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voir tel égard qu'il jugera à propos aux représentations de ces Affemblées. Hobbes (e) re- (e) Leviath.Cap、 marque auffi avec raifon, qu'à moins que le Roi ne foit plus Souverain, & que l'Etat n'aît XXII. deux Chefs, ces fortes d'Aflemblées ne peuvent délibérer que fur les affaires qui y font propofées par le Roi; les Députez du Peuple, qui les compofent, n'aiant pû recevoir des inftructions que pour les chofes contenues dans les Lettres Circulaires, par lesquelles le Roi les a convoquez. L'Allemblée doit auffi être diffoute, dès que le Roi a déclaré, qu'il n'y a plus d'affaire à examiner pour l'heure. Cela n'empêche pourtant pas, à mon avis, que l'Aflemblée ne puiffe faire des représentations refpectueufes, & de très-humbles rémontrances au Roi, en forme de prières.

Mais tout cela ne rend pas le Souverain moins abfolu; & fon Autorité n'eft véritablement limitée, que quand les Sujets ont ftipulé de lui, en le couronnant, que s'il faifoit quelque chofe de fon chef & fans le confentement des Etats du Roiaume, en matiére de certaines affaires, fes Ordonnances feroient nulles & de nul effet. En ce cas-là néanmoins il doit être au pouvoir du Roi de convoquer l'Affemblée, & de la diffoudre (2), aprèsy avoir propofé les affaires, qu'il juge à propos: autrement ce ne feroit qu'un Roi en peinture, ou du moins le Chef d'un Etat fort Irrégulier. Que fi les Députez, qui compofent l'Affemblée, peuvent eux-mêmes propofer certaines chofes qui regardent le Bien Public; les délibérations, que l'Affemblée prend là-deffus, tirent toûjours néanmoins toute leur au torité de la ratification du Roi. Au reste, la différence qu'il y a entre ces fortes d'Aflemblées, & le Confeil d'Etat proprement ainfi nommé, c'eft que, quoi que les Députez du Peuple, & les Confeillers Privez, n'aient ni les uns ni les autres que le droit de repréfentation, le Roi peut bien rejetter les raifons des derniers, mais non pas celles des prémiers. Cependant, lors que les Etats affemblez refusent leur confentement à quelque propofition du Roi, il ne doit pas s'en formalifer, comme d'une offenfe. Car il a promis folennellement d'avoir toûjours devant les yeux le bien de fon Roiaume; & il y a tout lieu de préfumer,

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(2) Cela mérite pourtant quelque explication. Ecoutons là-deffus Mr. Sidney. Le pouvoir d'affembler & ,, de diffoudre les Parlemens, n'appartient pas abfolument aux Rois. Ils peuvent convoquer un Parlement, s'il en eft befoin, dans un tems auquel la Loi ne les ,, oblige pas de le faire. Ils font, pour ainfi dire, en ,, fentinelle; ils doivent obferver avec beaucoup de vi,,gilance les mouvemens de l'Ennemi, & avertir de fes » approches mais fi la Sentinelle s'endort, qu'elle né"glige fon devoir, ou qu'elle tâche malicieufement de ,, trahir la Ville; ceux qui font intereffez dans fa conservation, peuvent & font en droit de fe fervir de tout autre moien pour découvrir le danger qui les ,, menace, & pour s'en garentir.... Il eft certain, que c'étoit aux Confuls, ou aux autres principaux Ma"giftrats de Rome, d'affembler & de congedier le Sé,, nat. Mais lors qu'Hannibal étoit aux portes de la Vil,, le, ou que les Romains fe trouvoient dans quelque autre danger preffant, qui ne les menaçoit pas moins ,, que d'une entiére deftruction; fi ces Magiftrats avoient été yvres, infenfez, ou qu'ils euffent été » gagnez par l'Ennemi, il n'y a point de perfonne raifonnable qui puifle s'imaginer, qu'on eût dû alors s'arrêter à des formalitez. Dans ces occafions chaque Particulier eft Magiftrat; & celui qui s'apperçoit le prémier du danger, & qui fait le moien de le préve,, nir, eft en droit de convoquer l'affemblée du Sénat ,, ou du Peuple. Le Peuple feroit toûjours difpofé à sui,, vre cet homme, & le fuivroit infailliblement, tout ,, de même que les Romains fuivirent Brutus & Valérius » contre Tarquin, ou Horatius & Valérius contre les Dé" cemvirs; & quiconque agiroit autrement, feroit fans contredit auffi fou que les Courtifans des deux derniers Rois d'Espagne. Le prémier de ces Rois Phi„lippe III. étant indifpofé un jour qu'il faifoit fort » froid, on apporta dans fa chambre un brafier de char

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22

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,, bon, qu'on mit fi proche de lui, qu'il en fut cruel-
,,lement brûlé. Un des Grands, qui étoit préfent, dit
à celui qui étoit proche de lui, le Roi fe brûle: celui-
,, là lui répondit, que cela étoit vrai, mais que le Pa-
»ge qui avoit la charge d'apporter & d'ôter ce brafier,
,, n'y étoit pas; & avant qu'on le pût trouver, les jam-
,, bes & le vifage de fa Majefte furent tellement brûlez,
», que cela lui caufa une erefipele, dont il mourut. Peu
», s'en fallut que Philippe IV. n'eût le même fort. Ce
,, Prince étant à la chaffe, fut furpris d'une violente
,, tempête, mêlée de pluie & de grêle, & aucun de fes
,, Courtifans n'ofant prendre la liberté de lui prêter
fon manteau, ce Monarque fut fi mouillé, avant qu'on
pût trouver l'Officier qui portoit le fien, qu'il fe vit
attaqué d'un rhûme, qui lui caufa une fièvre très-
,, dangereufe. Si les Rois prennent plaifir aux fuites de
cette régularité, ils peuvent la faire obferver dans leur.
Famille: mais les Nations, dont le principal foin.
,, doit être de fe mettre en fûreté, agiroient en ftupi-
des & en bêtes, fi elles aimoient mieux fe laiffer ruï-
,,ner, que de s'écarter de ces formalitez..... C'est en
» vain auffi que les Parlemens s'affemblent, s'il ne leur
eft pas permis de continuer leurs Séances, jufques à
» ce qu'ils aient acheve les affaires, pour lesquelles ils.
fe font affemblez, & il feroit ridicule de leur donner
"pouvoir de s'affembler, s'il ne leur étoit pas permis
de demeurer affemblez jufques à l'entiere expedition
,, des affaires. Car, comme dit Grotius, Qui dat finem,
,, dat media ad finem neceffaria. La feule raifon pour la
», quelle les Parlemens s'affemblent, c'est pour travail-
,, ler à l'avancement du bien public; & d'eft en vertu.
,, de la Loi qu'ils s'affembient pour cette fin. On ne
,, doit donc pas les diffoudre, avant qu'ils aient fait ce.
» pourquoi ils font affemblez. Difcours fur te Gouverne
ment , Chap. III. Sect. XXXVIII. Voiez le refte de ce
Chapitre.

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دو

(f)Voiez l'exemple d'Agefilas,

cité ci-deffus,

Liv. I. Chap. VI.

§. 17.

(g) Leviath.Cap. XXVIII.

Réponse aux raifons de Hobbes, que tout Souverain eft abfolu.

pour prouver

(a) De Cive, Cap. VI. §. 13.

Cap. VI. §. 6.

fumer, que plufieurs perfonnes choifies voient mieux qu'une feule ce qui eft convenable à cette fin. Lors donc que l'Affemblée des Etats ne se trouve pas de même avis que lui, il ne doit s'en prendre qu'à fon imprudence, ou à fes paffions déréglées, ou au malheur de l'Etat. En vain quelques uns appréhendent-ils, que le falut du Roiaume ne foit de cette maniére entre les mains de l'Affemblée, & qu'ainfi l'Etat ne coure grand rifque de périr. Car il eft bien difficile que le Roi foit fi peu habile que de ne pouvoir faire clairement comprendre aux Etats les befoins du Roiaume, ou les Etats si insensez & fi opiniâtres, que de vouloir trahir leurs propres intérêts manifeftement reconnus. Cependant, comme on ne doit pas préfumer, que ceux qui ont limité l'Autorité Roiale, aient voulu par là détruire l'Etat, ou mettre les chofes fur un pied qui tendit à empêcher qu'on ne pût entreprendre ce qui feroit nécelfaire pour le but naturel des Sociétez Civiles; il faut toûjours interpréter les Conventions Fondamentales en fuppofant qu'elles ne fe trouvent en aucune façon contraires au Bien Public. Car, quand cela arrive, il eft bon à la verité, fi le tems n'est pas trop court, de propofer le cas à l'Affemblée du Peuple, ou des Etats du Roiaume mais fi la chofe ne fouffre point de retardement, le Roi peut alors fe difpenfer, en gardant d'ailleurs tous les ménagemens que la Prudence lui fuggére, de tenir des Conventions, dont l'effet feroit pernicieux à l'Etat. Les Loix les plus inviolables font même quelquefois obligées de céder (f) au salut du Peuple, qui eft la Souveraine Loi. La fituation des affaires, ou la qualité des Criminels ne permet pas non plus fouvent de leur faire leur procès dans les formes, de quoi on ne pourroit quelquefois venir à bout fans les avoir auparavant défaits en bataille rangée. Hobbes (g) foûtient, qu'en ce cas-là le fupplice eft un acte d'hoftilité, & non pas une peine, quoi qu'il foit infligé véritablement par autorité publique. Mais cette maxime n'eft vraie que quand celui, qui fouffre le fupplice, ne l'a mérité par aucun Crime: car s'il eft manifeftement coupable, ce fera fans contredit une véritable peine, quoi que les circonftances du tems aient empêché de garder les formalitez ordinaires de la Juftice.

§. XIIL LE même Auteur femble ne reconnoitre aucune différence entre le Pouvoir Souverain, & le Pouvoir Abfolu, & prétendre au contraire, que tout Souverain est absolu, par cela feul qu'il eft Souverain. (a) F'appelle, dit-il, POUVOIR ABSOLU, le plus grand Pouvoir que les Hommes puiffent donner fur eux à un autre Homme. Car quiconque a foumis fa volonté à la volonté de l'Etat, (ou du Prince) en forte qu'il lui a donné pouvoir de faire impunément tout ce qu'il veut, d'établir des Loix, de juger les procès, d'infliger des peines, de fe fervir, comme bon lui femble, des forces & des richeffes de tous, & cela avec un plein droit; celui-là fans contredit lui a conféré la plus grande Autorité, (b) Par exemple, que l'on puiffe accorder à quelcun. Ce que Hobbes dit ici (b), & en plufieurs autres endroits, un peu trop crûment, que le Souverain a droit de faire tout ce qu'il vent, doit être expliqué par rapport à l'intention de ceux qui ont formé des Sociétez Civiles. Il exprime (c) Cap. V. §. 6. lui-même ailleurs cette reftriction, comme quand il dit (c), que le Souverain peut se servir des forces & des biens de chaque Particulier, pour la paix & la défenfe commune; & que le droit abfolu du Souverain demande une obéissance auffi étendue qu'elle le doit être néceffairement pour le Gouvernement de l'Etat. Ainfi chacun eft cenfé n'avoir donné au Souverain qu'autant de Pouvoir qu'une perfonne de bon-fens peut juger néceflaire pour cette fin; quoi que ce foit au Souverain, & non pas aux Sujets à prononcer, dans les cas particuliers, fur ce qui doit pafler pour tel. A l'égard des chofes, qui font contraires au falut & à l'avantage de l'Etat, ou à la Loi Naturelle; le Souverain, bien loin d'avoir aucun droit d'y contraindre fes Sujets, ne doit pas même les vouloir. Et dès qu'il fe porte à quelque chofe de femblable, il paffe certainement les bornes de fon Pouvoir. Voici mainte(a) Ibid. Cap.VI. nant de quelle maniére Hobbes (d) prétend prouver, que le Pouvoir Souverain ne fauroit être limité. L'Affemblée, dit-il, qui a preferit des Loix au Roi à fon avénement à la Couronne, avoit fans contredit un Pouvoir abfolu (non pas actuellement, mais virtuellement).

& §. 9. in fin.

§. 17.

Si

Si elle fubfifte toujours, ou qu'elle s'affemble de tems en tems à certains jours & en certain lien, ce Pouvoir eft perpétuel; & ainfi le Roi ne fera qu'un fimple Magiftrat. (J'accorde cela, fi l'on fuppofe, que ce Corps puiffe s'aflembler de fa pure autorité, décider fouverainement de toutes les affaires de l'Etat, & faire rendre compte au Roi de fa conduite.) Que fi l'Affemblée eft entiérement diffoute, alors on la Société Civile eft détruite en même tems, & ainfi tous ceux qui la compofoient, retournent dans l'état de Guerre, ou bien on laisse à une, ou plufieurs perfonnes le Pouvoir de punir ceux qui violeront les Loix qu'on a établies, ce qui ne fauroit fe faire fans donner à ces perfonnes-là un Pouvoir Abfolu. Cela est faux, auffi bien que la raifon, dont l'Auteur fe fert pour le prouver: Lors, dit-il, que l'on a en main de plein droit des forces fuffifantes, pour punir tous les Citoiens, qui ne voudront pas obéir, on eft revêtu du plus grand Pouvoir que les Citoiens puiffent conférer à quelcun. Mais pour fe convaincre de la foibleffe de ce raifonnement, il fuffit de confidérer que les Citoiens, en foûmettant leurs volontez & leurs forces à la volonté du Souverain, ne font pas pour cela devenus des troncs immobiles; qu'ils ne lui ont mis en main le Pouvoir qu'à condition qu'il s'en ferviroit pour le Bien Public, qui eft la fin des Sociétez Civiles; & que c'est à eux à juger, s'il a rempli la condition, faute dequoi ils peuvent reprendre ce qu'ils ont donné. Il eft encore vifiblement faux, que (e) l'on n'aît pas moins à crain- (e) Idem,Cap.VI, dre l'abus du Pouvoir Souverain, lors qu'il eft Limité, que fi on le laifloit Abfolu. Quoi §. 13. Annor, que le Prince aît affez de forces pour protéger & défendre tous fes Sujets, (ce que tout Sujet, qui a tant foit peu de bon-fens, ne conteftera pas & ne refufera pas à fon Roi) il ne s'enfuit point de là, qu'il foit toûjours affez puiflant pour les opprimer. Si un Général, par exemple, ordonne à fes Soldats de donner vigoureufement fur l'Ennemi, ils y courent, ils y volent: mais qu'il leur ordonne de fe tuer les uns les autres, ils fe moqueront de lui. Enfin, j'avoue que les Princes fages, encore même qu'ils foient abfolus, s'accommodent, avec tous les ménagemens poffibles, au naturel de leurs Sujets, & défiftent même fouvent de preffer quelque chofe d'avantageux en lui-même, lors qu'ils voient qu'ils ne fauroient les mettre à la raison fans préjudice de l'Etat. Mais il n'y a pas moins de prudence dans la conduite de ces Citoiens, qui étant perfuadez qu'une certaine chofe feroit préjudiciable à leur Etat, ont ftipulé par des Loix Fondamentales, que le Roi ne pourroit point les y contraindre.

der la Souverai

§. XIV. UNE autre différence accidentelle que l'on remarque dans la Souveraineté, fur 11y a différentes tout par rapport au Gouvernement Monarchique, c'eft que ceux qui en font revêtus, la maniéres de poffepoffédent ou avec un plein droit, ou d'une manière plus ou moins limitée. Car il y a des Rois neté. qui font maitres de leur Roiaume comme d'un patrimoine : d'autres qui n'ont la Couronne que par droit d'Ufufruit, & cela ou pour eux feulement pendant toute leur vie, ou avec pouvoir de la tranfmettre à leurs Defcendans fous certaines conditions: d'autres enfin à qui l'on n'a conféré l'Autorité Souveraine que pour un certain tems, au bout duquel ils redeviennent fimples Particuliers. Hobbes appelle Monarques (a) à tems, & fimples (b) Mi- (a) Ubi suprà, niftres de l'Etat, plûtôt que véritables Rois, tous ceux qui ne peuvent pas difpofer du Cap. VII. §. 16. Roiaume, comme de leur patrimoine, & nommer tel Succeffeur que bon leur femble. (b) Cap.IX..11. Mais l'ufage reçû ne permet pas de traiter de Monarques à tems les Princes qui ne font dépouillez de la Couronne qu'avec la vie : & ce titre ne convient proprement qu'à ceux, dont le Pouvoir finit de lui-même au bout d'un certain tems limité.

te, qui ne foit

§. XV. LES Savans ne conviennent pas entr'eux, s'il y a de véritables Rois, qui ne le si l'on peut avoir foient que pour un tems? Grotins (a) croit, que les Dictateurs Romains, dont l'Autorité une Souverainefiniffoit au bout de fix mois, en font un exemple inconteftable. Car, dit-il, la nature pas perpétuelle ? des Chofes Morales fe connoit par leurs opérations, & par conféquent les Droits on les Pou- (a) Cap.III.§.11. voirs, qui produifent les mêmes effets, doivent auffi avoir le même nom. Or le Dictateur, pendant tout le tems de fon Gouvernement, exerçoit tous les actes de la Souveraineté avec autant d'Autorité que le Roi le plus abfolu; fans que ce qu'il avoit fait, pût être annullé par

an

Bodin, de Rep.
Lib. I. Cap. VIII.

aucune autre perfonne. Et la durée d'une chofe n'en change pas (1) la nature; quoi que; comme la maniére de poffeder un Emploi le rend plus ou moins honorable, celui qui est revêtu pour toujours de la Souveraineté fout regardé avec plus de respect, & l'exerce avec plus de majesté que celui qui ne l'a que pour un tems, au bout duquel il doit redevenir égal ́aux (b) Par exemple, autres. Mais, avant & depuis Grotius, plufieurs (b) favans Hommes ont fait voir, que les Dictateurs Romains n'étoient que de fimples Magiftrats extraordinaires. Et l'on ne peut pas admettre purement & fimplement la maxime fur laquelle il fonde fon opinion, je veux dire, que les Pouvoirs qui femblent produire les mêmes effets, foient toujours de méme nature. Car il faut examiner encore, fi l'on a un Pouvoir propre & indépendant, ou fi on l'exerce feulement par commiffion. Grotius n'eft donc pas mieux fondé, de mettre au rang des Monarques à tems, ceux qui, pendant la Minorité de l'Héritier de la Couronne, on lors que le Roi eft tombé en démence, ou a été fait prisonnier par l'Ennemi, font déclarez Régens du Roiaume, en forte qu'ils ne dépendent point du Peuple, ou qu'ils ne fauroient être dépouillez de leur Autorité avant le tems prefcrit par les Loix. Tout cela n'empêche pas qu'ils n'exercent le Pouvoir Souverain au nom d'autrui, & non pas en leur propre nom; de forte qu'ils ne peuvent pas plus porter à jufte titre le nom de Rois, qu'un Tuteur ne peut être appellé propriétaire des biens de fon Pupille (c). D'ailleurs, pour peu qu'on fache l'Hiftoire Romaine, on fera obligé de reconnoitre, que toutes les (2) parties de la Souveraineté n'étoient pas tellement entre les mains du Dictateur, qu'il pût, pendant les fix mois de fon régne, les exercer toutes comme il lui plaifoit. Et rien n'empêche qu'il n'y aît un fimple Magiftrat, de la fentence duquel on ne puiffe point appeller (3), du moins en matiére de certaines chofes. Les autres exemples qu'on allégue d'un Pouvoir véritablement Souverain, mais qui n'eft que pour un tenis, ne paroiffent (4) pas concluans à quelques-uns, qui ne laiffent pas pour cela de regarder ces Monarchies à tems comme de pu

(c) Voiez Tit. Liv. Lib. VI.

Cap. XXXVIII.
Lib. VIII. Cap.
XXII. Cap. XXV.
& Val. Maxim.

XXXIII. Lib.

Lib. II. Cap. VII. $. &. in fin.

res chiméres.

Au refte il faut remarquer ici, à l'égard des Dictateurs, & de tous les autres Magistrats, qui ne font établis que pour un certain tems, que leur Pouvoir finit du moment que le terme eft expiré, & qu'ils rentrent dès-lors, fans l'autre nouvel acte, dans la condition de fimples Particuliers; en forte que tout ce qu'ils font ou qu'ils ordonnent après cela, doit être regardé comme fait fans autorité publique, & que tout le monde peut légitime

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(2) Voiez Rofin. Antiq. Roman. Lib. VII. Cap. XVII.

(3) Tels étoient autrefois, parmi les Romains les Préfets du Prétoire; fur quoi voici ce que dit un Refcript de Conftantin: A Prafelis autem Pratorio provocare non finimus. Cod. Lib. VII. Tit. LXIL De appellat. & confult. Leg. XIX. Voiez auffi Tit. XLII. De fententiis Prefect. Prator. & Digeft. Lib. IV. Tit. IV. De minorib. Leg. XVII. XVIII. Les Evêques, qui n'ont jamais manqué de profiter de l'indulgence des Princes, pour fatisfaire leur propre ambition, obtinrent ce privilege par un Refcript des Empereurs Arcadius, Henorius, & Theodofe, à l'égard des caufes dont ils prenoient connoiffance. Epifcopale judicium ratum fit in omnibus, qui fe audiri à Sacerdotibus elegerint : eamque illorum judicationi adhibendam effe reverentiam jubemus, quam veftris deferre neceffe eft poteftatibus, à quibus non licet provocare. Cod. Lib. I. Tit. IV. De Epifcopali audientia &c. Leg. VIII.

(4) Quand' Augufte voulut, qu'on ne lui donnât l'Empire que pour dix ans, après quoi il le prorogea pour

ment

autres dix ans, ce n'étoit qu'un jeu manifeste. Voiez Dion, Lib. LIII. Nabarzanes joignoit à ceia une perfidie déteftable, lors qu'il difoit à Darius fon Roi: Le feul remede eft de renouveller la guerre fous de nouveaux & de plus heureux aufpices, c'est-à-dire que pour un tems vous

remettiez les rênes du Gouvernement entre les mains d'un autre, qui porte feulement par forme le nom de Roi, jufqu'à ce qu'il ait chaffe les ennemis hors de l'Afie. Alors le victorieux vous rendra ce facré dépôt, & vous remonterez fur le throne. Q. Curt. Lib. V. Cap. IX. (J'ai fuivi Vangelas.) On pourroit (ajoûtoit nôtre Auteur) alléguer avec plus d'apparence pour exemple d'un Roiaume mis entre les mains de quelcun à la charge de le rendre au bout d'un certain tems (Fiduciarium Regnum), ce que l'on trouve dans Diodore de Sicile, Lib. IV. Cap. XXIII. & XXXIII. ou ce que Nicéphore Grégoras, Lib. IV. rapporte de Michel Paléologue, à qui Theodore Lafaris, en mourant, remit l'Empire, lui faifant jurer de le rendre à fon Fils, dès qu'il feroit en âge; ferment que Michel viola, faifant même crever les yeux au légitime héritier de l'Empire. Pour l'accord que tirent autrefois les deux Fréres Etéocle, & Polynice, de régner tour à tour cha cun une année; on pourroit dire, peut-être, qu'ils prétendoient jouir de la Couronne par indivis, mais en forte que chacun cût l'administration du Gouvernement pendant une année. Voicz Eurip. in Phaniff. & Stat. The baid. Lib. I.

(5) Voiez

ment refuser de leur obéir (5), quand même ils conferveroient (d) actuellement les mar- (d) De falte, op ques extérieures de leur Dignité paflée. Ainfi, pour les dépouiller de leur Pouvoir, il n'eft pofe à de jure. pas befoin d'une nouvelle Ordonnance du Peuple: mais s'ils refufent de s'en deflaifir, on peut, fans autre forme de procès, en venir d'abord aux voies de la force, pour le leur arracher. En effet, il n'en eft pas des droits limitez à un certain terme, comme de ceux dont la durée dépend de certaines qualitez de quelques actions qui peuvent être commifes. Perfonne ne fauroit douter, fi le tems preferit eft écoulé, ou non; & ainfi les droits, qui y étoient attachez, s'éteignent d'eux-mêmes, fans qu'il foit befoin d'autre examen, dès que le terme eft arrivé. Mais quand il s'agit de favoir li une action a été faite légitimement, Lib. III. Cap. ou non, il peut y avoir des raifons pour & contre : ainfi, pour en décider, il faut en ve- XXXVIII. & nir à un examen juridique (e).

(e) Voiez T. Liv.

Seqq.

Patrimoniaux.

§. XVI. POUR ce qui regarde les Roiaumes Patrimoniaux, il faut remarquer d'abord, Des Roiaumes que le terme de Patrimoine ne fignifie pas tant les biens qu'on a hérité de fon Pére & de fa Mére, que ceux qu'on poffède avec un plein droit de Propriété, de quelque maniére qu'on les ait aquis. De plus, comme la Propriété a précisément & originairement pour objet les Chofes ce font elles feules auffi qui compoférent d'abord les Biens Patrimoniaux: d'où vient qu'encore aujourd'hui on les regarde comme ce en quoi confifte principalement le Patrimoine de chacun; parce qu'en effet elles ne font revêtues d'aucun droit qui empêche que celui, à qui elles appartiennent, ne s'en ferve, & ne les confume même, à sa fantaific. Mais, par fucceffion de tems, on en vint peu à peu à mettre les Efclaves au nombre des Biens Patrimoniaux; les Maîtres s'étant appropriez leur perfonne, en forte que l'on regardoit le bien ou le mal qui arrivoit à un Efclave comme tournant à l'avantage ou au préjudice de fon Maître, plutôt qu'au fien. Voilà donc en quoi confiftoit alors le Patrimoine des Péres de famille. Car, quoi qu'ils euffent eux feuls la direction de leurs Femmes & de leurs Enfans; comme ce pouvoir fe rapportoit à l'avantage même des Femmes & des Enfans, auffi bien qu'à leur propre intérêt, ils ne les regardoient pas comme faifant partie de leur Patrimoine (a), & ne fe croioient pas plus riches pour cela: de mê- (a) Voiez Digest. me que l'on ne net pas proprement au rang des biens d'une perfonne libre (b) fon favoir, Lib.L. Tit. XVII. ou fon adreffe, quelque profit qu'elle en retire; & quoi que cela (c) tienne lieu de Patri- fur.Leg. CXXVI. moine à plufieurs. Mais, dans la fuite, l'ambition des Souverains aiant fait paffer pour Shique Goun des biens les plus confidérables, le droit de commander à des Hommes, & plufieurs Ix. Tit. II. Ad Princes abufant des richeffes de leurs Sujets pour fatisfaire leurs Paffions déréglées: on Leg. Aquil. Leg. commença à regarder comme des Roiaumes Patrimoniaux, ceux qui avoient été donnez (b) Voicz Philon. aux Princes avec plein pouvoir de les aliéner, comme bon leur fembleroit; ce pouvoir de plant. Neach. d'aliéner (1) paroiffant le caractére le plus effentiel d'une véritable Propriété. Pour les au- Parif. tres Rois, à qui on n'avoit pas accordé le droit de difpofer ainfi de leur Roiaume, ils fu- (c) Voicz Ovid. rent cenfez n'en jouir que comme de fimples Ufufruitiers. Cette différence femble être verf. 58. venue principalement des diverfes maniéres dont on aquéroit la Roiauté. Car quoi que l'Autorité de tout Roi légitime foit fondée fur le confentement des Sujets; ce confentement se donne en plufieurs maniéres fort différentes. Quelquefois les Sujets doivent avoir de l'obligation à leur Roi, de ce qu'il a bien voulu être leur Souverain quelquefois au contraire, le Roi a beaucoup d'obligation à fes Sujets de ce qu'ils l'ont élevé fur le Thrône. Ceux, par exemple, qui ont été vaincus dans une Guerre à laquelle ils avoient donné lieu par leur faute, peuvent être juftement privez non feulement de tous leurs biens, & de leur liberté, mais encore de leur vie; de forte qu'à quelque condition que ce foit que le Vainqueur leur laiffe ces chofes, dont il étoit le maître, ils doivent les recevoir comme une grace. Et lors même qu'il leur accorde, avec la liberté, la Propriété de leurs biens,

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il

S. XVI. (1) Voiez le Chap. fuivant, §. 11. & Liv. VIIL
Chap. V. §. 2. & fuiv.

Nn

XXXIII.

pag. 224. C. Ed.

Metam. Lib. III.

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