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du Peuple; l'union de ces deux Etats finit après fa mort, & le Peuple du Roiaume électif n'eft point tenu de choifir le Fils du Roi défunt. Mais fi deux ou plufieurs Roiaumes font unis en un feul Corps par une Confédération faite entr'eux; il eft clair, que, quand l'un de ces Etats vient à violer du moins les articles principaux du Traité, les autres, qui fe trouvent lézez, peuvent dès-lors rompre l'Alliance. Sur quoi néanmoins il faut bien diftinguer entre l'Obligation de chacun des Peuples Confédérez envers le Roi commun, & celle où ils font les uns envers les autres. Un Roi qui a été une fois élû, & à qui l'on a prêté ferment de fidélité, ne peut point être déposé pour toutes fortes d'actions mauvaises, ou contraires même à fes engagemens, tant qu'il n'agit pas en ennemi déclaré du Peuple : à moins que la Convention, par laquelle on lui a déféré l'Autorité Souveraine, ne renferme expreffément une clause (3) commiffoire, qui fafle dépendre l'obéiffance, qu'il peut exiger de fes Sujets, de fon exactitude à obferver tous les articles du Contract en général, & chacun en particulier. Mais pour ce qui regarde l'Obligation réciproque des Peuples unis fous un même Prince; celui, au préjudice duquel les Loix de la Confédération ont été violées, peut s'en dégager, quand même la lézion ne feroit pas fort confidérable; pourvû que les autres Peuples aient concouru à la caufer, ou qu'elle aît été produite & tournée à leur profit. De forte que, leur Roi commun venant à mourir, le Peuple lézé peut dès-lors fe féparer des autres, & agir enfuite contre les auteurs ou les complices de l'injure, pour en obtenir réparation, & pour recouvrer ce qu'on lui a pris.Que fi plufieurs Etats font joints ensemble en vertu de quelque Mariage, qui rend un Prince héritier des uns & des autres, que l'ordre de la Succeffion foit réglé différemment chez ces divers Peuples; l'union fe diffout, lors qu'il arrive un cas, où la même perfonne ne fauroit, felon les Loix Fondamentales de chaque Roiaume, fuccéder à tous en même tems. Suppofons, par exemple, deux Roiaumes, dans l'un desquels la Succession linéale agnatique foit établie, & dans l'autre la Succeffion cognatique. Si leur Roi commun vient à mourir, fans laiffer d'autre héritier qu'une Fille, elle fuccédera au dernier Etat, mais non pas au prémier, qui doit paffer au plus proche Mâle de la Race du défunt : & ainfi les deux Couronnes ceffent alors d'être unies. Mais fi l'union de plufieurs Etats, qui avoit été formée à l'occafion de quelque Mariage de leurs Princes, eft enfuite confirmée & rendue perpétuelle par une Confédération de ces divers Peuples, ou par une Ordonnance de leur Roi commun approuvée de tous en général & de chacun en particulier; la diverfité qu'il y avoit auparavant dans l'ordre de la Succeffion, fera cenfée abolie par cela feul. De forte qu'il faudra fuivre déformais celui qui eft expreflément réglé dans le Traité de Confédération, ou dans l'Ordonnance du Prince, ou celui que l'on fait être le plus conforme à la volonté de l'auteur de l'union, ou celui qui eft le plus naturel, & le plus avantageux aux Peuples unis. Mais lors qu'un Roiaume devient une Province d'un autre, les deux Etats alors n'en font plus qu'un; & ainfi il n'y a plus de Confédération.

&

fez, qui fe for

§. XVIII. L'AUTRE forte d'Etats Compofez, c'est-à-dire, ceux qui fe forment par la Des Etats CompoConfédération (1) perpétuelle de plufieurs Etats, tirent ordinairement leur origine de ce quement par une ces Etats voulant fe maintenir dans la liberté de fe gouverner chacun par fes propres Loix, Confederation per ne se sentoient pourtant pas chacun affez de force pour repouffer lui feul leurs ennemis pétuelle. communs. Les Etats ainfi unis s'engagent les uns envers les autres à n'exercer que d'un commun accord quelque partie de la Souveraineté. Car la principale différence qu'il y a

(3) Lex Commifforia. Voiez Grotius, Lib. I. Cap. III. §. 16. num. s. On entend par là en général une condition ajoûtée à un Contract, laquelle venant à manquer le rend nul, ou fait perdre la chofe, dont il s'agit. Nous en avons vu des exemples ci-deffus, au fujet du Contract de Vente, Liv. V. Chap. V. §. 4. & des Gages ou Hypotheques, Chap. X. §. 14. Ainsi, en cet endroit, la clauLe commiffoire eft une condition impofce au Roi, en vertu de laquelle, s'il viole ce à quoi elle l'engage, il To M. II.

en

eft déchû entiérement de la Couronne. De même, en
matiére de Fiefs, lors que le Vaffal ne rend pas l'hom
mage ou ne paie pas les rédevances qu'il doit à fon Ser-
gneur, ou qu'il fe rend coupable de félonie; le Fief alors
tombe en Commife, comme on parle, c'est-à-dire, eft con-
fifqué au profit du Seigneur. & réuni au Fief dominant.

S. XVIII. (1) Comme, par exemple , les Provinces-
Unies du Pais-bas, les Cantons Suiffes &c.

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entre cette Confédération perpétuelle, qui réunit plufieurs Peuples en un feul Corps, & les Alliances que les Etats font tous les jours enfemble; c'eft que, dans les derniéres, chacun des Alliez se détermine par fon propre jugement à certaines chofes, auxquelles ils fe font engagez les uns envers les autres, 'fans prétendre du refte faire dépendre du confentement des autres l'exercice de la partie du Pouvoir Souverain, à laquelle ces engagemens ont du rapport, ni rien relâcher du droit plein & abfolu qu'il a de gouverner fon Etat. D'ailleurs, les fimples Alliances n'ont ordinairement pour but que quelque utilité particuliére de chaque Allié, & ne font que pour un certain tems. Au lieu que la Confédération, dont il s'agit, confifte en ce que plufieurs Peuples, fan's ceffer d'être autant d'Etats diftincts, s'uniffent pour toûjours en vue de leur confervation & de leur défense mutuelle, faifant pour cet effet dépendre de leur commun confentement l'exercice de certaines parties de la Souveraineté. En effet il y a bien de la différence entre ce Traité: Je m'engage à vous donner du fecours dans une telle Guerre, & à délibérer avec vous fur la manière dont nous nous y prendrons pour agir contre l'Ennemi; & cet autre: Aucun de nous ne fera la Guerre & la Paix fans le commun confentement de tous. J'ai dit au refte, que, dans ces Confédérations des Etats Compofez, on ne s'aflujettiffoit à exercer en commun que certaines parties de la Souveraineté. Car il ne peut guéres arriver que les intérêts de divers Etats fe trouvent fi fort mêlez ensemble, qu'il foit avantageux à tous les Confédérez en général & à chacun en particulier de n'exercer aucune partie de la Souveraineté que d'un commun confentement. Et fi cela fe trouvoit ainfi, il vaudroit mieux pour eux de fe réunir en un feul Etat, que d'être liez par une fimple Confédération. Il faut donc que chacun des Etats Confédérez fe reserve un plein pouvoir de faire, comme il le jugera à propos, tout ce qui fe rapporte aux parties de la Souveraineté qui font de telle nature, que les autres Etats unis n'ont que peu ou point d'intérêt, du moins directement, de quelque maniére qu'il en falle ufage; comme, par exemple, les Traitez de Commerce, l'établissement des Impôts néceffaires pour fes befoins particuliers, la création des Magiftrats, les Loix, le droit (2) de vie & de mort fur les Citoiens, le pouvoir en matiére de Religion, & autres chofes femblables; à l'égard defquelles pourtant chacun doit prendre garde de ne rien faire qui foit capable de troubler l'union. La même chofe doit avoir lieu à l'égard des affaires ordinaires, où qui ne donnent pas le tems de confulter les autres Confédérez. Mais pour celles qui (a) Voiez ce que regardent le bien (a) & le falut commun de tout le Corps, on ne fauroit fe difpenfer de les faire décider dans une Affemblée générale. Telle eft fur tout la Guerre, tant Défensive, qu'Offenfive; & la Paix, qui y met fin. S'il furvient auffi quelque différent entre certains Membres de l'Etat Compofe, les autres, qui font défintereffez, doivent d'abord interveuir comme Médiateurs, & empêcher qu'on n'en vienne à prendre les armes. De ce que nous avons dit, il s'enfuit, que chacun des Confédérez à une entiére liberté d'exercer, comme il le juge à propos, toutes les parties de la Souveraineté, dont il n'eft point fait mention dans le Traité de Confédération, comme devant être exercées en cominun; de forte que les autres ne fauroient l'en empêcher légitimement.

dit Philippe de

Macédoine, dans
Polybe, Lib. IV.

Cap. XXIV.

De la maniére dont les Etats

Confédéres ménagent & expé dient les affaires

communes.

§. XIX. COMME, dans les Etats Compofez, on ne fauroit commodément s'entrecommuniquer les affaires mentionnées dans le Traité de Confédération, en envoiant par tout des Lettres Circulaires; il eft abfolument néceffaire que l'on marque un certain tems & un certain lieu pour s'affembler ordinairement, & que l'on nomme un ou plufieurs des Membres, à qui l'on donne le pouvoir de convoquer l'Affemblée, lors qu'il arrivera quelque chofe d'extraordinaire, qui ne fouffrira point de retardement. Mais le plus court eft qu'il y ait en un certain lieu une Affemblée toûjours fur pied, compofée des Députez de

(2) L'Auteur faifoit là-deffus, au bas de ce paragraphe, une remarque fur une objection tirée de la Loi VII. S. 1. Digeft. Lib. XLIX. Tit. XV. De captivis, & de poßt, liminio &c. Mais comme il la répété ailleurs prefque

cha

dans les mêmes termes, (Liv. VIII. Chap. IX. §. 4) je la renvoie là, pour n'en pas faire à deux fois; d'autant mieux qu'elle trouvera fa place plus naturellement dans. cet autre endroit.

chaque Erat Confédéré, laquelle expédie les affaires ordinaires ou de peu d'importance, conformément aux réglemens faits par tout le Corps; à laquelle les Miniftres communs auprès des Puiffances étrangères s'adreffent directement pour faire le rapport de leurs négociations; & qui traite auffi avec les Ambaffadeurs des Etrangers au nom de tous les Confédérez: bien entendu qu'elle n'ordonne ni ne faffe rien au delà de fes ordres, ou de fon pouvoir, & que, dès qu'il arrive quelque affaire de grande conféquence, elle la propofe à tous les Confédérez, & fuive ponctuellement ce qu'ils auront réfolu là-deffus. Au refte l'étendue du pouvoir de cette Affemblée dépend des articles mêmes de la Confédération, ou des ordres & de la commiffion de chaque Député. Mais, quelque grand qu'il foit, c'eft toûjours certainement un pouvoir emprunté; &, quoi que les Ordonnances publiées par ces Députez, fe faffent uniquement fous leur nom, elles tirent au fond toute leur force de l'autorité des Confédérez qui ont établi cette Affemblée. De forte que les prémiers ne font que de fimples Miniftres des derniers, & qu'ils ne peuvent pas plus leur rien prescrire avec autorité, qu'un Ambaffadeur au Maître de la part de qui il eft

envoié.

fédérez font

bligez de foû

§. XX. ON demande encore, fi la décifion des affaires communes dépend du confen- Si les Etats Cont tement unanime de tout le Corps des Confédérez, ou bien s'il faut en paffer, bon-gré fizzeromal-gré qu'on en aît, par la délibération du plus grand nombre? Rien n'empêche, je l'a- mettre à l'avis voue, que la derniére pratique ne puiffe être fuivie dans un Etat Compofe Irrégulier, qui du plus grand tient un peu de la nature d'un Etat Simple; mais elle ne fauroit certainement avoir lieu dans un Corps régulier d'Etats Confédérez. En effet, la liberté d'un Etat n'étant autre chofe que le pouvoir de décider en dernier reffort des affaires qui concernent fa propre confervation; on ne fauroit concevoir qu'un Etat foit libre, lors qu'un autre peut le contraindre avec autorité à faire certaines chofes. En vain objecteroit-on, que, dans le Traité de Confédération, on eft convenu de n'exercer que d'un commun confentement certaines parties de la Souveraineté. Car autre chofe eft de dire: Je ne ferai point ufage de mon droit fans votre approbation; & de dire: Je confens que vous aviez le pouvoir de me forcer à faire ufage de mon droit. Il n'y a que le prémier, qui foit ftipulé par le Traité de Confédération. Pour mieux comprendre la chofe, il faut bien remarquer, que l'engage ment où font plufieurs perfonnes de n'avoir qu'une même volonté, vient ou d'une fimple Convention, ou de ce que l'un a foûmis fa volonté à celle de l'autre. Le concours indif penfable de plufieurs volontez, qui eft fondé fur une fimple Convention, ne diminue en rien la liberté dont nous parlons. Car, ou l'on a réglé d'abord d'un commun confentement la maniére dont on doit adminiftrer conjointement certaines affaires; ou bien, s'il fe préfente dans la fuite quelque chofe à décider, chacun prétend n'être tenu de fe rendre qu'à de bonnes raifons. Mais lors que l'on a foumis fa volonté à la volonté d'un autre, & que par là il a aquis quelque autorité fur nous; il peut nous obliger à des chofes même qui ne nous plaifent pas. Il ne ferviroit de rien d'alléguer ici le (a) droit qui réfulte de la (a) Voiez ci-def pluralité des voix. Car, outre que cela n'a lieu que dans les Affemblées déja établies, c'eft fus, Chap. II, en vertu d'une Convention, & non pas par un droit naturel, que l'on eft tenu d'aquiefcer au fentiment du plus grand nombre, quoi que la Raifon confeille cet expédient, comme le plus commode pour prendre quelque délibération dans une Affemblée un peu nombreufe, & où l'on a tous les jours à prononcer fur diverfes affaires: outre que ceux, dont l'avis prévaut, ont, à cet égard, quelque autorité fur les autres. D'ailleurs, mis à part la dépendance qu'emporte ce droit de la pluralité des voix, il ne paroit pas fort néceffaire dans les Affemblées des Etats Confédérez, parce que ces Peuples font ordinairement en petit nombre, & très-étroitement unis par leur intérêt commun, en forte que l'on a lieu de préfumer qu'aucun ne voudra perfifter opiniâtrement dans un fentiment préjudiciable au bien public. Si pourtant il s'en trouvoit quelcun qui refufât maliciéufement, & avec une obftination infenfée, de fe rendre à une délibération falutaire des autres, & qui par là vou

Kk 2

lut

S. 15

(b) Voiez l'Apo

logétique de Gro

tius, Cap. I. fub fin.

(c) Voiez Diod. Sicul. Lib. XV. Cap. XXVIII.

Comment finit

ve,Lib. XXXVIII. C. XXXI.XXXII.

V. Hellenic.

(Diod. Sicul. Lib. XVI. Cap.

LXL

lût trahir la caufe commune; on pourroit, à mon avis, ufer à fon égard de tous les moiens permis dans l'état de la Liberté Naturelle contre les infracteurs des Traitez & des Alliances; ou, fi on le jugeoit plus à propos, bannir entiérement de la Société ce Membre incommode qui ne fait qu'en troubler le repos, & qui travaille à la ruiner. Hors un tel cas il y auroit même fouvent une grande injuftice à fuivre ici la régle de la pluralité des voix, lors, par exemple, que les Etats Confédérez font plus puiffans les uns que les autres, & qu'ainfi les uns contribuent plus que les autres à la défenfe commune. Car, quoi que ceux qui contribuent à proportion de leurs forces, femblent fournir autant que les autres plus puiffans qui ne donnent non plus qu'à proportion des leurs; il peut arriver fouvent, que le plus foible expofe plus volontiers fon contingent, que le plus fort le fien. Ainfi, fuppofé qu'un des Etats Confédérez contribue lui feul plus que tous les autres ensemble; feroit-il jufte que ceux-ci puffent l'obliger, bon-gré mal-gré qu'il en eût, à entreprendre une affaire, dont les plus grands frais tomberoient fur lui (b) Que fi le fuffrage de chacun doit valoir à proportion de ce qu'il contribue au bien de la Société; par là on donne véritablement à cet Etat fi fort fupérieur en forces, quelque autorité fur les autres (c). De tout ce que nous avons dit, il s'enfuit, que, fi, dans une Affemblée d'Etats Confédérez, les affaires se décident abfolument à la pluralité des voix, ce n'eft plus un Etat Compose Régulier, mais un Corps irrégulier, ou même un feul Etat Simple.

§. XXI. LES Etats Compofez font diffous, lors que quelques uns des Confédérez fe P'union des Etats féparent, pour gouverner leurs affaires à part; ce qui (a) arrive ordinairement, parce qu'ils Compofez? (a) Voiez Tite Li- croient que cette union leur eft plus à charge, qu'avantageufe, Les Guerres inteftines entre les Confédérez rompent auffi leur union, à moins qu'avec la Paix on ne renouvelle en même tems la Confédération. A l'égard des Guerres avec les Etrangers, lors que les Etats Confédérez ont eû du malheur, c'eft quelquefois un trait de Politique du Vainqueur que de les défunir, & de leur impofer la néceffité de fe conduire déformais chacun en fon par (b) Voiez Xeno- ticulier & par fes feules Loix; comme le firent les Romains à l'égard des Peuples de (b) l'Aphon, Lib. IV. & chaie. Sur quoi il faut remarquer, que, quand l'Ennemi commun s'eft emparé de quelcun des Etats Confédérez, cela ne lui donne aucun droit fur les autres, & il ne peut pas pour cela prétendre en faire fa conquête, ni même être reçû dans leur Corps en vertu de la place qu'y occupoit l'Etat vaincu, mais il faut pour cet effet une nouvelle Convention, comme on voit que le (c) Roi Philippe de Macédoine fut adinis dans l'Affemblée des Amphictyons, à la place des Phocéens, en conféquence d'une délibération de tout le Corps. Car quoi que l'union de plufieurs Etats femble faite par une Confédération (1) réelLe; & qu'un Peuple, dont la forme du Gouvernement eft changée, ne laiffe pas pour cela de demeurer le même: cependant, comme la Confédération avoit été faite entre les Peuples, confidérez précisément comme autant d'Etats diftincts; du moment que quelcun eft fubjagué, ou devient une fimple dépendance d'un autre Etat, la Confédération ne fubfifte plus pour lui. Quand même on auroit expreffément ftipulé dans le Traité, que le changement de la forme du Gouvernement dans un des Etats Confédérez ne l'exclurroit pas du Corps; ce changement feroit toûjours fuppofé fe faire par une voie légitime, c'està-dire, par le confentement volontaire du Peuple. De forte que, ni un Ufurpateur de la Nation même, ni un Conquérant étranger, ne fauroient prétendre avoir place dans l'Af femblée générale des Etats Confédérez. Un Etat Compofe devient auffi un Etat Simple, fi tous les Peuples Confédérez fe foûmettent à l'Autorité Souveraine d'un feul homme, ou d'une feule Affemblée ou fi l'un de ces Peuples, par la fupériorité que lui donnent fes forces, réduit les autres en forme de Province; ce qui arrive ordinairement lors que les plus foibles déférent au plus fort quelque prééminence conftante, & qu'ils entrent dans (d)Veiez Grotius, une Confédération inégale (d); enfin fi un des Confédérez se rend maître des autres par Lib. I. Cap. III. la faveur ou des Soldats, ou des Peuples, ou par des cabales.

$23.num..10.

5, XXI. (1) Voiez ci-dessous, Liv. VIII. Chap. IX. §. 6..

§. XXII.

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forme

§. XXII. IL ne reste plus qu'à dire un mot fur une autre queftion que l'on fait ici, fa- Quelle eft la voir, quelle eft la meilleure forme de Gouvernement? c'est-à-dire, celle qui eft la plus pro- meilleure forme pre à procurer, d'une maniére également fûre & aifée, le falut & l'avantage de l'Etat, ou ment? celle qui eft fujette à de moindres inconvéniens, & à un moindre abus du Pouvoir Souverain. Sur quoi il eft clair, qu'on ne fauroit jamais faire de fi bonnes Loix Fondamentales, que le Gouvernement le plus capable par lui-même de mettre les Ciroiens en fûreté, & de les rendre heureux, ne tourne quelquefois à leur préjudice, par un effet de la négligence ou de la pareffe des Souverains. La raifon en eft, que l'on ne peut conférer le Pouvoir Souverain, qu'à des Hommes, & qu'il y aura des (a) vices, tant qu'il y aura des (a) Voiez le paf fage de Tacite, Hommes: or les Souverains ne font pas moins Hommes que leurs Sujets; d'où il arrive qui fera cité, que l'on éprouve quelquefois de leur part les maux, dont on croioit être entiérement à Chap. VIII. §. 5. couvert, à l'abri de leur protection; & que les Sujets (1) paient les folies de leurs Rois. Il Not. 3. ne s'agit donc que de favoir, quelle forme de Gouvernement eft fujette à de moindres inconvéniens. La plupart (b) prononcent en faveur de la Monarchie. D'autres au contraire (b) Voiez Hera fe déchainent furieufement (c) contre les Rois. Il feroit hors de mon fujet d'examiner en l'endroit où les détail toutes les raifons des derniers. Je me contente de remarquer en général, qu'elles Principaux Seiroulent fur une fuppofition de certaines chofes, qui n'arrivent pas infailliblement en tout rent enfemble tems & en tout lieu; & que l'exemple de quelques Princes vicieux n'entraîne pas tous les fur la forme de autres par une impreffion invincible. Un bon Citoien doit donc, à mon avis, être dans Go qu'ils doivent les fentimens de cet Ancien, qui difoit: (2) Qu'il fe fouvenoit des tems, où il étoit né, & établir,après le de l'Etat & de la République que fes Péres avoient établie; Qu'il admiroit le paffe, & s'ac- meurtre des Mages: Euripid. in commodoit au préfent; ne fouhaittoit que de bons Princes, mais les fouffrait tels qu'il plaifoit Supplic.verf.405. &feqq. Ifocrat. aux Dieux de les envoier (3). in Nicocle: Bodin CHA- de Rep. Lib. VI.

§. XXII. (1) Quicquid delirant Reges, plectuntur Achivi. Horat. Lib. I. Epift. II. verf. 14. (2) Se meminiffe temporum, quibus natus fit, quam civitatis formam Patres Avique inftituerint: ulteriora mirari, prafentia fequi: bonos Imperatores voto expetere, qualefcumque tolerare. Marcellus Eprius apud Tacit. Hift. Lib. IV. Cap. VIII. Voiez Montagne, Liv. III. Chap. IX. pag. 711. Ed. de Paris in folio, où il y a à la marge: Police, la meilleure à chaque Nation? & les Caractéres de la Bruyere, Chap. du Souverain, ou de la République, au commencement. Montagne dit pourtant ailleurs, que la domination populaire lui femble la plus naturelle & plus équitable. Liv. 1. Chap. III. pag. 11. Au refte, perfonne n'a peut-être mieux traité cette queftion de la préférence des diverfes formes de Gouvernement, que Mr. Sidney, dans fon Difcours fur le Gouvernement. On peut voir tout ce qu'il dit depuis la Section XVI. du II. Chap. jufques à la fin de ce Chapitre; ou, fi l'on veut en avoir d'abord une idée générale, on n'a qu'à lire les Nouvelles de la République des Lettres, Avril, 1700. P. 444. & fuiv. Voież auffi le Parrhafiana, Tom. II. pag. 161. & fuiv.

(3) Il ne fera pas hors de propos (ajoûtoit ici l'Auteur, dans les derniéres Editions) de faire voir en peu de mots, pourquoi les anciens Grecs hajffoient fi fort ceux qui vouloient introduire le Gouvernement Monarchique dans un Etat Démocratique, ou Ariftocratique ; & pourquoi les Princes, qui s'étoient rendus maîtres de quelcun de ces Etats, tâchoient de s'y maintenir par toutes les mauvaises voies, dont on trouve la defcription dans Ariftote, & dans d'autres Ecrivains, à caufe dequoi on attacha au mot de Tyran l'idée la plus odieufe du monde, & la plus inféparable dans l'efprit de ces Peuples. Je dis donc, que les Etats, dont la Gréce étoit, pleine, ne s'étendoient prefque qu'à quelques lieues autour d'une feule Ville. Or un Etat fi petit demande un Gouvernement Démocratique, ou une Aristocratie modérée; la Monarchie ne lui convient point du tout, à moins que ce ne foit un Gouvernement comme celui

te.

dot. Lib.III. dans

gneurs délibé

Gouvernement

Lib. II. Cap. VII.
Sect. II. & plu-

faus,Relect. Polit.

fieurs autres.

(9) Entr'autres,

P'Auteur de la
Bilancia Politica:

que l'on peut ré
futer en partie
par ce que dit
Hobbes, de Cive,
Cap. X. & Le-
viath. Cap. XIX

qu' Ariftote appelle Roiaume du tems des Héros, c'est-à- Cap. IV. Arni-
dire, une Monarchie où le Prince confeille plutôt qu'il
ne commande, & fe fait obeir par la haute idée qu'il
donne de fon mérite, plûtôt que par force ou par crain
D'ailleurs le naturel fuperbe & inquiet des Grecs
leur faifoit aimer paffionnement l'independance d'un
Etat Démocratique, ou chacun peut avoir part au Gou-
vernement. Ainfi, lors que quelcun vouloit régner &
s'ériger en Roi d'une République Gréque, en dépit des
Citoiens, ennemis mortels de la Monarchie; il falloit
que, pour maintenir fon autorité, il tint la Ville en
bride par une bonne fortereffe, & qu'il eût toûjours
auprès de lui une forte garde, compofée de Soldats e-
trangers: car il ne pouvoit ni fe fier aux Citoiens, ni
changer les Garnifons de divers lieux, comme font les
Princes des grands Roiaumes, pour réprimer une Pro-
vince par l'autre. Comme le feul moien de s'affûrer de
la fidélité de ces troupes étrangères, étoit de leur don-
ner une groffe paie; pour avoir dequoi fournir à cette
depenfe, il exigeoit des impôts exorbitans, qui appau-
vriffoient les Citoiens. Enfuite il les défarmoit, & il
tâchoit de leur amollir le courage: il fe défaifoit des
plus accreditez & des plus puiffans: il empêchoit qu'il
ne fe formât aucune affemblée: il entretenoit par tout.
des efpions. Ces petits Tyrans étoient donc également
injuftes & infenfez, de prétendre à une Autorité qu'ils
ne pouvoient conferver fans avoir recours à de mauvai-
fes voies, lefquelles d'ailleurs ne fuffifoient pas pour
leur affûrer une longue domination, & de vouloir régner
fur des gens dont il leur étoit impoffible de fe faire ai-
mer. Il n'eft pas moins abfurde d'établir un Gouverne→
ment Monarchique dans un Etat borné aux environs.
d'une feule Ville', que d'introduire la Démocratie dans
un Etat, dont les terres occupent une vafte étendue de
Païs. Mais les Princes, qui font grands terriens, n'aiant
pas befoin d'imiter les Roitelets de l'ancienne Gréce,
pour conferver leur Couronne, puis qu'ils peuvent fe
fervir des forces d'une Province pour mettre l'autre à la
raifon; ceux qui leur confeillent d'ufer de voies ran?
Kk. 3.

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