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toph. Becmannus,

Au refte, il est très-jufte que ceux qui, en ces cas-là, ont emploié ou facrifié leurs biens à l'Utilité Publique, en foient dédommagez par (3) l'Etat, autant qu'il eft poffible. Quelques-uns (f) ajoûtent néanmoins ici une exception, favoir, lors que le dommage (Jeann. Chrifreçû étoit inévitable, en forte qu'on avoit pû prévoir qu'on y feroit expofé, comme, par Meditat. Politic. exemple, fi, en tems de guerre, on abbat une maifon des Faux-bourgs: car, puis que le Diss. XXI. §. 3. Propriétaire fachant bien que les maifons fituées en ces endroits-là font fujettes à un tel accident, n'a pas laiffé d'y bâtir, il eft cenfé en avoir bien voulu courir le rifque, & avoir tacitement confenti de fouffrir la perte. A plus forte raifon ne peut-on demander aucun dédommagement, lors que tous font dans le même cas, ou que leur perre eft égale. Car il fuffit que le Public ne caufe point de dommage par fa faute à aucun Citoien; & il ne s'eft jamais engagé à dédommager les Sujets de toutes les pertes qu'ils pourroient faire.

Roi peut difpo

Lib. II. Cap. VI.

$. 11.

§. VIII. OUTRE les trois fortes de droits, dont nous venons de parler, les Souve- Jufques où le rains ont en plufieurs endroits le pouvoir de difpofer de certains biens que l'on appelle pu- fer des biens publics parce qu'ils appartiennent à l'Etat confidéré comme tel; avec (1) cette différence blics? que, dans quelques Roiaumes, il y en a qui font deftinez à l'entretien du Roi & de la Famille Roiale, & d'autres qui doivent fervir aux dépenfes, néceffaires pour la conservation de l'Etat (a). Les prémiers s'appellent le Fife, ou le Domaine de la Couronne; les autres (a)Voiez Grotius, le Tréfor public, ou le Domaine de l'Etat. A l'égard des prémiers, le Roi en a l'ufufruit plein & entier, en forte qu'il peut abfolument difpofer à la fantaifie des revenus qu'il en tire, & que même les épargnes qu'il en peut faire entrent dans fon Patrimoine particulier, à moins que les Loix du Roiaume ne l'aient réglé autrement. Mais pour les autres, il n'en a que la fimple administration, dans laquelle il doit fe propofer uniquement le Bien Public, & agir avec autant de foin, de fidélité, & d'économie, qu'un Tuteur à l'égard des biens de fon Pupille. Du refte (b), il ne peut légitimement aliéner ni les uns, ni les (b) Voiez le derautres, fans le confentement du Peuple.

nier paragraphe
de ce Chap.

De là il est aisé de juger, à qui appartiennent les aquets que le Roi fait pendant fon régne? Car s'ils proviennent des biens deftinez aux befoins de l'Etat, ou des Impôts & des Subfides, ou qu'ils aient été gagnez par le fang des Sujets, & par les fervices qu'ils rendoient à l'Etat en vertu des engagemens communs où font tous les Citoiens, comme tels, il eft clair qu'ils doivent revenir au Tréfor public, & non pas au Patrimoine particulier du Roi, ni au Domaine de la Couronne. Mais fi un Roi a entrepris & foûtenu quelque Guerre à fes propres dépens, fans rien tirer du Tréfor public, & fans expofer ni charger l'Etat en aucune maniére; ou même s'il n'y a emploié que les revenus du Domaine de La Couronne: il peut légitimement s'approprier les aquets qu'il a faits dans une telle ex- (c) Voiez Grotiu, pédition (c): car tout ce qui provient d'une chofe, dont on a l'Ufufruit, nous appartient Lib. I. Cap. III. de plein droit, en forte qu'on en peut difpofer comme l'on juge à propos.

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§. 12. num. 3.

Roiaume, ou

de quelcune de

§. IX. VOIONS maintenant, fi un Roi peut aliener le Roiaume, ou quelcune de fes De l'aliénation parties? On comprend bien d'abord, qu'il s'agit ici des Roiaumes établis par un confen- du teinent volontaire du Peuple, & non pas des Roiaumes Patrimoniaux: car, à l'égard de fes parties. ceux-ci, la chofe ne fouffre point de difficulté. Grotius a traité cette question en plufieurs (a) endroits, & voici à quoi fe réduit fon fentiment. Le Roi ne fauroit, de fa pure (a) Lib. I. Cap. autorité, céder le Roiaume à un autre, &, s'il le fait fans le confentement du Peuple, les IV. §. 10. Lib. II. Sujets ne font pas tenus de fe foumettre à la domination du Prince en faveur duquel il feqq. fur quoi s'eft démis de la Couronne. Car comme les Sujets ne peuvent pas dépouiller le Roi mal- voz de Cer gré lui de la Couronne, lors qu'ils la lui ont une fois donnée; le Roi n'eft pas non plus & Lib. III. Cap. en droit de fubftituer à fa place un autre Souverain, fans leur confentement. Que s'il s'a- XX. §. 5, & seqq.

(3) Si ce n'eft pour le préfent, du moins à l'avenir, en un mot auffi-tôt que les affaires publiques le permetfront. Grotius, Lib. III. Cap. XX. §. 7. num. 2.

§. VIII. (1) Dénys d'Halicarnaffe diftingue entre Anμοσία κλήσις ; &, Τῶν ἀεὶ βασιλέων κλήσις. Lib. III. TOM. II.

git

Antiq. Roman. Voiez Senec, de Renefic. Lib. VII. Cap. VI.
Herodian. Lib. II. Cap. XV. Edit. Oxon. 1678. Martinius,
Hift. Sin. Lib. IV. Cap. XXIV. Garcilaffo de la Vega, Hift.
des Yncas, Liv, V. (Chap. XIV.

Ggg

Cap. VI. §. 3, &

ment. de Boecler:

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git d'aliéner feulement une partie du Roiaume, outre l'approbation du Roi, & celle des Peuples qui demeurent fous fes Loix, il faut encore que le Peuple du Pais qu'on veut aliéner, y confente lui-même; & ce dernier confentement eft plus néceffaire que les deux autres. En effet, ceux qui ont formé les Sociétez Civiles, ou qui font entrez volontairement dans quelque Etat déja formé, fe font engagez les uns envers les autres à ne reconnoitre qu'un feul & même Gouvernement, tant qu'ils voudroient demeurer dans les terres de l'Etat où ils fe joignoient ensemble. Ainfi en vertu d'une telle Convention, chacun a aquis le droit de ne point être banni, ni mis fous une domination étrangère, à moins qu'il ne vint à y être justement condamné en punition de quelque Crime; comine d'autre côté tous en général ont auffi aquis, en vertu de la même Convention, un droit fur chaque Particulier, en vertu duquel perfonne ne peut fe foûmettre à un Gouvernement étranger, ni fe fouftraire à celui de l'Etat, tant qu'il demeure dans les terres de fon obéiffance. Car les Corps Moraux, tel qu'eft un Etat, étant formez par le confentement des Membres qui les compofent; c'est par l'intention de ceux qui les ont fondez, qu'il faut juger, quel pouvoir a tout le Corps fur chacune des parties. Or on ne fauroit raifonnablement préfumer, que les Fondateurs des Sociétez Civiles aient prétendu que le Corps eût droit de retrancher à fa fantaifie quelques-unes de fes parties, & de les donner à un autre Maî(b) Froiffard. Liv. tre. C'est ainsi que les habitans de la (b) Guienne ne vouloient point être détachez du V. Roiaume d'Angleterre, malgré la donation de Richard II. Mais pour ce que l'on dit, Virgil.Hift. Angl. Lib. XX. qu'aucune partie de l'Etat ne peut fe détacher du Corps, tant qu'elle demeure dans le mêine Païs, il faut y ajoûter cette exception, à moins qu'une grande néceffité ne l'y oblige, en forte qu'il lui foit impoffible de fe conferver fans fe foûmettre à une nouvelle domination. Car, dans toutes ces fortes de Conventions,' on excepte toûjours les cas d'une extrême Néceffité, qui donnent droit à chacun de fe tirer d'affaires à quelque prix que ce foit. Ainfi on ne fauroit raisonnablement blâmer une Ville, qui, après s'être défendue autant qu'elle a pû, aime mieux fe rendre à l'Ennemi, que d'être mile à feu & à fang. En effet ceux qui ont formé les Sociétez Civiles, avoient fans contredit avant cela un droit naturel de pourvoir à leur propre confervation de toutes les maniéres imaginables; & c'est pour en venir à bout plus aifément qu'ils fe font joints plufieurs enfemble. Si donc l'Etat eft dans l'impuiffance de protéger & de défendre quelques-uns de fes Citoiens, ceux-ci alors font dégagez de l'Obligation où ils étoient envers lui, & rentrent dans leur ancien droit de pourvoir eux-mêmes à leurs befoins comme ils le jugeront à propos. Mais l'Etat, d'autre côté, n'a pas plus de droit fur fes Membres, que les prémiers Fondateurs de la Société ne lui en ont accordé. Comme donc il ne s'engage à défendre les Particuliers, qu'autant qu'il n'en fera point empêché par quelque Néceffité infurmontable; en ce cas-la il est censé confentir que chacun fe fauve comme il pourra. Il n'en eft pas ici comune des Membres du Corps Huinain, dont on peut facrifier quelcun directement & de propos délibéré, pour conferver tout le Corps. Car ces Membres-là ne vivent & ne fubfiftent que par le Corps; au lieu que les Membres des Corps Moraux peuvent exifter & vivre féparément, de forte que le Corps n'a pas autant de droit fur eux, que le Corps Humain n'en a, pour ainfi dire, fur fes Membres. Que fi un Roi eft réduit à la néceffité de faire la paix avec un Ennemi plus fort que lui, à condition de lur céder une partie de fes Etats, (c) Comme les dont les Peuples ne veulent pas (e) changer de maître; il doit, à mon avis, retirer les ville de Nifibis, garnifons, & les troupes qu'il peut avoir dans le Païs, & ne point empêcher que le Vainlors que l'Empe- queur ne s'en empare: mais il ne fauroit légitimement forcer les habitans à reconnoitre ceda aux Perfer, pour leur Souverain ce Prince en faveur duquel il ne fe dépouille que malgré lui de fon empire fur eux: de forte que, s'ils fe fentent affez forts, pour faire tête à l'Etranger, rien n'empêche qu'ils ne lui réfiftent, ou qu'ils ne s'érigent même en Corps d'Etat féparé. Ainfi, quoi qu'en vertu d'une telle Convention, le Roi, & le Peuple qui lui refte, perdent tout leur droit fur ce Païs-là, le Vainqueur n'en devient légitime Souverain que par

habitans de la

reur Jovien la

par un Traite

Ammian. Marellin. Lib. XXV.

Cap. XII. & Zo

pm. Lib. III.

le

le confentement des habitans même, ou par le ferment de fidélité qu'ils lui prêtent. Du refte, rien n'eft plus vain fans contredit que ce que difent quelques-uns, ou d'un certain Roiaume en particulier, ou de tous les Roiaumes en général (1), que les biens incorporez à la Couronne, font abfolument inaliénables; de forte que, felon eux, une paisible poffeffion pendant le plus long efpace de tems n'empêche pas qu'on ne puiffe toûjours les redemander, & les reprendre de vive force à la prémiére occafion favorable. Mais il eft beaucoup plus impertinent d'attribuer ce privilége à un certain Roiaume, & de prétendre qu'il aît droit d'enlever aux autres tout ce qu'il trouve à sa bienséance, fans que ceux-ci puiffent jamais faire le moindre effort pour le recouvrer.

rendre feudatai

§. X. DE ce que nous avons dit, il s'enfuit, qu'il n'eft pas permis à un Roi de rendre un Roi ne peut fon Roiaume feudataire de quelque autre Prince, fans le confentement du Peuple (a); car ni engager, ni cela emporte une aliénation conditionnelle, qui fait paffer le Roiaume à un Etranger en re fon Roiaume, cas de Félonie, ou au défaut d'Héritiers de la Famille Regnante. Par la même raifon le fans le confenPeuple peut au contraire annuller une décharge de l'Hommage que le Roi a donnée, de tement du Peufa pure autorité, à un Vaflal du Roiaume.

ple. (a)Voiez Grotius,

S. 9.

Il s'enfuit encore de là, qu'un Roi ne peut pas, fans l'approbation du Peuple, & fur Lib. II. Cap. VI. tout de celui du Pais dont il s'agit, engager la moindre partie de fon Roiaume; en forte qu'il en remette l'administration & la poffeffion entre les mains du Créancier, jufques au paiement de la dette; moins encore fi l'Engagement eft accompagné d'une claufe commiffoire. La raifon de cela, ce n'eft pas feulement que l'Aliénation eft fouvent une fuite de l'Engagement; mais encore parce que le Peuple, en fe choififfant un Roi, & l'établiffant de fa pure volonté, a voulu être gouverné par lui, & non par aucun autre. D'ailleurs, ceux qui fe font joints ensemble pour ne former qu'un feul Peuple, font cenfez avoir prétendu y demeurer inféparablement unis, fans qu'on pût les en démembrer malgré eux.

le Domaine de

de

l'Etat, ni celuf la Couronne. fupra, §. 11,

(a) Voiez Grotius,

bi

12, 13.

§. XI. Il eft clair encore, que le Roi ne fauroit, fans le confentement du Peuple, alié- 11 ne peut past ner quoi que ce foit, ni du Domaine de l'Etat, ni même de celui de la Couronne, dont non plus aliener il n'a que l'ufufruit, & qui doit fervir à l'entretien de fes Succeffeurs (a). Mais il faut bien diftinguer ici entre le fond même des biens, ou le Domaine de l'Etat, & les revenus qu'ils portent: car le Roi peut difpofer des revenus comme il le juge à propos, quoi qu'il ne puiffe pas aliéner le fond. Ainfi, dans les Pais où le droit d'Alluvion entre dans le Domaine de l'Etat, le Roi n'a pas à la vérité le pouvoir de céder ce droit à perfonne de fa pure autorité: mais rien n'empêche qu'il ne difpofe comme bon lui femble, des morceaux de terre que la Riviére laiffe à sec en fe retirant, ou en changeant de lit, & qui font mis au nombre des revenus de l'Etat. De même le droit de Confifcation fait partie du Domaine de l'Etat, mais les biens confifquez appartiennent au Prince. Un Roi néanmoins, qui a le pouvoir d'établir de nouveaux Impôts & d'impofer de nouveaux Subfides, lors qu'il le juge à propos pour de bonnes raifons, peut, dans un befoin, engager quelque partie du Domaine. Car le Peuple étant tenu de paier les Impôts & les Subfides qu'un tel Prince exige en pareil cas; il doit auffi fans contredit racheter ce qu'il a engagé dans le befoin; puis que c'eft tout un de donner de l'argent pour empêcher qu'on n'engage une chofe, ou de la racheter après qu'on a été contraint de la mettre en gage. Et en ce cas-là, quoi que chaque Citoien doive contribuer pour fa part au paiement de la fomme empruntée, aucun ne peut (1) être regardé en particulier, comme Débiteur de cette fomme. Que fi le Roi a fourni quelque chofe de fon Patrimoine particulier pour les befoins de l'Etat, le Domaine lui eft comme hypothéqué pour la valeur de fa dette, jufques à ce que le Peuple l'aît aquittée.

§. IX. (1) Voiez la Note de Gronovius fur Grotius, Lib. II. Cap. VI. §. 6.

5. XI. (1) Si quis Patria mea pecuniam credat, non dicam me illius debitorem, nec hoc as alienum profitebor aut

Au

candidatus, aut reus: ad exfolvendum tamen hoc, portic-
nem meam dabo. Senec, de Benefic. Lib. VI. Cap. XX. Voiez
Grotius, Lib. III. Cap. II. §. 1. num. 2.

Ggg 2

§. II.

Au refte, tout ce que nous venons de dire fe doit entendre en fuppofant, que les chof fes ne fe trouvent pas autrement réglées par les Capitulaires & les Conventions ou les Loix Fondamentales de l'Etat, qui aient refferré ou étendu le Pouvoir du Prince, ou du Peuple.

le de cette ma

CHAPITRE VI.

Du droit de la Guerre.

Divifion généra- §. 1. bien que le Corps d'une Société Civile, un droit naturel & incontestable de se dé

HAQUE perfonne qui vit dans l'indépendance de l'Etat Naturel, aiant, auffi

tiére.

La Paix eft l'état

naire des Hom

mes.

(a) Voiez Polyb. Lib. XII. C.XIV.

fendre contre les infultes d'un injufte aggreffeur, & de maintenir par la force l'ufage de fes droits lors que les autres y donnent quelque atteinte, ou qu'ils refufent de lui rendre ce qui lui eft dû; il faut, à mon avis, examiner ici d'abord ce qu'il y a de commun entre les Guerres des Particuliers, & les Guerres Publiques; après quoi nous verrons ce que les derniéres ont de fingulier, ou par leur nature, ou felon les mœurs & les coûtumes des Nations.

§. II. CE font, comme nous l'avons vû ci-deffus, des maximes certaines & inviolanaturel & ordi- bles de la Loi Naturelle: Qu'il ne faut jamais faire du mal ni caufer le moindre dommage à perfonne injuftement; Que chacun doit exercer envers autrui les Devoirs de l'Huma nité; & qu'il faut fur tout faire de fon pur mouvement ce à quoi l'on s'eft engagé par quelque Convention. Lors que les Hommes pratiquent ces Devoirs les uns envers les autres, c'eft ce que l'on appelle Paix; qui eft l'état le plus conforme à la Nature Humaine, le plus capable de la conferver, & celui dont l'établissement & le maintien eft le bur principal de la Loi Naturelle (a). C'eft même l'état propre & original de la Nature Humaine confidérée comme telle, puis qu'il vient d'un principe qui diftingue les Hommes d'avec les Bêtes; au lieu que la Guerre eft produite par un principe commun à tous les Animaux. En effet l'Inftinct Naturel porte les Bêtes à fe défendre, & à tâcher de fe conserver (1) : mais elles ne favent ce que c'eft que la Paix, dont l'idée renferme une exécution volontaire de ce que l'on doit aux autres, & une abftinence de toute injure & de tout domma ge, par un principe de quelque Obligation où l'on eft à leur égard, & en vertu du droit qu'ils ont de l'exiger de nous; toutes chofes qui fuppofent l'ufage de la Raifon. J'avoue que les Bêtes de fomme fubiffent le joug & le foûmettent au travail que leur maître leur impofe; mais c'est uniquement par la crainte des coups, ou par les attraits de la pâture, & non par aucun principe d'Obligation, à quoi elles ne font pas fenfibles. Quelques-unes s'abftiennent auffi de faire du mal aux Hommes, & aux autres Bêtes: mais c'eft ou par impuiffance, ou parce qu'elles n'y trouvent rien qui excite leurs défirs. D'autres enfin fe careffent les unes les autres, ou s'entrefécourent; mais elles le font fans penfer que rien leur en impose une néceffité indifpenfable.

Cependant, quoi que la bienveillance mutuelle foit le fentiment le (2) plus conforme

6. II. (1) C'eft, à peu près, la pensée d'un ancien Docteur de l'Eglife Chrétienne. In omnibus enim videmus animalibus, quia fapientia carent, conciliatricem fui effe naturam. Nocent igitur aliis, ut fibi profint. nefciunt enim, quia malum eft, nocere. Homo vero, qui fcientiam boni ac mali habet, abftinet fe à nocendo, etiam cum incommodo fuo; quod animal irrationale facere non poteft: & ideo inter fummas hominis virtutes innocentia numeratur. Lactant, Inftit. Divinar. Lib. V. Cap. XVII. num. 30. Edit. Cellar.

(2) C'eft ce qui fe trouve merveilleufement bien exprime dans ce beau pallage d'un ancien Orateur. Neque

enim reperio quid in rebus humanis excogitarit natura praftantius amicitiâ, quid concordia contra fortunam majus auxilium. Nam primùm prater cetera animalia induit nefris peltoribus quandam focietatem, qua mutuo gaudere congref fu, contrahere populos, condere urbes edocuit, & ciem men tibus noftris varios impofuerit motus, nullum profecto me liorem benevolentia tribuit affectum. Quid enim foret humano genere felicius, fi omnes effe poffent amici? Non bella, feditiones, latrocinia, lites, ceteraque mala que hominibus ex fe ipfis nata funt, fortuna acceffiffent. Id quia nimius Deo vifum eft, at certè honefiis convenire mentibus, fidem

cole

à la Nature Humaine, & que la pratique des Devoirs de la Paix aît été de tout tems, & parmi toutes les Nations, le caractére diftinctif des ames bien-nées; la Guerre ne laiffe pas d'être permife, & quelquefois même néceffaire, lors que quelcun travaille malicieusement à nous faire du mal, ou qu'il refufe de nous rendre ce qu'il nous doit: car alors le foin de nôtre propre confervation nous autorise à défendre, de quelque manière que ce foit, nôtre perfonne & nos biens, & à poursuivre nôtre droit (b) par les voies de la force, en (b) Voiez Dictys faifant même du mal à l'Offenfeur. Toute la différence qu'il y a ici entre les Gens-de-bien, XXI. p. 41. Ed. & les Méchans, c'est (3) que les derniers entreprennent la Guerre de gaieté de cœur, an Amft. 1702. lieu que les autres ne s'y portent que par néceffité. Ájoûtez à cela que la Nature a rendu non feulement les Hommes fort fenfibles aux injures, mais encore a armé, pour ainfi dire, leurs mains d'une extrême foupleffe & d'une grande force, afin qu'ils fuflent en état de ne pas fouffrir impunément les infultes.

Mais fi la Nature permet la Guerre, ce n'est qu'à condition (4) que celui, qui l'entreprend, fe propose d'en venir par ce moien à la Paix. D'ailleurs, quoi que ceux qui nous font du tort, ou qui nous offenfent, nous fourniffent dès-lors, entant qu'en eux eft, un jufte fujet de Guerre; avant que de s'y engager, il faut bien pefer le bien ou le mal qui en peut vraisemblablement provenir ou à nous-mêmes, ou à d'autres qui n'ont aucune part à l'action de l'Offenfeur. Car, lors qu'une injure ne tend pas à nous perdre entiérement, on ne doit pas en tirer raifon par les armes, s'il y a lieu de craindre que par là on n'attire fur foi, ou fur les fiens, des maux plus grands, que le bien qu'on en pourroit efpérer; ou fi d'autres, avec qui l'on eft en paix, fe trouvent par là expofez à des malheurs que la Loi de l'Humanité nous oblige de leur épargner, en laiffant impunie l'injure qu'on a reçue. En un mot, toutes les fois qu'en tirant raifon d'une injure on produiroit plus de mal que de bien, il eft beau & raifonnable de s'abftenir de la Guerre. §. III. TOUTE Guerre jufte fe fait (1), ou pour nous conferver & nous défendre con

colere, amoris gratiam referre, omnibus temporibus, omnibus gentibus præcipuum & quodammodo facrum fuit, (neque enim nifi optimis mentibus contingit, ut aut fic amare fciant, aut fic amari mereantur) &c. Quintilian. Declam. IX. pag. 128, 129. Edit. Lugd. Bat. & Rot. 1665. A propos de cette Edition de Quintilien, dont je me fers, qu'il me foit permis de remarquer ici, en paffant, une faute que je viens d'appercevoir dans la Bibliotheque Latine de Mr. Fabricius, (pag. 92. Edit. Lond.) En parlant de cette Edition, l'Auteur dit, qu'elle eft faite par les foins de Pierre Galand (curante Petro Galandio) qui y a ajoûté les Notes Variorum, parmi lesquelles on en voit de J. Frid. Gronovius, de Jean Schulting &c. Cependant Mr. Fabricius lui-même parle auparavant (pag. 89.) d'une Edition du même Auteur publiée à Paris, en 1549. où l'on trouve entr'autres des Notes de ce Pierre Galand, qui par conféquent ne fauroit avoir donné en 1665. une Edition de Quintilien. Ce qui a trompé Mr. Fabricius, c'cft que l'on voit à la tête de cette Edition la Dédicace que Pierre Galand avoit mife au devant de la fienne. Il eft à souhaitter que Mr. Fabricius aît été plus exact à examiner les autres Editions, dont il parle dans fa Bibliothéque Latine, & dans la Gréque, dont on a déja un volume in 4. fur tout celles qui font un peu rares: car voici encore une autre inadvertence à l'égard d'une Edition qui eft entre les mains de tout le monde. En parlant de Catulle, Tibulle, & Properce, imprimez à Utrecht, en 1680. Mr. Fabricius dit, pag. 37. que c'eft feu Mr. Gravius qui les a publiez, avec fes Notes, & celles de Muret, Scaliger, &c. Mais Mr. Gravius déclare lui-même, dans fa Préface, qu'il n'a pas eu le tems de revoir ce qu'il avoit remarqué fur ces trois Poëtes, & qu'il le renvoie à une autre fois.

(3) Φαίνεται τοίνυν ὁ πόλεμο τοῖς μὺ δικαίοις ἀναγ naise ir, rois didinois inéσios. Maxim. Tyr. Differtat. XIV. pag. 138. Ed. Lugd. 1630. Voiez Boecler fux Grotius, Lib. I. Cap. III. §. I.

Guerre, tant of

Quels font les tre juftes fujets de la (4) ΤέλΘ γδ, ὥσπερ εἴρηται πολλάκις, εἰρήνη καὶ του fenfive, que Des iux, oxorn d' doxonias. Ariftot. Politic. Lib. VII. Cap. fenfive. XV. Bellum autem ita fufcipiatur, ut nihil aliud nifi pax quafita videatur. Cicer. de Offic. Lib. I. Cap. XXIII. Juftum eft bellum, Samnites, quibus neceffarium: & pia arma, quibus nulla nifi in armis relinquitur fpes. Tit. Liv. Lib. IX. Cap. I. Voiez auffi Ariftot. Ethic. Nicom. Lib. X. Cap. VII. Tacit. Hift. Lib. IV. Cap. LXXVI. Themiftius, Orat. X. de Pace, ad Valent. pag. 131. A. Ed. Parif. Harduin. Ainfi il ne faut jamais refufer une paix offerte de bonne foi, & qui ne tend point à nous endormir, afin que l'Ennemi trouve dans la fuite le moien de nous accabler plus aifément. Med quidem fententiâ, paci, qua nihil habitura fit infidiarum, femper eft confulendum. Cicer. de Offic. Lib. I. Cap. XI. Voiez Grotius, Lib. III. Cap. ult.

§. 111. (1) Ἐπειδὰν πόλεμον ποιώμεθά, τι ἐγκαλῶντες ἀλλήλοις πάθημα, ἐρχόμεθα ἐπὶ τὸ πολεμεῖν. ἐξαπα Taupoi ri, i Balupo, &SEPERSO Quand nous

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faifons la guerre, nous nous plaignons de quelque », chofe qui nous a été fait par ceux contre lefquels nous » prenons les armes..... Nous difons, qu'on nous a », trompez, qu'on nous a fait infulte, & qu'on nous a ,, ravi nôtre bien. Platon, dans le I. Alcibiade, pag. 432. F. Ed. Wechel. Ficin. J'ai fuivi la verfion de Mr. Dacier. Voiez Grotius, Lib. II. Cap. I. §. 1, 2. Nôtre Auteur exclut ici tacitement du nombre des caufes légitimes de la Guerre, la Punition des actions criminelles, par lefquelles on ne fe trouve pas offenfe foi-meme. Mais on a fait voir ci-deffus, (Chap. III. de ce Liv. §. 4. Not. 3.) que la raifon fur laquelle il fe fonde, n'eft rien moins que folide. 11 eft vrai que d'égal à égal on ne doit pas legérement prendre les armes,pour punir toutes fortes de Crimes qui ne nous regardent pas nous-mêmes; & qu'il faut y aporter les precau tions fuivantes, que Grotius recommande avec raifon, I. De ne prendre pas pour une violation des maximes du Ggg 3'

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