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Il faut s'aquitter, avec tout le foin & route

fible, des commiffions dont on

s'eft chargé. Gothofred. ad

(a) Voiez fac

Leg. XXIII. Dig.

de Reg. Juris.

(b) Cornel. Nepos,

Pour

eft, la Société Humaine. En effet, outre que l'on ne peut pas faire tout par foi-même; l'un
eft plus propre, que l'autre, à certaines chofes. Et c'est pour cela qu'on tâche d'avoir des
amis, afin que, par des fervices mutuels, on procure l'avantage les uns des autres.
quoi vous chargez-vous de ma commission, fi vous voulez ou la négliger, ou vous accommo-
der à mes dépens? Pourquoi m'offrez-vous vos foins, pour gâter mes affaires, fous prétexte
de me rendre fervice? Retirez-vous, je trouverai quelque autre, qui prendra plus à cœur
mes intérêts. Vous vous chargez d'un fardean, que vous croiez pouvoir foûtenir, & qui en
effet ne vous paroitroit pas dans la fuite trop pefant, fi vous n'étiez vous-même d'un esprit
vain & léger. Manquer donc à un tel engagement, c'eft violer les deux chofes du monde
les plus facrées, je veux dire, l'amitié, & la foi: car on ne remet guéres le foin de fes af-
faires qu'à un ami: & l'on ne fe confie qu'à des gens fur la bonne foi & la fidélité de qui
l'on compte. De forte qu'il faut être bien fcélerat, pour fouler aux pieds les droits de l'ami-
tié, & tromper en même tems une perfonne, qui ne fouffriroit point de dommage, fi elle ne
fe fût fiée à nous.

§. III. C'EST pour cela auffi que les (1) Loix Romaines veulent, qu'on apporte tout le foin & toute l'exactitude poffible à bien ménager les affaires d'autrui dont on s'eft charl'exactitude pof- gé, quoi que l'on ait pris la commiffion uniquement pour l'intérêt de celui qui l'a donnée (a). On propofe ici comme un modéle parfait, un illuftre Romain; c'est le célébre Atticus, qui, à ce que nous apprend fon Hiftorien (b), ne promettoit rien de ce qu'on lui demandoit, qu'avec beaucoup de circonfpection; tenant pour légéreté, & non pas pour libéralité, de promettre plus qu'on ne peut tenir (c). Mais lors qu'il s'étoit engagé à une chose, il s'en aquittoit avec tant de foin, qu'il fembloit travailler à fes propres affaires, & non pas Cap. XV. Ne à celles d'autrui. Jamais il ne fe laffoit de poursuivre une affaire, qu'il avoit entreprise; par(9) Voiez Terent. ce qu'il s'en faifoit un point d'honneur, & que rien ne lui étoit plus cher que fa réputation. Scen. I. verf. 5, Il faut néanmoins avoir égard ici aux préfomtions que l'on peut avoir eues de l'habileté & de l'exactitude du Procureur, en faifant réflexion fur la manière dont il s'eft pris par le paffé à ménager les affaires dont il étoit chargé, & en général fur fes mœurs & fa conduite ordinaire. Car lors que l'on a mis fes affaires entre les mains d'un négligent, ou d'un étourdi, on ne peut s'en prendre qu'à foi-même, s'il s'en aquitte mal; à moins qu'il ne fe foit particulièrement engagé à apporter tous les foins d'une perfonne exacte, & qu'il n'aît d'ailleurs pour cela affez de (2) capacité.

Andr. A&t. IV.

Seqq.

Le Procureur

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§. IV. D'AUTRE côté, le Procureur doit être remboursé des dépenfes qu'il a faites pour doit être indam exécuter fa commiffion. Car il a ftipulé cela tacitement, puis qu'il n'a promis de donner gratuitement que fon industrie, fes foins, & une attention exacte & fidele à bien ménager les affaires, qu'il entreprenoit. Et l'on auroit mauvaise grace de prétendre, que, pour nous rendre fervice, il lui en coûtât du fien, comme fi ce n'étoit pas aflez qu'il y fût pour (a) Voiez Grotius, fa peine (a). It faut dire la même chofe du dommage qu'il a reçû par un effet propre & direct de la commission, qu'il exécutoit; mais non pas de celui, qui lui arrive fimplement par occafion ou par accident. Ainfi on (1) n'eft point tenu, felon les Jurifconfultes Romains, de dédommager un Procureur de tout ce qu'il n'auroit pas dépensé, ou perdu, fans cette commission, comme, par exemple, s'il a été volé, fi fes hardes ont féri par un naufrage, s'il

Lib. II. Cap.XII. §. 13.

§. III. (1) Sua quidem quifque rei moderator atque arbiter, non omnia negotia, fed pleraque ex proprio animo fa est: aliena verò negotia exacto officio geruntur: nec quicquam in eorum adminiftratione negleétum ac declinatum culpå vacuum eft. Cod. Lib. IV. Tit. XXXV. Mandati vel contra, Leg. XXI.

(2) L'Auteur, qui veut faire ufage de toutes fes lectures, rapportoit ici certe Fable, tirée de Sadus, Rofar. Perfic. Cap. VII. Un homme aiant mal aux yeux, alla demander un reméde au Medecin des Mulets. Celui-ci lui frotta les yeux du même onguent dont il fe fervoit pour les Mulets. Le malade en devint aveugle. L'affaire

eft

étant portée en Juftice, le Juge prononça cette fentence: Le Medecin n'eft nullement tenu de réparer le domma ge; car file Demandeur n'eût été un Ane, jamais il ne fût allé confulter le Médecin des Mulets.

§. IV. (1) Non omnia, qua impenfurus non fuit, mandatori imputabit: veluti, quod fpoliatus fit à latronibus, aut naufragio res amiferit, vel languore fuo fuorumque adprehenfus quadam erogaverit; nam hac magis cafibus quam mandato imputari oportet. Digeft. Lib. XVII. Tit. I. Mandati, vel contra, Leg. XXVI. §. 6. Voiez Daumat, Loix Civiles dans leur ordre naturel, I. Part. Liv. I. Tit. XV. Seat. I. §. 6.

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eft tombé malade, lui, ou les fiens: car tout cela doit être regardé comme un fimple malbeur, plûtôt que comme une fuite de la commission. En effet, lors que, par un pur principe d'amitié ou de bienveillance, on se charge volontairement des affaires d'autrui, on eft cenfé vouloir bien courir les risques de tous les accidens imprévûs, auxquels nôtre vie eft fujette. Autre chofe eft, lors que la Commiffion vient de quelcun qui a autorité fur nous: (b) Voiez Mercar en ce cas-là, comme il ne nous a pas été libre de la refufer, celui, qui l'a donnée, eft nac. fur la Loi dans une Obligation plus étroite & plus étendue de nous indamnifer. Mais fi l'on fe char- qui vient d'être ge d'une affaire périlleufe par elle-même, on eft cenfé prendre fur fon compte les accidens Lib. XVII. Tit. ordinaires qui ont accoûtumé de fuivre ces fortes d'entreprises (b); à moins que l'on n'ait 11. Pro focio, Leg. expreffément ftipulé le contraire.

citée; & Digeft.

LII. §. 4.

quitter d'une

§. V. IL y a encore ici une fameufe queftion à examiner, favoir, fi l'on peut s'aquit- Si l'on peut s'a ter d'une commiffion par équivalent? Voici ce que l'on trouve là-deffus dans Aulu-Gel- commiffion par le. (1) On demande, dit-il, fi, lors que vous êtes chargé d'une commiffion, & que l'on vous équivalent?" a preferit pofitivement la maniére dont vous devez vous y prendre, vous pouvez, nonobftant cela, agir autrement, fuppofe que vous jugiez, que par la l'affaire réuffira mieux, & à l'avantage de celui pour qui vous travaillez? Il y en a plufieurs, qui le nient absolument, & qui prétendent, qu'auffi-tôt que celui, par qui l'on eft chargé de l'affaire, & qui a plein pouvoir de régler notre commiffion, a une fois décidé de quelle maniere on doit s'y conduire, il faut fuivre ponctuellement fes ordres, quand même quelque cas imprévú nous donneroit lieu de croire, que la chofe iroit mieux, fi l'on fe fervoit d'un autre expédient; de peur que, fi le fuccès ne répond pas à nos espérances, on ne foit accufe de défobéiffance, & puni fans rémiffion: ou que, fi, par un effet de la bonté divine, l'affaire vient à réuffir, on ne donne un mauvais exemple de rendre inutiles des mefures bien prifes & bien concertées, en fe dif penfant de fuivre les ordres qu'on a reçûs. D'autres, qui foutiennent le contraire, difent, qu'il faut comparer les inconvéniens qui font à craindre en agissant d'une autre maniére qu'il ne nous a été prefcrit, avec les avantages qu'on a lieu de s'en promettre; & que, fi les derniers paroiffent plus confidérables, à en juger par toutes les apparences, on peut alors, fans balancer, ne pas fuivre fes ordres, pour ne pas laiffer paffer l'occafion favorable que la Providence divine nous préfente d'avancer les intérêts de celui, dont on a en main les affaires. Mais, ajoûte-t-on, la Prudence veut, que l'on examine bien à qui l'on a affaire. "Car fi celui, de qui l'on tient la commiffion, eft d'un naturel dur, farouche, intraitable, inexorable (a), le plus fúr eft de ne rien faire que ce qu'il a lui-même prescrit (2).

eventura

5. V. (1) In officiis capiendis, cenfendis judicandifque, qua Grace nadinovra Philofophi appellant, quari folet, an negotio tibi dato, & quid omnino faceres definito, contrà quid facere debeas, fi eo facto videri poffit res profperiùs, exque utilitate ejus, qui id tibi negotium mandavit? Anceps queftio, & in utramque partem à prudentibus viris arbitrata eft. Sunt enim non pauci, qui fententiam fuam una in parte defixerint, & re femel ftatura deliberataque ab eo, cujus negotium id pontificiumque effet, nequaquam putaverint contra dictum ejus effe faciendum, etiamfi repentinus aliquis cafus rem commodius agi pole polliceretur; ne, fi fpes fefelliffet, culpa imparentia, & pœna indeprecabilis fubeunda effet: fi res fortè melius vertif fet; Diis quidem gratia habenda, fed exemplum tamen intromiffum videretur, quo bene confulta confilia religione mandati foluta corrumperentur. Alii exiftimaverunt, incommoda priùs, qua metuenda effent, fi res aliter gesta foTet, quam imperatum eft, cum emolumento fpei penfitanda effe: &, fi ea leviora minoraque; utilitas autem contrà gravier & amplior fpe quantum poteft firma oftenderetur ; tum poffe adverfum mandata fieri cenfuerunt; ne oblata divinitus rei bene gerenda accafio amitteretur. Neque timendum exemplum non parendi crediderunt, fi rationes hujufcemedi duntaxat non adeffent : cumprimis autem refpiciendum putaverunt ingenium naturamque illius, cuja ies pracepTo M. II.

Gro

(a) Tel qu'étoit Cn. Pifon, dont parle Senéque, De Ira, Lib. I. Cap. XVI. Voiez

au contraire des

exemples de douceur, dans Xiphilin, ad ann.

tumque effet ; ne ferox, durus, indomitus, inexorabilifque fit,
qualia fuerunt Pofthumiana imperia, & Manliana. Nam
fi tali Præceptori ratio reddenda fit, nihil faciendum effe
monuerunt aliter, quam præceptum eft. Aul. Gell. Lib. I.
Cap. XIII. Au reste, nôtre Auteur n'a point entendu ces
paroles: funt enim non pauci, qui fententiam &c. Car il 118. & Zonar.
les alléguoit, comme le fondement des raifons de ceux, Tom. II. au fujet
qui tiennent la négative, & comme fi elles fignifioient, de l'Empereur
qu'il y a bien des gens, qui aiant pris une fois un parti, Adrien ; & dans
ne veulent point en démordre: au lieu qu'Aulu-Gelle veut Lampridius, au
dire feulement, qu'il y a bien des gens, qui décident ab- fujet de Commo-
folument en matiére du pour & du contre de cette question de, Cap. I.

&c.

(2) Nôtre Auteur rapportoit ici un exemple allégué dans Aulu-Gelle, eny ajoûtant une réflexion que fait la-deffus Montagne. Mais écoutons parler Montagne luimême, & rapportons plus au long ce qu'il dit là-deffus. Après avoir blâme la conduite de deux Ambafladeurs François, qui, fous prétexte de ne pas pouffer leur Maitre à quelque mauvais parti, ne lui donnoient pas avis exactement de ce qui fe paffoit; voici comme il continue:,, Quoy qu'il en foit, je ne voudrois pas eftre fervy de cette façon en mon petit faict. Nous nous four,, trayons fi volontiers du commandement fous quelque », pretexte, & ufurpons fur la maiftrife: chacun afpire ,, fi

"

E

(b) Lib. II. Cap.

XVI. §. 21,

(c) Boecler. Dif

Mandati.

imperantis.
(e) Mandatum

Grotius (b) croit, que l'on peut s'aquiter d'une commiffion en faisant quelque autre chofe d'auffi utile que ce dont on a ordre; pourvu que l'on foit affuré que ce, qui avoit été preferit, ne l'avoit pas été précisément & indifpenfablement en lui-même, mais pour une raison générale, ou en vue d'une utilité que l'on peut également procurer d'une autre maniére. Voici comment il faut entendre cela. Quand on donne une commiffion à quelcun, on fe contente quelquefois de lui dire en général l'affaire, dont on le charge, fans lui prefcrire la manière dont il doit s'y prendre, laiffant cela à son habileté & à fa prudence. C'est làdeffus qu'eft fondé le Proverbe commun: Envoiez une perfonne fage & de bon fens, vous n'aurez que faire de lui rien dire. Quelquefois on fait mention de la maniére, dont celui, que l'on charge d'une commiffion, doit fe conduire, mais feulement en forme de confeil, & comme de ce qu'on juge le plus propre à réülfir, en forte néanmoins qu'on ne défend pas au Procureur d'ufer de fon habileté & de fa prudence, s'il trouve quelque autre voie plus commode, pour venir à bout de l'affaire. Quelquefois enfin on preferit fi pofitivement la maniére dont le Procureur doit s'y prendre, qu'on prétend qu'il ne s'en écarte pas le moins du monde, quoi qu'il arrive. On voit bien, qu'il n'y a que le fecond cas, où l'on puiffe s'aquitter de la commiffion par équivalent. On allégue là-deflus cette Loi du Droit Romain: (3) Titius a donné ordre à Gaius de répondre pour Mévius auprès de Sempronius. Gaius, au lieu de cela, donne ordre à Sempronius de prêter de l'argent à Mévius. On demande fi Gaius a action de Mandement contre Titius: Les Jurifconfultes répondent, qu'oui. En effet, Titius a obtenu ce qu'il fe propofoit, qui eft que Sempronius prêtât de l'argent à Mévius: & c'est tout un pour lui, que Gains fe foit rendu caution pour Mévins, ou qu'il aît donné ordre à Sempronius de lui prêter; puis que, de quelle de ces deux maniéres que ce foit, il eft obligé de rembourfer à Gains ce qu'il a dépenfé pour ce fujet.

Mais, comme l'a remarqué un (c) Commentateur de Grotius, il faut diftinguer ici enfert. de religione tre le Mandement (d) d'un Supérieur, & le Mandement (e) d'un égal; c'est-à-dire, entre (d) Mandatum les commiffions dont on eft chargé par ordre d'un Supérieur, & celles dont on fe charge volontairement par un Contract de Particulier à Particulier. Ces deux Mandemens font très-différens, & n'ont rien de commun que le nom. Ainfi c'eft mal à propos qu'on applique aux ordres des Supérieurs ce que les Jurifconfultes difent du Contract de Mandement, ou des Procurations & Commiffions. Dans les affaires particuliéres on préfume aifément, que la manière d'exécuter une commiffion n'a été prefcrite qu'en forme de con

committentis.

,

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tis ratus,

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fi naturellement à la liberté & autorité, qu'au Superieur nulle utilité ne doit eftre fi chere, venant de » ceux qui le fervent, comme lui doit eftre chere leur fimple & naïfve obciffance. On corrompt l'office du commander, quand on y obeït par difcretion, non » par fujection. (Cette penfee eft prife d'Aula-Gelle, ubi fupra: Corrumpi atque diffolvi officium omne imperanfi quis ad id, quod facere juffus eft, non obfequio debito, fed confilio non defiderato respondeat.] „Et P. Craffus [Mucianus], celuy que les Romains eftimerent cinq fois heureux, lors qu'il eftoit en Afie Conful, ayant mandé à un Ingenieur Grec, de luy faire mener le » plus grand des deux mas de Navire qu'il avoit veus à "Athenes, pour quelque engin de batterie qu'il en vouloit faire cettuy-cy, fous titre de fa fcience, fe donna loy de choifir autrement, & mena le plus petit, &, felon la raifon de l'art, le plus commode. Craffus ayant patiemment ouï fes railons, luy feit tres-bien donner le fouet, eftimant l'intereft de la difcipline plus que l'intereft de l'ouvrage. D'autre part pourtant ,, on pourroit auffi confiderer, que cette obeiffance fi » contrainte n'appartient qu'aux commandements precis & prefix. Les Ambafladeurs ont une charge plus ,, libre, qui en plufieurs parties depend fouverainement de leur difpofition. Ils n'executent pas fimplement,

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22

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mais forment auffi, & dreffent par leur confeil la vo,, lonte du maitre. J'ai veu en mon temps des perfon», nes de commandement, repris d'avoir pluftoft obei » aux paroles des lettres du Roy, qu'à l'occafion des af faires qui eftoient pres d'eux. Les hommes d'entendement accufent encore aujourd'huy l'ufage des Roys de Perfe, de tailler les morceaux i courts à leurs » Agents & Lieutenans, qu'aux moindres chofes ils euflent à recourir à leur ordonnance: ce delay, en une fi longue eftendue de domination, ayant fouvent ,, apporté de notables dommages à leurs affaires. Et » Craffus, efcrivant a un homme du metier, & luy donnant advis de l'ufage auquel il deftinoit ce mas, fembloit-il pas entrer en conference de fa deliberation, ,, & le convier à interpofer fon decret? Efais, Liv. I.. Chap. XVI. à la fin.

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(3) Mandavi in hac verba, Lucius Titius Gaio fuo falutem, Peto, & mando tibi, ut fidem dicas pro Publio Mavio apud Sempronium: quæque à Publio foluta tibi non fuerint, me repræfentaturum, hâc epiftolâ, manu meâ fcriptâ, notum tibi facio: quæro, fi non fidejuffiffiffet, fed mandaffet creditori, & alias egiffet, quam [quod] ei mandatum effet, an actione mandati teneretur? Refpondit, teneri. Digeft. Lib. XVII. Tit. I. Mandati, vel contra, Leg. LXII. §. I.

(4) C'eft

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feil, qui peut être fuivi ou changé par le Procureur, felon fa prudence. Mais lors qu'un Supérieur donne charge d'une chofe à quelcun, il eft cenfé ne lui avoir laiffé que la gloire d'obéir, & d'exécuter purement & fimplement ce qui lui a été ordonné, & de la maniére qui lui a été prefcrite; à moins que, comme cela fe pratique fouvent, l'ordre ne contienne une claule expreffe, qui lui permette d'y fuppléer ou d'y changer quelque chofe, felon que les affaires & les conjonctures le demanderont; ou que cette permiffion ne foit tacitement renfermée dans les paroles mêmes, interprétées conformément à la nature de la commiffion, & aux vûes du Supérieur qui l'a donnée, felon les régles de la droite Raifon, & celles qui font généralement reçues des gens de bon fens: car on tient pour la véri- muel, XVIII, 14table volonté d'une perfonne, ce qui fuit de fes paroles en vertu des Loix de la bonne Cri- XIX, 6. Corn. Netique. Mais il ne faut pas avoir recours fans néceffité à ces fortes d'interprétations: autre- on. ment toute l'autorité des Supérieurs s'en iroit en fumée; & l'Etat fe verroit fouvent à deux VIII. Valer. Max. doigts de fa ruine, fi les Miniftres, même les plus accreditez, s'ingéroient d'exercer de 5.1. Buieres, leur chef les actes propres au Souverain (4): quoi que quelquefois ils faffent (f) bien de Hift. de France, ne pas exécuter les ordres qu'il a donnez inconfidérément & à l'étourdie.

§. VI. UNE autre forte de Contract Bienfaisant, c'est le Prêt à ufage (1), par lequel on accorde à autrui gratuitement l'ufage d'une chofe qui nous appartient. Voici, à peu près, les Loix de ce Contract. 1. Celui, qui emprunte, doit garder & entretenir la (2) chofe qu'on lui prête, avec tout le foin que les perfonnes les plus avifées & les plus circonfpectes prennent ordinairement de leur propre bien. 2. Il ne doit point (3) fe fervir de la chofe empruntée, à d'autres ufages, ni plus long-tems qu'il ne lui a été permis par le Propriétaire. 3. Enfin, il doit la rendre en fon entier, & telle qu'il l'a reçue, ou du moins fans autre détérioration que celle qui eft un fimple effet de l'ufage ordinaire (+): car le maître de la chofe s'eft engagé tacitement à ne lui rien demander pour cela. Que fi, après avoir prêté une chofe pour un certain tenis, on vient à en avoir befoin foi-même par un accident que l'on n'avoit point prévû lors qu'on la prêtoit; l'Emprunteur doit la rendre, fans différer, auffi-tôt qu'on la lui demande, quoi que le terme, dont on étoit convenu, ne foit

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(4) C'eft ainfi qu'Othon dit, dans Tacite, Hift. Lib. I. Cap. LXXIII. Si, ubi jubeantur, quærere fingulis liceat pereunte obfequio, etiara imperium intercidit. S'il étoit permis à chacun, au lieu d'obeïr aux ordres qu'il reçoit du Prince, d'en demander la raifon; il n'y au,,roit plus d'obeïffance, & par conféquent plus d'autorité. Voiez auffi, Lib. II. Cap. XXXIX. T. Liv. Lib. XLIV. Cap. XXXIV. & Digeft. Lib. XLIX. Tit. XVI. De re militari, Leg. III. S. 15. Un Vice-Roi des Indes trouvant une belle occafion de s'emparer de la ville d'Adéne, ne voulut pas le faire, quelque confiderable que dût être cette prife, parce qu'il n'en avoit pas ordre du Roi d'Efpagne fon Maître; comme le remarquoit encore notre Auteur, après Hieron. Oforius, de geftis Emmanuelis, Lib. XI.

§. VI. (1) C'est ainfi qu'il a fallu exprimer le terme Latin, Commodatum; celui de Prêt tout feul fe difant egalement & du Contract, dont il s'agit ici, & du Munum, que j'appellerai Prêt à confomption: car il n'y a point d'autre mot François pour diftinguer ces deux idées différentes. Voici comment le Droit Romain définit le Coramadatum, ou Prêt à usage. Commodata autem res tune proprie intelligitur, fi nulla mercede accepta vel conftituta, res tibi utenda data eft: alioqui mercede interveniente, locatus tibi ufus rei videtur. Gratuitum enim debet effe commadatum. Inftitur. Lib. III. Tit. XV. §. 2. Voiez Daumat, Leix Civiles dans leur ordre naturel, I. Part. Liv. I. Tit. V.

(2) Alias tamen [is qui utendum accepit] exactiffimam diligentiam cuftodienda rei prafiare compellitur: nec fuffi cit ei eandem diligentiam adhibere, quam fuis rebus adhibet, fi alius diligentior cuftodire poterit. Digeft. Lib. XLIV. Tit. VII. De obligat. & action. Leg. I. §. 4. Voicz ́ausli

pas

Lib. XIII. Tit. VI. Commodati vel contra, Leg. V. §. 5.
(3) En ufer autrement, c'est un Larcin, felon les Ju-
rifconfultes Romains. Sive is, qui rem utendam accepit,
in alium ufum cam transferat, quàm cujus gratia ei data
eft; furtum committit: veluti fi quis argentum utendum
acceperit, quafi amicos ad cœnam invitaturus, & id pere-
gre fecum tulerit: aut fi quis equum geftandi caufa commo-
datum fibi longius aliquo duxerit; quod Veteres feripferunt
de eo, qui in aciem equum perduxiffet. Inftit. Lib. IV.
Tit. I. De obligation. qua ex delicto nafcuntur, §. VI.
Voicz auffi Digeft. Lib. XIII. Tit. VI. Commodati vel con-
tra, Leg. V. §. 8. & Lib. XLVII. Tit. II. De Furris, Leg.
LIV. §. 1. Valer. Max. Lib. VIII. Cap. II. §. 4. A. Gel-
tius, Lib. VII. Cap. XV. Mais les mêmes Jurifconfultes
ajoûtent, que, quand on a lieu de prefumer, que le
maître de la chofe empruntée nous permettroit d'en fai-
re un autre ufage que celui dont on eft expreffément
convenu, s'il favoit ce qui fe paffe; il n'y a rien alors
de criminel, ni de blamáble. Placuit tamen, eos qui re-
bus commodatis aliter uterentur, quam utendas acceperint,
ita furtum committere, fi fe intelligant id invito domino
facere, eumque, fi intellexiffet, non permiffurum: at fi
permiffurum credant, extra crimen videri: optima fanè
diftinétione: quia furtum fine affectu furandi non commit-
titur. Inftit. ubi fuprà, §. VII.

(4) Si reddita quidem fit res commadara, fed deterior
reddita, non videbitur reddita, nifi quod intereft præftetur.
Digeft. Lib. XIII. Tit. VI. Leg. III. §. 1. Si commodavero
tibicquum, quo atereris ufque ad certum locum, fi nulla
culpa tua interveniente, in ipfo itinere deterior equus fai-
tus fit, non teneris commodati: nam ego in culpa ero, qui
in tam longum iter commodavi, qui eum laborem fuftinere
non potuit. Ibid. Leg. XXIII.
(5) Sicus

E 1

(f) Voiez II. Sa

pos, in Epami

Lib. III. C. VIII.

L. X1. P. 391.

Du Prêt à usage z & en quoi il dif

fere du Précaire.

pas encore expiré. Car on préfume, que perfonne ne prête fon bien qu'auffi long-tems qu'il peut s'en paffer lui-même fans s'incommoder; & il faut être bien peu foigneux de fes affaires, ou vouloir fe moquer des gens, pour promettre à un homme de ne pas lui demander ce qu'on lui prête, lors même qu'on en aufa grand befoin. Toutes les fois donc que l'on prête pour un certain tems, il y a toujours une condition tacite, par laquelle on fe referve le droit de redemander la chofe prêtée, s'il fe trouve qu'on en ait grand befoin avant le terme expiré. Mais, hors ce cas-là, il ne faut pas anticiper le tems fur lequel l'Emprunteur a eu lieu de compter (5).

Le Droit Romain diftingue entre le Prêt à ufage, & le Précaire, qui font l'un & l'auttre gratuits, & ont pour objet les mêmes chofes; mais qui différent en ce que le Précaire n'eft pas un Contract, ni un acte obligatoire de part & d'autre. D'ailleurs, dans le Prêt à ufage, on accorde l'ufage de la chofe pour un certain tems, ou pour de certains befoins: au lieu que le Précaire ne dure (6) qu'autant qu'il plait à celui qui prête. Enfin, dans le Prêt à usage, on eft refponfable de la moindre négligence au fujet de la chofe empruntée: au lieu que celui, qui a une chofe en emprunt, fimplement par Précaire, n'eft responsa(a)Voicz Wiem- ble que de fa mauvaise (7) foi, & d'une négligence groffiére (a).

bach. ad Dig. Difput. XXIV. S. 19.

On demande, fi, lors que la chofe vient à périr par un cas fortuit, dont l'Emprunteur n'a pû ni dû la garantir, fi celui-ci, dis-je, eft tenu en ce cas-là, d'en paier la valeur, ou d'en rendre une autre de même forte? Le commun des Docteurs le nie (S). Mais, à mon avis, il faut diftinguer, fi la chofe auroit péri infailliblement entre les mains du Propriétaire, quand même il ne l'auroit pas prêtée; ou bien, fi, fans cela, elle fe feroit confer(b) Voiez Grotius, vée (b). Dans le premier cas, l'Emprunteur n'est point du tout tenu à reftitution. Dans

Lib. II. Cap.XII.

S. 13. num. I.

(s) Sicut autem voluntatis & officii magis, quàm neceffitatis eft, commodare, ita modum commodati, finemque prafcribere, ejus eft, qui beneficium tribuit. Cùm autem id fecit, (id eft, poftquam commodavit,) tunc finem prafcribe re, & retro agere, atque intempeftive ufum commodata rei auferre, non officium tantùm impedit, fed & fufcepta obligatio inter dandum accipiendumque: geritur enim negotium invicem.... Igitur fi pugillares mihi commodafti, ut debitor mihi caveret, non rectè facies importune repetendo: nam fi negaffes, vel emiffem, vel teftes adhibuiffem. Digeft. ubi fuprà, Leg. XVII. §. 3.

(6) Precarium eft quod precibus petenti utendum conceditur tamdiù, quamdiù is, qui conceffit, patitur. Digeft. Lib. XLIII. Tit. XXVI. De Precario, Leg. I. princ.

(7) Illud adnotatur, quod culpam non praftat is qui precario rogavit, fed folùm dolum praftat: quanquam is qui commodatum fufcepit, non tantùm dolum, fed etiam culpam praftat. Nec immerito dolum folùm praftat is, qui precario rogavit: cùm totum hoc ex liberalitate defcendat ejus, qui precario conceffit; & fatis fit, fi dolus tantum praftetur. Culpam tamen dalo proximam contineri quis meritò dixerit ? 1bid. Leg. VIII. §. 3.

(8) Ils fe fondent fur cette Loi entr'autres: Quod verò fenectute contigit, vel morbo, vel vi latronum ereptum eft, aut quid fimile accidit, dicendum eft, nihil eorum effe imputandum ei, qui commodatum accepit; nifi aliqua culpa interveniat. Proinde & fi incendio, vel ruina aliquid contigit, vel aliquod damnum fatale, non tenebitur: nifi for

cum poffit res commodatas falvas facere, fuas pratulit. Digeft. Lib. XIII. Tit. VI. Commodati, vel contra, Leg. V. §. 4. Voiez auffi Leg. XIX. & Lib. XLIV. Tit. VII. De bligat. & action. Leg. I. §. 4. Au refte, de ces derniéres paroles, nifi fortè, cùm poffit &c. la plupart des Jurif confultes inférent, que, dans un danger commun, on doit fauver la chofe empruntee, plûtôt que fon propre bien, à moins qu'il ne vaille davantage. Mais Mr. Titius foûtient, que ces mots, fuas pratulit, ne veulent pas dire, il a mieux aimé fauver son bien, que ce qu'il avoit d'emprunt; mais feulement, que pouvant fauver P'un & l'autre, il n'a voulu fe mettre en peine que du

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fien; de forte qu'il y a alors de fa faute. En effet, ditil, tout ce qui précède fait voir, que la penfée d'vlpien eft, que l'Emprunteur n'eft refponfable que de fa propre negligence, & non pas des cas fortuits, contre lef quels il ne pouvoit pas fe précautionner. Il faut donc expliquer les derniéres paroles en fuppofant quelque circonftance; d'où il paroiffe, qu'il y a de la faute de l'Emprunteur. Car il n'eft pas toûjours obligé de préférer la confervation de la chofe empruntée à celle de fon propre bien. Les Interprêtes difent ordinairement, qu'il faut, pour cela, que la chofe empruntée foit de plus grand prix, & qu'autrement, fi on la fauve au préjudice de fon propre bien, celui, à qui elle appartient, eft tenu de nous paier la nôtre, qui valoit davantage. Mais cette decifion eft manifeftement fauffe. Car en vertu de quoi celui, à qui appartenoit la chofe empruntée, feroit-il obligé de paier la valeur de celle, que l'on a laiffé périr pour fauver la fienne? Il n'eft en aucune maniére l'auteur du dommage que l'on reçoit; & il n'avoit point promis de nous dedommager en cas d'un pareil accident; qui font les deux fondemens de toute Obligation naturelle de réparer les pertes que fait une autre perfonne. Il n'y a non plus aucune Loi Civile qui autorife cette décifion. Et au fond, qui est-ce qui n'aimeroit pas mieux qu'on lui laiffât perir fon bien, que de le conferver à la charge qu'il feroit obligé de paier la valeur d'une chofe de plus grand prix, que l'on facrifie pour le fauver? Enfin, de ce que l'Emprunteur peut préférer la confervation de fon propre bien à celle de la chofe empruntée, lors que celle-ci vaut moins, il s'enfuit feulement, que, s'il ufe de fon droit, le maître de la chofe empruntée ne fauroit lui rien demander; comme d'autre côté, s'il néglige de fe fervir de fon droit, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même. Mais il eft ridicule d'inférer de là, que, quand il a fauvé la chofe empruntée préférablement à la fienne propre, celui, à qui elle appartient, doive lui en tenir compte, & le dédommager de la perte de la fienne; puis qu'il ne fait que recouvrer fon bien. Titius, in Lauterbach. Obf, CCCXCIL.

(9) Cet

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