contre Pintention de l'Agent. (Voiez ci-deffus, Liv. I. Chap. V. S. 3. Not. s, & 6.) Voici maintenant en détail lès droits que la Guerre donne fur la perfonne & fur les biens de l'Ennemi; avec les tempéramens qu'on y doit garder. I. Il eft certain qu'on peut tuer un Ennemi: autrement ce feroit en vain qu'on prendroit les armes. Et, à confidérer la chofe en elle-même, il n'importe de quelle maniére on le dépouille de la vie, ou de vive force, ou par rufe & par ftratagême, ou par le fer, ou par le poifon; quoi que, felon les idées & les Coûtumes reçues des Peuples civilifez, on regarde comme une lâcheté criminelle non feulement de faire donner à l'Ennemi quelque breuvage mortel, mais encore d'empoisonner les puits, les fources, les fontaines, les flêches, les dards, les balles, & les autres armes dont on fe fert contre lui. (Nôtre Auteur traite plus bas, §. 16. la queftion, s'il eft permis de faire affaffiner l'Ennemi?) On peut aufli le tuer par tout où on le trouve, foit dans fon Païs, foit fur nos terres, foit dans les lieux qui n'appartiennent à perfonne; mais non pas dans les Etats d'un Peuple Neutre: car les voies de fait ne font pas permises dans une Societé Civile, où l'on doit implorer le fecours du Magiftrat. Que s'il eft permis d'ôter la vie à un Ennemi, à plus forte raifon peut-on le bleffer, l'eftropier, le mutiler, ou lui faire du mal en fa perfonne de quelque autre maniére. (Voiez Grotius, Lib. III. Cap. IV.) Mais les droits de la Guerre ne s'étendent pas jufqu'à autorifer les outrages faits à l'honneur des Femmes: car cela ne fait rien ni à nôtre défense, ni à nôtre fûreté, ni au maintien de nos droits, & ne fert feulement qu'à fatisfaire la brutalité du Soldat. (Grotius, ibid. §.19.) De plus, lors que l'on peut fe défendre, ou avoir fatisfaction du tort que l'Ennemi nous a fait, fans en venir à un carnage, il faut s'en abftenir, & ne pas répandre du fang fans néceflité. Ainfi l'on ne doit pas directement & de propos délibéré ôter la vie ni aux Prifonniers de Guerre, ni à ceux qui demandent quartier, ni à ceux qui fe rendent; moins encore aux Enfans, aux Femmes, aux Vieillards, & en général à tous ceux qui ne font ni d'un âge, ni d'une profeffion à porter les armes, ou qui n'ont d'autre part à la Guerre que de fe trouver dans le Païs, ou dans le parti de l'Ennemi. (Voiez Grotius, Lib. III. Cap. XI.) II. A l'égard des biens de l'Ennemi, il eft clair que l'on peut les lui enlever, les ravager, les endommager, ou les détruire même entiérement. Et il ne faut pas en excepter les Chofes Sacrées ou Religieuses, comme on parle, c'est à-dire, qui font deftinées à des ufages de Religion: car elles appartiennent à l'Etat ou au Souverain, & on ne les apPelle Sacrées qu'à caufe d'un certain ufage auquel elles tervent. Ceux qui croient qu'elles renferment quelque

am

chofe de divin & d'inviolable, font mal à la vérité d'y toucher en aucune manière: mais c'eft feulement parce qu'ils agiffent contre leur propre Confcience. (Voicz Grotius, Lib. III. Cap. V. & la Differtation de Mr. Buddé, De Jure Belli circa Res Sacras, parmi fes Selecta Juris N. & Gent.) Cependant, de quelque nature que foient les chofes qui appartiennent à l'Ennemi, facrées ou profanes, on ne doit les détruire ni les endommager qu'autant que cela eft néceffaire pour le but de la Guerre, & pour hâter la Paix. Ce feroit une fureur également infenfee & criminelle que de faire du mal à autrui, fans qu'il nous en revint à nous-mêmes aucun bien, ni directement, ni indirectement. Il n'arrive guéres, par exemple, qu'il foit néceffaire, après la prife d'une Ville, de ruïner les Temples, les Statues, les Bâtimens publics, ou particuliers: il faut donc pour l'ordinaire les épargner, auffi bien que les Tombeaux & les Sepulchres. Voiez Grotius, Lib. III. Cap. XII.

(2) Pour donner une idée de cette matiére, il faut dire quelque chofe en général de la Neutralité, dont notre Auteur ne parle nulle part. J'emprunterai ici, à peu près, ce que dit Mr. Buddé, dans les Elémens de PhiloSophie Pratique, Part. II. Cap. V. Se&t. VI. §. 36, & feqq. Il y a une Neutralité générale, & une Neutralité particuliére. La Neutralité générale, c'eft lors que, fans être Allié d'aucun des deux Ennemis, qui fe font la Guerre, on eft tout prêt à rendre également à l'un & à l'autre les Devoirs auxquels chaque Peuple eft naturellement tenu envers les autres. La Neutralité particulière, c'eft lors que l'on s'eft particuliérement engagé à être neutre, par quelque Convention, ou expreffe, ou tacite. La derniere forte de Neutralité eft ou pleine & entiére, lors que l'on agit également, à tous égards, envers l'une & l'autre Partie; ou limitée, en forte que l'on favorise une Partie plus que l'autre, à l'égard de certaines chofes, & de certaines actions. On ne fauroit légitimement contraindre perfonne à entrer dans une Neutralité particuliere; parce qu'il eft libre à chacun de faire ou de ne pas faire des Traitez & des Alliances, ou qu'on ne peut du moins y être tenu qu'en vertu d'une obligation imparfaite. Mais celui qui a entrepris une Guerre jufte, peut obliger les autres Peuples à garder exactement la Neutralité générale, c'est-à-dire, à ne pas favorifer fon Ennemi, plus que lui-même. Voici donc à quoi fe réduifent les Devoirs des Peuples Neutres. Ils font obligez de pratiquer également envers l'un & l'autre de ceux qui fe font la Guerre, les Loix du Droit Naturel, tant Abfolues, que Conditionnelles, foit qu'elles impofent une Obligation parfaite, ou feulement imparfaite. S'ils rendent à l'un d'eux quelque fervice d'Humanité, ils ne doivent pas le refufer à l'autre; à moins qu'il n'y aît quelque raifon manifefte qui les engage à faire en faveur de l'un quelque chofe, que l'autre n'avoit d'ailleurs aucun droit d'exiger. Mais ils ne font tenus de rendre les fervices de l'Humanité à aucune des deux Parties, lors qu'ils s'expoferoient à de grands dangers en les refufant à l'autre, qui a autant de droit de les exiger. Ils ne doivent fournir ni à l'un, ni à l'autre, les chofes qui fervent à exercer des actes d'hoftilité, à moins qu'ils n'y foient autorifez par quelque engagement particulier: & pour celles qui ne font d'aucun ufage à la Guerre, fi on les fournit à l'un, il faut les fournir audi à l'autre. Ils doivent travailler de tout leur poftible à faire en forte que l'on en vienne à un accommodement, que la Partie lézée obtienne fatisfaction, & que la Guerre finiffe au plûtôt. Que s'ils fe font engagez en particulier à quelque chofe, ils doivent l'exécuter ponctuellement. D'autre côté, il faut que ceux qui font en Guerre, obfervent exactement envers les Peuples Neutres, les Loix de la Sociabilité; qu'ils n'exercent con-. tr'eux aucun acte d'hoftilité, & qu'ils ne fouffrent pas Hhh a qu'on

Dans une Societé Civile,

les Particuliers n'ont pas droit

de faire la GuerIC.

1

amplement dequoi fe fatisfaire, dans l'Ouvrage de Grotius, intitulé, du Droit de la Guer re & de la Paix.

§. VIII. VOILA' pour ce qui regarde la Guerre en général. Voions maintenant les queftions qui fe rapportent en particulier aux Guerres que les Etats, ou leurs Chefs, fe font les uns aux autres.

Le droit de faire la Guerre, que chacun avoit dans l'indépendance de l'Etat Naturel, eft ôté aux Particuliers dans une Société Civile: de forte qu'ils ne peuvent plus tirer raifon eux-mêmes, comme ils l'entendent, des injures qu'ils ont reçues, ni fe faire rendre par force ce qu'on leur doit (1); mais il faut qu'ils implorent le fecours du Magistrat, qui est chargé du foin de procurer aux perfonnes lézées la réparation du dommage, auffi bien que les fûretez néceflaires pour l'avenir, & de faire en forte que chacun jouiffe paifiblement de fes droits. J'avoue que, dans les Etats, il eft quelquefois permis aux Particuliers de (2) fe défendre eux-mêines, fans attendre le fecours du Magiftrat. Mais cette défense ne peut pas être proprement appellée un acte du droit de la Guerre: car ce droit renferme le pouvoir de prendre les armes toutes fois & quantes qu'on veut, & d'agir offenfivement & défenfivement contre un Ennemi auffi long-tems qu'on le juge à propos, jufques à ce qu'on termine la Guerre par un accommodement & un Traité de Paix. Au lieu que les Citoiens d'un Etat n'ont la permiffion de repouffer la force par la force que dans une néceffité extrême, & tant que le péril dure; après quoi, pour rétablir la Paix entre l'Offenfeur, & l'Offensé, il n'est pas néceffaire qu'ils terminent eux-mêmes la Guerre par une Convention, l'autorité du Magistrat étant fuffifante pour cela. Bien plus: lors même que les Particuliers fe font raccommodez de leur pur mouvement, cela n'empêche pas que le Magiftrat ne puifle, nonobftant cette réconciliation, punir l'injure qui avoit donné lieu au démêlé de ces Citoiens.

Il arrive pourtant quelquefois que les Particuliers rentrent dans tous les droits de la Défense permise à ceux qui confervent encore leur indépendance naturelle; lors, par exemple, qu'un Citoien fe trouve dans quelque lieu qui n'appartient à aucun Etat, & qui demeure encore dans la communauté originaire. Mais ici il faut diftinguer, fi l'aggrefleur eft Concitoien, ou non, de la perfonne infultée ? Dans le prémier cas, l'Offense peut bien repouffer par la force le danger préfent; mais pour ce qui eft de la réparation de l'injure, il doit s'en remettre à leur Souverain commun: à moins que l'aggreffeur ne paroiffe réfolu à ne plus retourner dans fa Patrie, & qu'il n'y aît laillé aucuns biens fur lesquels on puiffe fe dédommager. Mais fi c'eft un Etranger qui nous infulte dans un lieu fans maître, rien n'empêche qu'on ne le pourfuive à toute outrance; quoi que d'ailleurs on puiffe, fi on le trouve à propos, porter plainte à l'Etat, dont il eft Membre, & faire intervenir même le Souverain, de qui l'on dépend foi-même, lequel a droit de tirer raifon par les armes de l'injure qui a été faite à fon Sujet, fi le Souverain de l'Offenseur refuse de le punir, & de le contraindre à nous faire fatisfaction. Lors donc que l'on eft attaqué en plein Océan, il n'eft pas toûjours néceflaire d'agir contre l'aggreffeur au delà de ce que demande le danger préfent; puis que, quand il fera de retour chez lui, on peut l'appeller en Juftice devant les Magiftrats qu'il reconnoit pour fes Juges.

Il y a encore deux cas, où il eft permis à chacun de fe défendre lui-même, comme il

qu'on les pille, ou qu'on ravage leur Païs. Ils peuvent
pourtant, dans une extrême neceffité, s'emparer d'une
Place fituée en Païs neutre: bien entendu qu'auffi-tót
que le péril fera paffé, on la rende à fon maître, en lui
paiant le dommage qu'il en a reçû. Voiez ce que nôtre
Auteur a dit, Liv. 11. Chap. VI. §. dernier, à la fin; &
Grotius, Lib. III. Cap. I. §. s. & Cap. XVII. Au rette,
pour ce qui regarde la queftion, fi l'on peut empêcher
que les Peuples Neutres ne trafiquent, pendant le cours
de la Guerre, avec nôtre Ennemi? voiez là-deflus une
petite Lettre de nôtre Auteur, qui a été publiée il y a

l'en

trois ou quatre ans, dans un Livre imprimé à Hambourg, intitulé Jo. Groningii Bibliotheca univerfalis Librorum Juridicorum &c. pag. 105. des Traitez qui font à la tête de l'Ouvrage.

§. VIII. (1) Voiez Digeft. Lib. IV. Tit. II. Quod metus caufa geftum erit, Leg. XI. XII. XIII. Lib. XLIII. Tit. XXIV. Quod vi aut clam, Leg. VII. §. 3. & la Loi, qui a été citée ci-deffus, Chap. III. de ce Livre, §. 13. No

te 2.

(2) Voiez ce que l'on a dit ci-dessus, Liv. II. Chap. V. 6.7, 8. (3) Vo

l'entend; c'eft lors que l'on eft infulté par des Concitoiens qui foulent aux pieds l'autorité de nos Juges communs, ou lors que les Juges refusent (3) manifeftement de rendre juftice; fur tout fi l'on fe retire en même tems hors des terres de l'Etat, dont on étoit Membre. Cependant fi le Juge s'excufe fur les circonftances du tems, & fur l'état des affaires publiques, qui ne lui permettent pas d'ufer de fon autorité, nous exhortant à attendre un tems plus favorable pour demander fatisfaction des injures que nous avons reçues, ou à les pardonner même pour le coup, en confidération du Bien Public; un bon Citoien doit, à mon avis, relâcher alors de fon droit, & fe foûmettre à la volonté de fes Supérieurs.

§. IX. ON diftingue communément entre Guerre Solennelle, & Non-folennelle (a). La prémiére, c'eft celle qui fe fait de part & d'autre par autorité du Souverain, & qui a été d'ailleurs (1) déclarée dans les formes. L'autre, c'eft celle qui fe fait ou fans avoir été déclarée, où fimplement contre des Particuliers. Les actes d'hoftilité, qui n'ont été prépas cédez d'une Déclaration de Guerre dans les fornies, paflent prefque pour des courfes out de purs brigandages. Et ceux qu'un Etat exerce contre des Particuliers, fupposent en eux ou un Crime de Rebellion, ou un genre de vie infame, qui les fait regarder comme indignes du titre (2) d'Ennemis, ou de gens qui font la Guerre comme il faut. Les Guerres Civiles ne font pas non plus Solennelles, lors que les deux Partis fe contestent l'un à l'autre la Souveraineté, en forte qu'on ne fait pas bien à qui elle appartient. Au refte, comme pour quelques injuftices qui fe commettent dans un Etat par autorité publique, on ne le regarde pas dès-lors comme une Société de Brigands; une Société de Brigands ne paffe pas non plus pour un Etat, quoi qu'ils obfervent entr'eux quelque ombre de Juftice.

Des Guerres So en Non(a)Voiez Grotius,

lennelles, ou folennelles.

Lib. I. Cap. III. §. 4. num. 1.

me tel, n'a pas le

confulter le Sou

§. X. ON demande, fi un Magiftrat proprement ainfi nommé, a, comme tel, le pou- Un Magistrat, voir de faire la Guerre de fon chef? Je répons que non, & la chofe me paroit incontefta- confidere comble. Car la Guerre étant une des affaires publiques les plus importantes, & les plus capa- pouvoir de faire bles de mettre en danger tout l'Etat; donner à un Magiftrat, confidéré précisément com- la Guerre, fans me tel, le pouvoir d'en décider de fa pure autorité (1), c'eft l'ériger en Souverain. J'a- verain. voue qu'un Magiftrat, qui fe trouve chargé par la Puiflance Souveraine, du foin de régler quelque partie des affaires publiques, eft cenfé avoir reçû en même tems autant d'autorité qu'il lui en faut pour s'aquitter de fon Emploi. De là vient que, par le Droit Romain, tout Magistrat qui a quelque Jurifdiction Civile, peut réprimer jufques à (2) un certain point

(3) Voiez ci-deffus, Liv. II. Chap. V. §. 7. Not. 1.

S. IX. (1) La Déclaration de la Guerre, confidérée en elle-même & indépendamment des formalitez particuliéres de chaque Peuple, n'eft pas fimplement du Droit des Gens, à prendre ce mot dans le fens que Grotius, & d'autres, lui donnent, mais du Droit même Naturel. En effet la Prudence, & l'Equité Naturelle demandent également, qu'avant que de prendre les armes contre quelcun, on tente toutes fortes de voies de douceur, pour eviter d'en venir à cette fâcheufe extrémité. Il faut donc fommer celui, de qui l'on a reçû quelque tort, de nous en faire fatisfaction au plûtôt, pour voir s'il ne voudroit pas penfer à lui-même, & nous épargner la dure neceffité de pourfuivre nôtre droit par les voies de la force. (Voicz Mr. Buddé, dans fes Elemens de Philofophie Pratique, Part. II. Cap. V. Sect. IV. §. 8, 9. & dans fa Differtation intitulée Jurifprud. Hiftorica Specimen, §. 34.) D'où il paroit, que la Declaration de la Guerre n'a lieu que dans les Guerres Offenfives: car lors que l'on eft actuellement attaqué, cela feul nous donne lieu de croire, que l'Ennemi eft bien refolu de ne point entendre parler d'accommodement. Il s'enfuit encore de là, que l'on ne doit pas commencer les actes d'hoftilité immediatement apres avoir déclaré la Guerre, mais qu'il faut attendre que celui, de qui l'on a reçû du tort, aît refufé hautement de nous fatisfaire, & fe foit mis en devoir de nous attendre de pied ferme autrement la

ceux

Déclaration de Guerre ne feroit qu'une vaine cérémonie,
fans aucun effet. Voiez, fur toute cette matiére, Gro-
tius, Lib. III. Cap. III.

(2) Dans les Auteurs Latins, les Peuples & les Prin-
ces, par l'autorité defquels la Guerre fe fait, font ap-
pellez Hoftes, par oppofition aux Brigands & aux Cor-
faires. Voiez Cicer. Philipp. IV. Cap. VI. Digest. Lib.
XLIX. Tit. XV. De Captivis, & Poftlimin. &c. Leg. XXI.
§. 1. Leg. XXIV. & Lib. L. Tit. XVI. De verbor. fignific.
Leg. CXVIII.

S. X. (1) Par le Droit Romain, quiconque léve des troupes, ou fait la Guerre, fans ordre du Prince, eft dés clare Criminel de Léze-Majefté. Eadem Lege [Julia Ma jeftatis] tenetur, & qui injuffu Principis bellum gefferit, delectumve habuerit exercitum comparaverit. Digest. Lib. XLVIII. Tit. IV. Ad Legem Juliam Majeftatis, Leg. III.

(2) C'est ce que l'on appelloit Imperium non merum, ou Mixtum; oppofé à Imperium merum, qui appartenoit à ceux qui exerçoient une Jurifdiction Criminelle pure & fimple, ou qui avoient droit de Glaive. Imperium aut merum eft, aut mixtum. Merum eft imperium, habere gla dii poteftatem ad animadvertendum in facinorofos homines, quod etiam Poteftas appellatur. Mixtum eft imperium, cui etiam jurifdictio ineft, quod in danda bonorum paffef fione confiftit. Digeft. Lib. II. Tit. I. De Jurifdictione, Leg. II. Mandată Jurifdictione privato, etiam Imperiums Hhh 3 qued

ceux qui refusent de lui obeir, & de fe foumettre à ce qu'il a ordonné. Mais ce Pouvoit Coactif fur un petit nombre de Sujets défobéiffans aux ordres des Magiftrats établis par leur Souverain commun, n'eft pas une partie du droit de la Guerre; toute Guerre se faifant contre des Egaux, ou qui du moins prétendent l'être. Quand même il y auroit un grand nombre de Citoiens rebelles au Magiftrat que les Gardes, Archers, ou autres Of ficiers qui font à fon commandement, ne fuffiroient pas pour les mettre à la raison, & qu'il y auroit à craindre quelque défordre ou quelque foûlévement général; le Magiftrat fera toûjours fort bien d'attendre là-deffus les ordres de fon Souverain. Ainfi il eft faux, a) Lib. I. Cap. que, comme le dit Grotius, (a) tout Magiftrat, à en juger indépendamment des réglemens (IL. §. 4. num. 2. particuliers des Loix Civiles, aît droit de faire la Guerre, pour maintenir fon autorité contre ceux qui y refiftent par la force, auffi bien que pour la défense du Peuple qui eft confié à fes foins. Car la défense du Peuple n'appartient proprement qu'au Souverain; & un Magiftrat fubalterne ne défend le Peuple, qu'en rendant la Juftice aux petits contre les Grands: fonction pour laquelle il n'eft nullement néceffaire d'avoir le droit de faire la Guerre (3).

Il eft à propos d'ajoûter ici quelque chofe en général fur le pouvoir des Généraux & autres Officiers d'armée qui commandent fous les ordres d'un Supérieur. Je dis donc, qu'un Général d'armée, qui eft envoié à une expédition avec plein pouvoir de fon Maitre, peut agir contre l'Ennemi offenfivement, auffi bien que défenfivement, & de la ma niére qu'il jugera la plus avantageufe. Mais il ne fauroit ni entreprendre une nouvelle Guerre, ni faire la Paix de fon chef. Que fi fon pouvoir eft limité, il ne doit jamais paf fer les bornes prefcrites; à moins que d'y être inévitablement réduit par la néceffité de fe défendre (4) car en ce cas-là on peut toûjours repouffer l'Ennemi de toutes fortes de maniéres, lors qu'il n'y a pas moien de reculer honnêtement. Cette défense même ne con fifte pas feulement à repouffer ou à esquiver les attaques de l'Ennemi, mais encore à lui rendre la pareille. Ainfi, fuppofé qu'un Amiral aît ordre de fe tenir fur la défenfive, il ne lui eft pas pour cela défendu de poursuivre & de foudroier la flotte ennemie, pour la dif fiper où la détruire, s'il vient à en être attaqué, mais feulement de l'aller lui-même char ger le prémier. De même le Commandant d'une Armée fur terre, peut à fon tour don ner fur un Ennemi qui l'a attaqué, quoi qu'il eût ordre de n'attaquer pas lui-même; & fi cela arrive pendant qu'il eft en marche, & qu'il ne trouve pas moien de faire une retraite fûre & honorable, il peut fort bien alors en venir à un combat. En général les Gouverneurs de Provinces & de Villes, fur tout s'ils ont des troupes à leur commandement, peuvent fe défendre de leur pure autorité contre un Ennemi, qui les attaque: mais ils ne doivent jamais porter la guerre dans quelque autre Pais, fans un ordre exprès de leur Sou

verain.

Pour ce qui eft des Capitaines & autres Officiers fubalternes, à qui l'on a commis la garde d'une Ville, ou d'une Fortereffe, ils doivent la défendre de toutes les maniéres imaginables; & cela pour l'ordinaire jufques à ce qu'ils fe voient fur le point d'être inévitablement paffez au fil de l'épée avec leur Garnison, fans qu'il en revienne aucun profit à l'Etat. D'où il paroit quel jugement on doit porter de l'action de Lucius Pinarius, rapportée (b) Lib. XXIV. par (b) Tite Live. Ce Romain étant Gouverneur d'Enna en Sicile, & les habitans lui

Cap. XXXVII.

quod non eft merum, videtur mandari: quia Jurifdictio fine
modica coercitione nulla eft. Lib. I. Tit. XXI. De officio ejus,
eui mandata eft Jurifdictio, Leg. V. §. 1.

(3) Il faut remarquer ici en paffant, (ajoûtoit nôtre
Auteur) que ce fut un acte de punition, & non pas un
a&e d'hoftilité, lors que Moife fit mourir environ trois
mille hommes, à caufe de l'Idolatrie du Veau d'or,
Exod. XXXII, 27, & fuiv. Mais ce fut au contraire par
droit de Guerre, plûtôt qu'en forme de Peine, que les
Ifraelites pafferent au fil de l'épée vingt-cinq mille hom-
mes de la tribu de Benjamin, pour venger la brutalité

aiant

que les habitans de Guibha avoient exercée à l'égard de la concubine d'un Lévite de la tribu d'Ephraim; Juges, XIX, XX. quoi qu'Erafme foûtienne le contraire, Lib. VI. Epift. XXIX.

(4) Ce n'est qu'en ce cas-là, qu'on peut fuivre le confeil que Ciceron donnoit autrefois à Cn. Plancus, de ne prendre confeil que de fes propres lumiéres, & de fe tenir lieu à lui-même de Sénat. Neve in rebus tam fubitis, tamque anguftis, à Senatu confilium petendum pu tes. Lib. X, Epift. ad Famil. XVI.

aiant demandé les clefs de la Ville & de la Citadelle, (ce qu'il ne pouvoit leur accorder fans courir rifque de perdre la tête;) comme il les vit difpofez à le trahir & livrer fa Garnifon, il les prévint, & fit main baffe fur les rebelles; en quoi il ne passa point, à mon avis, les bornes de fon pouvoir, fi ce n'eft qu'il ufa enfuite d'une trop grande rigueur, après que le péril fut paffé. Ce n'étoit pas une nouvelle guerre qu'il entreprît de (c) fon (c) Comme fit chef; il n'agifloit que par une fuite de celle que le Peuple Romain avoit alors en Sicile Cn. Manlius concontre les Carthaginois, & leurs Alliez, dans le parti defquels les habitans d'Enna avoient en cela d'autant complotté de fe jetter.

tre les Galates

Lib. XXXVIII.

&

Cap. VII. & Flo

plus blâmable que la paix avoit Cependant fi un Gouverneur de Province, fur tout d'une Province fort éloignée de la été deja faite. Ville Capitale, où le Souverain fait fa réfidence, a plein pouvoir de faire la Guerre & la Voiez T. Live, Paix avec les voifins; les Guerres qu'il entreprend font regardées comme faites par autori- Cap. XLV, té publique: car on eft cenfé faire foi-même ce dont on a donné pouvoir à quelcun. Mais, feqq. Lib. XLI. hors ce cas-là, lors qu'un Gouverneur a déclaré la Guerre purement de fon chef, fans y rus, Lib. II. Cap. être autorifé ni par une conceffion générale, ni par un ordre particulier; il eft libre au XI. Souverain de ratifier, ou non, l'entreprise de fon Miniftre. S'il la ratifie, cette approbation rend la Guerre Solennelle, par un effet retroactif, de forte que tout le Corps de l'Etat en eft alors refponfable. Mais fi le Souverain défavoue l'action du Gouverneur, les actes d'hoftilité, que celui-ci a commencé d'exercer, doivent pafler pour de purs brigandages, dont la faute ne rejaillit en aucune maniére fur tout l'Etat, pourvû qu'en même tems on livre le Gouverneur, ou qu'on le puniffe felon les Loix du Pais, en procurant d'ailleurs, autant qu'il eft poffible, la réparation du dommage qu'il a caufé. C'eft (a) T. Live, Lib. fur ce fondement que les Ambafladeurs des Romains (d) demandoient autrefois à Hanni- XXI. Cap.XVIII. bal, fi c'étoit de fon chef, ou par autorité publique, qu'il venoit affiéger Sagunte, ville dit dans Xenoph d'Espagne? Sur quoi les Carthaginois répondirent avec raifon, qu'il falloit avant toutes Hift. Grac. Lib. V. chofes examiner, s'ils pouvoient affiéger cette ville fans préjudice du Traité d'Alliance, fe de la Citadelqu'il y avoit entr'eux & les Romains; la prémiére question étant fort inutile, tant qu'on le de Cadmée, par n'auroit pas vuidé l'autre.

au fujet de la pri

Phebidas.

volonté du Sou

fer un Miniftre à

§. XI. UNE (1) fimple préfomtion de la volonté du Souverain, ne fuffit pas non plus Une fimple préici pour difculper un Gouverneur, qui n'a aucun ordre, ni général, ni particulier. Car il fomtion de la ne s'agit pas de conjecturer feulement, à quoi le Souverain fe feroit déterminé lui-même, verain ne fuffit felon toutes les apparences, fi on l'eût confulté dans tel ou tel cas; mais il faut fur tout pas pour "autoriexaminer jufques où le Souverain permet d'agir, fans attendre fes ordres, dans tous les entreprendre cas où la chofe fouffre du retardement, ou est sujette à quelque doute: en un mot on doit quelque Guerre fuivre ici la régle générale que le Souverain auroit voulu établir par rapport à tous les cas de cette nature. Or fans contredit un Souverain ne confentira jamais, que fes Miniftres puiffent, toutes fois & quantes qu'ils le jugeront à propos, entreprendre fans fon ordre, une affaire capitale & de la dernière conféquence, telle qu'eft la Guerre, fur tout la Guer

§. XI. (1) C'eft la décision de Grotius, Lib. I. Cap. III. 5.5. num. 3. Sur quoi Gronovius prétend, que ce Grand Homme ne devoit pas foûtenir abfolument la négative, & qu'il falloit diftinguer entre les Guerres Défenfives, & les Offenfives: car, ajoûte-t-il, il n'y a point de doute, qu'un Gouverneur de Province, fur tout s'il a fur pied quelques troupes, comme cela se pratique ordinairement dans les Provinces frontieres, ne puiffe, fans paffer les bornes de fon pouvoir, résister à fes voisins, lors qu'ils l'attaquent, & repouffer la force par la force, fans attendre un ordre particulier du Souverain. Pour moi, je ne comprens pas comment eft-ce que ce Commentateur n'a pas pris garde, que cette exception fe foufentend ici d'elle-même? Quand Grotius ne s'en feroit pas expliqué ici; ce qu'il dit ailleurs des priviléges de la Néceffité, fuffiroit de refle pour ne pas permettre de lui attribuer une autre penfee. Mais ne trouve-t-on pas formellement dans le paragraphe précédent, num. 3. Si ita prafens fit periculum, ut tempus non ferat eum confuli qui fupremum in

re

Civitate jus habeat: hic etiam neceffitas exceptionem porri-
get. Après quoi il allégue l'exemple de L. Pinarins, rap
porté par Gronovius lui-même, & par notre Auteur. Et,
dans l'endroit même dont il s'agit: fed hoc magis viden-
dum, quid ille, ubi res moram fert....fe inconfulto cu-
piat fieri; ce qui fuppofe manifeftement, que quand la
chofe ne fouffre point de délai, on n'eft point obligé
d'attendre les ordres de fon Maître, & qu'en ce cas-là
il y a une préfomtion très-raisonnable qu'il nous laisse
la liberté de faire ce que nous jugerons à propos. Tou-
te la difficulté qu'il pourroit y avoir ici, ce feroit à l'é-
gard de l'application aux cas particuliers: comme, par
exemple, Gronovius défend, contre Grotius, le juge-
ment de Ciceron, qui fit l'éloge d'octavius & de Brutus,
en ce que, de leur pure autorité, ils avoient pris les ar-
mes contre Marc-Antoine. Mais je n'ai pas deffein de
m'engager dans cette difcuffion, qui n'eft pas de mon
fujet.

S. XII.

de fon chef.

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