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XX. §. 35.

monde, que la Nature a rendue la plus facile à l'homme. Pour ce qui eft des Vices qui ont paffe en coûtume, s'il faut ainfi dire, dans un Païs, (car nous avons parlé ailleurs de l'habitude que chacun contracte en fon particulier) quoi que cela même qu'ils font communs diminue quelque chofe de la faute, ou de l'énormité du fait en lui-même; elle demande (9) néanmoins à un autre égard une punition plus rigoureuse, qui foit capable (o) Lib. II. Cap. d'arrêter le cours de l'iniquité. Grotius (0) remarque là-deffus judicieufement, que, les Juges, dont la fonction eft de confidérer combien chaque Criminel eft coupable, doivent adoucir la Peine, lors que le Criminel a été entrainé par le torrent des mauvais exemples; parce que cela l'excufe en quelque maniére. Mais, quand il s'agit de faire des Loix, pour réprimer un abus ou un Vice qui a paffé en coûtume, cette raison engage à établir des Peines plus rigoureuses; parce que les Loix envifagent la Punition par rapport au bien général de la Société, plûtôt que par rapport à ce que mérite le Crime de tel ou tel Particulier. Cependant, lors qu'un Vice eft devenu fi commun, qu'on ne fauroit punir tous les Coupables, fans détruire l'Etat, ou fans faire du païs un défert; il vaut mieux alors que la Loi fe taife: car, felon la maxime d'un ancien Légiflateur, (10) il ne faut établir des Loix que pour ce qu'il eft poffible d'obtenir, fi l'on aime mieux faire un exemple utile du châtiment de quelque peu de perfonnes, que d'en punir un grand nombre fans aucun fruit. Enfin les befoins de l'Etat obligent quelquefois à relâcher de la févérité des Loix. Si, par exemple, dans le tems qu'il furvient une Guerre, un brave Capitaine a été condamné à mort; qui doute qu'alors on ne doive faire grace au Criminel, fi fon fervice eft néceffaire à l'Etat, & qu'on ne trouve pas affez d'autres Officiers auffi habiles que lui? C'est ainsi qu'après la fatale bataille de Cannes (11), le Dictateur Marc Junius Péra fit publier, qu'il déchargeroit de la peine & du paiement, tous ceux qui avoient commis quelque Crime digne de mort, ou qui étoient en prison pour Dettes; s'ils vouloient prendre parti dans les troupes qu'il levoit.

Quelle eft la jufte mesure des Peines?

(a) Voiez Aul. Gell. Lib. XX.

Cap. I. au fujet

de Lucius Vera

tius.

(b) Voiez Hobbes, de Cive, Cap. III.

S. 11.

§. XXIV. DE LA il paroit, à mon avis, que, dans les Tribunaux Civils, il n'y a point de Justice Vindicative, qui impofe à chaque Crime & à chaque Délit une certaine Peine invariablement déterminée par la Nature, & que l'on doive toûjours infliger néceffairement: mais que la véritable & jufte mesure des Peines, parmi les Hommes, c'est l'utilité publique, en vûe dequoi la Prudence du Gouvernement oblige à augmenter ou à diminuer la rigueur de la Punition, felon que l'un ou l'autre eft plus à propos pour arriver à ce but; en forte néanmoins que le degré des Peines eft fufceptible d'une grande étendue. La Punition (1) eft donc trop rigoureufe, lors que l'on a en main d'autres moiens plus doux pour obtenir les fins que l'on fe propofe en puniffant : & elle eft au contraire trop modérée (a), lors qu'elle n'a pas affez de force pour produire ces effets, c'eft-à-dire, pour réprimer la malice des Citoiens, & pour procurer la tranquillité & la fûreté intérieure de l'Etat, en un mot lors que les Méchans s'en moquent, bien loin de la redouter. Si le Légiflateur péche du prémier côté, il paffe avec raifon (b) pour cruel & inhumain. Mais lors qu'il péche de l'autre, il rend la Punition inutile, & lâche la bride aux Vices. Car les Homines pefant d'ordinaire comme dans une balance les avantages & les defavantages qui peuvent revenir d'une Action fur laquelle ils délibérent; fi le profit ou le plaifir qu'ils efpérent d'un Crime, l'emporte fur le dommage ou la douleur que leur caufera la Peine dont

(9) Nonnumquam evenit, ut aliquorum maleficiorum fupplicia exacerbentur, quotiens nimirum multis perfonis graffantibus exemplo opus fit. Digeft. Lib. XLVIII. Tit. XIX. De Pœnis, Leg. XVI. §. 10. Voiez Claudien, in Europ. Lib. II. verf. 11. & feqq. & Tacit. Annal. Lib. III. Cap. LIV. vers le commencement.

(το) Δεῖ ἢ πρὸς τὸ δύνατον γράφεις ἢ νόμον, εἰ βά λεται χρησίμως ὀλίγες ἀλλὰ μὲ πολλὲς ἀχρήσως κολά Cer. Solon apud Plutarch. in erus Vita, p. 90. A. Ed. Wech. Voiez ci-deffus, §. 17. Not. 8.

ils

(11) Ad ultimum prope defperata Reipublice auxilium, quum honefta utilibus cedunt, defcendit, edixitque: Qui capitalem fraudem aufi, quique pecunia judicari in vincu lis effent; qui eorum apud fe milites fierent, eas noxa pe cuniaque fefe exfolvi juffurum. Tit. Liv. Lib. XXIII. Cap. XIV. Voiez un mot de Fabrice, rapporté par Auin-Gelle, Lib. IV. Cap. VIII. & Grotius fur 1. Rois, II, 6.

§. XXIV. (1) Voiez les Effais de Montagne, Liv. L Chap. XI. pag. 309. Ed. de Paris, in fol. & Chap. XXVII. Pag. 515. §. XXV.

ils font menacez, il eft clair que la vûe de cette Punition n'eft pas un frein affez puiffant (c)Voiez Hobbes, pour les détourner du Vice (c).

de Cive, Cap. XIII. §.16. & Le

Princ. Juft. Decor. p. 200. Ed. in 12. Rich. Cum

fonnes.

S. 33.

§. XXV. AJOûTONS encore, que la même Peine ne faifant pas les mêmes (a) im- viath, C. XXVII. preffions fur toutes fortes de gens, & n'aiant pas par conféquent une égale force pour les Velthuysen, de détourner du Crime; on doit confidérer, & dans les Loix générales, & dans leur application aux Particuliers, la perfonne (1) même du Coupable, avec fon âge (2), fon fexe, berl. de Leg. Nat. fon état & fa condition, fes richeffes, fes forces, & autres femblables qualitez, qui ren- C. V. §. 39. dent la Peine plus ou moins fenfible. En effet, telle amende incommodera un homme La Peine doit pauvre, qui n'incommodera point un riche; & telle marque d'ignominie fera très-morti- être proportionfiante pour une perfonne d'un rang honorable, qui paffera pour une bagatelle dans l'ef- nee aux diverses impreffions prit d'un homme de baffe condition. Les Hommes ont beaucoup plus de force, que (3) les qu'elle fait fur Femmes, pour fubir un châtiment; les Hommes-faits, plus que les Enfans. Il ne s'enfuit differentes perpourtant pas de là, que, dans la Punition, on fuive les régles de la Proportion Géométri- (a) Voiez Grotius, que, ou, comme d'autres (b) s'expriment, de la Proportion Harmonique mais il n'y a Lib. II. Cap. XX. ici qu'une fimple comparaison entre le Crime, & la Peine, pour les égaler l'un à l'autre; (b) Bodin. de Reégalité qui demande que l'on aît égard à la condition Naturelle & Civile du Coupable, publ. Lib. VI. c'eft-à-dire, aux qualitez qui fervent à augmenter ou diminuer l'atrocité du fait, ou l'impreffion & le fentiment de la Peine: car lors qu'en vûe de quelque autre qualité, qui n'a nul rapport à aucune de ces deux chofes, on traite inégalement ceux qui ont mérité la même punition, c'eft une injufte acception des perfonnes, qui, comme le remarque (c) Grotius, fe trouve fouvent dans les Loix Romaines. Par exemple, lors (d) qu'un Ma- (c) vbi fuprà. ri avoit tué fa Femme furprise en flagrant délit, fi c'étoit un homme de baffe condition, XLVIII. Tit. VIII. (d) Digeft. Lib. on le condamnoit à un banniflement perpétuel; au lieu que fi c'étoit une perfonne diftin- Ad Leg. Corn. de guée, ou revêtue de quelque Dignité, on fe contentoit de le reléguer pour un tems: com- voiez aufli Edict. me fi l'affront qu'une Femme fait à fon Mari en accordant fes faveurs à un autre homme, Theodorici, Cap. n'étoit pas auffi fenfible au moindre Artifan, qu'au plus grand Seigneur ! & comme s'il XCI & Ziegler, n'étoit pas auffi fâcheux pour le prémier, que pour le dernier, de fe voir banni de fa fuprà.

Patrie.

Il faut remarquer enfin, qu'il y a des genres de Peines qui font accompagnez en certains Pais d'une ignominie toute particulière, comme (4) eft, par exemple, la corde, &c. Il y en a d'autres au contraire qui renferment quelque chofe d'honorable, comme l'Oftracifme

§. XXV. (1) Et omnino, ut in ceteris, ita hujufmodi caufis,,ex perfonarum conditione, & rerum qualitate, & diligenter funt eftimanda, ne quid aut durius, aut remiffius conftituatur, quam caufa poftulabir. Digeft. Lib. XLVII. Tit. IX. De incendio, ruina, &c. Leg. IV. §. I. Voiez auffi Leg. XII. §. L. & Tit. X. De injur. & famofis libellis, Leg. XLV. Tit. XI. De extraord. criminib. Leg. VI. Tit. XII. De fepulcro violato, Leg. XI. Tit. XIV. De abigeis, Leg. I. §. 3. Tit. XVII. De furib. balneariis, Leg. 1. Tit. XVIII. De effractorib. & expilator. Leg. I. §. 1. & Leg. II. Tit. XX. Stellionatus, Leg. III. §. 2. Tit. XXI. De termino moto, Leg. II. Lib. XLVIII. Tit. VIII. Ad Leg. Corn. de ficariis &c. Leg. III. §. 5. Leg. XVI. Tit. X. De Leg. Corn. de falfis &c. Leg. I. §. 13. Tit. XIX. De Penis, Leg. X. Leg. XVI. §. 3. Leg. XXVIII. Mais, dans la plupart de ces Loix, il y a une injufte acception des perfonnes, telle que nôtre Auteur la blâme un peu plus bas; comme on le verra d'abord, fi on prend la peine de les exa

miner.

(2) Sacrilegii pœnam debebit Proconful pro qualitate perSona, proque rei conditione, & temporis, & atatis, & fexus, vel feveriùs, vel clementiùs ftatuere. Digest. Lib. XLVIII. Tit. XIII. Ad Leg. Jul. peculatus &c. Leg. VI. princ. Voiez auffi Lib. IV. Tit. IV. De minoribus &c. Leg. XXXVII. §. 1. Lib. XLVIII. Tit. V. Ad Leg. Jul. de adult. Leg. XXXVIII. §. 24. Leg. XXXIX. §. 4. Tit. XIII,

Ad Leg. Jul. peculatus, Leg. V. §. 3. Lib. L. Tit. XVII.
De diverf. Reg. Jur Leg. CVIII. Voiez auffi Ad. Olearius,
Itin. Perf. Lib. III. Cap. VI.

(3) En Mauritanie pourtant (ajoûtoit nôtre Auteur)
on punit aujourd'hui plus feverement les femmes, qui
ont été debauchées, que les hommes avec qui elles ont
eû commerce; parce qu'on fuppofe que le plus fouvent
les femmes font elles-mêmes la caufe, par leur coquet-
terie & leurs maniéres libres, de l'amour dont les hom-
mes s'enflamment pour elles, & des entreprises des Ga-
lants.

(4) Voiez Homer. Odyss. Lib. XXII. verf. 465. & feqq. Euripid. in Helen. verf. 306. & feqq. Plin. Hift. Natur. Lib. II. Cap. LXIII. Dion. Chryfoft. Orat. XXII. ad Alexandrin. pag. 376. C. Ed. Morell. Au contraire parmi les Turcs, dans la famille des defcendans d'Ofman, on étrangle ceux que l'on veut faire mourir, pour ne pas arrofer, dit-on, la terre d'un fang fi illuftre. Selon les anciens Hébreux, ce fupplice, & celui d'être lapidé, paffoient pour plus honorables, que celui d'avoir la tête tranchée. Voiez Selden. de J. N. & G. Lib. VII. Cap. VI. Voiez d'autres exemples, Digeft. Lib. XLVIII. Tit. XIX. De Pœnis, Leg. XXVIII. §. 2. Leg. Burgund, Tit. X. Additament. I. Senec. de conftantia fapient. Cap. IV.

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Cap. ult.

ficar. Leg.1. §. 5.

fur Grotius, ubi

(e) Voiez Virg. que La Cerda.

En. X, 830. ibi- cime (5) parmi les anciens Athéniens. C'eft auffi une espece de confolation, que de mourir de la main d'une (e) perfonne diftinguée.

jours punir cha

Si l'on doit toû- §. XXVI. AU RESTE, il n'eft pas néceffaire, à mon avis, que, dans tous les Etats, que Crime de la on puniffe chaque Crime de la même maniére que cela étoit réglé par les Loix de Moife. même maniere Car le naturel de chaque Peuple, & les intérêts de chaque Etat, étant différens à bien qu'il l'etoit au- des égards, de ceux des Juifs; on eft obligé d'y accommoder les Peines, & l'on ne fauroit toujours fuivre en cela les Loix du Pentateuque, qui étoient purement Positives, & proportionnées aux befoins du Peuple, pour qui elles étoient faites.

trefois par les

Loix de Moife?

(a) Chap. IX. verf. 6.

(b) Voiez AntiLibanius, Pro

phon, Orat. XV.

gym. Loc. Com. mun, contra Homicid.

fur l'endroit de

On peut douter néanmoins, s'il ne faut pas prendre pour une régle univerfelle la Peine de l'Homicide, dont il eft parlé dans (a) la Genése: car les paroles de DIEU, telles que les rapporte l'Hiftorien facré, femblent regarder tout le Genre Humain; & il y a une raifon manifefte qui autorife à faire mourir les Meurtriers, c'eft que quand un Homme a été allez méchant pour en tuer un autre de propos délibéré (b), on ne fauroit déformais se croire fuffifamment à couvert de fes infultes, à moins qu'on ne lui ôte la vie, comme il en a dépouillé l'innocent. Cependant, fi, dans certaines circonstances, où le bien de l'Etat le demande, on ne punit pas de mort un Homicide (c), on ne fait par là, à mon (c)Voiez Grotius, avis, rien de contraire à la Loi, dont il s'agit, qui peut être entendue (d) avec cette la Genéfe, dont il restriction: car la détermination précise de toute Peine eft de Droit Pofitif & doit varier s'agit, & fur par conféquent felon les befoins de l'Etat. Quelques-uns foûtiennent même, que ce n'est (d) En fuivant pas tant une Loi, qu'une fimple menace que Dieu fait de punir les Meurtriers, ou par le même l'explica- moien des autres Hommes, ou par quelque (e) accident tragique (1), quand même ils Grotius, Lib. I. échapperoient à la vengeance des Tribunaux de la Terre. Et les Docteurs Juifs (f) ont Cap.II.5.5.Voicz crû que Dieu donnoit par là une fimple permiffion de punir l'Homicide du dernier fuppliSparf. ad Jus Fuf- ce, lors qu'on le jugeroit à propos. Je ne voudrois pourtant pas que l'on eût trop d'intin. ad Leg. Corn. dulgence pour les Meurtriers, & qu'on leur laillat la vie, fans de très-fortes raifons. Je n'approuverois pas non plus ce que l'on trouve dans une Conftitution des Rois de Pologne, où en établiffant une Peine légère pour les Gentilhommes qui ont tué quelcun, on s'ex() Voiez Selden. prime ainfi: Nous modérant la rigueur de la Loi Divine &c.

Matth. V, 40.

tion que donne

auffi fes Florum

de ficar. XXVIII, 4

de 7. N.& G.&c. Lib. IV. Cap. I.

Il ne faut pas oublier de dire ici un mot fur une question que l'on agite avec beaucoup & Philon, de Leg. de chaleur, favoir, s'il eft permis de punir de mort les Voleurs? Grotius (2) témoigne du Special. panchant pour la négative: mais plufieurs (3) Législateurs ont établi le contraire, & les

(5) Εἶναι γάρ τι καὶ κολάσεως [ἐξοςρακισμό] ἀξίωμα. Plutarch. in Nicia, pag. 530. E. Voiez aufli la Vie d'Alcibiade, pag. 197. B.

§. XXVI. (1) Ces paroles ne doivent même s'entendre que de ce qui arrive ordinairement. Voiez le Commentaire de' Mr. Le Clerc.

(2) Lib. II. Cap. I. §. 14. où il dit, que les Loix n'ont pas droit de punir de mort toutes fortes de Crimes, mais feulement ceux qui font affez atroces pour mériter que le Coupable foit retranché de la Société Humaine. Mais Grenovius remarque là-deffus judicieusement, que les fautes les plus légères en elles-mêmes peuvent devenir des Crimes dignes de mort, lors qu'elles regardent des chofes, dont il eft aife de s'abstenir, & que l'on a cû de bonnes raifons de defendre fur peine de la vie: car en ce cas-là, celui qui viole la Loi ne doit s'en prendre qu'à lui-même. C'eft là-deffus qu'eft fondée la rigueur de la Difcipline Militaire; & l'on voit que D1EU défendit à Adam & à Eve, fous peine de mort, de manger du fruit d'un certain Arbre, ce qui étoit une chofe d'elle-même fort indifférente.

(3) Voiez la Note fuivante. A Athénes, les Voleurs n'etoient condamnez qu'à rendre le double, fi la chofe derobée étoit encore en nature; ou dix fois autant, fi le Propriétaire ne pouvoit fe dédommager qu'en recevant la valeur: mais lors que le vol avoit été commis

Juifs

de nuit, ou dans quelque lieu des Exercices, ou dans le Port, ou fur le Marché, ou dans un Bain public; le Voleur étoit puni de mort fans remiffion. Voiez Demofth. Orat. adverf. Timocrat. & Ariftot. Problem. Sect. XXIX. Cap. XIV. Il eft vrai que d'autres Législateurs ont établi des Peines moins rigoureufes. On fait que le Droit Romain condamne les Voleurs pris fur le fait à la reftitution du quadruple ; & les autres à la reftitution du double. Voiez Inftitut. Lib. IV. Tit. I. De Obligationibus que ex delicto nafcuntur, §. 5. Juftinien défend même de couper aucun membre à un fimple Voleur, Novell. CXXXIV. Cap. XIII. quoi qu'il n'y ait d'ailleurs rien qui empê che, qu'on ne puniffe quelcun dans la partie même qui a fervi d'inftrument au Crime; comme plufieurs l'ont pratiqué. Voiez Elien, Var. Hift. Lib. XIII. Cap. XXIV. Lamprid. in Alexandr. Cap. XXVIII. Vulcat. Gallican, in Avid. Caff. Cap. IV. Cujacius, Obferv. Lib. VII. Cap. XIII. Mais Ant. Matthaus (de Crimin. Tit. de Furtis, Cap. II.) remarque judicieufement, que la raifon pourquoi l'Empereur Juftinien fit cette Ordonnance, ce fut qu'il confidera, que la mifére ou la fainéantife portent fa plupart des Voleurs à prendre le bien d'autrui: ainti il ne voulut pas qu'en leur coupant les mains on leur ôtât les inftrumens neceffaires pour fe corriger d'un tel Vice, mais plûtôt qu'on les obligeât à s'en fervir, en les faifant travailler par force.

(4) L'Em

N. & G.&c. Lib.

Fuifs (g) même l'ont pratiqué à l'égard des Profelytes de la Porte. J'avoue, qu'il y a des (g) Selden. de FJuges qui font trop promts à faire pendre les Voleurs, & qu'il vaudroit mieux quelquefois vii. C. VI. Voic pour le bien de l'Etat qu'on fe contentât (h) de condamner ces malheureux aux galéres, auffi Joseph. Arou à la brouette. Mais je fuis affûré que l'on peut légitimement décerner la Peine (4) de chaol. Jud. Lib. mort contre les Voleurs, lors qu'on a de bonnes raifons pour en ufer avec cette rigueur. (h) Voiez ci-defLes principes établis ci-deffus fuffifent pour réfoudre toutes les Objections (i) des partifans fus, du fentiment oppofé.

XVI. Cap. I.

fus,§.23.au commencement; & Thom. Morus, V

Furtis.

*
Talion.

§. 32.

I.

§. XXVII.*IL n'eft pas non plus toûjours néceffaire de fuivre la (1) Loi du Talion (a), ropia Lib. lout qui veut que l'on faffe fouffrir au Coupable le même mal qu'il a fait. Car 1. cela ne fau- d'Ant. Matthauts roit avoir (b) lieu à l'égard de plufieurs Crimes, tels que font, par exemple, l'Adultére, de Crim. Tit. de la Fornication, & les autres conjonctions illicites, le Crime de Léze-Majefté, la Médifance, les Injures, la Calomnie, l'Empoifonnement, les actes de Fauffaire, la Suppofition De la Loi du d'enfant de part ou d'autre, le fait de ceux qui procurent un Avortement, le (2) Plagiat, (a)Voiez Grotius, les Brigues, l'Incefte, le Sacrilege, l'éloignement des (3) bornes d'un voifin, la (4) vio- Lib. II. Cap. XX. lation des Sépulcres, le (5) Stellionat, la Prévarication, & autres actions femblables. Les (b) D'où il paLoix même qui ordonnent la Peine du Talion, ne l'étendent qu'aux injures ou au mal roit, que rem que la perfonne lézée a fouffert en fon corps. 2. De plus, quand même on pourroit fup- eut raifon d'abopofer un cas où la jufte mesure de la Peine fût de traiter le Coupable de la même maniére lir la coûtume qu'il a traité les autres, fans que d'ailleurs la condition ou l'état de la perfonne offenfée, un le lieu, le tems, la qualité, ou le motif de l'Action, & autres pareilles circonftances, femmes furpricontribuaffent en rien à augmenter ou diminuer l'énormité du fait; la Peine du Talion en adultere toute feule ne feroit pas affez convenable, ni bien proportionnée au Crime. Si un Pailan, Hift. Ecclefiaft. après

(4) L'Empereur Frideric II. fit une Loi, portant que quiconque voleroit la valeur de cinq fols (folidos) feroit pendu. Feudor. Lib. II. Tit. XXVII. §. 8. Charles-Quint ordonne la même chofe dans fes Conftitut. Crimin. quoi que le prix de l'argent eût baiffé depuis Frideric II.

§. XXVII. (1) Nôtre Auteur citoit ici plufieurs paflages, & faifoit confufement plufieurs Remarques hiftoriques, que je vais abréger, & mettre dans quelque ordre. On attribue, dit-il, cette opinion aux Pythagori ciens, qui definiffoient la Peine, par dvrimerovics, c'eftà-dire, lors que l'on fouffre la même chose que l'on avoit fait fouffrir. Voiez Ariftot. Ethic. Nicom. Lib. V. Cap. VIII. On appelloit auffi le Talion, droit de Rhadamanthe, à caufe du vers fuivant que l'on cite de ce Juge fe

vére:

Leg. VII. & Deut. XIX, 19. Jofeph. Ant. Jud. Lib. IV.
Cap. VIII. Diodor. Sicul. Lib. I. Cap. LXXVII. Mais,
quoi qu'il n'y ait rien d'injufte dans une telle fentence,
les Calomniateurs, par exemple, ne pouvant jamais
être trop févérement punis (Voiez Ifocrat. de Permuta-
tione, pag. 540, 541. Plin. Panegyr. Cap. XXXV. num. 3.
Quintilian. Declam. XI. & CCCXXXI. Conftitut. Sicul.
Lib. II. Cap. XIV.); ces Loix renferment quelque chofe
de plus que la Peine du Talion, puis qu'elles puniffent
un Crime qui n'eft que commencé, comme s'il avoit eu
fon plein & entier effet: de même que, par la Loi divi-
ne de Moife, un Mari, qui avoit diffame fa Femme fans
fujet, étoit puni de la même maniére, que celui qui
avoit debauché une fille. Voiez Deuter. XXII, 19, 29. Les
Loix des XII. Tables decernoient la Peine du Talion
contre ceux qui avoient eftropie quelcun; mais ce n'é-
toit qu'au cas qu'ils ne vouluffent pas s'accommoder
avec la perfonne lézée, ou qu'ils n'euffent pas dequoi
paier l'amende. SI MEMBRUM RUPIT, NI CUM
EO PACIT, TALIO ESTO. Voiez Aul. Gell. Not.
Attic. Lib. XX. Cap. I. Dans la fuite même le Talion
fut entierement aboli à Rome, comme il paroit par les
Inftitutes, Lib. IV. Tit. IV. De Injuriis, Leg. VII. Voiez
Ant. Matth. de Crim. Tit. de Injuriis, Cap. II. §. 3. Voiez
auffi la Loi de Charondas, dans Diodore de Sicile, Lib. XII.
Cap. XVII. & Ariftot. Rhetor. Lib. I. Cap. VII. in fin. Pe-
trus Tholofan. Syntagm. Lib. XXXI. Cap. X.

Εικε πάθει τὰ κ' ἔριξε, δίκη κ' ἐθεῖα γενοῖτο. Ariftot. ibid. Voiez la même penfée dans Ovid. de Arte amandi, Lib. I. v. 655,656. Polyb. Excerpt. Peirefc. Lib.XII. Quintilian. Declam. XI. p. 154. Senec. Lib. V. Controv, Præfat. pag. 276. A l'egard de la Loi du Pentateuque, Oeuil pour auit, & dent pour dent, (Exod. XXI, 23. Levit. XXIV, 20.) la plupart des Docteurs Juifs reconnoiffent que l'on pouvoit fe racheter de la Peine du Talion par une amende ; & l'on a remarqué, que c'étoit une façon de parler proverbiale, dont le fens fe réduit à ceci, que la Peine en général doit être proportionnée à Pénormité du Crime. Voiez Jofeph. Antiq. Jud. Lib. IV. Cap. VIII. Bodin. de Republ. Lib. VI. Conftantin. L'Empereur, in Baba-Kama, Cap. VIII. §. 1. [& le Comment. de Mr. Le Clerc fur Exod. XXI, 24.] On allegue auffi quelques Loix qui condamnent les Calomniateurs, & ceux qui ont voulu faire du mal à leur prochain de quelque autre maniere, à éprouver le même traitement qu'ils fe propofoient de lui faire, ou la même punition qu'ils avoient tâche d'attirer fur lui. Quifquis crimen intendit, non impunitam fore noverit licentiam mentiendi: cùm calumniantes ad vindiétam pofcat fupplicii fimilitudo. Cod. Lib. IX. Tit. XLVI. De Calumniatoribus, Leg. X. Voiez aulfi Tit. II. De accufationibus, & infcriptionibus, Leg. fin. XVII. Tit. XII. Ad Leg. Jul. de vi publica, vel privata,

(2) Plagium. C'etoit lors que l'on prenoit par force ou que l'on achetoit pour Efclave une perfonne que l'on favoit être libre, ou lors que l'on s'approprioit ou que l'on retenoit de mauvaife foi un Efclave d'autrui. Voiez Digeft. Lib. XLVIII. Tit. XV. De Lege Fabia de Plagia

riis.

(3) Voiez Digeft. Lib. XLVII. Tit. XXI. de termino

moto.

(4) Voiez Digeft. Lib. XLVII. Tit. XII. De fepulchro

violato,

(s) Voiez ci-deffus, Liv. III. Chap. VII. §. 11. à la

(6) Arif

pereur Theodofe,

d'enfermer dans

fes adultere.

Voiez Socrat.

Lib. V. C. XVIII

XX. §. 32.

après avoir donné un foufflet à un autre Paifan dans une maifon particuliére, doit en recevoir autant de l'Offenfé, celui ci pourra-t-il fi bien mefurer fon coup, qu'il applique un (c) Voiez Lex foufflet ni plus ni moins rude que celui qu'il a reçû (c) ? Que fi l'exécution doit le faire Wifigoth. Lib. VI. Tit. IV. Cap. III. par un tiers, comment pourra-t-il favoir avec quelle force le foufflet a été donné, pour frapper juftement de la même maniére? 3. Il y a plufieurs Délits, par rapport auxquels la Peine du Talion feroit trop rigoureufe, à la prendre tout crûment, fans avoir égard à la différence des perfonnes, & fans diftinguer s'il y a eû de la malice, ou fimplement de l'imprudence, dans le fait dont il s'agit. (6) Suppofons, par exemple, qu'un homme d'une Famille honnête ait donné un foufflet à un portefaix, pour qui c'eft un léger affront; ne feroit-il pas trop dur de permettre au portefaix de lui rendre le foufflet? Si en donnant un foufflet à quelcun on lui crevoit l'œil fans y penfer avec une bague, que l'on a au doigt, dont le diamant eft taillé en pointe; ne feroit-il pas trop dur d'être condamné à avoir un ail crevé? 4. Enfin, la Peine du Talion feroit trop légére pour certains Crimes, foit à caufe de la difproportion de la condition de l'Offenfeur, & de celle de l'Offensé; soit à (d) Lib. II. Cap. caufe de la différence des lieux, des tems, & d'autres circonftances. Grotius (d) allégue auffi de bonnes raifons pour faire voir en général, que la Loi du Talion ne fauroit être obfervée à la rigueur & dans toute fon étendue. Il n'eft pas juste, dit-il, que celui qui a fait du mal à autrui de propos délibéré, & fans y être pouffe par quelque raison qui diminue (e)Voiez Apocal. confidérablement l'énormité du Delit, ne souffre (e) qu'autant de mal qu'il en a causé...... XVIII, 6. Strab. En effet, il eft contre l'Equité Naturelle, que le Coupable n'ait pas plus à craindre que l'Innocent; & ce ne feroit pas pourvoir fuffifamment à la fûreté des Hommes, que d'établir des Loix qui laiffaffent les Gens-de-bien expofez à des infultes plus fâcheufes, que les Peines dont on menace les Méchans, qui d'ailleurs trouvent quelque avantage dans l'efpérance qu'ils ont ou de n'être pas découverts, ou de prendre la fuite, ou d'échapper par quelque autre voie à la févérité de la Justice. Ajoutez à cela, qu'il y a des Crimes, dont on punit l'exécution imparfaite auffi rigoureusement que l'exécution pleine & entiére; comme cela fe voit dans la Loi des Juifs an fujet (f) des Faux-témoins, & dans celle des Romains (7) contre ceux que l'on a vu aller armez à deffein de tuer quelcun. Or un Crime achevé mérite fans contredit une plus grande punition, que celui qui n'est que commencé. Cependant, comme il n'y a point de plus grande Peine que la Mort, & qu'on ne fauroit la faire fouffrir plus d'une fois, on en demeure là néceffairement, avec cette différence qu'on y ajoute quelquefois de cruels tourmens, felon l'atrocité du Crime, ou quelque ignominie dont on flêtrit ou le patient même, ou fon cadavre & fa mémoire.

Lib. XV. Diog.
Laert. in Solon.

(f) Deut. XIX,19. Voiez auffi Exod.

XXII, 9. & Edict.

Regis Theodoric.
Cap. XIII. & L.

Comment on

ou une Cominu

§. I.

§. XXVIII. VOILA pour ce qui regarde les Peines que l'on inflige à un Coupable, en punit un corps, vue de quelque Crime dont il eft l'Auteur propre & unique. Mais les Tribunaux Humains nauté ? puniffent auffi quelquefois certaines perfonnes à caufe d'un Crime qui a été commis par (a) Voiez Grotius, d'autres. Sur quoi il eft certain d'abord (a), que ceux qui font véritablement complices Lib.II. Cap.XXI. des Crimes de quelcun, de la maniére (b) que nous l'avons expliqué ailleurs, peuvent (b) Voiez Liv. I. être punis à proportion de la part qu'ils y ont; puis qu'en ce cas-là ils fouffrent au fond Chap. V. S. 14. pour leur Crime propre, plûtôt que pour le Crime d'autrui. Mais parmi les Hommes, il 5.4, 5. & Facob. y a cette différence entre la Peine, & la réparation du Dommage, que les Juges condamnent plus aisément à la derniére toute feule, qu'à l'une & à l'autre en même tems; l'im prudence, ou la légéreté de la faute, fourniffant une excufe plus valable pour obliger à relâcher la Peine, que pour difpenfer de réparer le Dommage (c).

Liv. III. Chap. I.

Godofred. difc. ad
Cod. Lib. IX. Tit.

VIII. Ad Leg.
Jul. Majeftatis,

Leg. V. Cap. IX.
& X.

(6) Ariftote fe fert de cette preuve, & d'un exemple tout femblable, pour faire voir que la Loi du Talion ne E-fauroit être toûjours pratiquée. Пxx diapoves

(c) Voiez la Loi de Thom. Randulfe, Vice-Roi d'

coffe, rapportée par Buchanan, Lib. IX.

[τῷ δικαίῳ τὸ ἀντιπεπονθὸς]· οἷον εἰ ἀρχὴν ἔχων ἐπάταξεν,
ὰ δεῖ ἀντιπληγῆναι καὶ εἰ ἄρχοντα ἐπάταξεν, ο πληγῆναι
μόνον δεῖ, ἀλλὰ καὶ κολασθῆναι. ἔτι τὸ ἑκέσιον καὶ τὸ ἀκό
στον διαφέρει πολύ. Le Talion ne s'accorde pas fouvent
,, avec la Justice. Si un Magiftrat, par exemple, a bat-
tu quelcun, celui-ci ne doit pas le battre à son tour.

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Si au contraire quelcun a battu un Magiftrat, il doit ,, non feulement être battu à fon tour, mais encore être

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