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Quelles font les Conventions, qui limitent

veraine.

fur II. Rois, XI, 17.

une grande fuite; &, pour cet effet, il prendra vos Fils, pour les mettre fur fes chariots, pour en faire fes Cavaliers, & pour les faire courir devant fon char. Vous voulez un Roi, qui aît toujours des troupes fur pied: hé bien, il lui faudra des Officiers, qui commandent les uns mille hommes, les autres cinquante; ainfi il emploira à cela vos Fils, qui auroient pú vous fervir à amaffer du bien. Le foin des affaires públiques, dont il fera chargé, ne lui permettra pas de cultiver lui-même fes terres: de forte qu'il fera obligé de faire labourer & moillonner fes champs par vos Fils; qu'il emploira aussi à fabriquer les armes & à faire les chariots de guerre de fes troupes. Comme il aura une grande Cour, & que la dignité des Princeffes fes Femmes ou fes Filles ne leur permettra pas de faire elles-mêmes leur cuisine, &de prendre foin du ménage, il prendra vos Filles pour en faire fes Parfumeufes, fes Cuifiniéres, fes Boulangères. Il aura befoin d'un grand nombre de Miniftres, qui, fous lui, vaquent aux affaires publiques, & en tems de Paix, & en tems de Guerre ainsi, pour avoir dequoi leur donner un falaire honnête, il prendra vos champs, vos vignes, vos meilleurs oliviers, & il les donnera à fes ferviteurs; il exigera auffi de vous, pour cet effet, la dime de ce que vous aurez femé ou vendangé. Il prendra même vos domeftiques, vôtre Jeuneffe choilie, & vos Anes, lors qu'il en aura befoin pour faire fon ouvrage. En un mot, fi vous voulez avoir un Roi, il faudra que vous l'entreteniez d'une manière convenable à fa dignité, & que vous lui affigniez pour cela certains revenus. Mais, fi dans la fuite vous venez à trouver ces charges trop pefantes, vous aurez beau fouhaiter d'en être délivrez, vous ne pourrez point le déthroner, parce qu'en le choiffant pour votre Souverain vous lui aurez donné un droit, dont il ne vous fera plus permis de le dépouiller fans fon confentement. Il eft clair maintenant, que ce pallage ne favorife nullement la conduite des mauvais Princes, & qu'il ne renferme pas une Loi exprelle, par laquelle Dieu régle la mesure du Pouvoir que l'on doit accorder aux Rois, en forte que les Conventions Humaines ne puiffent y rien ajoûter ni diminuer; mais qu'il marque feulement les charges & les contributions auxquelles les Sujets font inévitablement aftreints dans une Monarchie, foit Limitée, ou Abfolue. Concluons donc, qu'il dépend entiérement des Peuples Libres de donner aux Rois, qu'ils établiffent fur eux, une Autorité ou Abfolue, ou Limitée par certaines Loix; pourvû que ces Loix ne renferment rien de contraire ni à la volonté du Souverain Légiflateur, ni au but même du Gouvernement. Car, quoi que ceux qui les prémiers ont formé des Sociétez Civiles, fuffent indépendans de tout empire humain, ils étoient fans contredit foûmis à la Loi Naturelle, & par conféquent dans une Obligation indifpenfable d'établir des Régles de Gouvernement conformes aux maximes du Droit Naturel, & à la fin légitime des Sociétez Civiles.

§. X. TOUTES les Promeffes des Rois (& il en eft de même de celles des Sénateurs dans un Confeil Souverain) n'emportent pas une limitation de leur Autorité. Pour dif cerner donc celles qui ont cette force, il faut favoir, que le Roi, à fon avénement à la Couronne, s'engage à bien gouverner, ou par une Promese générale, qui peut être ou expreffe, ou tacite ou par une Promesse particuliére, qui eft pour l'ordinaire accompagnée du Serment. La Promeffe générale le fait tacitement, par cela feul que le Roi monte fur le (a) Voicz Grotius, Thrône; comme parmi les anciens Juifs (a), où les Rois ne promettoient rien exprellément au Peuple, lors qu'ils étoient couronnez. Mais le plus fouvent elle eft formelle, & accompagnée non feulement de certaines folennitez, mais encore du Serment. Quelquefois même elle renferme une defcription des Devoirs du Roi par circonlocution, ou par une énumération exacte des principales parties: le Roi promettant, par exemple, de veiller avec beaucoup de foin au Bien Public; de protéger les Bons & réprimer les Méchans; d'exercer la Juftice avec intégrité; de n'opprimer perfonne, & autres chofes femblables. Mais tout cela ne diminue rien du Pouvoir abfolu, & n'empêche pas que le choix des moiens propres à procurer le falut & l'avantage de l'Etat, ne foit laiffé à fon jugement & en fa difpofition, auffi bien que la maniére de les mettre en ufage.

Pour

Pour la Promeffe particuliére, c'est-à-dire, celle qui renferme un engagement particulier de gouverner felon certaines Régles prefcrites, que l'on appelle Loix Fondamentales de l'Etat; elle fe fait en deux maniéres. Car ou elle lie feulement la confcience du Prince, ou bien elle tient lieu de condition nécessaire, dont le défaut dégage les Sujets de l'obéissance. Le Roi s'engage de la prémiére façon, lors qu'il promet, par exemple, de ne point donner d'Emplois à une certaine forte de gens; de n'accorder à perfonne des Priviléges, qui tournent à la charge des autres; de ne point établir de nouvelles Loix, de ne faire aucune nouvelle impofition; de ne point prendre à fa folde des troupes étrangères &c. fans que néanmoins on établiffe en même tems une Affemblée, qui puiffe connoitre, avec une autorité pleine & indépendante, des cas extraordinaires, où le Bien Public, qui eft la Souveraine Loi & celle qui fait toujours une exception tacite à toutes les autres, femble demander qu'on s'éloigne des Régles prefcrites; en forte que le Roi foit alors tenu de confulter cette Affemblée, & que, fi elle ne donne pas fon approbation, les Sujets foient difpenfez d'obéir à cet égard aux ordres da Prince. En effet, quoi que le Pouvoir du Roi foit limité par une telle Promefle, & que, s'il paffe fans néceffité les bornes qu'on lui a prefcrites, il viole certainement fa parole Roiale; les Sujets ne font pas pour cela en droit de lui refufer leur obéiffance, ou d'annuller les actes qu'il a faits au delà de fon Pouvoir. Car, s'il répond, que le falut public, ou du moins un grand avantage de l'Etat, demandoit qu'il en ufàt ainfi, comme en effet on doit ordinairement préfumer que les Rois agiffent dans cette vûe, les Sujets n'ont plus rien à repliquer, puis qu'il ne leur appartient pas de juger, fi la néceflité a été fuffifante, ou non, pour autorifer le Roi à paffer par deffus les Règles prefcrites. D'où il paroit, qu'un Peuple, qui ne veut donner à fon Prince qu'u ne Autorité limitée, doit avoir la précaution d'établir une Affemblée d'un certain nombre de gens, fans le confentement defquels le Roi ne puiffe rien faire en matière des choses dont on ne veut pas le laifler abfolument le maître; ou bien obliger le Roi de convoquer lui-même une Aflemblée générale, ou de tout le Peuple, ou de tous les Grands de la Nation, lors qu'il s'agit de pourvoir à ces fortes de chofes : car ce dernier expédient eft meilleur que l'autre, parce que les intérêts particuliers d'un petit nombre de gens peuvent aifément fe trouver oppofez au Bien Public, & par conféquent leur faire rejetter les propofitions falutaires du Roi. Lors que les Sujets ont ftipulé cela du Roi en lui conférant l'Autorité Souveraine, avec déclaration expreffe, qu'ils ne prétendoient pas être tenus de lui obéir dans tout ce qu'il ordonneroit fans le confentement de l'Aflemblée du Peuple, ou de ceux qui le repréfentent; c'eft là l'autre forte de Promeffe particuliére, qui impofe au Roi une Obligation beaucoup plus étroite, & en vertu de laquelle tout ce qu'il fait contre les Statuts & les Loix Fondamentales, eft entiérement nul par lui-même, & n'oblige les Sujets en aucune manière. Cette Limitation du Pouvoir Souverain ne le rend (1) pourtant pas défectueux. Car le Roi, à qui on le confére de cette maniére, peut exercer tous les actes de la Souveraineté, auffi bien que dans une Monarchie abfolue. Toute la différence qu'il y a, c'eft qu'ici le Prince prononce lui feul felon fon propre jugement, ou du moins en dernier reffort: au lieu que, dans les Monarchies Limitées, il y a une Affemblée, qui connoit de certaines affaires conjointement, pour ainfi dire, avec le Roi, & dont le confentement eft une condition néceffaire, fans laquelle le Roi ne fauroit rien ordonner la deffus; quoi que d'ailleurs ce qui eft preferit aux Sujets en conféquence des délibérations de cette Aflemblée, tire originairement la force & fon autorité du Roi feul, & non pas de l'Affemblée. Il n'y a pas non plus deux volontez diftinctes dans un Etat, dont le Gouvernement eft ainfi limité. Car l'Etat ne veut rien que par la volonté du Roi. Tout ce qu'il

§. X. () Les Princes, qui ont été le plus jaloux de leur independance, ont quelquefois reconnu, qu'ils ne pouvoient rien contre les Loix. En voici un exemple bien remarquable, que Mr. Sidney n'a pas manqué de apporter; c'eft que, dans le Traité des Droits de la ReiТом. 1.

y

ne de France, imprimé en 1667. par ordre de Louis XIV.
pour juftifier les prétenfions de ce Monarque fur une
partie des Païs-bas Catholiques, on trouve formellement,
que les Rois ont cette heureuse impuiffance de ne pouvoir rien
faire contre les Loix de leur Païs.
(2) Voicz

M m

(b)Voiez Boecler. in Grot. Lib. I.

Cap. III. §. 16. (c) Ubi suprà.

ya, c'eft que, quand une certaine condition ftipulée vient à manquer, le Roi ne peut pas vouloir, ou veut en vain certaines chofes. Mais il n'en eft pas moins Souverain, & Affemblée, du confentement de laquelle il a befoin, n'eft pas pour cela au deffus de lui. Car, de ce qu'un Prince ne peut pas tout faire à fa fantaisie, il ne s'enfuit pas, qu'il ne foit point Souverain. De ce qu'on n'eft pas obligé d'obéir à quelcun en toutes chofes, il ne s'enfuit pas que l'on foit fon Supérieur, ni feulement fon Egal. De ce qu'on ne peut pas commander à quelcun à tous égards, il ne s'enfuit pas qu'il puiffe à fon tour nous ordonner pofitivement certaines chofes. Il y a bien de la différence (2) entre être obligé de fe conformer à la volonté de quelcun, parce qu'on s'y eft engagé par une Convention; & être tenu de fuivre fa volonté, parce qu'il a droit de nous prefcrire des Loix avec autorité. Le Pouvoir Souverain, & le Pouvoir Abfolu, ne font pas non plus une seule & même chofe. Le prémier marque, que l'on n'a point de Supérieur, ni d'Egal, dans un même ordre d'Etres. L'autre emporte une pleine liberté d'ufer de fes droits fans confulter que fon propre jugement.

Mais que dirons-nous des Conventions ou Loix Fondamentales, dans lefquelles on infére expreffément une (3) Claufe Commiffoire, par laquelle le Roi eft déclaré déchû de la Couronne, s'il péche contre ces Loix? Je dis expreffément car s'il eft dit feulement, qu'en ce cas-là les Sujets ne feront pas tenus d'obeir, cela n'a pas force de Claufe Commiffoire, qui dépouille le Roi de tous fes droits. Mais en voici un exemple remarquable, dans le ferment de fidélité que les Peuples d'Arragon prêtoient autrefois à leurs Rois. (4) Nous, qui valons autant que toi, te faifons nôtre Roi, à condition que tu garderas & obferveras nos Priviléges & nos Libertez, & non pas autrement. Ici il eft certain, qu'aucun Monarque abfolu ne reçoit la Couronne fous claufe commiffoire. Mais rien n'empêche, à mon avis, que, dans une Monarchie Limitée, le Prince n'ait, malgré cette condition, une Autorité véritablement Roiale. Car, fuppofé même qu'un Pouvoir qui n'est conféré que pour un tems, ne puiffe être regardé comme un Pouvoir Souverain; celui, dont la durée dépend d'une condition, de laquelle le Roi eft toûjours le maître, ne fauroit proprement être appellé un Pouvoir à tems. Le Peuple ne devient pas néanmoins Juge du Roi, lors qu'il examine fi le Roi a tenu, ou non, fes engagemens. Car, outre que les Loix Fondamentales, auxquelles on attache la Claufe Commifloire, roulent ordinairement fur des chofes fenfibles, & qui ne font nullement fujettes à conteftation; cette décifion n'emporte pas un Jugement proprement ainfi dit, par lequel on prononce fur les actions d'un Sujet, mais c'eft une fimple déclaration, par laquelle on protefte de la violation d'un droit manifeste, ce qui peut convenir à un Inférieur, par rapport à fon Supérieur. (b) Grotius, en traitant des Promeffes des Rois, qui limitent leur Pouvoir, s'exprime d'une manière un peu obf cure. (c) En ce cas-là, dit-il, l'Obligation, où ils entrent, regarde ou fimplement l'exercice des actes de la Souveraineté, ou directement le Pouvoir même. A l'égard de la prémiére forte de limitation, les chofes que le Prince fait contre la parole donnée, font injuftes par cette feule raison, que toute Promeffe donne à celui, en faveur de qui elle est faite, le droit d'en exiger l'exécution. Mais, dans l'autre forte de Promeffe, l'action eft nulle de plus par le défaut de Pouvoir. C'est-à-dire, que le Roi promet quelquefois de n'ufer que d'une certaine maniére de quelque partie de la Souveraineté; au lieu que d'autres fois il renonce entiérement à quelque partie de la Souveraineté. Sur quoi il y a deux remarques à faire. L'une,

(2) Voiez Grotius, Lib. I. Cap. III. §. 16. num. 1. où il éclaircit ceci par l'exemple d'un Pére de Famille, qui, s'il a promis à fa Famille quelque chofe même qui concerne fa direction, eft indifpenfablement oblige de tenir fa parole, fans cefler pour cela d'être moins le Chef & le Souverain, pour ainfi dire, de cette petite Societé. Un Mari de même ne perd rien de fon autorite fur fa Femme, pour lui avoir promis quelque chofe, qu'il ne fauroit legitimement fe difpenfer de tenir.

(3) Voiez ci-deffus, Chap. précédent, §. XVII. Not. 8. (4) Nos que valemos tanto come vos, os hazemos nueßro Rey, con tal que nos guardeys nueftros fueros y libertades; y fino, no. Relat. d'Ant. Perez, Secretaire d'Etat de Philippe 11. Voiez Hottomann. Franco-Gallia, Cap. XII. Diodor. Sicul. Lib. III. Cap. XLVII. Agatharcid. de Mari Rubra, Cap. L. Strabon. Lib. XV. p. 488. Ed. Gen. Cafaub. Xiphilin. Epit. Dion, in Sever.

L'une, que les actions faites contre la prémiére forte d'engagement peuvent auffi quelquefois être nulles par elles-mêmes: par exemple, fi le Roi, après avoir promis de ne point exiger de nouvelles impofitions fans le confentement des Etats du Roiaume, le fait de fa pure autorité, il doit, à mon avis, rendre tout ce qu'il a levé fous ce prétexte. L'autre, que la feconde forte d'engagement fépare les parties de la Souveraineté, & la rend par ce moien défectueule.

mite diverfes

Cap. IV. XLII.

§. XI. POUR mieux pénétrer la nature des Gouvernemens Limitez, il faut favoir, que Comment on liles affaires de l'Etat fe réduifent en général à deux fortes : les unes qui font telles, qu'on parties de la peut les régler par avance, à cause qu'elles font toûjours de même nature, en quelque Souveraineté ? tems qu'elles arrivent les autres, dont on ne peut décider que quand elles furviennent, parce qu'il eft impoffible de prévoir les circonftances qui les accompagnent, & qui les rendent ou avantageufes ou nuifibles à l'Etat. A l'égard des prémiéres, le Peuple d'une Monarchie limitée fait des Loix perpétuelles, que le Roi eft obligé de fuivre; &, pour les autres, il ftipule de lui, qu'il confultera l'Aflemblée du Peuple, ou des Grands du Pais. Un Peuple, par exemple, qui eft convaincu de la vérité de fa Religion, & qui croit que la forme du Gouvernement Eccléfiaftique & des Rites reçûs eft celle qui convient le mieux à fon génie, peut, en fe donnant un Roi, lui faire promettre de n'y rien changer de fa pure autorité. On fait combien la Juftice eft fujette à être mal adminiftrée, lors que l'exercice en eft abandonné entiérement au Souverain (a), & qu'il n'a d'autre Régle à fuivre (a) Voiez Tacit. que les idées de l'Equité, qui fouvent font formées en lui par la Paffion ou par l'ignoran- Annal. Lib. XIII. ce, plûtôt que par la Raifon. Pour éviter cet inconvénient, le Peuple peut exiger du Roi, ou qu'il faffe lui-même de bonnes Loix, ou qu'il obferve celles qui font déja établies, & qu'il laiffe la connoiflance des Procès, tant Civils, que Criminels, à certaines Cours, qui jugeront felon ces Loix, en forte qu'on ne porte devant lui les Caufes, que par voie d'appel, ou lors qu'elles font de très-grande conféquence. Il eft même fouvent de l'intérêt du Roi, que le jugement d'une affaire, qui pourroit lui attirer de la haine (1), foit renvoié à d'autres; & par là il trouve d'ailleurs un prétexte plaufible (b) de fe mettre à couvert des (b)Voiez ce que follicitations preffantes ou importunes en faveur des Criminels. On voit tous les jours que reur Andronic l'Ambition, ou le Luxe, diffipent en peu de tems les biens que d'autres avoient aquis à Comnene, dans la fueur de leur vifage. Pour empêcher donc que les richeffes des Sujets ne fervent d'ali- Lib. I. de imper. ment aux vices de leur Souverain, le Peuple, en certains endroits, a fagement affigné au Andron. Roi certains revenus fixes, proportionnez aux dépenfes que demandent les befoins ordinaires de l'Etat; voulant du refte, que, quand cela ne fuffira pas, le Roi propofe aux Etats du Roiaume une augmentation de Subfides, afin qu'ils jugent, fi elle est néceflaire. Comme il y a des Princes, qui, pour être trop avides du titre de Conquérans, s'engagent dans des Guerres non néceffaires, & expofent par là l'Etat, auffi bien qu'eux-mêmes, à

difoit l'Empe

Nicet. Acominat.

de très-facheux revers (c); c'eft une bonne précaution que celle des Peuples, qui, en con- (c) Voiez Frant. férant l'Autorité Souveraine à leurs Rois, leur impofent la néceffité de n'entreprendre du Hift. Ind. Occid. moins aucune Guerre Offenfive, fans le confentement des Etats du Roiaume. On a pû Cap. XCV. faire de femblables limitations à l'égard de toutes les autres chofes, felon que le Peuple le jugeoit néceffaire pour le bien de l'Etat; de peur que, fi le Roi en étoit abfolument le maître, il ne prit des mefurès contraires au Bien Public.

De ce que nous avons dit, il paroit, en quel fens on doit expliquer ce que difent les anciens Auteurs Grecs, qui ont traité la Politique, & ceux qui fuivent encore aujourdhui leurs idées, que ce font les Loix, & non pas les Hommes, à qui il faut confier le Gouvernement de l'Etat. Car cette maxime ne fauroit être raisonnablement admife qu'en ce fens;

§. XI. (1) C'est pour cette raifon qu'Agamemnon renvoia aux Genéraux & Capitaines de l'Armée des Grees, qu'il commandoit, la décifion de la difpute entre Ajax & Vlyffe au fujet des armes d'Achille :

A fe Tantalides onus invidiamque removit :
Argolicofque Duces mediis confidere caftris
Juffit:& arbitrium litis trajecit in omnes.
Ovid. Metam. Lib. XII. v. 626. & fegg..

Mm 2

(2) L'Au

Quel est le pouvoir des Etats du

Limitée ?

(a)Neuhof.Defer. gener. Sina, Cap. Lib. I. Cap. III.

I. Voiez Grotius,

S. 18.

tarch. in Apoph

De prerib. Impe

&c. Leg. L.

fens; qu'il vaut mieux aftreindre les Souverains à gouverner fuivant certaines Loix prefcrites, que de leur laiffer une entiére liberté de fe conduire comme ils le jugeront à propos. Du refte, les Loix toutes feules ne font pas plus capables de gouverner l'Etat, qu'une Bouffole de conduire le Vaiffeau, fans le fecours d'un Pilote (2).

§. XII. Le Roi d'une Monarchie Limitée, eft ordinairement obligé, comme nous l'aRoiaume, dans Vons déja dit, de confulter l'Affemblée générale de toute la Nation, ou du moins le Corps une Monarchie des Députez de divers Ordres, qui repréfentent le Peuple, lors qu'il s'agit d'affaires que l'on n'a pas voulu laiffer abfolument en fa difpofition. Mais ces Affemblées n'ont pas par tout le même pouvoir. En certains endroits, comme, par exemple, dans la (a) Chine, le Roi, d'ailleurs abfolu, établit un Confeil ou un Sénat, fans l'approbation duquel il déclare lui-même que fes Ordonnances ne feront point valables. Les Membres d'un tel Sénat ne font fans contredit que de fimples Confeillers, établis pour examiner les Ordonnances du Roi, & pour rejetter celles qu'ils trouveront défavantageufes à l'Etat, non par une autorité propre, mais par un pouvoir emprunté du Roi même, qui a voulu par là fe (b) Voiez Pl- lier les mains, de peur que, par imprudence (b), ou à la follicitation des Flatteurs, il ne thegm. pag. 174. prit, fans y penfer, de fauffes mefures, & afin de pouvoir quelquefois éluder par ce B. 183. F. & Cod. moien (1) des follicitations importunes, en faisant semblant d'accorder une chofe qu'il fait Lib. XX: bien que fon Confeil révoquera. Mais, lors que le Roi veut abfolument une chofe, & Tatori offerend. qu'il ne trouve pas fuffifantes les raifons qu'a le Confeil de la défapprouver; le Confeil ne peut plus après cela s'y oppofer. Car on ne préfume pas, que le Roi, en établiffant une telle Affemblée, aît voulu fe dépouiller lui-même, par un acte irrévocable, de fon Pouvoir abfolu, & faire dépendre d'une condition l'obeillance pure & fimple qu'il avoit droit d'exiger de fes Sujets. Ainfi ce Confeil eft cenfé n'avoir qu'une Autorité empruntée du Roi même, qui peut la limiter toutes les fois que bon lui femble; quoi qu'il ne doive en venir là que pour de très-fortes raisons. Il peut arriver néanmoins, qu'un tel Confeil aiant été volontairement établi par un Prince, fes Succeffeurs foient tenus de ne point l'abolir, & de ne pas faire certaines chofes fans fon approbation, parce qu'on le leur a fait promettre avec ferment, lors qu'ils font montez fur le Thrône. Mais hors ce cas-là, le Roi n'en pas moins abfolu; fur tout s'il a le pouvoir d'abolir ce Confeil, quand il voudra. Car, comme nous l'avons déja dit, le Pouvoir Abfolu ne confifte pas à faire tout à fa fantaisie, ou par caprice, ou par un mouvement aveugle, mais à ne fuivre que fes propres lumiéres dans l'administration des affaires publiques; ce qui n'eft nullement incompatible avec la (c) Voiez 1. Rois, néceffité d'écouter les bonnes raifons (c) que les autres peuvent alléguer, & de fe rendre XII,7,8. Martin. à de juftes représentations. Ainfi, quoi que le Confeil d'Etat n'impofe au Roi aucune V. Cap.XXXVII. Obligation par lui-même & par une autorité propre, à laquelle le Roi foit foûmis; il donpag. 122. & Lib. ne lieu pourtant à une Obligation, entant qu'il met devant les yeux du Prince la maniére vi. Cap. I. pag. dont il doit s'aquitter de fon Devoir dans l'affaire préfente: de même qu'un malade eft te204. & seqq. nu de fuivre l'ordonnance de fon Médecin, en vertu de la Loi Naturelle, qui veut que chacun prenne foin de fa fanté & de fa vie, quoi que d'ailleurs le Médecin par lui-même n'ait aucun droit de rien preferire au malade. Il faut dire la même chofe des Affemblées générales des. (d) Etats du Roiaume: car elles ne font autre chofe que le Grand Confeil du Roi, établi pour l'informer des plaintes du Peuple, que les Membres du Confeil Privé lui cachent fouvent; & le Roi a toûjours ici la liberté de prononcer fouverainement, & d'a

Hift. Sinic. Lib.

VI.

(d)Voiez Grotius, Lib. I. Cap. I.

§. 10. num. 4.

est

(2) L'Auteur rapportoit ici plufieurs exemples de Rois, dont le Pouvoir eft limité: Diod. Sic. Lib. I. Cap. LXXI. Plin. Hift. Nat. Lib. VII. Cap. XXII. in fin. Solin. Cap. XXXV. & LXVI. Philoftrat, de Vit. Apoll, Thyan. Lib. III. Cap. X. Apoll. Rhod. Argonaut. Lib. III. Mais la plûpart de ces exemples font ridicules. 'Voiez plûtôt Grotius, Lib. I. Cap. III. §. 16. num. 3.

5. XII. (1) C'eft ce qui paroit par ces paroles d'un Refcript des Empereurs Gratien, Valentinien, & Theo

voir

defe. Sed quoniam plerumque ita in nonnullis caufis inverecunda petentium inhiatione conftringimur, ut etiam non concedenda tribuamus: nec Refcripto quidem noftro adver fus formam iata Legis loci aliquid relinquatur. Cod. Lib. X. Tit. XII. De petitionibus bonorum fublatis, Leg. I. Voiez ci-deffus, Liv. I. Chap. VI. §. 6. Bodin. de Repub. Lib. III. Cap. IV. p. 455. Gramond. Hift. Gall. Lib. V. P. 277. & feqq. fo. Labard. Hift. de Reb. Gal!. Lib. II. P. 132, 133. Ed. Parif. 1671.

(2) Cela

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