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l'on vient de di

truit par les Ob

min. ad Lib.

quelque condition qu'ils foient; lors que la raifon particulière ceffe en un certain cas, comme quand celui qui les a violées eft fi riche, que les dépenfes fuperflues ne l'incommodent en aucune manière, cela fait (4) qu'on peut lui pardonner plus aifément, & fans porter un grand préjudice à l'autorité des Loix. Une autre chofe qui engage auffi fortement à faire grace, c'eft lors que le Crime a été commis par une ignorance, qui n'eft pas à la vérité. entiérement excufable, mais qui vient de pure négligence, comme quand le LégiflaDiod. Sic. Lib. teur (f) Charondas s'en alla, fans y penfer, avec l'épée au côté, à l'Affemblée Publique, XII. Cap. XIX. Voiez auffi Lib. contre une Loi qu'il avoit lui-même établie; ou lors que le Coupable a péché par l'effet XIII. C. XXXIII. d'une foibleffe d'efprit, qu'il lui eft bien difficile de furmonter (g). Enfin, comme l'utilité (g) Tout ce que de l'Etat eft la vraie mefure des Peines que les Tribunaux Humains décernent; elle dere n'eft point de- mande auffi fouvent que l'on faffe grace, à caufe du grand nombre des Coupables. Car, jections qu'etale quoi que ce ne foit pas une excufe (5) valable, d'avoir des complices ou des compagnons au long Ant. de fes Crimes; la Prudence du Gouvernement veut que l'on prenne garde de ne pas exerMatthaus, de Cri- cer d'une manière qui détruife l'Etat (6), la Juftice qui a été établie pour la confervation XLVIII. Dig.Tit. de la Société Humaine; de forte qu'un (7)bon Prince doit réprimer les Vices par la crainte des Peines, & ne punir pourtant que le moins qu'il eft poffible. La néceffité oblige auffi fou vent à adoucir des Loix un peu trop dures, ou à les laiffer même abolir entiérement. C'est ainfi que l'on propofa dans le Sénat Romain (8) d'apporter quelque modération à la Loi Papia Poppéa, établie par Augufte en fa vieilleffe, enfuite des réglemens faits autrefois par Céfat, pour inviter les hommes au Mariage par la peine du Célibat, & accroître les revenus de la République. Car, malgré toutes ces Ordonnances, le Célibat étoit préféré comme plus avantageux, & nul ne fe foucioit d'avoir des enfans. Le danger même croiffoit tous les jours, par l'adreffe des Délateurs, favans à interpréter la Loi, pour la ruine des FamilCette Loi donnoit au Peuple Romain, comme au Pére commun, les legs qu'on faifoit à ceux qui n'avoient point d'enfans. Mais cela alloit plus avant, & troubloit toute 'Italie & les Provinces; plufieurs Familles en étoient ruinées, & tout le monde épouvanté. L'Empereur Tibére, qui fit adoucir cette Loi, avec plufieurs autres, dit ailleurs une chofe qui mérite auffi d'être remarquée. Les Ediles aiant repréfenté la néceffité qu'il y avoit de faire obferver avec foin les Loix Somptuaires, le Sénat remit l'affaire à la prudence de l'Empereur, qui répondit, entr'autres chofes, les paroles fuivantes (9): Si les Ėdiles m'euf

XIX. Cap. V.

les.

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(4) Cela eft bon pour le Souverain: mais (ajoûtoit enfuite notre Auteur) les Juges fubalternes, ou autres Miniftres, qui dépendent d'un Maître rude, courent grand rifque de s'attirer de fâcheufes affaires, fi, de Icur pure autorité, ils fufpendent l'exécution des Loix, ou des ordres dont ils font chargez, lors même que la raifon particuliére vient à ceffer. Ainfi, quoi que Cambyfe für bien aife de voir Crafus en vie, il ne laiffa pas de faire mourir ceux qui la lui avoient fauvée, contre les ordres qu'il leur avoit donnez. Herodot. Lib. III. pag. 112. Ed. H. Steph. Voiez ce que l'on a dit ci-defius, Liv. V. Chap. IV. §. 5.

7

(5) Qua fit auctoritas ejus, qui fe alterius facto, non fuo defendat? Cicer. Orat. in Vatin. Cap. VI. pag. 243. Ed. Grav. Voiez là-deilus les paffages alléguez par le P. Abraham. Εἰ γὰ τὸ δὲ ἀδικημάτων 8 ῥᾴδιον εὑρεῖν, ὃ μήπω τυγχάνει γεγενη ωον, της δ' ἐφ' ἑκέσοις αὐτῶν ἁλισκομέν της μηδεν αγοίμεθα δεινὸν ποιεῖν, ὅτ ̓ ἂν ἕτεροι ταυτὰ φαίν νώνται διαπεπραγμα πως ἐκ ἂν καὶ τὰς ἀπολογίας 2πασι ῥᾳδίας ποιήσαιμεν, καὶ τοῖς βελομδύοις είναι πονηροίς πολλὴν ἐξεσίαν κατασκευάσαιμεν ; ,, Comme il eft dificile de s'imaginer quelque Crime, qui n'aît jamais ,, ete commis; fi tous ceux qui font avérez, paffoient pour legers, du moment qu'on en voit d'autres exem,, ples, il n'y auroit perfonne qui ne trouvât aisement dequoi s'excufer, & cela ouvriroit une large porte à la licence. Ifocrat. in Bufirid. land. pag. 397.

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33

(6) C'eft für quoi Senéque allégué l'exemple d'une

fent

Armée, qui s'eft révoltée toute entiére contre fon Gé-
néral, car alors il faut néceffairement pardonner. In
fingulos feveritas Imperatoris diftringitur: at neceffaria ve-
wia eft, ubi torus deferuit Exercitus. Quid tollit iram Sa-
pientis? turba peccantium. Intelligit quam & iniquum fit,
&periculofum, irafci publico vitio. De Ita, Lib. II. Cap. X.
Voiez Lucain, Pharfal. Lib. II. verf. 141. & feqq. 198.
feqq. & Claudien, de Bell. Getic. verf. 120. & feqq. &
Grotius, Lib. III. Cap. XI. §. 17.

(7) C'est l'éloge qu'ovide donnoit à Augufte:
Multa meru pena, pœnâ qui pauca coërcet,
Er jacit invita fulmina rara manu.
De Ponto, Lib. I. Epift. II. v. 127, 128.

(8) Relatum deinde de moderanda Papiâ Poppæâ, quam fenior Auguftus, poft Julias rogationes, incitandis calibum panis, & augendo arario fanxerat: nec idem conjugia & educationes liberum frequentabantur, prævalida orbitate. Ceterùm multitudo periclitantium glifcebat, cùm omnis demus delatorum interpretationibus fubverterentur..... velut parens omnium Populus vacantia teneret. fed altiùs penetra bant; urbemque, & Italiam, & quod ufquam Civium, cor ripuerant ; multorumque excift ftatus : & terror omnibus intentabatur. Tacit. Annal. Lib. III. Cap. XXV. XXVIII. J'ai fuivi la verfion d'Ablancourt, dans ce paffage, auth bien que dans le fuivant.

(9) Quod fi mecum ante viri ftrenui Ædiles confilium habuiffent; nefcio an fuafurus fuerim omittere potius prava lida & adulta vitia, quàm boc adfequi, ui palain fieret qur

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fent communiqué leur deffein avant que de l'entreprendre, je ne fai fi je ne leur enffe point confeillé de laiffer des vices envieillis, & où nous sommes accoutumez, plutôt que de tenter une réformation inutile, pour faire connoître notre bonte & notre impuiffance. nous faut contenter de les reprendre; les riches à la fin fe lafferont du luxe & de la dépenfe, & la honte ou la pauvreté laffera les autres. En effet, l'Homme n'eft pas fait pour les Peines, mais les Peines font faites pour l'Homme. Si donc les chofes fe trouvent dans une telle fituation, que ceux qui ont droit de punir, ne puiffent le faire fans fe perdre euxmêmes, ils ne font pas plus obligez alors d'ufer du Glaive de la Juftice, que de détruire leur propre vie. Lors qu'on eft fur mer, fi le Pilote a commis quelque Crime, & qu'il n'y ait fur le Vaiffeau aucune autre perfonne capable de le conduire; ce feroit vouloir perdre tous ceux du Vaiffeau, que de punir le Pilote. De même le Magiftrat doit diffimuler bien (h)Voiez11.Pierdes chofes, lors qu'en voulant en prendre connoiffance il expoferoit l'Etat à périr, & lors re, 11, 15. & H. que ceux qui font entâchez de certains Vices fe trouvent néceffaires pour la confervation Etienne, Apol. de l'Etat; quoi que d'ailleurs il ne puifle jamais tranfiger directement de ces fortes de cho- XVIII. Th. Mofes, ni faire (h) une espece de trafic des Crimes qu'il permet, ou qu'il ne punit pas.

pour Herod. Cap.

Tus, Urop. Lib. II.

Crime I. Par fon

§. XVIII. VOIONS maintenant de quelle maniére on doit punir, pour garder une jufte On juge de la proportion entre la Peine & le Crime. Sur quoi, outre ce que nous avons déja dit (a) ail- grandeur d'un leurs touchant la Quantité des Actions Morales, il faut remarquer d'abord, que dans les objet. 11. Par le Tribunaux Humains on juge de la grandeur des Crimes & des Délits, ou par leur objet; préjudice qui en ou par le préjudice qui en revient à l'Etat; ou par l'intention & la malice du Corpable, (a) Liv. 1. Chap. laquelle fe conjecture de diverfes circonftances.

revient à l'Etat.

VIII.

Selon que l'objet eft plus ou moins noble, c'eft-à-dire, felon que les perfonnes offenfées font plus ou moins confidérables, l'Action eft auffi plus ou moins criminelle. Ainsi, DIEU étant le plus excellent de tous les Etres, les Crimes qui tendent directement à outrager fa Majefté infinie, paffent avec raison pour les plus énormes & les plus abominables. Mais il faut remarquer, que, comme le Culte de cet Etre Souverain confifte principalement dans certains fentimens de l'Esprit & du Cœur, qui doivent régler invariablement toute la conduite de nôtre vie; il confent lui-même que les actes du Culte extérieur qu'on lui rend, cédent, dans un (b) befoin preffant, à ce qui eft néceflaire pour procurer aux Hommes (b) Voiez Luc, une grande utilité, ou pour éviter quelque dommage & quelque perte confidérable. Après les Crimes qui offenfent la Majefté divine, viennent immédiatement ceux qui intéreflent la Société Humaine en général: puis ceux qui troublent l'ordre de la Société Civile, enfin ceux qui regardent les Particuliers.

XIV, 5.

$.30.

A l'égard des derniers (1), ils font plus ou moins atroces felon que le Bien, dont ils dépouillent, eft plus ou moins confidérable (c). Or, dans les Tribunaux Civils, on met (c)Voiez Grotius, au prémier rang la Vie, qui eft le fondement de tous les Biens temporels: enfuite lés Mem- Lib. II. Cap. XX. bres, fans l'ufage defquels on ne peut que mener une vie très-miférable, & dont la perte eft plus ou moins fenfible, felon l'ufage auquel ils fervent: puis la tranquillité & l'honneur des Familles, dont le fondement eft la chasteté (d) du Mariage: après cela les chofes qui fervent aux néceffitez ou aux commoditez de la vie, & qui peuvent être malicieufement détruites, endommagées, ou dérobées, d'une manière ou directe, ou indirecte enfin l'Honneur ou la Réputation.

(d) Philon Juif met pourtant la dultere, avant

defenfe de l'A

celle de l'Homi. cide; de Decalog.

ceux & de special. Le

Dans chacune de ces fortes de Crimes ceux qui ont atteint leur but vont devant qui ne font exécutez qu'en partie; & plus l'exécution a été pouflée loin, plus le Crime gib.

quibus flagitiis impares effemus.....reliquis intra animum medendum eft: nos, pudor; pauperes, neceffitas; divites, fatias in melius muter. Tacit. Annal. Lib. III. Cap. LIV.

§. XVIII. (1) L'Auteur, en abregeant à là hâte ce qu'il avoit dit dans fes Elemens de Jurifpr. Univerf. pag. 327, 328. S'exprimoit ici d'une maniere fi peu exacte, qu'a fuivre fes termes & la liaifon de fon difcours, il faudroit mettre au rang des Crimes, la vie, & les mem

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(c) Th. Morus,

Utop. Lib. II.

Voiez plus bás, §. 27. à la fin.

III. Par le degré de malice, qui fe

fent au Crime.

§. 29.

que

imparfait paffe pour énorme. Sur quoi il faut remarquer, que naturellement le fimple défir ou le fimple deffein de commettre un Crime ne peut pas être regardé fur le même pied l'exécution pleine & entiére. Car lors qu'on envifage le Crime encore de loin, pour ainfi dire, par la fimple pensée, l'idée n'en paroit pas, à beaucoup près, fi affreuse que quand il fe montre de près, au moment qu'on eft fur le point de l'exécuter; & par conféquent il faut ici une plus forte réfolution, & un plus grand fond de malice, pour furmonter l'horreur du Crime, & la réfiftance des lumiéres de la Raifon. Lors donc qu'on dit, que la volonté eft auffi criminelle que l'effet, cela doit s'entendre d'une volonté accompagnée des derniers efforts, en forte qu'il ne falloit plus de nouvel acte de la part de l'Agent pour produire l'effet, quoi que l'événement n'ait pas répondu à fes défirs; comme (e) quand on a emploié inutilement toutes fortes de follicitations & fait tout fon poffible pour débaucher une femme, ou lors qu'en tirant contre quelcun on manque fon coup (f).

La plupart des Maux que l'on caufe à autrui par un Crime ou un Délit, rendent auffi leur Auteur plus ou moins coupable, felon l'état de celui qui les fouffre, l'âge, les circonftances & la néceffité où il fe trouve, l'inclination ou l'averfion particulière qu'il a pour certaines choses.

On a encore égard non feulement aux Maux qui fuivent directement & immédiatement d'une Action criminelle, mais encore aux fuites fâcheufes, qui pouvoient être vraisemblablement prévues. Ainfi quand il s'agit d'un Criminel accufé d'avoir mis le feu quelque part, ou lâché une digue, on doit confidérer les grandes pertes & la mort même d'une infinité de perfonnes qui fe trouvent enveloppées dans ces triftes accidens; & de là vient que, dans la Chine, on fait mourir ceux-là même qui ont mis le feu fans y penfer.

§. XIX. ENFIN, le degré de malice fe déduit de diverfes circonftances, & 1. Des modeduit 1. Des tifs qui portent les Hommes au Crime (a). Je ne fai s'il y a aucun Homme (1) qui foit Mémotifs, qui pouf- chant par pure malice, & fans être pouflé au Crime par la vûe de quelque plaifir, ou de (a) Voiez Grotius, quelque intérêt. Les plus fcélérats (2) ou nient leur Crime, ou tâchent de défendre leur Lib. II. Cap. XX. action en cherchant quelque prétexte pour faire voir qu'ils ont en un jufte fujet de reffentiment & de colére, ou en fe couvrant de quelcun des droits que la Nature même donne. Mais fuppofé qu'il fe trouve quelcun qui fe plaife à mal-faire (3) uniquement pour mal-faire, c'est un cas tout extraordinaire, & le fouverain degré de la malice humaine. La plupart des Hommes font entrainez au Crime par les Paffions, dont les unes s'excitent en eux par la vûe du Bien, & les autres par la vûe du Mal. Les derniéres fervent beaucoup à excufer ou à diminuer la faute, lors que le Mal, dont on fe voioit menacé, étoit préfent, ou fur le point d'arriver. C'eft pourquoi les Mauvaises Actions, auxquelles on fe porte par la crainte de la mort, ou de la prison, ou de quelque grande douleur, ou d'une extrêine difette, font celles qui paflent ordinairement pour les plus excufables. Selon le jugement d'un fage Juif, un homme qui commet (4) adultére eft plus coupable, qu'un autre que la néceffité porte à voler. Par la même raifon un tel Larcin eft moins criminel, que celui d'une perfonne qui dérobe pour avoir dequoi fatisfaire à fon avarice & à une avidité infatiable de chofes fuperflues. Un homme qui fe parjure pour éviter la mort, ne fait pas tant de mal que s'il nioit un Dépôt, pour s'enrichir en le retenant. Les défordres que l'on (b) Libanius, De- commet (b) dans un mouvement de Colére, font plus excufables, que ceux où l'Amour

ciam. XXIII. Voiez plus bas, §. 21. Not. 4.

§. XIX. (1) Nec quisquam tantum à Naturali Lege defcivit,&hominem exuit, ut animi caussà malus fit. Senec. de Benefic. Lib.IV.C.XVII. Omnes enim cùm minima peccata cum caufa fufcipiunt, tum vero illa qua multò maxima funt maleficia, aliquo certo emolumento ducti fufcipere conantur. Auctor ad Herennium, Lib. II. Cap. XIX.

(2) Quorum [impiorum] tamen nemo tam audax unquam fuit, quin aut abnueret à fe commiffum effe facinus, aut jufti fui doloris caufam aliquam fingeret, defenfionemque facinoris à natura jure aliquo quareret. Cicer. de Legib. Lib. I. Cap. XIV.

en.

(3) Nonnumquam incredibiliter peccare, ratio peccandi eft. Calpurn. Flaccus, Declam. II. princip.

(4) Selon l'Auteur de la Rhétorique dédiée à Hérennis, un Sacrilege, auquel on a été pouffé par la néceffité, eft moins criminel, que de debaucher une perfonne libre. Quafi cum dicamus, majus effe maleficium ftuprare ingenuam, (ou, comme portent quelques Mff. ingenuum) quam facrum legere. Lib. II. Cap. XXX. vers la fin. Voiez plus bas, §. 21. à la fin. & Valer. Max. Lib. VIII. Cap. I. in fin.

(s) Cer

engage. Ces infames Entremetteurs ou Entremetteufes qui, pour un gain fordide, fourniffent à la Jeuneffe des occafions de débauche (5), méritent une punition plus rigoureufe, que ceux qui se fervent de leur négociation pour fatisfaire leurs défirs.

Les autres Paffions fe propofent quelque Bien, ou réel, ou imaginaire. Il y a des Biens Réels qui font d'une nature à ne porter jamais au Crime; je veux dire, les Vertus, & les Actions qu'elles produifent. Les autres font à la vérité en eux-mêmes de vrais Biens; mais, par un effet de la difpofition de celui qui les poffède, ils donnent fouvent occafion à quelPéché. Ces derniers Biens font de deux fortes: les uns Agréables, c'est-à-dire, qui caufent du plaifir; les autres Utiles, ou qui fervent à aquérir les Agréables. Les fautes commifes en vue des uns ou des autres, font d'autant plus légères, que le Bien qu'on recherchoit eft plus conforme à la Nature, ou (6) qu'il eft plus difficile de s'en paffer.

que

Pour les Biens Imaginaires, tels que font, par exemple, la vaine gloire, ou le défir de fe diftinguer, & de s'élever au deffus des autres, indépendamment de la Vertu & de l'Utilité; comme auffi la Vengeance, qui ne fe propofe autre chofe que de rendre mal pour mal, & injure pour injure: c'eft uniquement la fottife ou la malignité humaine qui leur donne tout leur prix. Plus ces fortes de Biens s'éloignent de la Nature, ou plus il eft aise de s'en paffer, & plus les Crimes auxquels on fe porte pour les aquérir, font vilains & odieux.

(c)Voiez Hobbery
Leviath. Cap.

XXVII. p. 143-
Edit. Amftel.

Il est certain encore que les Crimes commis par l'effet de quelque Erreur, font beaucoup plus énormes que ceux auxquels on s'abandonne avec une pleine connoiffance. Or les Erreurs (c) où l'on eft jetté par les Difcours des Docteurs Publics, font plus excufables que celles où l'on tombe par un attachement opiniâtre aux principes que l'on fe fait foimême, & à fes propres raifonnemens. Hobbes remarque (d) auffi avec raifon, que la même Action, également contraire aux (d) Ibid. p. 142. Loix, eft plus criminelle lors (e) qu'on la fait avec (7) une audace intrépide, par la con- (e)Voiez Ariftot fiance que l'on a en fes propres forces, & en fes richeffes, ou en celles de fes amis, à la Lib. 1. Cap. XII faveur defquelles on se croit en état de réfifter au Magiftrat; que quand on s'y porte dans l'efpérance de n'être pas découvert, ou de fe dérober par la fuite aux Peines que les Loix décernent. En effet, dans le prémier cas, on (f) témoigne de l'impudence, & un mé- (f) Voiez le mêpris infolent des Loix, qui ne paroit pas dans l'autre.

Enfin les fautes où l'on tombe par fragilité, ou par pure négligence (8), font plus criminelles, que celles où l'on fe porte par malice & de propos délibéré.

Rhetoric.

me Auteur, Lib II. Cap. III.

§. XX. 2. UNE autre chofe qui marque un deffein bien formé de commettre le Cri- a. Des raifons me, c'eft lors qu'outre les raifons générales, qui en doivent détourner tout le monde, il particulieres quê y en a quelcune de particuliére, fondée fur la perfonne même du Coupable, ou de celui ner du Crime.

(s) Cet exemple, comme chacun voit, eft mal placé ici. Il falloit le rapporter au §. 21. où il eft dit, que les Pechez commis de fang froid font plus énormes, que ceux auxquels on eft entrainé par une Paffion violente.

qu'il

un plus grand fond de probité, comme la vûe d'un pe-
tit profit, qui eft capable de porter une perfonne au
Crime, découvre en elle un plus grand fond de malice,
que fi elle s'y étoit laiffée aller par les attraits d'un
grand gain. Αδικήματα τα μείζονα, ὅσα ἄν Στὸ μείζονα

Καλλίςρατο κατηγόρει, ὅτι παρελογίσατο τρία ημιωβί
για ἱερὰ τὸς ναοποιός. Ἐπὶ δικαιοσύνης ἢ τουναντίον. Ἐσὶ
ἢ ταῦτα ἐκ τῶ ὑπερέχειν τῇ δυνάμει ὁ γδ τρία ἱερὰ ημια
βέλια κλέψας, καν ὁτιον ἀδικήσειεν. Lib. I. Cap. XIV. p. 244
Edit. Victor.

(7) Fortem animum præftant rebus, quas turpiter audent.
Juvenal. Satyr. VI, 97.

(6) C'eft pour cela qu'il ya des Crimes, qui paroifἢ ἀδικίας. Διὸ καὶ τὰ ἐλάχισα μέγισα· οἷον ὁ Μελανώτε fent petits en eux-mêmes, & qui le font auffi entant qu'ils regardent une chofe de peu de valeur, lefquels néanmoins font plus atroces, à les confidérer par rapport à la difpofition de celui qui les commet, que s'il s'agiffoit d'une chofe de grand prix. Ainfi, un ancien Orateur accufant un homme, infifta fort fur ce qu'aiant cû à paier de pauvres Ouvriers emploiez au bâtiment d'une Chapelle, il n'avoit pû s'empêcher de leur retenir trois demi-oboles. C'est ce que dit Ariftote, qui remarque à cette occafion, qu'il en eft tout au contraire des Bonnes Actions; c'est-à-dire qu'un homme, par exemple, qui rend une groffe fomme d'argent qu'on lui avoit confiée en dépôt, eft plus louable, que fi le dépôt étoit moins confiderable; parce que cela marque

(8) Nonnumquam [Sapiens] magna fcelera leviùs, quam minora compefcet: fi illa lapfus, non crudelitate commiffa funt; his ineft latens & operta, & inveterata calliditas. Idem delictum in duobus non eodem malo afficiet, fi alter per negligentiam admifit, alter curavit at nocens effet. Senec. de Ira, Lib. I. Cap. XVI. p. 20. Ed. Gron.

Z23

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devoient détour

Incas, Liv. II.
Chap. XIV.

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qu'il a offenfé, ou fur quelque autre circonstance. Plus (1) un homme a de naiffance, plus il est élevé en dignité; & plus le crime qu'il commet paroit énorme. Cela a lieu fur tout à l'égard des Princes, d'autant mieux (2) que les fuites de leurs mauvailes actions font trèspernicieuses à l'Etat, par le grand nombre de gens qui fe portent à les imiter. Le même Péché commis.notoirement par un Eccléfiaftique, et plus grand fans contredit, que fi quelque perfonne d'un autre ordre s'y étoit laillée aller, parce qu'il doit fervir d'exemple (a) Garcil. de la par la fainteté de fes mœurs. Dans le Perou (a), fous l'Empire des Tncas, on puniffoit plus févérement un Magiftrat, qu'un fimple Particulier coupable du même Crime; parce, difoit-on, que le premier étoit, par le Devoir de fa Charge dans une Obligation indifpenfable d'adininiftrer la Juftice, & que la haute idée qu'on avoit eû de fa Probité étoit cause qu'on lui avoit confié un tel Emploi. Une Injure eft plus fenfible de la (3) part d'un Ami, que lors qu'elle vient d'un inconnu, ou d'un Ennemi; comme d'autre côté (4) un fervice rendu par un Ennemi paroit plus grand, que fi on le recevoit d'un Ami, Il eft (5) plus fàcheux de fe voir expofé aux infultes & aux moqueries de la canaille, ou d'un Efclave, qu'à celles de fes égaux, ou de fes Supérieurs; d'être outragé par fes propres Enfans & par les Domestiques, que par ceux d'autrui. Il y a auffi des Crimes qui deviennent plus atroces (b)Voiez Grotius, & plus infames, parce qu'ils font accompagnez d'une violation des (b) engagemens étroits Lib. II. Cap. XX. & particuliers où (6) l'on eft envers certaines perfonnes. Ainfi les Crimes qui, outre leur 11. Sam. XVI,11. injuftice propre, renferment encore un manque d'affection ou de refpect envers un Pére ou une Mére, quelque inhumanité envers des proches Parens, de l'Ingratitude envers un Cap. VI. p. 62. Bienfaiteur; ces Crimes-là, dis-je, font beaucoup plus énormes, que fi l'on avoit également offenfé d'autres perfonnes.

S. 30. num. 3. &

Lyfias,contra Andocid. Orat. IV.

Ed. Wech.

Il importe auffi (7) beaucoup de confidérer en quel tems, & en quel lies un Crime a

S.XX. (1) Omne animi vitium tanto confpectius in fe

Crimen habet, quanto major,qui peccat, habetur.
Juvenal. Satyr. VIII, 140, 141.

J'ai fuivi la verfion du P. Tarteron.

(2) Nec enim tantum mali eft peccare Principes, (quanquam eft magnum hoc per fe ipfum malum quantum illud, quad permulti imitatores Principum exiftunt...... Q40 perniciofius de Repub. merentur vitiofi Principes, quod non folum vitia concipiunt ipfi, fed ea infundunt in Civitatem: neque folum obfunt, quod ipfi corrumpuntur, fed etiam quod corrumpunt, plufque exemplo, quam peccato nocent. Cicer. de Legib. Lib. III. Cap. XIV. Voiez aufli Tufc. Quaft. Lib. II. Cap. IV. Dio Chryfoft. Orat. I. de Regno, P. 9. C. & Libanius, Declam. XXIX. Senec, Herc. Fur. verf. 745, 746. Tacit. Annal. III, 70. Quintilian. Declam. III. p. 38. Ed. Lugd. Bat.

(3) Qui ignotos ladit, latro appellatur: qui amicos, paulo minus quàm parricida. Petion. Parmi les anciens Celtes néanmoins, celui qui avoit tué un Etranger, etoit puni de mort; au lieu qu'on fe contentoit de bannir celui qui avoit tué un Citoien. Nicol. Damafc. de moribus Gentium.

(4) Quoi qu'en dife Térence (ajoûtoit nôtre Auteur) dans ces vers des Adelphes:

,

Abs quivis homine cum eft opus, beneficium acci-
pere gaudeas:
Verùm enimvero id demum juvat, fi, quem aquem
eft facere, is benè facit.

?

Alt. II. Scen. III. verf. 1, 2. Mais il s'agit là feulement du plaifir que donne un fervice à celui qui le reçoit; & non pas du prix ou de la grandeur du Bienfait confidéré en lui-même: car ces paroles fignifient felon la traduction de Mad. Dacier:. De quelque part que vienne un bienfait, dans une occafion preffante, cela fait toujours plaifir: mais, en vérité, le plaifir eft double, lors qu'on le reçoit de ceux de qui on devoit l'attendre raisonnablement. Voilà la penfee de Terence. Il eft certain au contraire qu'an Bienfait reçû d'un

été

Ennemi eft le plus fouvent défagréable, parce que l'on eft fâché de fe voir dans la neceflité d'avoir quelque Obligation à une perfonne que l'on n'aime pas: car il eft rare de voir des gens, qui défarmez par la generofité de leur Ennemi, le réconcilient avec lui feulement, comme fit ce Gentilhomme Anglois dont parle Mr. Loc ke, dans un Mémoire imparfait au fujet du Chevalier Ashley, depuis Comte de Shaftesbury. Voiez la Biblioth. Choifie de Mr. Le Clerc, Tom. VII. pag. 160, & 161.

(3) Quedam injuria à liberis hominibus falta, levis nonnullius momenti videntur : enimvero à fervis, graves funt : crefcit enim contumelia ex perfona ejus, qui contumeliam fecit. Digeft. Lib. XLVII. Tit. X. De injuriis & famofis libellis &c. Leg. XVII. §. 3.

(6) Perfona atrocior injuria fit, ut cùm Magiftratui, cùm Parenti, Patrono, fiat. Digeft. ubi fuprà, Leg. VII. §. 8. Perfona dupliciter spectatur: ejus qui fecit, & ejus qui paffus eft. Aliter enim puniuntur, ex iifdem facinoribus, fervi, quam liberi: aliter qui quid in Dominum Parentemve aufus eft, quàm qui in extraneum, in magifirum, vel in privatum. Lib. XLVIII. Tit. XIX. De Panis, Leg. XVI. §. 3. Voiez auffi Leg. XXVIII §. 8.

(7) Tempore [atrocior fit injuria], fi ludis, & in confpectu nam Prætoris in confpectu, an in folitudine injuria facta fit, multum intereffe ait: quia atrocior eft, que in confpectu fiat. Digeft. Lib. XLVII. Tit. X. De injuriis & famofis libellis, Leg. VII. §. 8. Sed & fi in theatro, vel in foro cadit, & vuinerat, quanquam non atrociter: atrocem injuriam facit. Ibid. Leg. IX. §. 1. Locus facit, ut idem vel Furtum, vel Sacrilegium fit, & capite inendum, vel minore fupplicio. Tempus difcernit emanforem à fugitivo: &effractorem vel furem diurnum, à nocturno. Lib. XLVIII. Tit. XIX. De Panis, Leg. XVI. §. 4, s. Voiez Ciceron. Orat. Philipp. II. Cap. XXV. Quintilian. Declam. CCLII. p. 312. Declam, CCLXIV. & Inft. Orator. Lib. VI. Cap. I. p. 444. Ed. Lugd. Bat. & Ariftot. Problem. Sect. XXIX. Quaft. XIV.

§. XXI.

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