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fonne (dit un (2) ancien Philofophe) ne punit un Méchant feulement parce qu'il a été méchant, à moins que ce ne foit quelque bête féroce qui chatte pour affouvir fa cruauté. Mais celui qui châtie avec raison, it chatie non pour les fautes paffées, (car il n'est pas poffible d'empêcher que ce qui a été fait, n'ait été fait) mais pour les fautes avenir, afin que le Cou pable n'y retombe pas lui même, & que les autres profitent de fa punition. J'avoue que, quand on punit, il faut néceffairement avoir égard au paffé, ou au mal qui a été commis, fans quoi on ne fauroit concevoir de véritable Peine: mais on doit auffi en même tems prendre garde de ne pas faire fouffrir fans néceffité un Homme, coupable à la vérité, mais toûjours uni avec nous par les liens de l'Humanité commune, pour une action qui ne fau(b) De Cive, Cap. roit plus être redreffée. Hobbes (b) met avec raifon au nombre des Loix Naturelles une (c) Ce que dit maxime toute femblable à celle de Platon, & il la fonde fur deux raifons: la prémiére, que, par la Loi Naturelle, chacun est tenu de pardonner les injures, moiennant qu'il aît de bonnes furetez pour l'avenir: l'autre, que la Vengeance, dans laquelle on ne regarde que le passé, n'est autre (c) chose qu'un vain triomphe, & une fauffe gloire, qui ne se propose aucun but, & qui par confequent eft contraire à la Raifon. Un Juge même, qui eft indif gne de ce Prince penfablement obligé de punir, ne doit (3) pas fe plairre au fupplice des Criminels qu'il condamne ce feroit là une joie maligne & entiérement inhumaine.

III. §. II.

Attila fur la

douceur de la

Vengeance, (areb. Getic. Cap. XXXIX.) eft dibarbare.

pud fornand. de

Prémier but des Peines. Corriger le Coupable.

§. IX. LE véritable but des Peines eft en général de prévenir les maux & les injures que les Hommes fe font les uns aux autres par des actions criminelles. Pour cet effet, il faut, ou que celui, qui a commis quelque Crime (1), fe corrige; ou que les autres foient détournez par fon exemple d'en commettre de femblables; ou que le Coupable foit mis (a) Lib. II. Cap. hors d'état de retomber dans le même cas. Grotius (a) exprime la chofe un peu autrement: XX. §. 6. num. 2. - Dans la Punition, dit-il, on regarde ou le bien de celui qui a commis le Crime, ou l'avan

tage de celui qui avoit intérêt que le Crime ne fût pas commis, ou l'utilité de vous générale

ment.

Les Peines qui fe rapportent à la prémiére de ces vûes, tendent à corriger le Coupable, & à lui faire perdre l'envie de retomber dans le Crime, en ufant envers lui d'un remede qui guériffe le mal (2) par fon contraire. Car comme toutes fortes d'Actions, fur tout celles que l'on fait de propos délibéré, & auxquelles on revient fouvent, laiffent dans l'Agent un certain panchant & une certaine facilité à en produire d'autres femblables, d'où fe forme enfin l'Habitude, après plufieurs actes réitérez; il faut au plûtôt éloigner tout ce

* (2) Οὐδεὶς γδ κολάζει τὰς ἀδικῶντας, πρὸς τότο ἢ νῦν
ἔχων, καὶ τότε ἕνεκα ὅτι ἐδίκησεν, όςις μὴ ὥσπερ θηρίον
ἀλογίσως τιμωρεῖται, ὁ 3 με λόγο επιχειρῶν κολάζειν, ο
το παρεληλυθότα ἕνεκα αδικήματα τιμωρεῖται, (δ γδ αν
τόγε πραχθὲν ἀγένητον θείη) ἀλλὰ τὸ μέλλον του χάριν,
ἵνα μὴ αὖθις ἀδικήσῃ μήτε αὐτὸς ἔτι, μήτε ἀλλὰ ὁ
TSTOY idav norobevra. Plato in Protagor. pag. 226. A. B.
Ed. Wech. J'ai fuivi la verfion de Mr. Dacier. Voici celle
que le Philofophe Senéque en a donné, il y a long-
tems, en fa Langue. Nam, ut Plato ait, Nemo prudens
punit, quia peccatum eft, fed ne peccetur. Revocari enim
praterita non poffunt: futura prohibentur. De Ira, Lib, I.
Cap. XVI. p. 21. Ed. Gronov. Voiez auffi le Gorgias, vers
la fin, pag. 357. E.

(3) Qui fruitur paná, ferus eft, Legumque videtur
Vindictam praftare fibi, cùm vifcera felle
Canduerint; ardet ftimulis, ferturque nocendi
Prodigus, ignarus cauffe. Diis proximus ille eft,
Quem Ratio, non Ira movet : qui facta rependens
Confilio punire poteft.

Claudian. de confulatu Mallii, verf. 223. & feqq.
Voiez Senec. de Ira, Lib. I. Cap. VI. Sueton. Auguft.
Cap. XXXII. Valer. Max. Lib. II. Cap. IX. §. 3. Vulcat.
Gallican, in Avid. Caff. Cap. XII. & Digeft. Lib. XVIII.
Tit. VII. De fervis export. &c. Leg. VII. in fin.

§. IX. (1) In quibus [alienis injuriis] vindicandis hæc tria
lex fecuta eft, qua Princeps quoque fequi debet: aut ut

qui

eum, quem punit, emendet; aut ut pœna ejus ceteras meliores reddat; aut ut fublatis malis ceteri fecuriores vivant. Senec. de Clement. Lib. I. Cap. XXII.

(2) Μηνύεσι 3 αἱ κολάσεις γινόμεναι διὰ τέτων [λυπῶν]· ἰατρεῖαι γάρ τινές εἰσιν· αἱ ἢ ἱατρείαι διὰ τ ̓ ἐναντίων σε púnars givects. Ariftot. Ethic. Nicom. (Lib. II. Cap. II. pag. 20. A. Ed. Parif.) Quid ergo? non aliquando caftigatio neceffaria eft? Quidni? fed hac fincera, cum ratione; non enim nocet, fed medetur fpecie nocendi. Quemadmodum quadam haftilia detorta, ut corrigamus, adurimus, &adactis cuneis, non ut frangamus, fed ut explicemus, elidimus: fic ingenia vitio prava, dolore corporis animique corrigimus. Senec. de Ira, Lib. I. Cap. V. Voiez Platon, in Gorgia, pag. 325, 326. de Legib. Lib. IX. vers le commencement, pag. 923. B. Ed. Wech. Ficin, in Critia, init. p. 1098. A. & Alcinous, de doctrina Platon. Cap. XXXII. Tacit. Annal. Lib. III. Cap. LIV. Apuleius, de habitud. doctrin. Platon. Philofoph, pag. 615. Ed. in ufum Delphin. Il n'eft pourtant pas néceffaire (ajoûtoit nôtre Auteur) de dire avec Platon (Gorg. p. 327. E.) que lors qu'on a commis quelque injuftice, ou que quelque perfonne qui nous eft chére, s'en eft rendue coupable, on doit courir incelamment au Juge, comme au Médecin, pour fubir la Peine, de peur que le mal ne s'enracine: car un homme qui eft dans cette difpofition, peut fe corriger lui-même, fans avoir befoin des corrections de la Juftice.

qui fert d'attrait au Vice: or c'est à quoi on ne fauroit mieux réüffir qu'en ôtant la douceur du Crime par l'amertume de quelque Douleur.

éxercer, dans cet

ment envers tout autre?

Tacit. Hift. Lib.

Lib. IV. Cap.

(c) Voiez ce que

la
Cap. LXXXI.

§. X. GROTIUS (a) prétend que les Punitions, qui fe font dans cette vue, font natu- Si chacun peut rellement permifes à toute perfonne qui a du Bon-Sens, & qui n'eft point entachée des (b) mê- te vue, quelque mes Vices, ou d'autres auffi énormes. Mais j'ai déja dit, que toute Peine proprement ainfi efpece de châtinommée, quel qu'en foit le but, ne peut être infligée que par une perfonne (1) qui a autorité fur le Coupable. Les corrections, dont parle Grotius, font plutôt des avis & des (a) Ubi suprà,§.7. avertiflemens charitables, que des châtimens; & les réprimandes un peu fortes, dont on num. 2. (b) Voiez Ifocrat. ufe envers un égal, ne font guéres permifes qu'entre (2) amis car fi l'on s'ingére de les de Permut. pag. emploier envers un inconnu, on s'attire aufli-tôt quelque réponse femblable à celle du $39. Ed. Parif. Vieillard d'une Comédie: (3) Avez-vous fi pen d'affaires chez vous, qu'il vous reste du 11. Cap. X. in fin. tems pour vous mêler de celles des autres, & de ce qui ne vous regarde en aucune façon? Lactant.Inft.Div. Outre que c'est une des choses où il faut apporter le plus de circonípection & de ménage- xxIII. Arnob. mens (c), de peur qu'en appliquant mal à propos le remede on ne s'attire du chagrin, adv.gent. Lib. I. fans produire autre chofe que d'irriter le mal, & d'augmenter la Paffion. A l'égard des Tacire rapporte Péres & des Méres, ils ont droit de châtier leurs Enfans, pour deux raifons: l'une, parce de Mufonius Rqu'ils ne fauroient bien s'aquitter du foin de leur Education, dont ils font chargez par fus, Hift. Lib.III. Nature même, s'il ne leur étoit permis d'ufer envers eux d'une difcipline un peu févére, felon leur âge & leur portée: l'autre, parce que, dans l'indépendance de l'Etat Naturel, les Enfans font foumis à l'Autorité Paternelle, qui, quoi que confidérablement bornée dans plufieurs Sociétez Civiles, a été laillée prefque par tout affez étendue pour autorifer les Péres & les Méres à châtier, comme ils le jugent à propos (d), les fautes de leurs En- (d) Voiez Digeft. fans, qui viennent plûtôt de l'imprudence & du feu de la Jeunefle, que d'un fond de ma- x.De injuriis &c. Jice, & qui troublent plus la paix des Familles, que celle de l'Etat. On accorde à peu Leg. VII. §. 3. & près le même Pouvoir à ceux qui ont la direction (e) de la Jeunelle, en la place des Péres xx & des Méres, comme aux Tuteurs, aux Précepteurs, aux Maîtres, qui ne fauroient gué- (e) Voiez Sener. res bien s'aquitter de leur Emploi fans ufer de quelque correction modérée. Grotins dit au Cap.XXVII. Cod. refte, que cette forte de Punition ne peut pas s'étendre jufques à ôter la vie: &, en effet, Lib. IX. Tit. V. il eft abfurde de vouloir réduire quelcun, pour le corriger, à un état où il ne fauroit don- De emendatione propinquorum: ner aucune marque de fon changement. Quelques-uns foûtiennent néanmoins, que quand Plat. de Leg. Lib, on eft devenu incorrigible, il vaudroit (4) mieux être mort, parce qu'on ne fait que croî- VII. pag. 893. A. Xenoph. de Rep. tre de plus en plus en méchanceté; d'autant mieux qu'ordinairement de telles gens cau- Laced. & de exfent beaucoup de chagrin & font beaucoup de mal aux autres. Mais la Charité ne permet ped. Cyr. Lib. V. pas certainement de défefpérer, fans de très-grandes raifons, de l'amendement des Pécheurs.

Au refte, cette forte de Punition tourne non feulement à l'avantage du Coupable, mais encore à l'utilité des autres. Car fi celui, qui a été puni, fe corrige, on a lieu de fe croire déformais affez à couvert de fes infultes: & fi étant devenu incorrigible, on le fait mourir,

§. X. (1) Voiez ce que l'on a dit, pour prouver le contraire, dans la Note 3. fur le §. 4.

(2) Confilia, fermones, cohortationes, confolationes, interdum etiam objurgationes in amicitiis vigent maximè. Cicer. de Offic. Lib. I. Cap. XVII. Dans l'endroit de Térence, qui eft cité ici, Chrémès voulant reprefenter à Méwedeme le tort qu'il fe faifoit de vivre de la manière dont il vivoit, commence par lui dire : Votre vertu, ou le voifinage, qui, felon moi, tient le premier rang après l'Amilie, m'oblige à prendre la liberté de vous dire en ami &c.

Tamen vel virtus tua me, vel vicinitas,
Quod ego in propinqua parte amicitia puto;
Facit ut te audacter moneam, & familiariter,
Quod mihi videre prater atatem tuam
Facere, & præterquam res adhortatur tua.
Heautontim. A&t.I. Sccn. J. v. 4. & feqq.
TO M. II.

Voiez 2. Curt. Lib. III. Cap. XII. num. 16. Homer. Iliad.
Lib. XI. verf. 792.

(3) Chreme, tantumne ab re tua eft otii tibi,

Aliena ut cures, eaque nihil qua ad te adtinent?
Terent. Heautont. A&t. I. Scen. I. verf. 23, 24.
J'ai fuivi la verfion de Mad. Dacier.

(4) Οὐκ ἄμεινόν ἐσι ζῆν τῷ μοχθηρῷ ἀνθρώπων και
nas je dragen ist. Plat. in Gorgia, pag. 349. B.
Tibi infanabilis animus eft, & fceleribus fcelera conte-
xens.... id quod unum bonum tibi fupereft, reprefentabi-
mus, mortem. Senec. de Ira, Lib. I. Cap. XVI. init.
Voiez auffi De Benefic. Lib. VII. Cap. XX. Tacit. An-
nal. Lib. XV. Cap. LXVIII. Sueton. in Neron. Cap.
XXXVI. Jamblich. in Protrept. Cap. II. Rofar. Perfic.
Cap. I.

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Lib. XLVII. Tit.

Libanius, Decl.

XX.

de Ira, Lib. II.

Second but des

Peines. Pourvoir perfonne lézée. Lib. II. Cap. XX.

à la fureté de la

(a)Voiez Grotius,

5.8.

(b)

Gyviez Nombr.

XXXV. Deut.

XIX. Selden. de 7. N. & G. fec.

Hebr. L.IV. C.IL

& Grotius, fur

Exod. XXI, 12.

rir, perfonne n'a plus rien à craindre de fa part. Quand je dis qu'on le fait mourir, lors qu'il eft devenu incorrigible, je ne prétens pas pour cela, avec (5) Platon, qu'on ne doive punir de mort que ceux qui ont contracté une fi forte habitude de quelque Vice. Cela peut être obfervé à l'égard des Crimes légers: mais on ne fauroit l'appliquer aux Crimes atroces. Car un homme n'étant déclaré incorrigible qu'après plufieurs rechutes dans le méme Crime; il ne feroit pas fans contredit avantageux à l'Etat d'attendre que des Crimes énormes euffent été commis plufieurs fois par un fcélérat.

§. XI. L'AVANTAGE de la perfonne lézée, qui eft la feconde chofe que l'on doit fe propofer dans la Punition des Crimes, confifte à n'être plus expofé déformais à de pareilles injures, ni de la part de celui que l'on punit, ni de la part d'aucun autre (a). On pourvoit à fa fûreté au prémier égard, ou en faifant mourir le Coupable; ou en le mettant dans l'impuiffance de faire du mal, comme, par exemple, fi on l'enferme dans une prison, fi on lui ôte les armes & tous les autres inftrumens dont il pourroit fe fervir pour faire du mal, fi on l'envoie dans quelque liea éloigné &c. ou enfin en lui faifant fouffrir quelque mal dont la crainte le retienne déformais, & l'empêche de retomber dans le même Crime; ce qui a du rapport avec la correction, dont nous venons de parler. Et il eft fi naturel de punir dans cette vue, que lors même que, par un emportement de colére & une ardeur de vengeance, on a bien étrillé une perfonne de qui l'on avoit reçû quelque injure, on ajoûte enfin: Reviens y une autre fois. Le moien de mettre enfuite à couvert la perfonne lézée, des infultes semblables que d'autres pourroient lui faire, c'est de punir le Coupable publiquement, & d'une manière qui ferve d'exemple. De là vient qu'on fait juftice ordinairement, non dans la prifon, mais dans les Places publiques & les lieux les plus fréquentez, & avec un terrible appareil, accompagné de tout ce qui eft capable d'intimider la populace.

Quoi que les Punitions faites dans cette vue n'appartiennent qu'au Souverain; il y a des Etats où les Légiflateurs, pour s'accommoder au naturel féroce & intraitable des Peuples, ont donné quelque chofe à ce défir déréglé de Vengeance, qui porte chacun à fouhaitter de le faire juftice lui-même des offenfes qu'il reçoit. On trouve même quelque chofe de femblable dans la Loi Divine de Moife, au fujet (1) de la permiffion (b) accordée au vengeur du fang; à moins qu'on n'aime mieux dire, que c'étoit un refte des priviléges de l'Etat Naturel.

Troifiéme but §. XII. ENFIN (a), l'utilité ou la fûreté publique, qui eft le troifiéme & dernier but des Peines. L'u- des Peines que l'on inflige (1), demande, ou que le Coupable lui-même foit puni d'une maniére qui empêche qu'il ne faffe plus de mal déformais à perfonne, & c'est à quoi l'on (a) Voiez Grotius, remédie par les mêmes (b) moiens dont nous avons dit que l'on fe fervoit pour mettre en (b) Voiez Gun- fûreté la perfonne lézée; ou que l'on empêche qu'aucun autre ne fe porte, par l'espéran

tilité & la fureté
publique.
ubi fuprà, 6.9.

therus, Ligurin.

Lib. I. verf. $27, & feqq.

(5) Οὕτω καὶ ἢ * τοιέτων [ὃς ἂν ἀνιάτως εἰς ταῦτα ἔχοντας αἴσθηται νομοθέτης] πεὶ νομοθέτη κολασὴν ἢ ἀμαρτημάτων θάνατον ἀνάγκη νέμειν· ἄλλως *, ἐδαμῶς. De Legib. Lib. IX. pag. 928. D.

§. XI. (1) Quelques-uns (ajoûtoit nôtre Auteur) concluent des paroles de Théoclyméne à Télémaque, dans l'Odyffee, Lib. XV. verf. 276. & feqq. qu'il y avoit une femblable permilion parmi les anciens Grecs. Il femble du moins que l'on ne puiffe guéres expliquer autrement ce que l'on trouve dans Euripide, (in Oreft. verf. 512. & Seqq.) d'où il paroit que cette ancienne coûtume fut abolie a caufe des inconvéniens & des fuites fâcheufes de la Vengeance particuliére, qui étant permife iroit à l'infini; raifon qui ne convient pas aux Peines infligées par le Magiftrat. Voiez Rochefort, Defcript. des Antilles, Part. II. Cap. XIX. Les plus proches parens de celui, qui avoit été tué, difpenfoient quelquefois le Meurtrier de fortir du Païs, moiennant une certaine fomme d'argent qu'il leur paioit en forme d'amende. Voiez Homer. Iliad. IX, 628. & feqq. & Apollon. Rhod. Argon. Lib. I. verf. 90. Aujourd'hui même, en Mauritanie, les parens

ce

peuvent non feulement tranfiger avec l'Homicide, mais encore le tuer fans autre forme de procès, tant que le Magiftrat ne l'a pas fait prendre la Vengeance ne paf fant pas chez eux pour un Péché. Voiez encore Denys d'Halicarn. Lib. I. pag. 68. Edit. Lipf. & Tacit. de Morib. German. Cap. XXI.

§. XII. (1) Οὐχ ἕνεκα το κακεργῆσαι διδὲς τὴν δίκην (ε γδ τὸ γεγονὸς ἀγένητόν ἐσαι ποτε) τε δ' εἰς + αὖθις έρε και χρόνον ἢ τοπαράπαν μισῆσαι τὴν αδικίαν αυτόν τε καὶ τὰς ἰδόντας αὐτὸν δικαιόμιν, ή λωφῆσαι μέρη πολλά TOILÚTHS EUμpoeãs. Plato, de Legib. Lib. XL pag. 977. B. Hic [Legum prafes, Civitatifque rector] damnatum, cum dedecore & traductione, vitá exigit: non quia delectetur ullius pæna (procul eft enim à Sapiente tam inhumana feritas) fed ut documentum omnium fint; & qui vivi noluerunt prodeffe, morte certè corum Refpublica utatur. Senec. de Ira, Lib. I. Cap. VI. Voiez T. Live, Lib. I. Cap. XXVIII. & XXXIII. Lucian. in Phalarid. I. pag. 735. 15 fin. Ed. Amft. Tom. I. Agathias, Lib. IV. princ. Cod. Lib. IX. Tit. XX. Ad Leg. Fabiam de Plagiariis, Leg. VII. & Tit. XXVII. Ad Leg. Jul. repetundarum, Leg. I.

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de Ira, Lib. III.

ce de l'impunité, à infulter qui que ce foit, & à cela fervent les (c) punitions exemplai- (c) Voiez Senec. res, que l'on fait à la vue de tout le monde. On peut rapporter encore ici un autre usage C. XIX. Quintil. des Peines, qui confifte à maintenir ou à rétablir l'Autorité du Souverain, laquelle re- Decl.CCLXXIV. çoit de grandes atteintes par la violation des Loix, fur tout lors que les Crimes font énor- in fin. Les Lad mes, ou commis par pure malice. Car il eft de l'intérêt public que cette Autorité fubfifte tant punifloient dans toute fa force, & rien n'eft plus propre à réprimer les Méchans.

démoniens pour

de mort les Criminels de nuit,

Steph. peut-être

Voilà toutes les fins que l'on peut fe propofer légitimement dans la Punition des Cri- Herodot, Lib. IV. mes. Il ne paroit pas néceffaire d'y ajoûter, comme font (d) quelques-uns, celle qui con- pag. 170. Ed. H. fifte fimplement à fatisfaire à la Justice, ou à expier le Crime, c'est-à-dire, à redreffer, parce qu'ils pour ainfi dire, l'obliquité que l'on conçoit dans ime Action qui s'écarte de la Régle, ou croioient que de la Loi. Les paffages de l'Ecriture Sainte, que l'on allégue là-deffus, ou ne regardent nebres fervoit à que le Tribunal Divin, ou fe rapportent feulement aux Loix particuliéres & aux Cérémo- rendie le fupplinies des Juifs.

l'horreur des té

ce plus affreux.
Voiez Valer.

Max. Lib. II.
Cap. IX. §. 3.

(d) Voiez Selden.
de J.N. & G. fec.
Heb. Lib.I.C.IV.

fimples Particu

S.XIII. *GROTIUS (a) foûtient, que les Punitions qui tendent à faire un exemple, peuvent quelquefois être exercées par d'autres que les Souverains: mais voici, à mon avis, ce qu'il faut remarquer fur les cas où il prétend que cette exception a lieu. Lors que l'on tire quelque vengeance des Crimes commis en des lieux & par des performes qui ne relevent pas d'un certain Tribunal, tels que font les Corfaires; cela fe fait * En quels cas & par le droit de la (1) Guerre, qui eft différent du Pouvoir d'infliger des Peines. Car les en quel fens les Corfaires & les Brigands étant des Ennemis déclarez du Genre Humain, chacun peut, de liers peuvent fa pure autorité, les traiter fur ce pied-là: quoi que, comme Grotins (b) le remarque lui- exercer des actes même, il vaille mieux fuivre la coûtume louable de certains Païs, où ceux qui se mettent (a) Lib. 11. Cap. en mer prennent une commission du Souverain, par laquelle il leur donne pouvoir de pourfui- XX.§.9.num.5,6. (b) vbi fuprà, vre les Corfaires qu'ils rencontreront; afin que, dans l'occafion, ils puiffent agir contr'eux, s. 14. non comme de leur autorité privée, mais par ordre de l'Etat.

de Punition?

9.

La Loi du Deuteronome (c) qui porte que, fi quelcun abandonne le culte du Dieu (c) Chap. XIII. 'Ifraël, ou veut engager les autres à l'Idolatrie, chacun doit le lapider, fans aucun égard verf. 8, 5. Voicz aux liaisons du fang de l'alliance, ou de l'amitié; cette Loi, dis-je, ne femble pas donner Clerc. droit aux Particuliers de tuer, de leur pure autorité, quiconque fe rendroit coupable d'un tel Crime, mais feulement de le dénoncer aux Juges, & de fe joindre enfuite à la multitude qui le lapideroit en vertu de la fentence prononcée contre lui. Mais fuppofons que la maniére dont Grotius entend les paroles de Moife, foit le véritable fens; en ce cas-là un fimple Particulier, qui, fans autre forme de procès, auroit tué le Juif apoftat, n'auroit agi que comme Miniftre de la Puiffance Souveraine, puis qu'il auroit été autorisé par une permiffion expreffe de la Loi. Pour l'action de (d) Phinées, il faut remarquer, qu'elle eft (d) Nombr. XXV, fondée fur une ordonnance & une approbation expreffe de DIEU. Car, s'il étoit toû- 7. jours permis à chacun d'imiter un tel exemple (2), cela troubleroit extrémement la So- & Selden.de 7. N. ciété Civile, & fourniroit aux Hommes un prétexte plaufible pour fatisfaire des Paffions & Gent.&c. Lib. furieuses.

A l'égard du droit de vie & de mort que les Péres de Famille ont confervée, dans certains Etats, fur leurs Enfans & fur leurs Efclaves, quoi qu'il ne tire pas fon origine de l'établiffement des Sociétez Civiles, on peut le regarder comme une partie du Gouvernement, que les Péres de famille exercent par autorité publique. Car rien n'empêche qu'il n'y aît quelque Magiftrat inférieur, qui ait le pouvoir, en certains cas, de punir les Criminels fans une condamnation dans les formes, pourvu qu'il n'abufe pas d'un privilége de fi grande conféquence. C'eft ainfi que, lors qu'on a mis à prix la tête de quelcun, celui qui le tue, eft cenfé l'avoir fait par autorité publique. Car, quoi que la publication par laquelle on

§. XIII. (1) Rien n'empêche qu'on ne le faffe par droit de Punition. Voiez ce que j'ai dit dans la Note 3, fur ic §. 4.

met

(2) Non eft fingulis concedendum quod per Magiftratum publice poffit fieri, ne occafio fit maioris tumultus faciendi. Dig. Lib. L. Tit. XVII. Leg. CLXXVI.

Y y 2

(3) L'An

fus Mr. Le Clerc ;

IV. Cap. IV.

cid. Orat. I. Tit.

Lib. I. C. XLVI.

Leg. I. Grotius,

Lib. II. Cap. XX.
S. 17.

On ne peut pas punir dans les

met à prix la tête d'un homme, n'emporte pas toûjours un ordre pofitif de le tuer; elle fert du moins à juftifier celui qui l'a fait, comme aiant agi en vertu de la permiffion du

Souverain.

(e) Voiez Ando- Il faut dire la même chose des Loix (e) faites en certains tems & en certains lieux, par Liv. Lib. III. C. lefquelles on permettoit à chaque Particulier de tuer le prémier à qui ils verroient comLV. Diod. Sic, mettre certaines chofes. Car, pourvû que le fait fût évident, la Loi tenoit lieu de sentenCod. Lib. III. Tit. Ce anticipée, qui condamnoit le Coupable, & autorifoit l'action de celui qui l'avoit tué, XXVII. Quando comme (f) n'aiant été que fimple Exécuteur des ordres du Magiftrat. En ce cas-là même, liceat unicuique fi la Loi étoit fondée fur de bonnes raifons, & qu'on n'eût pas agi par un reffentiment ou fine Judice fe vindicare, vel publi- un intérêt particulier, mais feulement en vûe de rendre par là fervice à l'Etat, on n'avoit ram devotionem, rien à fe reprocher en confcience, & devant le Tribunal de Dieu : fur tout lors que le fur Ether, IX,10. danger prellant de l'Etat avoit obligé le Législateur à permettre ou ordonner aux Particu Voiez Grotius, liers cette efpece de Punition. Mais il n'en eft pas de même des cas où les Loix, pour donner quelque chofe à une jufte douleur & à un mouvement impétueux de colére, accordent feulement l'impunité, fans ôter le vice même de l'action, comme quand elles permettent à un Mari de tuer fa Femme, avec le Galant, qu'il trouve en flagrant délit: car, fans les égards qu'on a pour l'état où fe trouve un Mari convaincu par les propres yeux de l'infidélité de fa Femme, il vaudroit mieux que le Magiftrat punit lui-même ce fanglant outrage, & le retardement de la punition ne porteroit aucun préjudice à l'Etat (3). §. XIV. LE but même des Peines, & la condition de la Nature Humaine, font voir Tribunaux Hu- qu'il peut y avoir des actes vicieux en eux-mêmes, qu'il feroit néanmoins inutile de punir mains toute for- dans le Tribunal Humain. Tels font 1. Les (a) actes purement intérieurs, ou les (1) fim(a) Voiez Grotius, ples pensées, par exemple, l'idée agréable que l'on fé fait d'un Péché, le défir qu'on a Lib. II. Cap. XX. de le commettre, le deffein qu'on en forme fans en venir à l'exécution: tout cela n'est hazard par rio Summarum pas fujet à la Peine devant les Hommes, quand même il arriveroit enfuite Poteftatum circa les autres en auroient connoiffance, comme fi on l'avouoit foi-même. En effet, ces moufacra, Cap. III. §. vemens intérieurs ne faifant du mal à perfonne, il n'y a perfonne auffi qui aît intérêt qu'on dont on trouve les puniffe: quoi que d'ailleurs ils foient par eux-mêmes (b) de véritables Péchez, comme un exemple dans plufieurs (c) Paiens l'ont reconnu. Autre chofe eft, quand les actes intérieurs précédent Lib. XV. Cap. II. ou accompagnent les extérieurs: car alors on a égard aux actes intérieurs, comme contrieft d'autant plus buant beaucoup à qualifier les Actions extérieures, & à les rendre plus ou moins crimile regarde les nelles. C'eft ainfi que l'on punit les Crimes (2) qui ne font encore que commencez. chofes auxquel- 2. Il feroit trop rigoureux de punir les fautes les plus légères (d), que la fragilité de nôtre nature ne nous permet pas d'éviter entiérement, quelque attention & quelque applica(b) Devant le tion que l'on aît à fon Devoir. Il n'y a pas moien (3), difoit un Empereur, de gouverner Tribunal Divin. des Chevaux, des Boeufs, des Mulets, & à plus forte raifon de gouverner des Hommes,fi quod deterior on ne leur laiffe quelquefois (4) fatisfaire leurs défirs de même que les Médecins

te de Péchez.

§. 18. & de Impe

J. La calomnie,

Amm. Marcellin,

détestable,qu'el

les on penfe en

fonge.

Voiez Philon,

potiori infidietur, p. 173. A. Ed. Parif. & Bodin.

(3) L'Auteur citoit ici, Xenoph. Cyrop. Lib. III. p. 41. de Rep. Lib. IV. Ed. H. Steph. Val. Max. Lib. VI. Cap. I. §. 13. Senes. Cap. VII. p. 734. Lib. I. Contr. IV. L. IV. Contr. XXIV. Gratian. Can. (c)Voiez Grotius, quicunque. Cauf. XXXIII. Quæft. VIII. Grotius, in Sparf fur Matth. V, 28. flor. ad Jus Juftinian. ad Digeft. Lib. XLVIII. Tit. V. Ad (d)VoiezGrotius, Leg. Jul. de Adulteriis, Leg. XXII. §. 4. Boecler fur GroLib. II. Cap.XX. tius, Lib. II. Cap. I. §. 14. Ant. Matthaus, de Criminibus, §. 19. & ce que, ad Leg. XLVIII. Digeft. Tit. V. Cap. II. l'on a remarque §. XIV. (1) Cogitationis pænam nemo patitur. Digeft. ci-deffus, Liv. I. Lib. XLVIII. Tit. XIX. De Panis, Leg. XVIII. Chap. V. §. 8. à la fin

(2) In maleficiis voluntas fpectatur, non exitus. Digeft. Lib. XLVIII. Tit. VIII. Ad Leg. Corn. de Sicariis & Veneficis, Leg. XIV. Voiez ce que dit Grotius fur cette Loi, dans fes Florum fparfiones in Jus Juftinian. Ajoutons ces paroles de Senéque: Scelera quoque, quamvis citra exitum fubfederunt, puniuntur. Lib. IV. Controv. VII.

(3) Οὐ γάρ έσιν, ἔτε ἵππων, ἔτε βοῶν ἄρχειν, ἔτε εμενων, ήκισα ἢ ἀνθρώπων, μή τι και 7 κεχαρισμλίων

que

per

met

αὐτοῖς συγχωρῖντα· ὥσπερ ἔσθ' ὅτε τοῖς ἀσθενέσιν εἰ ἰατροὶ μικρὰ ενδιδόασιν, ἵν ̓ ἐν τοῖς μείζοσιν ἔχωσιν αὐτὲς bos. Julian. in Cafarib. de Probo, pag. 314. C. Ed. Spanhem. Voiez Themiftius, Orat. IX. ad Valentinian. junior. adhortatoria, pag. 123. D. Ed. Harduin. Hieron. Oforius, Lib. X. Rob. Sanderfon, de Juram. Obligat. Prælect. III. §. 18.

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(4) Cela me fait fouvenir d'une penfée de Mylord Shaftesbury qui fe trouve dans un Mémoire imparfait de Mr. Locke, (Bibliothéque Choifie de Mr. Le Clerc, Tom., VII. p. 162.), Il y a dans chaque perfonne, disoit ce Seigneur, deux hommes, l'un Sage, & l'autre Fou; & it' faut leur accorder la liberte de fuivre leur genie, cha-. cun à fon tour. Que fi vous prétendez, que le Sage, le Grave & le Serieux ait toûjours le timon, le Fou deviendra fi inquiet & fi incommode, qu'il mettra le Sage en defordre, & le rendra incapable de rien faire. Il faut donc que le Fou ait aufli à fon tour la ·22 li-⋅

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