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Tyran, ou d'un Traître, & quelquefois même tous les autres parens, quoi qu'ils n'euf fent aucune part à fes Crimes. Quelques-uns en alléguoient pour raifon, que les Enfans reffemblent toujours à leurs Péres. Mais Dénys d'Halicarnafje donne à entendre (3) que cela n'eft pas fûr, & qu'une crainte incertaine ne fuffit pas pour mettre en droit d'ôter la vie à perfonne. En vain voudroit-on auffi fe prévaloir des menaces que Dieu fait, dans la (d) Exod. XX, s. Loi de Moïfe (d), de punir fur les Enfans l'iniquité de leurs Péres; car il ne s'agit pas ici de la Juftice Divine, dont les régles ne tirent point à conféquence pour les Tribunaux Humains. En un mot, toute faute étant un acte perfonnel ne peut légitimement attirer aucune Peine, qu'à fon Auteur. Par la même raifon, un Héritier eft bien tenu, par les maximes de l'Equité Naturelle, de paier une amende pécuniaire qui avoit été impofée à celui dont il recueille la Succeffion, pourvû que l'amende n'aille pas au delà de la valeur des biens du défunt. Mais pour ce qui eft des Peines afflictives ou infamantes, elles ne paflent jamais à l'Héritier (4), comme font les charges attachées aux biens plûtôt qu'à la perfonne même du Teftateur..

coupables devant Dieu pour leurs propres péchez, il ne
leur fait aucun tort de leur ôter la vie qu'il leur laiffoit
par un pur effet de fa clémence. Voiez Mr. Le Clerc, fur
Exod. XX, 5. & Deut. XXIV, 16.

(3) Παρ' Ελλήνων ἢ ἐχ ἔτως ἐνίοις ὁ νόμῳ ἔχει, ἀλλὰ
τὰς ἐκ τυράννων γενομύες οἱ με συναποκτίννυς τοῖς πα-
τράσι δικαιέσιν, οἱ 5 αειφυγία κολάζεσιν· ὥσπερ ἐκ ενδε
χουδης το φύσεως χρησὸς παῖδας ἐν πονηρών πατέρων, ἢ
xxxe's i dyadav geve. Antiq. Roman. Lib. VIII. pag.
547. Ed. Lipf. Au refte, pour le dire en paffant, Grotius
attribue à Dénys d'Halicarnaffe une condamnation for-
melle de ce fentiment & de cette pratique des Grecs; &
il lui fait même alléguer la raifon dont on fe fert ici
pour réfuter une penfée fi barbare & fi abfurde. Cepen-

dant l'Hiftorien ne s'exprime que par un comme fi; & même, dans les paroles fuivantes, il déclare expreffément qu'il ne decide rien là-deffus.

(4) Civilis conftitutio eft, pœnalibus a&tionibus heredes non teneri, nec ceteros quidem fucceffores. Idcirca nec furti conveniri poffunt. Sed quamvis furti actione non teneantur, attamen ad exhibendum actione teneri eos oportet, fi poffideant, aut dolo fecerint quominus poffideant. Digeft. Lib. XLVII. Tit. I. De privatis delictis, Leg. I. §. 1. Si pana alicui irrogatur, receptum eft commentitio jure, nec ad heredes tranfeat: cujus rei illa ratio videtur, quod pana conftituitur in emendationem hominum: que mortuo eo, in quem conftitui videtur, definit. Lib. XLVIII. Tit. XIX. De Panis, Leg. XX.

Ce que c'eft qu'Eftime; & combien de for

tes il y en a ?

(a) Exiftimatio inienfivan

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Du Pouvoir qu'ont les Souverains de régler le degré d'Eftime & de confidération où doit être chaque Citoien.

§. I.

•QUO

UO QUE, parmi ceux qui vivent dans l'indépendance de l'Etat Naturel, il y en aît qui poflédent certaines qualitez capables de leur donner une jufte préférence fur les autres; cependant, comme c'eft ou en vertu des Conventions, ou par un effet de la détermination du Souverain, que ces qualitez donnent quelque droit, j'ai jugé à propos d'expliquer ici à la fois tout ce qui regarde la différence des perfonnes felon le degré de confidération où l'on eft dans la vie commune, en vertu duquel on peut être égalé on comparé, préféré ou poftpofé à d'autres. C'eft ce que l'on appelle Eftime.

Il y a un grand rapport entre les deux principales fortes de Quantité Morale, je veux dire, le Prix des Chofes, & l'Eftime des Perfonnes. En effet, comme la raison pourquoi on a attaché aux Chofes un certain Prix, c'eft fur tout afin de les pouvoir comparer exactement dans les échanges, ou dans le tranfport qu'on en voudroit faire à autrui de même l'Eftime fert à régler le cas qu'on doit faire des Hommes les uns par rapport aux autres, pour pouvoir les ranger dans un ordre convenable, lors qu'ils fe trouveront enfemble; l'expérience faifant voir, qu'il étoit impoffible de les regarder tous généralement fur le même pied, & de n'établir parmi le Genre Humain aucune différence des Person

nes.

L'Eftime peut fe divifer en Eftime Simple, & Eftime (a) de diftinction. L'une & l'autre

doit

doit être envifagée, & par rapport à ceux qui vivent (1) les uns à l'égard des autres dans l'indépendance de l'Etat Naturel, & par rapport aux Membres d'un même Etat.

'celle des gens

§. II. LE fondement principal de l'Eftime fimple, parmi ceux qui vivent ensemble dans De l'Eftime Sim l'Etat Naturel, confifte en ce qu'un homme fe conduit de telle maniére qu'on a lieu de ples & 1. De le croire difpofé à pratiquer envers les autres, autant qu'en lui eft, les Devoirs Naturels qui vivent dans de la Sociabilité, & par conféquent de fe fier à lui (1), comme à une perfonne d'honneur l'Etat Naturel, & de probité. En effet, comme une chofe, pour peu qu'elle foit d'ufage dans la vie, est dite de quelque Prix, ou de quelque valeur, au lieu que l'on appelle des chofes de nulle valeur, celles qui ne fervent abfolument à rien de même on peut dire qu'un Homme mérite quelque Eftime, lors qu'il agit en quelque maniére en Animal fociable, & que l'on peut vivre avec lui fur ce pied-là: mais on a lieu de traiter de Vauriens & de gens de néant, ceux qui foulant aux pieds avec une audace infolente tous les Devoirs de la Loi Naturelle, fe montrent par là manifeftement infociables, & indignes de la moindre eftime.

entier ?

§. III. L'ESTIME fimple peut être considérée, dans l'Etat de Nature, ou comme en Comment elle fon entier, ou comme aiant reçû quelque atteinte, ou comme entiérement perdue. Elle demeure en fon demeure en fon entier, tant qu'on n'a point violé envers autrui, de propos délibéré, la Loi Naturelle, par quelque action malicieuse, ou par quelque Crime énorme. Je dis, par quelque Crime énorme, ou par quelque action malicienfe car on pardonne à la fragilité humaine les fautes légères, & les Péchez d'imprudence ou de foibleffe; & pourvû que celui, qui y tombe, aît d'ailleurs le cœur bon & les inclinations vertueufes, on ne ceffe pas pour cela de le regarder comme un honnête homme. C'eft le fondement de la maxime commune, que chacun eft (a) cenfe homme de bien, jusques à ce qu'on aît prouvé le (a) Quilibet pre contraire. Ainfi, tous ceux qui n'ont point commis d'action infame, font naturellement fumitur bonus, donec probetur conégaux à cet égard, & l'un n'eft pas plus honnête homme que l'autre (1), de quelque con- trarium. dition qu'il fe trouve d'ailleurs. Si le principe de (b) Hobbes étoit vrai abfolument, il fau- (b) De Cive, droit au contraire préfumer, que chacun eft méchant, jufques à ce qu'on eût prouvé le Cap. I. contraire, ou plûtôt jufques à ce qu'on lui eût ôté les moiens de nuire. Mais il eft faux, comme nous l'avons (c) fait voir ailleurs, que tous les Hommes aient & le pouvoir, & la (c) Liv.II. Chap, volonté de fe faire du mal les uns aux autres. Il eft vrai qu'ils peuvent le vouloir : mais tout ce qui s'enfuit de là, c'eft qu'en réputant gens de bien tous ceux, qui n'ont rien fait qui donne lieu de douter de leur probité, il faut fe fouvenir qu'ils peuvent devenir Méchans, & les regarder fur le pied d'amis, en forte néanmoins que l'on ne fe fie pas toûjours à eux fans referve, & fans beaucoup de circonfpection.

II. §. 7, 8.

atteinte è

§. IV. LES actions malicieufes, par lefquelles on viole envers autrui le Droit Naturel, Comment elle fur tout fi elles font énormes, font une brêche à cette Eftime; en forte qu'il n'eft pas fûr reçoit quelque déformais de se fier à celui qui fe montre par là autre qu'on ne l'avoit crû, & d'entrer avec lui dans aucun traité fans de bonnes cautions. Je dis que ces Crimes font une brêche à l'Estime, & non pas qu'ils la détruifent entiérement: car, quoi qu'on aît lieu de foupçonner, qu'une perfonne ne fera pas difficulté d'en agir à nôtre égard comme elle a fait envers les autres, cela n'est pas fi certain, que l'on ne voie quelquefois arriver le contraire; celui, qui a trompé une perfonne, pouvant y avoir été pouffé par des raisons particulières qui ne fe trouvent pas en d'autres, ou s'être laiflé emporter aux mouvemens de quelque Paffion, dont il fera maître une autrefois. Cette tache peut même être effacée, fi celui qui a commis quelque méchante Action offre de lui-même la réparation du Dommage, & témoigne du repentir de fa faute; car c'est une marque fuffifante d'un fincére amendement.

§. I. (1) Tels font les Souverains & les Citoiens de divers Etats, les uns par rapport aux autres.

5. H. (1) A cette Eftime Simple répond en autrui une Obligation parfaite, en vertu de laquelle chacun eft tenu indispensablement de regarder comme des honnêtes gens tous ceux qui n'ont rien fait pour fe rendre indignes de cette bonne opinion, & de ne donner aucune

S.V.

atteinte à leur réputation. Au lieu que, dans l'Etat Na-
turel, les fondemens de l'Eftime de diftinction ne pro-
duifent par eux-mêmes qu'une Obligation imparfaite,
comme nôtre Auteur le fera voir plus bas.

§. III. (1) Sed fanétitas morum non diftat ordinibus. Plin.
Lib. V. Epift. III. num. 7.

Comment elle fe perd entiérement?

(a) Platon les

bannit de fa République, De Le

gib. Lib. XI. & you ne les fouffroient pas dans

leur Etat; Garcil. de la Vega,

Socrat.

§. V. MAIS ce qui fait perdre entiérement l'Eftime Simple, c'eft une profeffion ou un genre de vie qui tend directement à faire du mal à tout le monde fans diftinction, & à s'enrichir par des injures manifeftes. Dans les Etats, où l'on tolére les perfonnes adonnées à quelque mêtier qui emporte par lui-même une profeffion ouverte de certains Vices, comme, par exemple, les Courtifanes, les Entremetteurs qui trafiquent des débauches de la Jeuneffe, les robustes (a) Mendians, les Sociétez (b) de Voleurs &c. c'eft aux Loix Civiles à régler fur quel pied on doit regarder ces fortes de gens: & il femble que puis que le Souverain les fouffre paifiblement dans fon Pais, il doit du moins les laiffer jouir des droits communs à tous les Hommes. C'eft pourquoi, dans une Comédie Latine, on fait dire à un homme de ce caractére (1): Je l'avoue, je fuis Marchand d'Efclaves, la ruine commune des jeunes gens, un parjure, une pefte publique; avec tout cela je ne vous ai fait Hift. des Incas, aucun tort. Dans l'indépendance même de la Liberté Naturelle, quoi que tout genre de Voie Cox. vie, qui renferme une profeffion ouverte du moindre Vice, faffe une grande brêche à Hift. Ecclef. Lib. I'Eftime fimple; fi ce Vice n'offense perfonne, & ne cause point de dommage à autrui, il VII. Cap. XXV. ne femble (b) Comme parpas qu'on puifle traiter ceux qui y font adonnez, comme des Ennemis commi les anciens muns du Gente Humain. Mais lors qu'un homme exerce un mêtier qui confiste à faire du Egyptiens, où l'on tort aux autres, lors qu'il traite comme des Bêtes tout le monde indifféremment, ou du 'on avoit per- moins tous ceux qui ne font pas de fa bande, & qu'il fait une guerre perpétuelle aux du, en donnant Hommes, & non pas à fes Ennemis; il perd entiérement l'Eftime que l'on doit à chacun le quart au Capitaine des Vo- entant qu'Homme, tant qu'il n'a rien fait pour s'en rendre indigne. Tels font les Corfaires (2), les Brigands, les Affaffins, les coupeurs de bourfe, & autres fortes de gens, qui ne laiffent pas de mériter l'exécration publique, quoi qu'ils n'en viennent pas toujours envers tout le monde aux derniers actes d'hoftilité, & qu'ils fe contentent, par exemple, de la bourse, ou du manteau, fans tuer ceux qu'ils rencontrent. Je ne doute pas non plus qu'on ne doive mettre en ce rang les Sociétez entiéres de Corfaires & de Voleurs, quel (c) Voiez Helio- que foin qu'ils aient d'obferver (c) entr'eux certaines Régles de Juftice; & même les États qui exercent contre tous les autres des actes d'hoftilité, fans avoir égard à aucune ConvenLib. V. Cap. XV. pag. 264. Ed. tion ni à aucune Promeffe: car, fi en même tems qu'ils violent la foi donnée, & les auLugd. 1611. & tres Loix du Droit Naturel, envers certains Etats, ils (3) gardent réligieufement les TraiCap. XIV. p.244. tez qu'ils ont fait avec les autres, & vivent en paix avec ceux-ci, on ne peut pas les dépouiller entiérement de toute Eftime fimple, quoi qu'elle fouffre à leur égard une diminution confidérable.

recouvroit ce

leurs: Diod. Sic.

Lib. I. C. LXXX.

dor. Ethiopic.

L

La perte entiére de cette Eftime eft fuivie de plufieurs effets defavantageux par rapport à ceux qui s'en font privez eux-mêmes. Car s'ils ne renoncent entiérement à leurs rapines & à leurs brigandages, on ne doit pas plus les épargner, que les Loups, & les autres Bêtes farouches; & lors qu'on peut fe faifir d'eux, on les traite d'ordinaire avec plus de rigueur, que les autres Ennemis, fans en excepter ceux même qui avoient voulu nous perdre. De plus, on regarde ces fortes de gens comme indignes de recevoir le moindre service de l'Humanité la plus commune, parce qu'en le leur rendant on leur fourniroit dequoi se mettre en état de continuer à faire du mal aux autres. Bien plus, comme on ne doit pas compter fur toutes les Promefles qu'ils voudroient nous faire; on peut foûtenir auffi fans abfurdité, que les Promeffes qu'on leur fait ne font point valides, tant qu'ils agiffent comme des gens qui mènent une vie fi infame; ce que l'on fuppofe toûjours ici. En effet ou l'on traite avec eux de fon pur mouvement, ou l'on y eft forcé par une violence injuste.

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Depofiti, vel con

Je ne vois pas qu'on puisse fai faire le prémier, fans fe rendre complice des crimes du fcélérat, puis qu'en ce cas-là on agit fur le pied d'ami avec un homme qui fe déclare ennemi de tous les autres, excepté ceux de fa troupe : outre que fouvent on feroit par là du tort à autrui, comme, par exemple (d), fi l'on rendoit à un Voleur une chofe dérobée qu'il (d) Voiez Digest. nous avoit donnée en dépôt. Que fi un Voleur a fait pour nous quelque chofe, que l'on Lib. XVI. Tit.III. aît pû accepter fans crime, en ce cas-là il eft jufte fans contredit de lui paier le falaire qu'on tra, Leg. XXXI. lui a promis (4): mais c'eft qu'alors il n'agit plus, comme on le fuppofe ici, en Ennemi S. 1. On a cité commun du Genre Humain. Pour les Promeffes extorquées par une crainte injufte, nous avons prouvé (e) ailleurs, qu'elles font entièrement nulles de leur nature. Cependant, fi ces fortes de gens renoncent à leur infame mêtier, & viennent à mener une vie honnête, ils recouvrent alors l'Eftime qu'ils avoient perdue, ce qui a lieu non feulement à l'égard d'une perfonne feule, mais encore à l'égard des (5) Sociétez entiéres de Brigands & de Corfaires. Après quoi on doit déformais les regarder comme d'honnêtes gens; bien entendu qu'avant toutes chofes ils aient réparé le tort & les injuftices qu'ils avoient faites, ou que du moins on les en aît tenus quittes.

cette Loi ci-def

fus, Liv. III. Ch.

VI. S. 11. Not. 13.1 & Liv. IV. Chap.

xi. §. 5. Nor.2.

VI. §. 10, & fuir.

§. VI. DANS les Sociétez Civiles l'Eftime fimple (1) confifte à être réputé Membre 2. De l'Eime fain & honnête de l'Etat, en forte que, felon les Loix & les Coûtumes du pais, on tien- bres d'une Sociene rang de Citoien, du moins d'entre ceux du commun, & que l'on n'aît pas été d'ailleurs déclaré infame.

On eft privé de cette Eftime, ou fimplement à cause d'une certaine condition, ou en féquence de quelque Crime.

con

fimple des Memté Civile. Comment on eft privé de cette Efli

me purement &

fimplement à caufe d'un certain E

tat Moral?

fort dure, com

y a deux fortes de conditions qui ôtent l'Eftime fimple dans une Société Civile; les unes qui naturellement n'ont rien en elles-mêmes de deshonnête; les autres qui renferment quelque chofe de deshonnête, ou qui du moins paffe pour tel dans l'efprit des Citoiens. Il faut mettre au prémier rang les Esclaves, qui, dans plufieurs Etats, & fur tout parmi les (a) Ro- (a) Chez qui leur mains, étoient mis au nombre des biens, & non pas des Perfonnes Civiles. Il y a auffi condition toit des endroits, où les Bâtards (2) font regardez fur un pied affez défavantageux, quoi que me il paroit par ce ne foit pas leur faute, s'ils ont eû le malheur de venir au monde enfuite d'un commer- te Loi, Digeft. · ce condamné par les Loix. Les autres fortes de conditions dépouillent, ou en tout, ou en partie, de l'Eftime fimple, parce qu'elles font accompagnées de la profeffion d'un mêtier Yes. Ful. qui ou ne peut être exercé fans crime, ou eft fi fale & fi vilain, qu'il n'y a que des ames Leg. VI. Voiez de boue qui veuillent s'y adonner. Les Loix ou les Coûtumes de chaque Etat réglent le rang que doivent tenir & la manière dont on doit regarder ceux qui font quelque mêtier criminel par lui-même, comme, par exemple, les Courtifanes, les Entremetteurs ou Entremetteufes (b) des débauches de la Jeuneffe, ceux (c) qui tiennent brelan, &c. Pour les autres, tels que font (3) les Bourreaux, les Sergens, les Huifliers, les (d) Bouchers, ceux

(4) Voiez ci-deffus, Liv. III. Chap. VI. §. 11. vers la fin. (5) Voiez Grotius, Lib. III. Cap. III. §. 3. & le Specimen Jurifprudentia Hiftorica de Mr. Budde, parmi fes Seletta J. N. & Gent. §. 2,3,4, s. où l'on fait application de ce principe aux anciens Romains, dont l'Etat avoit été fondé par une troupe de Brigands, & d'autres fcélérats de toute forte.

§. VI. (1) L'Eftime Simple Naturelle a auffi lieu dans les Sociétez Civiles, où chacun peut l'exiger, en vertu de l'Equité Naturelle, tant qu'il n'a rien fait qui le rende indigne de la réputation d'homme d'honneur & de probité.

(2) Voiez Cod. Lib. VI. Tit. LVII. Ad Senatufconfult. Orfitianum, Leg. V. & Stob. Serm. LXXV. Dans les Indes (ajoûtoit notre Auteur) il y a une certaine race de gens, nommez Pénéaes, qui eft regardée comme infame. Abr. Roger. de Bramin. Part. I. Cap. II.

(3) Voiez Ciceron, Orat. pro C. Rabir. Cap. V. Parmi les Romains pourtant on fe fervoit du miniftere des Soldats pour l'exécution des Criminels, non feulement à

T9 M. II.

qui

de adulter. &c.

au Lex Wife
goth. Lib. II. Tit.
iv. Cap. IX. &, à
Pegard des El-
claves, parmi les

Ant. Jud. Lib.iv.
Cap. VIII. & Sel-
den. de F.N.& G.
Lib. V. Cap. III.

l'Armée, mais encore dans la Ville même, fans que ce-
la les deshonorât en aucune maniere; (Voiez P. Fabr. (b) Voiez Valer.
Semeftria, Lib. II. Cap. VI.) parce qu'il y a de la diffé- Max. Lib. VII.
rence entre faire mêtier d'une chofe, & l'exécuter, en Cap. VII.
certaines occafions, par un ordre particulier d'un Supe- (c) Voiez Digeft.
rieur. On dit que Witolde, Prince de Lithuanie. intro- Lib. XI. Tit. V.
duifit en cette Nation, que le Criminel condamné à mort De aleatoribus,
euft luy-mefme de fa main à fe deffaire: trouvant eftrange Leg. 1.
qu'un tiers, innocent de la faute, fuft employé & chargé (d) Voicz Aloif
d'un homicide. C'eft la remarque de Montagne, Effais, Cadamu. Navi-
Liv. III. Chap. I. pag. 591. Mais (ajoûtoit nôtre Auteur) gat. Cap. VIII. &
cette raifon ne vaut rien: car un Bourreau certainement Th. Marus, Utop.
ne commet point d'Homicide, puis qu'il ne fait qu'exé- Lib. II.
cuter la fentence prononcée par les Juges. D'autres di-
fent, que le mêtier de Bourreau eft infame, parce qu'on
prefume que ces fortes de gens ne fe propofent dans leur
miniftere que la douleur du patient, à laquelle ils pren-
nent plaifir ce qui eft contraire aux fentimens de bonté
& de compaffion, qu'exige la conformité d'une même
§. VII.

nature.

Ccc

dans Selden,de 7.

pag. 511. Edit. Argentor.

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(e) Voiez d'au- qui nettoient les égouts & les retraits, &c. (e) il y a des Païs ou ceux qui font ces fortes tres exemples de mêtiers, font formellement exclus, par les Loix, de la compagnie des honnêtes-gens: N.& G. fec. Hebr. mais ailleurs ce n'eft que la coûtume & l'opinion commune qui fait tenir à deshonneur Lib. IV. Cap. V. d'avoir le moindre commerce avec eux, foit parce que leurs moeurs répondent ordinairement à l'emploi fale ou cruel qu'ils exercent, foit parce qu'il n'y a que des ames rampantes () Voiez Diget. qui embraffent volontairement de femblables profeffions. Il y a même des mêtiers qui ne Lib.III. Tit.ll. De font réputez deshonnêtes, que parce qu'on les fait pour de l'argent; rien n'empêchant notantur, Leg. 1. d'ailleurs qu'on ne les exerce fans crime. C'eft ainfi que les Loix Romaines déclarent in(g) Voiez Digeft. fames ceux qui fe louoient pour (f) Acteurs, ou pour combattre (g) avec les Bêtes. Les Lib. III. Tit. I. De mêmes Loix, à caufe d'un foupçon de légèreté & d'inconftance dans l'amour conjugal, notent d'infamie (h) une Veuve qui fe remarie avant le terme preferit pour le deuil, & celui qui l'époufe, auffi bien que ceux qui confentent de part & d'autre à un tel Mariage, pouvant l'empêcher en vertu de l'autorité qu'ils ont für la Veuve, ou fur le fecond

bis qui infamia

poftulando, Leg.

1. §. 6.

II. Tit. II. De (h) Digeft. Lib. his qui infamia

notantur, Leg. I.

Comment on la

Crime?

De modo multa

Sic. Lib. I. Cap.

Mari.

§. VII. TOUTES fortes de Crimes (a) ne font pas perdre l'Eftime fimple, dans une Soperd par quelque ciété Civile; mais feulement ceux auxquels les (b) Loix de chaque Etat ont attaché cet (a) Volez Cod. effet: & cela en forte que celui, qui les a commis, eft ou fimplément exclus des Emplois Lib. I. Tit. LIV. publics, & de la compagnie des honnêtes gens, & déclaré inhabile à faire aucun acte varum, Leg. I. lable en Juftice, quoi que d'ailleurs il jouiffe de la protection commune des Loix; ouban(b) Voiez Diodor. ni de l'Etat d'une façon ignominieufe; ou enfin condamné à la mort, & fa mémoire flêLXXVIII. & Di trie. Selon les Jurifconfultes Romains, les actions criminelles, qui portent infamie, font Tit. fuivies de cet effet ou (1) immédiatement en vertu de la Loi; ou (2) en conféquence de dinar, cognition, la fentence des Juges; ou (3) fimplement (c) par l'opinion & la cenfure (d) des honnêtes Leg. V. §. 1, 2, 3. gens. Mais, à mon avis, la derniére forte d'infamie réfulte auffi de la Loi, qui déclare où l'on confond néanmoins, en certaines Actions infames, à caufe qu'elles paffent pour honteufes dans l'esprit des personquelques exem- nes graves & de probité. Car, quoi qu'il foit deshonnête d'agir d'une manière condamples, l'Eftime Pesme de née par des gens qui ont l'approbation publique; un fimple jugement des Particuliers ne PEfime fimple. fuffit pas pour flêtrir une perfonne jufques à la priver des avantages & des droits que les (0) Cette dernié Loix accordent à ceux qui ont confervé leur honneur en fon entier.

XIII. De extraor

diftinction, avec

re forte d'infa

comme parlent

mie s'appelle In- De là il paroit, qu'un Citoien ne devient pas infame par cela feul qu'on l'a accufé d'un me parlent Crime qui emporte infamie (4), ou qu'on le lui a reproché; mais feulement lors qu'il a les Jurifconful- été condamné en Juftice, ou qu'il a lui-même avoué le fait. Et il eft cenfé l'avouer (s), tes Romains, In- lors qu'il traite avec l'Accufateur, pour l'obliger à défifter de fes pourfuites; à moins qu'il geft. L. XXXVII. n'ait dequoi faire voir, que ce n'eft pas parce qu'il fe fentoit coupable, qu'il en eft venu Tit. XV. De obfe- à un accommodement, mais parce qu'il avoit de bonnes raifons d'appréhender, que, malpatronis praf gré toute fon innocence, il ne (e) fuccombât aux chicanes de fa Partie, & à l'iniquité du

famia re ipfa. Di

quiis parentibus

tandis, Leg. II.
(d) Comme chez
les Apalachites,
où l'on reproche
fimplement aux
Voleurs leurs
larcins; ce qui

les fait retirer
dans des déferts.
Rochefort, Defcr.
Antill. Part. II.
Cap. VIII.

(e) Voiez Ifocrat. atv. Callimach. vers le commencement; p. 641. Ed. Parif.

S. VII. (1) Cela paroit par cette Loi, où l'on trouve aufli la definition de l'Honneur, ou de l'Eftime Civile. Exiftimatio eft dignitatis inlafa ftatus, legibus ac moribus comprobatus, qui ex delicto noftro AUCTORITATE LEGUM aut minuitur, aut confumitur. Digeft. Lib. L. Tit. XIII. De extraord. cognition. &c. Leg. V. §. 1.

(2) Hoc Edicto continentur etiam alii omnes, qui EDICTO PRETORIS, ut infames, notantur. Digest. Lib. III. Tit. I. De poftulando, Leg. 1. §. 8.

(3) C'eft ainfi que les reproches & les réprimandes qu'un Pere fait par fon Teftament à quelcun de fes Fils, n'emportent infamie que dans l'efprit des honnêtes gens. Ea que pater teftamento fuo filios increpans fcripfit, infames quidem filios JURE non faciunt, fed APUD BONOS ET GRAVES opinionem ejus, qui patri difplicuit, enerant. Cod. Lib. II. Tit. XII. Ex quibus caufis infamia irrogatur, Leg. XIII. Voiez Lib. IX. Tit. IX. Ad Leg. Jul, de adulter, &c. Leg. XXV. & Digeft. Lib. III. Tit. II.

De his qui notantur infamia, Leg. XX.

Tri

(4) La raison en eft claire: c'eft que, comme le difoit un ancien Poëte, chacun a dans fon propre cœur de quoi s'empêcher de commettre des fautes; au lion que ter foupçons font dans le cœur d'autrui.

Ne admirtam culpam, ego meo fum promus pettori:
Sufpicio eft in pectore alieno fita.

Plaut. in Trinumm. A&t. I. Scen. II. verf. 44, 45.
C'eft le fondement de la réponse de Jalien à l'Orateur
Delphidius, qui s'écrioit: Qui fera innocent, s'il fuffit de
nier? Mais, dit l'autre, qui fera innocent, s'il fuffit d'ac
cufer? Ecquis nocens poterit effe ufquam, fi negare fuffece
rit?..... Ecquis innocens effe poterit, fi accufaffe fuf-
cjet? Amm. Marcellin. Lib. XVIII.

(s) Quoniam intelligitur confiteri crimen, qui pacifcitur. Digeft. Lib. III. Tit. II. De his qui notantur infamia, Leg. V.

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