III. Scen. I. verf ment à caufe de la Naiffance, qui eft une chofe qui ne dépendoit point de lui, & qui, par elle-même n'emporte aucun mérite, quelque exemtion de certaines charges ou impofitions de l'Etat, au préjudice des autres Citoiens, ou de le préférer par cette feule raison dans la diftribution des Entplois, dont les Roturiers font autant, ou même plus capables, que lui, de fe bien aquitter; fur tout lors qu'il s'agit de ces Nobles, (a) qui femblent n'é- (a) Voiez Ariftre au monde que pour boire & manger, &c. C'eft auffi (ajoute-t-on) un défaut confidéra- toph. Ran. Act. ble dans la conftitution d'un Etat, que le Souverain foit dans une obligation indifpenfable 2, 3. Juvenal. de n'élever aux Charges Publiques que des gens d'un certain Ordre, fans qu'il puiffe em- Sat. XI, 11. ploier les autres Citoiens aux affaires dont ils paroiffent très-capables; fur tout s'il ne lui eft pas permis d'aggréger dans ce Corps privilégié les perfonnes qui fe diftinguent par leur mérite. Car, fi un Prince eft réduit à la néceffité d'amadouer par ce moien la Nobleffe, par exemple, afin qu'elle lui aide à tenir mieux en bride le Peuple; c'eft une marque que Ta puiflance eft fort chancelante, & prefque abattue, puis qu'il a befoin de fe faire un parti parmi les Sujets, & de fe foûtenir par adreffe, n'y aiant plus moien de maintenir fa domination par la feule force & le feul refpect de l'Autorité Souveraine. Un (b) fameux Chancelier d'Angleterre remarque auffi, que les Etats qui veulent s'aggrandir, doivent bien prendre garde de ne pas laiffer trop multiplier la Nobleffe. (b) Bacon, de gm. Scient Lib. VIII. C. III. aussi Serm. fid. num. 3. Voiez Cap. XIV. Dignitez dépen Lib. XXII. Cap. §. XXXII. O'N demande ici enfin, fi, dans les Sociétez Civiles, les Dignitez, & les En quel fens les autres marques d'Honneur, dépendent de la volonté du Souverain dans leur durée, auffi Honneurs & les bien que dans leur origine? Sur quoi il faut diftinguer, à mon avis, fi ces marques d'hon- dent de la volonneur, avec les droits qui les accompagnent, font inféparablement attachées à quelque té du Souverain Emploi Public, que le Souverain a plein pouvoir de conférer à qui bon lui femble; ou fi elles avoient été données comme un bien qui devoit appartenir déformais en propre au Citoien qui les recevoit? Dans le prémier cas, il eft clair, que le Souverain a autant de droit d'en difpofer comme il juge à propos, que de donner ou d'ôter les Emplois auxquels elles font attachées. Ainfi, lors que Fabius Maximus étant Dictateur (a), fouffrit patiem- (a) Voiez T. Live, ment qu'on lui égalât Minucius Rufus, qui n'étant que Meftre de camp, devoit être au deffous de lui, felon la coûtume reçue; il montra non feulement beaucoup de grandeur d'ame, mais il fit encore par là hommage à l'Autorité de l'Etat. Sur ce pied là, on peut, comme faifoit autrefois Solon, comparer les hommes en place (b) à des jettons, que l'on (b) Diog-Laërt. fait valoir ce qu'on veut. Mais lors que les Citoiens poffédent quelque Dignité en pro- auffi Polybe, Lib. pre, on ne fauroit reguliérement la leur oter qu'en punition de quelque Crime; quoi que, v. Cap.X dans un befoin preffant de l'Etat, on puiffe, fans contredit, fufpendre pour quelque tems, le paffage d'Hé ou abolir même tout à fait les Immunitez & les Privileges qui y font attachez, en dédom. deffus, 5. 26. à mageant d'ailleurs par quelque autre endroit, autant qu'il eft poffible, celui qui reçoit par la marge. là du dommage: car tous ces droits n'avoient été accordez qu'avec une exception tacite des cas de grande Néceffité; & il feroit abfurde de prétendre qu'ils fuffent inviolables au préjudice même du falut de l'Etat. Lib.I.§.59.Voiez rodote, cité ci De ce que nous avons dit il s'enfuit, que l'on peut, comme cela fe pratique aussi en certains Etats (c), exclurre des Charges & des Dignitez les Enfans innocens d'un Traitre, (c) Comme on ou d'un Criminel de Léze-Majefté; quoi que d'ailleurs on n'ait aucun droit de les dépouil- fit, par exemple, les de l'Eftime Simple, ou de les noter d'infamic. fans d'Antiphon. Voiez l'Arrêt de fa condamna. sion, dans Pin #arque, in X.Orat. Vit. Cap. L un Du Pouvoir qu'ont les Souverains de difpofer des biens renfermez dans leurs terres, tant de ceux des Particuliers, que du Domaine a I. fur les de l'Etat, ou de la Couronne. Quel Dorvoir & S. L. POUR favoir jufqu'où s'étend le Pouvoir des Souverains fur les biens des Citoiens, biens renfermez il faut remarquer, que ce droit eft fondé, ou fur la nature de la Souveraineté, dans fes terres, confidérée en elle-même, ou fur les différentes maniéres d'aquérir l'Autorité Souveraine. Roiaume eft fon Commençons par le dernier. lors que le Patrimoine ? VI. §. 15. Il y a ici fans contredit une grande différence entre un Souverain (i) qui s'eft fait luimême, pour ainfi dire, des Sujets, & qui a aquis un plein droit de Propriété fur les biens renfermez dans l'Etat; & un autre qui a été appellé au Gouvernement par des gens qui poflédoient en propre quelques biens. Dans le prémier cas, il eft clair, que le Souverain peut difpofer des biens renfermez dans les Païs de fa domination, non feulement autant que le demande la nature de la Souveraineté, mais encore avec un droit auffi abfolu que celui qu'a chaque Pére de famille fur fon propre patrimoine. De forte que, tant qu'il n'a rien relâché de fon droit, les Sujets ne jouiffent de leurs biens que de la même maniére que les Efclaves difpofoient autrefois de leur Pécule, c'eft-à-dire, qu'ils les poffédent uniquement fous le bon-plaifir du Roi, qui peut les leur ôter toutes fois & quantes qu'il voudra. Cependant, s'il leur en laiffe la poffeffion, ils peuvent alors en tirer ce qui leur eft néceffaire pour leur nourriture, & pour les autres befoins de la vie, comme un jufte falaire de la peine qu'ils prennent de les garder, de les cultiver, ou de les entretenir. Ainfi ce n'eft qu'à l'égard des Sujets d'un Roiaume Patrimonial que l'on doit admettre une (a) De Cive, Cap. maxime que Hobbes étend mal à propos à toutes fortes de Citoiens: (a) Chaque Citoien, dit-il, poffede fes biens en propre par rapport à fes Concitoiens, qui ne peuvent y rien préten dre, parce qu'ils font foumis aux mêmes Loix; mais aucun Sujet n'a rien en propre à l'ex(b) Ibid. Cap. clufion du droit de fon Souverain (b): de même que, dans une Famille, aucun Enfam ne poffede rien en propre, qu'autant que fon Pére le veut. Mais, fi le Maître d'un Roiaume Patrimonial relâche quelque chofe de fon droit, les Sujets alors auront fur leurs biens au(c) Genéfe, Chap. tant de droit que le Souverain leur en aura manifeftement accordé; du refte le Souverain XLVII. verf. 23, en pourra toûjours difpofer abfolument. Pharaon, Roi d'Egypte, par exemple, ne fe refervoit que la cinquième partie (c) des fruits du Païs, excepté les biens des (d) Sacrifi(d)Voiez Diodor. Sicul.Lib.I. Cap. cateurs, auxquels la Reine Ifis avoit donné la troifiéme partie des terres, franches de tout Grotius, fur Gen, impôt. Parmi les anciens (e) Indiens, tout le Païs appartenoit au Roi, & ceux qui culti voient les terres, avoient feulement le quart des revenus. La même chofe fe voit encore (e) Strabon, Lib. aujourd'hui dans (f) le Roiaume du Grand Mogol, où le Roi, hérite auffi des biens de fes Genev. Cafaubon. Miniftres, & de ceux des Marchands. Dans (g) le Congo, perfonne n'a rien en propre, Voiez Died. Sic. qu'il puiffe tranfmettre à fes Héritiers, mais tout eft au Roi, qui donne à qui il lui plait () Voiez Garci- l'adminiftration de l'ufufruit des biens du Pais. Il faut pourtant faire attention ici à ce qu'a taff de la Vega, remarqué (h) un Voiageur moderne, que le droit abfolu des Princes de l'Orient fur les Liv. V. Chap. V. biens de leurs Sujets, eft caufe que ces Pais-là, quelque beaux & fertiles qu'ils foient par (8) Eduard. Lo- eux-mêmes, deviennent tous les jours plus déferts, plus pauvres, & plus barbares, ou du h) Bernier, Hift. moins ne font pas dans un état, à beaucoup près, fi floriflant que la plupart des Roiaudes derniéres ré- mes de nôtre Europe, où les Sujets poflédent quelque chofe en propre à l'exclufion même XII. §. 7. 24, 26. XXI, LXXII. & XLVII, 26. XV. pag.484. Ed. Lib. II. Cap. XL. Hift. des Yncas, pez. volutions de l'Empire du Grand Mogol. §. I. (1) Yoiez ci-deffus, Liv. VII. Chap. VI. 6. 16. de de leur Prince, & où les Souverains font plus reservez à diminuer quelque chofe de la liberté que les Sujets ont de difpofer de leurs biens comme bon leur femble (2). où les Sujets Souverain n'y a aucun droit, nature de la Sou Nepos,in Miltiad. S.II. MAIS il y a des Etats, où les Citoiens poflédent leurs biens en propre, fans les Dans les Etats, tenir originairement de la libéralité du Souverain. Cela arrive principalement en deux ma- maires de niéres, ou lors qu'un Peuple s'eft allé établir dans quelque Pais fous la conduite d'un Roi leurs biens, le qu'il s'étoit choili; ou lors que plufieurs Péres de famille, qui avoient des biens en pro- So pre, fe font joints enfemble pour former une Société Civile, ou font entrez dans un Etat qu'autant que déja formé, pour le foumettre eux & leurs biens au Gouvernement établi. Dans le pré- le demande la mier cas, le Peuple, fous la conduite de fon Chef, s'empare d'abord en commun d'un veraineté. Païs borné ou par la Nature, ou par la détermination arbitraire des Hommes; après quoi le partage s'en fait ou par le fort, ou par le réglement (a) du Chef, rarement par le choix (a) voiez Corn. du prémier occupant. Or quoi qu'alors la Propriété des biens de chaque Particulier ne Num foit pas tant fondée fur fa prife de poffeffion, que fur l'affignation qui lui en a été faite par le Conducteur du Peuple; perfonne ne tient pourtant les biens de la libéralité de ce Chef, parce que ceux qui fe font mis fous fa conduite dans une telle expédition, ont aquis un droit parfait de pofféder en propre (b) une portion du Pais dont ils fe rendroient mai- (b) Voiez Genef. tres en commun. A plus forte raifon, la Propriété des biens des Particuliers ne dépend- XIV, 14, 21, 23, elle pas originairement de la volonté & de la conceffion d'un Roi, à l'empire duquel plu- a dit ci-deffus, fieurs Péres de famille libres & indépendans fe font foûmis d'eux-mêmes avec les biens Liv. IV. Ch. VI. qu'ils avoient Car, quoi qu'en dife (c) Hobbes, il est très-certain, que l'on peut avoir 3 (c) Vbi fuprà. quelque chofe en propre, hors même de toute Société Civile. Quand on lui accorderoit, que la Nature donne droit à chacun fur toutes chofes; (d) cela empêcheroit-il qu'on ne (d) Voiez ci-defpût, par des Conventions, affigner à chacun fa part? Il eft vrai, que les Conventions de fus, Liv. III. Ch. deux ou de peu de perfonnes ne diminueroient rien du droit originaire des autres fur une chofe qui étoit auparavant en commun: mais fuppofé que tous généralement s'accordent à faire un partage, par quelque Convention ou expreffe, ou tacite, il n'y a point de doute que chacun n'aquiére alors un droit de Propriété fur ce qui lui eft échû. Ainfi il eft faux, que, comme le prétend encore Hobbes (e), les Péres de famille, qui ne dépendent (e) De Cive, Cap. ni d'un même Pére, ni d'un Maître commun, aient droit également fur toutes chofes: quoi voiez Genef. IV, que, dans les Sociétez Civiles, on jouïfle fans contredit beaucoup plus fûrement (1) de 4. XIII,s, & fuiv. (2) On peut ajoûter ici en paffant (remarquoit nôtre Auteur) l'établissement des anciens Incas du Perou, qui vouloient que les Sujets cultivaffent leurs terres, avant que de travailler à celles du Roi; parce, difoient-ils, qu'il eft impoffible que les Sujets prennent foin, comme il faut, des biens de leur Prince, fi les leurs propres ne font en bon état ; & que les Citoiens pauvres ne font d'aucune utilité au Public ni en paix, ni en guerre. Garcil. de la Vega, Hift. des Yncas, Liv. V. Chap. II. 5. 11. (1) Ὅτι κρεῖττον σὺν πολλοῖς οἰκοντα, ἀσφαλῶς ἀρκόντα ἔχειν, ἢ μόνον διαιτώμθμον τὰ ἢ πολιτῶν ὅλικινδύνως πάντα κεκτης. Il vaut mieux vivre en fociété, & être affûre dans la poffeffion de biens medio,, cres, que d'avoir feul tout le bien de fes Concitoiens, ,, en étant expofé aux dangers infeparables de la foli tude. Xénophon, dans les Chofes mémorables de Socrate, Lib. II. pag. 433. Ed. H. Steph. Ce n'eft qu'en ce fens (ajoûtoit nôtre Auteur) que l'on peut admettre les paroles fuivantes de Ciceron: Hoc [Jure Civili] fublato, nihil eft quare exploratum cuiquam poffit effe, quid fuum, aut quid alienum fit. Sans le Droit Civil, on ne fauroit bien diftinguer ce qui appartient à chacun. Orat. pro A. Cacina, Cap. XXV. Cet Orateur exprime ailleurs plus clairement fa penfée. Comme le paffage eft trèsbeau, je vais le rapporter plus au long que ne faifoit nôtre Auteur. In primis autem videndum erit ei, qui Rempublicam adminiftrabit, ut fuum quifque teneat, neque de bonis privatorum publicè diminutio fiat, perniciofè enim TOM. II. fes Philippus in tribunatu, cùm Legem Agrariam ferret, quam Fff 24. & ce que l'on IV. §. 2, 36 VI. §. 15. Not. 1. メ XXXIV, 30. fes biens, que fi chacun vivoit dans l'indépendance de l'Etat Naturel, où l'on n'auroit que (f)Voiez Genef. fes (f) propres forces pour fe défendre contre les infultes d'autrui. Dans ces Etats donc, où les Sujets ne tiennent pas originairement leurs biens de la libéralité du Souverain, le Prince n'en peut difpofer (2) qu'autant que le demande la nature même de la Souveraineté; à moins que les Sujets eux-mêmes ne lui aient volontairement donné à cet égard un Pouvoir plus étendu. Le Prince, en qualité de Souverain, peut §. III. OR, le Prince, entant que Souverain, a droit en trois maniéres principales fur les biens de fes Sujets. La prémiére confifte à régler,par des Loix, l'usage que chacun doit 1. Preferire à fes faire de fes biens, conformément à la confervation & à l'avantage de l'Etat : La fecon zaines Loix, la de, à exiger des Impôts & des Subfides: & la derniére, à fer des droits du Domaine émi Sujets, par cer maniére dont ils nent. On peut rapporter au prémier chef, 1. Les (1) Loix Somptuaires, par lesquelles on ,, mer des Républiques, que pour être plus en état de (2) Jure Civili omnia Regis funt: & tamen illa quorum " " .... Sous prefcrit ils; fur quoi il leur repliqua: Paiez donc à Céfar ce qui appartient à Cefar, & à Dieu ce qui appartient à Dieu, Matth. XXII, 19, & fuiv. Mais cela ne prouve pas, que de droit tous les biens des Sujets appartiennent en pro pre à leur Souverain, comme le foutenoient mal à pro pos bien des Reformez en France, qui étoient dans l'erreur à l'égard des droits & de l'autorité du Prince. (Nouv. de la Republ. des Lettres, Avril 1703. p. 415.) Notre Seigneur yeut dire feulement, que, puis que les Juifs fe fervoient de la Monnoie de l'Empereur, c'étoit une marque qu'il étoit maître de leur Païs, & qu'ils le reconnoiffoient tacitement pour leur Souverain légitime; de forte qu'ils devoient lui obeir en tout ce qui n'étoit pas contraire aux Loix Divines. Voiez les Interprêtes fur ce paffage. Notre Auteur citoit Grotims, fur I. Rois, XVI, 24. & ce que Zonare rapporte, (Tom. II.) des Empereurs Claude, & Adrien. §. III. (1) Ecoutons ici ce que dit en peu de mots le Sage Mentor à Télémaque fon Eléve dans l'Art du Gouvernement. L'autre mal prefque incurable (dans le Gouvernement des Peuples) eft le luxe. Comme la ,, trop grande autorité empoifonue les Rois, le luxe empoisonne toute une Nation. On dit, que le luxe fert à nourrir les Pauvres aux dépens des Riches; comme fi les Pauvres ne pouvoient pas gagner leur vie plus utilement, en multipliant les fruits de la Terre, ,, fans amollir les Riches par des raffinemens de volupté. ,, Toute une Nation s'accoûtume à regarder comme les ,,neceffitez de la vie les chofes les plus fuperflues; ce ,, font tous les jours de nouvelles néceffitez qu'on in» vente. On ne peut plus fe paffer des chofes qu'on ne " connoifloit pas trente ans auparavant. Ce luxe s'ap pelle bon goût, perfection des Arts: cette politeffe de la Nation, ce Vice qui en attire tant d'autres, eft loue comme une Vertu, il répand fa contagion juf,, qu'aux derniers de la lie du peuple. Les proches pa,, rens du Roi veulent imiter fa magnificence, les Grands "Souveraine; fans que pour cela chacun foit moins mai-,, celle des parens du Roi: les gens médiocres veulent tre de fon bien. Senec. de Benefic. Lib. VII. Cap. IV. V. Quicquid habet locuples, quicquid cuftodit avarus, Je remarque, que, dans ces deux derniers vers, on " ,, égaler les Grands; car qui eft-ce qui fe fait justice? ,, Les petits veulent paffer pour médiocres: tout le monde fait plus qu'il ne peut; les uns par fafte, & pour ,, fe prevaloir de leurs richeffes; les autres par mauvaife honte, & pour cacher leur pauvreté. Ceux mêmes qui font affez fages pour condamner un fi grand defordre, ,, ne le font pas affez pour ofer lever la tête les pre,, miers, & donner des exemples contraires. Toute une Nation fe ruïne: toutes les conditions fe confondent. La paffion d'aquerir du bien pour foûtenir une vaine depenfe, corrompt les ames les plus pures. Il n'eft ,, plus queftion que d'être riche; on emprunte, on ,, trompe, on ufe de mille artifices indignes, pour parvenir. Avantures de Télémaque, Tom. V. pag. 120, 121. ,, L'Histoire nous apprend (je me fers maintenant des propres termes de Mr. Le Clerc, dans le Parrhafiana, Tom. II. p. 275, & fuiv.),, que Jules César n'entreprit Lib. XII. Cap. prefcrit des bornes aux dépenfes non-néceffaires, qui ruinent les Familles des Particuliers, »de fe rendre maître de la liberté de fa Parrie; que par» ce qu'il ne favoit comment paier fes dettes, contrac " 22 دو tées par une prodigalité exceffive, ni comment foû» tenir la dépenfe prodigieufe qu'il faifoit. (Veiez Sué"tone, dans fa Vie, Cap. XXX.) Bien des gens n'entrérent dans fon parti, ou dans celui de Pompée, que » parce qu'ils n'avoient plus dequoi fournir au luxe, dans lequel ils étoient engagez, & qu'ils efperoient de gagner, par la Guerre Civile, dèquoi foûtenir leur », premier fafte. (Voiez Salluft. ad Cafarem, de Republ. », ordinanda, & les autres Auteurs de ce tems-là.)..... On peut dire la même chofe de toutes fortes de cri,, mes, qui, pour parler ainfi, heurtent à toute heure à la porte des perfonnes indigentes & faftueuses, & ,, qui font rarement exclus, quand ils viennent accom»pagnez d'une bonne fomme d'argent. Pour prévenir ces maux & ces défordres, il n'y a rien de plus utile, que de bonnés Loix Sompruaires, qui repriment le luxe; & que l'on faffe exécuter rigoureufement. Par là.... vous ôtez à l'argent, qui eft la chofe du monde la plus nuifible, fon ufage & fon lußre..... Id ita eveniet, fi pecunia, qua maxima omnium pernicies eft, » ufum atque decus demferis. (Salluft. Orat. I. de Rep. ,, ordin.) Par là on procure encore un autre avantage à PEtat, qui n'eft pas de petite conféquence; c'eft que Pon fe marie beaucoup plus facilement, lors qu'il ne faut pas faire trop de depenfe, pour foûtenir une famille; que lors qu'on ne peut pas éviter honnêtement cette dépenfe, à laquelle neanmoins il y a beau,, coup d'honnêtes gens, qui ne peuvent pas fuffire. Aufli Augufte voulant corriger les mœurs des Ko "mains, entre diverfes Loix qu'il fit, ou qu'il renouvella, rétablit en même tems, & la Loi Somptuaire, & celle qui impofoit aux Romains la néceffite de fe ,, marier, de maritandis ordinibus. (Voiez Suetone, dans fa Vie, Cap. XXXIV.) S'il ne pût obliger les Romains/ à obferver la, feconde, il y a grande apparence, que ce ne fut que parce que la première n'etoit pas af fez févére. (Voiez Tacit. Annal. Lib.II. Cap. XXXVII.) 11 faut remarquer encore, que bien des gens, qui ,, fuyent le mariage pour la raifon que j'ai dite, ne font aucun fcrupule de commettre toutes fortes de debau,, ches; qui vont à la ruïne totale & des Familles & de PEtat, & que l'on préviendroit par des Loix Somptuaires. Voiez ce que Mr. Le Clerc ajoûte, au fujet de la République de Venife, & de celle de Genéue. Pour ren-, dre ces Loix Sompruaires plus efficaces, les Princes δε les Magiftrats doivent, (comme le dit encore Mr. de Cambrai, dans l'endroit cité ci-deflus) par l'exemple de leur propre modération, faire honte à tous ceux qui aiment " Lib. XI. Tit. V. Aleatoribus ; & LXXXVI. · preferi (d) Voiez Manu- » tre chofe que mettre en credit ces chofes-là, & faire י |