Page images
PDF
EPUB

Pour ce qui le paffe entre la Caution, & le Débiteur; lors que la Caution a paié, c'est une efpéce de (1) Prêt qu'elle fait au Débiteur; car elle est cenfée, par une fiction de droit, avoir donné de l'argent au Débiteur, pour paier le Créancier. Et ce feroit au fond la même chofe, fi l'on difoit, que le Débiteur eft obligé envers la Caution à lui rendre ce qu'elle a paié par fon ordre; en forte qu'il y aît ici une espéce de Mandement ou Procuration. A l'égard du Gage que donne un Débiteur, ce n'eft pas non plus un acte bienfaifant: car le Créancier ne gagne rien à cela, & le Débiteur ne peut point prétendre que le Créancier lui en fache aucun gré, puis qu'il ne lui auroit point prêté fans cela.

S. X. (1) Ces fictions de droit ne font qu'un vain circuit, qu'on emploie ici fans néceffité. Car les Régles de l'Equité toute feule fuffisent pour faire voir, que le

Débiteur doit rendre au plûtôt ce que la Caution a paié pour lui, afin de fui rendre fervice: autrement il lui cauferoit du dommage.

CHAPITRE HI.

De l'égalité qu'il doit y avoir dans les Contracts Onéreux.

Il doit y avoir de §. I. Tous, où le Prix des chofes eft réglé ou par les Loix, ou par le cours du mar 'Ous les Contracts purement Onéreux, fur tout lors qu'ils fe font dans quelque

Contracts One-
Ieux.

XXV, 13. & fuiv.

lieu,

ché, ont ceci de commun entr'eux, qu'il doit y avoir une juste égalité, c'eft-à-dire, qu'il faut que les Contractans reçoivent autant l'un que l'autre; & que fi l'un fe trouve avoir moins, il eft en droit d'obliger l'autre à le dédommager de ce qui lui manque. L'équité de cette maxime paroit manifeftement par le but de ces fortes de Contracts, qui eft de recevoir de l'autre Contractant, en revenche de la chofe qu'on lui donne, ou de la peine que (a) Voiez Deur: l'on prend en fa faveur, quelque chofe d'équivalent, qui eft tel qu'on aime mieux, pour Dig. Lib. XLVII. certaines raifons, l'avoir en échange, que de garder fon propre bien, ou de s'épargner fa Tit. II. De Furtis peine. Il y a encore une autre raifon plus précife: c'eft que les Contracts étant néceffaires Tit. XI. De ex- pour nous faire obtenir des autres certaines chofes, qu'ils ne font pas obligez à la rigueur traord. crimin. de nous transférer; il y a lieu de préfumer que quiconque ne donne une chofe que par Con& Tit. X. De Le- tract, ne la donne pas gratuitement, mais dans l'efpérance de recevoir l'équivalent: ainsi ge Cornel, de falf. un Contract ne fauroit nous faire aquérir aucun droit fur la chofe transférée, qu'autant que Leg. XXXII. §.1. l'autre Contractant l'a jugée équipollente à celle qu'il reçoit de nous à fon tour (a).

Leg. LII. §.22.&

Leg. VI. §. 1, 2.

Il faut, pour cet effet, déclarer

les défauts de la chofe, fur la

quelle on traite.

§. II. POUR découvrir donc, & pour établir d'un commun accord cette jufte égalité, il faut, avant que de rien conclurre, que l'un & l'autre des Contractans aît une égale connoiffance (1) de la chofe, au fujet de laquelle ils traitent, & de fes qualitez. D'où il s'enfait, que quiconque veut fe défaire d'une chofe en faveur d'un autre, par voie de Contract, eft tenu de lui découvrir de bonne foi, non feulement les qualitez qui la font valoir, mais encore les défauts qu'il y connoit (2); fans quoi il n'y auroit pas moien de régler

§. II. (1) Dans le Cyclope d'Euripide, lors que Siléne veut vendre du fromage & du lait à Vlyffe, celui-ci lui dit de l'apporter hors de fa caverne, parce que le grand jour eft néceffaire, quand on veut acheter quelque chofe.

Ἐκφέρετε, φως γὸ ἐμπολήμασι πρέπει,

Verf. 137.
Voiez Ovid. de Arte amandi, Lib. I. verf. 250, 251. De
ces deux paffages, que nôtre Auteur citoit, le dernier
regarde plûtôt la prudencé de l'Acheteur, & la circonf-
pection qu'il doit avoir pour ne pas fe laiffer dupper, que
l'obligation où eft le Vendeur de ne point cacher les de-
fauts de fa marchandise.

(2) Le Droit Romain veut, que l'on s'explique là-def-
fus bien clairement, & fans aucune équivoque, Dolum
malum à fe abeffe praftare venditor debet: qui non tantùm
in eo eft, qui fallendi caufà obfcurè loquitur, fed etiam qui
infidiosè obfcurè diffimulat. Lib. XVIII. Tit. I. De contra-

le

henda emptione &c. Leg. XLIII. §. 2. Voici une autre Loi, où il s'agit des fervitudes d'un héritage. Venditor, fi, cùm feiret deberi fervitutem, celavit, non evadet ex empto actio nem: fi modo eam rem emptor ignoravit. Omnia enim, qua contra bonam fidem fiunt, veniunt in empti actionem. Sed fcire venditorem, & celare, fic accipimus, non folùm fi non admonuit, fed & fi negavit fervitutem iftam deberi, cùm effet ab eo quafitum. Lib. XIX. Tit. I. De actionibus empti & venditi, Leg. I. §. 1. Voiez tout le Titre I. du Liv. XXI. De adilitio Edicto, & redhibitione, & quanti minoris: où font marquez en détail les défauts des Efclaves & des Bêtes, dont le Vendeur doit avertir; faute dequoi l'Acheteur peut ou lui faire reprendre fa marchandise, ce qui s'appelle Redhibition, ou l'obliger à diminuer le prix. Voiez Daumat, Loix Civiles dans leur ordre naturel, I. Part., Liv. 1. Tit. II. Sec. XI. .

[ocr errors]

le jufte prix de la chofe. Parmi les anciens Romains, (3) la Loi des XII. Tables ne rendoit garant le Vendeur d'un héritage, que des mauvaises qualitez qu'il n'avoit pas déclarées en étant expreffément requis par l'Acheteur; auquel cas il étoit condamné à paier le double, pour n'avoir pas dit la vérité fur ce qu'on lui demandoit. Mais le Droit Civil donna depuis (a) De Legibus, action de reticence contre ceux qui n'avertiroient pas l'Acheteur de tous les défauts qui leur C. Ed. Wechel. étoient connus. Platon (a) établit la même chofe, au fujet des Efclaves qui ont quelque ma- lius,Lib.IV.C.IL.

ladie cachée.

[ocr errors]

3

Lib.XI. pag.965.

de la nature mê

§. IIL LA néceffité de ce Devoir eft fondée fur la nature même du Contract Onéreux, Ce Devoir fuit & fur ce qu'autrement il n'y auroit pas moien de réduire la chofe à fon jufte prix. Car ce me du Contract n'eft pas parce que le lien général de l'Humanité devient, à proprement parler, plus étroit Onéreux. à l'égard des Contractans, qu'il ne l'est par rapport à tous les autres Hommes, qui n'ont point ensemble de pareille affaire, ou parce que les Contractans (1) entrent dans une fo ciété, qui les engage à d'autres Devoirs, qu'à ceux qui fuivent de la nature du Contract. En effet après l'exécution de part & d'autre, on ne fe croit pas dans de plus grandes Obligations envers ceux, avec qui l'on avoit traité, qu'envers toute autre perfonne; quoi que les Contracts fervent fouvent d'occafion à faire naitre quelque amitié particuliére entre les

Contractans.

Mais, d'autre côté, de ce que, fans bleffer les Loix générales de l'Humanité, on peut fe difpenfer d'une chofe, il ne s'enfuit pourtant pas, que l'on aît la même liberté en matiére de Contracts. Ainfi, quoi que, par les feules Loix de l'Humanité, perfonne ne foit obligé d'inftruire les autres de l'état de les affaires, ou de la qualité de fes biens, ni de leur communiquer tout ce qu'il fait; cela n'empêche pas qu'un Contractant ne doive découvrir à l'autre les défauts de la chofe, au fujet de laquelle ils traitent enfemble. J'avoue, que, quand il n'y a aucun Contract, on peut cacher aux autres bien des chofes, pour jouir feul foi-même d'un profit, que certaines circonftances favorables nous préfentent (a). Si j'ai découvert, par exemple, une mine de diamans, dans un lieu défert, qui n'appartient à perfonne; je ne fuis pas obligé de l'indiquer à qui que ce foit, pour me priver moi-même d'une partie du profit que j'en retire. Ainfi, dans la Parabole Evangélique (b), l'homme qui a trouvé un thréfor caché dans un champ, n'en dit rien (2), fans quoi il n'auroit pas eû le champ à fi bon marché (c). Mais en matiére de Contracts, il faut tenir pour maxime inviolable, avec un (3) ancien Romain, qu'un Vendeur de bonne foi ne doit ni faire trop

(3) Ac de jure quidem pradiorum fancitum eft apud nos jure civili, ut in his vendendis vitia dicerentur, qua nota effent Venditori. Nam cùm ex XII. Tabulis fatis effet ea praftari, qua effent lingua nuncupata, qua qui inficiatus effer, dupli pænam fubiret: à Jureconfultis etiam reticentia pœna eft conftituta. Quidquid enim effet in pradio vitii, id ftatuerunt, fi Venditor fciret, nifi nominatim dictum effet, praftari oportere. Cicer. de Officiis, Lib. III. Cap. XVI. Voiez Lactant. Lib. V. Cap. XVII. Ambrof. de Offic, Lib. III. Cap. X.

§. III. (1) Quoi que nôtre Auteur ne cite point Grotius, il femble qu'il en veuille ici à ce grand Homme. Mais fi cela eft, comme il y a beaucoup d'apparence (car il le critique en d'autres endroits fans le nommer) ficela eft, dís-je, il a mal pris sa pensée. En effet, lors que Grotius dit, Lib. II. Cap. XII. §. 9. num. 1. qu'il y a entre les Contractans une fociété plus particuliere, que celle qui unit généralement tous les Hommes: cela fignifie seulement, que ceux, qui traitent ensemble, s'engagent par là à certaines chofes, auxquelles ils ne feroient pas tenus fimplement entant qu'Hommes; parce que, comme il le dit plus bas, les Contracts fe font pour l'avantage mutuel des Contractans. Mais on ne fauroit inférer de là, que ces engagemens s'étendent au delà de la nature du Contract.

(2) Cet exemple ne convient ici qu'en fuppofant que le threfor n'appartienne pas de droit au maître du champ; car, i les Loix du Païs le lui adjugeoient, (comme Gro

(a) Voiez un paffage de Ciceron qui a été cité cideffus, Liv. II. Chap. III. §. 16. Ambroise, qui l'a imité, offic. Lib. (b) Matth. XIII,

à la fin ; & St.

III. Cap. IV.

Va- 44. Voiez Grotius, Lib.II. Cap. VIII. §. 7.

(c) Voiez, dans la continuation de Sleidan, par

tius conclut de cette Parabole même, que cela avoit lieu
parmi les Juifs) l'Acheteur feroit coupable d'un artifice
criminel, & d'un larcin indirect, à confiderer fon action
en elle-même, independamment de la Parabole, dont
on fait qu'il ne faut pas preffer toutes les circonstances; Londorp, fur l'an
comme, par exemple, dans la Parabole de l'Intendant 1607. P'hiftoire
infidéle, Luc XVI, 1. & fuiu. & dans celle du Juge ini- du Païfan qui
que, Chap. XVIII, 2. & fuiv. Mais, pour dire ce que découvrit les Sa-
j'en penfe, il eft fort incertain que, parmi les Juifs, un moyédes.
ufage foûtenu de l'autorité publique affignât le thréfor
au maître du champ où il fe trouvoit: car on n'en alle-
gue d'autre preuve que cette circonftance même de la Pa-
rabole, fur quoi on ne fauroit compter fürement. Suppo
fé donc que par les Loix Civiles, un threfor, dont on
ignoroit le maître, ne dit être laiffé ni au Proprietaire
de l'endroit où il fe trouvoit, ni au Souverain; en ce cas-
là, je ne vois pas qu'il y eût aucune friponnerie dans le
filence de l'Acheteur; puis que tant que le maître du
champ n'auroit pas découvert lui-même le threfor, il
n'y auroit pas plus de droit que tout autre & que l'Ache-
teur ne feroit nullement obligé de lui communiquer fa
découverte. Voiez ce que notre Auteur a dit Liv. IV.
Chap. VI. §. 13.

(3) Bona fidei venditorem nec commodorum fpem augere,
nec incommodorum cognitionem obfcurare oportet. Valer.
Maxim. Lib. VIII. Cap. II. §. 1. Platon defend aux Ven-
deurs de vanter leur marchandife, & fur tout de jurer

qu'ck

S'il faut découvrir ce qui ne concerne pas la même ?

valoir les avantages de la chofe, dont on eft en marché, ni dérober tant foit peu aux Acheteurs la connoiffance de fes incommoditez & de fes défauts. Les Ouvriers ne doivent pas non plus (4) mettre leur travail ou leurs ouvrages à trop haut prix, ni fe prévaloir de l'ignorance de ceux qui n'entendent pas le mêtier. Par là il faut auffi condamner les perfonnes qui fe mêlant de faire des Mariages, ne difent pas la vérité au sujet de celui, ou de celle, pour qui elles parlent; outre que (5) ceux, qui font trompez, se haissent l'un l'autre, & haiffent encore plus la perfonne, qui les a mis enfemble.

§. IV. MAIS on demande, (& la question a été agitée par les Anciens) fi lors qu'il y a des circonstances extérieures, qui ne regardent pas le fond même de la chofe, & qui chofe en elle peuvent néanmoins contribuer à en augmenter ou à en diminuer le Prix, il eft néceflaire, & par rapport à l'Acheteur, & par rapport au Vendeur, de les découvrir franchement ? Voici un cas proposé par Ciceron: (1) Dans le tems, dit-il, que la famine eft à Rhodes, un Marchand, homme de bien, y aborde, venant d'Alexandrie, avec un Vaiffean chargé de bled. Il fait, que plufieurs autres Marchands en apportent du même lieu, & il les a vûs dans fa route faifant voile vers Rhodes. Le doit-il dire? ou peut-il n'en point parler, afin de mieux vendre fon bled? Ce Marchand, que nous fuppofons vertueux & homme de bien, eft prêt à découvrir tout ce qu'il fait aux habitans de Rhodes, s'il croioit que les Loix de Honnêteté le lui prefcriviffent indifpenfablement; il doute feulement, fi cela eft deshonnête, ou non. . . . . Là-dellus Antipater, Philofophe Stoicien, prétend, que le Vendeur ne doit laiffer ignorer aux Acheteurs rien de ce qu'il fait, pas même ce qui ne concerne en aucune maniére le fond même de la chofe. Mais Diogène, furnommé le Babylonien, & dont ce Philofophe étoit Difciple, foutient, que le Marchand n'eft tenu qu'à ce qui eft ordonné par le Droit Civil, favoir, à déclarer les défauts de fa marchandife, & à n'ufer d'ailleurs d'aucune fupercherie ni d'aucune fraude: mais que du refte, puis qu'il fait mêtier de vendre, rien n'empêche qu'il ne profite de la conjoncture pour vendre le plus qu'il pourra. Fai transporté, dira-t-il, mon bled par mer, je l'expose en vente, je ne le vends pas plus cher que ne font les autres, & peut-être que je le donne à meilleur marché qu'eux, lors que l'on en achete beaucoup à la fois. A qui fais-je tort? Mais, répondra Antipater, ne devez-vous

qu'elle vaut tant, ou qu'elle leur coûte tant. Er

ὅρκός τε περὶ παντὸς τε πολεμών απέσω. De Legib. Lib.
XI. pag. 966. B.

(4) Voici ce que dit Platon là-deffus. Kai vapo
δ' έργον ξυμβολευτης νόμω, άπες τῷ πωλέντι ξυνέ-
λευε, μὴ πλέον τιμάν διαπειρώμαι ἀλλ' ὡς ἀπλέσα-
τα τ' αξίας ταυτὶν ἢ προςάττει και το αναιρε, υπό του για
γνώσκει τὸ ὅτι δημιεργές την αξίαν. ἐν ἐλευθέρων εν πόλε
σιν ἐ δήποτε χρὴ τέχνη, σαφεί τε καὶ ἀψευδεῖ φύσει
πράγματι, διαπειραως ἢ ἰδιωτῶν τεχνάζοντα αὐτὸν τ
Snuggor. De Legibus, Lib. XI. pag. 968. D.
Ce que
la Loi recommande aux Vendeurs, elle l'ordonne auffi
aux Ouvriers, je veux dire de ne tromper perfonne
,, en mettant leur ouvrage à trop haut prix, mais d'en
,, demander de bonne foi la jufte valeur; fur quoi ils

"

22

[ocr errors]
[ocr errors]

ne fauroient fe méprendre eux-mêmes, n'y aiant point ,, d'Ouvrier qui ne fache ce que vaut fon ouvrage. Ainfi, dans une République, il ne faut pas qu'un Ouvrier, » pour tromper les ignorans, abuse jamais de fon Art, ,, qui eft une chofe claire de fa nature, & éloignée de », toute fupercherie.

(s) C'est ce que Sacrate dit, après Afpafie: Ta's ayaθὰς προμνης ρίδας, μη μου αληθείας τ' αγαθὰ διαγΓελλάς σας, δεινὰς εἶναι συνάγειν ανθρώπες εἰς κηδείαν, ψευδομέ νας δ ̓ ἐκ ὠφελεῖν ἐπαινέσας. τὰς γδ ἐξαπατηθέντας, ἅμα μισεῖν ἀλλήλως τε καὶ τὴν προμνησαμθύων. Xenophon, dans les Chofes mémorables de Socrate, pag. 439. Ed. H. Steph.

§. IV. (1) Si (exempli gratia) vir bonus Alexandriâ Rhodum magnum frumenti numerum advexerit, in Rhodiorum inopia & fame, fummaque annona caritate: fi idem fciat, complures Mercatores Alexandrià solvisse, náa

pas

vefque in curfu frumento onuftas, petentes Rhodum, viderit, dicturufne fit id Rhodiis, an filentio fuum quam plurimo venditurus? Sapientem & bonum virum fingimus: de ejus deliberatione & confultatione quarimus, qui celaturus Rhodios non fit, fi id turpe judicet, fed dubiter an turpe non fit. In hujufmodi caufis aliud Diogeni Babylonio videri folet, magno & gravi Stoico, aliud Antipatro, difcipulo ejus, homini acutiffimo. Antipatro, omnia patefacienda, ut ne quid omnino, quod venditor norit, emtor ignoret: Diogeni, venditorem, quatenus jure civili conftitutum fit, dicere vitia oportere, cetera fine infidiis agere, & quoniam vendar, velle quam optimè vendere. Advexi, expofui, vendo meum non pluris, quam ceteri, fortaffe etiam minoris, cum major eft copia. Cui fit injuria? Exoritur Antipatri ratio ex altera parte: Quid ais? tu cum hominibus confulere debeas &fervire humana Societati, eaque lege natus fis, & ea habeas principia natura, quibus parere, & qua fequi debeas, ut utilitas tua communis utilitas fit, viciffimque communis utilitas tua fit, celabis hemines, quid iis adfit commoditatis & copia? Refpondebit Diogenes fortaffe fic: Aliud eft celare, aliud tacere: neque ego nunc te celo, fi tibi non dico, que natura Deorum με, quis με finis bonorum, qua tibi plus prodeffent cognita, quam tritici utilitas: fed non quidquid tibi audire utile eft, id mihi dicere neceffe eft. Immo vero (inquiet ille) nem ceffe eft, fi quidem meminifti effe inter homines natura conjunctam focietatem. Memini, inquiet ille, fed num ifta focietas talis eft, ut nihil fuum cujufque fit? quod fi ita eft, ne vendendum quidem quidquam eft, fed donandum. De Offic. Lib. III. Cap. XII.

(a) L'Au

[ocr errors]

pas procurer le bien général de la Société Humaine? N'êtes-vous pas né pour cela? Les principes de la Nature, qui font gravez dans votre cœur, & auxquels vous devez vous conformer & obéir, ne vous portent-ils pas à regarder vôtre intérêt particulier comme l'intérêt de tout le monde, & celui de tout le monde comme le vôtre? Comment pourriez-vous donc celer aux Rhodiens, qui font Hommes, aussi bien que vous, l'abondance qu'ils vont avoir au premier jour de ce qui leur manque préfentement? A cela Diogene répond pour le Marchand: Il y a bien de la différence entre celer, & taire. Je ne vous dis point, par exemple, quelle eft la nature de la Divinité, ni en quoi confifte le Souverain Bien, chofes néanmoins dont la connoiffance vous feroit infiniment plus utile, que celle du bled qui vous doit venir. Prétendra-t-on pour cela que je vous les cele? En un mot, je ne fuis pas obligé de vous apprendre tout ce qu'il vous feroit avantageux de favoir. Vous y êtes tenu, repliquera Antipater, & vous ne fauriez en difconvenir, à moins difconvenir, à moins que d'avoir oublié ce à quoi vous engagent les Loix de la Société, que la Nature même a établie entre les Hommes. Je ne l'as pas oublié, repartira Diogene: mais ces Loix demandent-elles que perfonne n'ait rien à foi ? Si cela est, il n'eft plus permis de vendre, il faut tout donner. Ciceron fe déclare (a) enfuite (2) tout ouver- (a) Cap. XIII, tement pour l'opinion d'Antipater: Il me femble, dit-il, que le Marchand de bled ne devoit point celer à ceux de Rhodes, ce qu'il favoit des autres vaiffeaux, qui fuivoient le fien. F'avoue que le filence n'eft pas toujours ce que l'on appelle celer: mais il eft tel fans contredit, lors que, pour fon profit particulier, on ne dit pas une chofe, que ceux, à qui on la cache, ont intérêt de favoir? En ce cas-là, qui ne voit que ceux qui prennent le parti du filence, ne font pas droits, francs, fincéres, fans artifice, en un mot véritables gens de bien, mais des gens doubles, cachez, rufez, fourbes, malins, artificieux, trompeurs. Ciceron fournit pourtant lui-même dequoi juftifier la conduite du Marchand de bled; puis qu'il approuve un peu plus bas la définition que donnoit le Préteur Aquillius du Dol ou de la mauvaife foi, qui confifte, felon lui (3), à donner lieu de croire une chofe, & tâcher de la perfuader, pendant qu'on en fait une autre ce qui ne convient pas au cas dont il s'agit. On a donc raifon de foûtenir, que ce Marchand ne fit rien d'injufte en n'avertiflant point ceux de Rhodes de l'approche des Vaiffeaux qui étoient en chemin (b). En effet les Loix (b) Voiez Grotius, de la Juftice demandent feulement, que l'on découvre ce qui regarde le fond même de la Lib. II. Cap. XII. chofe, au fujet de laquelle on traite; par exemple, que la maifon à vendre eft empeftée, que le Magiftrat a ordonné de la démolir: exemples dont Ciceron fe fert dans la fuite. Mais ici le Marchand ne diffimule rien de pareil. Il expofe fon bled en vente, en forte que tout le monde peut voir, s'il eft bon; & lors qu'on l'achete de lui, il vaut véritablement ce qu'il le vend, quoi que peu de tems après le Prix en doive diminuer. D'ailleurs, ceux de Rhodes n'avoient pas un droit proprement ainfi nommé de prétendre, que le Marchand leur apprit ce qu'il favoit, puis qu'il ne s'y étoit jamais engagé par un accord fait là-deflus entr'eux & lui (4). De dire maintenant, s'il pécha contre les Loix de la Bénéficence, &

(2) L'Auteur difoit ici, que Ciceron femble pancher vers le fentiment d'Antipater. Mais le paffage, que je rapporte traduit tout du long, ne permet pas de douter que Ciceron ne prenne hautement le parti du Difciple contre le Maitre.

(3) Cùm ex co [Aquillio] quareretur, quid effet dolus malus; refpondebat, cùm effet aliud fimulatum, aliud actum. Ibid. Cap. XIV.

(4) Ajoûtons deux réflexions, que je tirerai de Mr. la Placerte (Traité de la Reftitution, p. 297.) I. Il femble qu'il n'y ait pas plus de mai à vendre un peu cher ce qui fe vendra bien-tôt à meilleur marché, qu'à acheter à bon marché ce que l'on fait qui doit fe vendre plus chérement quelque tems après. Or les Paiens, & particu lierement Ariftote, ont approuvé l'action de Thalès, qui aiant prévu une fterilité qui devoit furvenir quelque rems après, fit un grand amas de bled, dont il profita extremement. Voiez ci-deffous, Chap. V. à la fin. Et TOM. II.

de

pour ce qui regarde les Chrétiens, ils ont l'exemple de
Jofeph, qui fit la même chofe en Egypte. II. Si ce Mar-
chand arrivant à Rhodes, eût trouvé qu'on y avoit porté
du bled de quelque autre endroit, & qu'il s'y vendoit a
un plus bas prix qu'il ne l'avoit acheté lui-même dans
Alexandrie, oufi, fans cela, son vaisseau eût péri par
une tempête, il lui auroit fallu porter cette perte, fans
que perfonne eût penfé, ni dû penfer à l'en dedomma-
ger. Pourquoi ne pourroit-il donc pas fe prevaloir du
bonheur, qui lui donne le moien de faire quelque pro-
fit? Sur ce fondement, continue Mr. la Placerte, je n'o-
ferois condamner les Marchands qui fe prévalent des
avis, qu'ils reçoivent des correfpondans qu'ils ont dans
les Païs éloignez. Comme ces correfpondances leur
coûtent toûjours quelque chofe, il eft jufte qu'ils en
profitent, & je ne faurois me perfuader qu'ils foient te-
nus en confcience d'en faire part à perfonne.

[blocks in formation]

§. 9. num. 2.

On n'eft point obligé de faire

part & d'autre.

S. 9. num. 3.

UI. Cap. XVL

de l'Humanité, c'eft une toute autre queftion; fur laquelle néanmoins je ne faurois non plus me refoudre à prononcer contre lui. Car l'Humanité ne nous engage à faire du bien aux autres d'une manière purement gratuite, que quand ils ont grand befoin des effets de nôtre Libéralité. Or ceux de Rhodes étant fort riches, comme l'Antiquité nous les repréfente, ils avoient befoin de bled, & non pas d'argent. D'ailleurs on n'eft point obligé de faire du bien gratuitement, lors que celui, qui donne, perdroit plus par là, que ne gagneroit celui qui reçoit. Or le Marchand auroit plus perdu en faisant favoir l'approche des Vaiffeaux qui devoient arriver, que n'auroient gagné ceux qui achetoient fon bled. Car s'il le vendit en détail, c'étoit peu de chofe pour chacun que ce qu'on perdoit à le paier fur l'ancien pied: que fi un ou deux Marchands l'acheterent tout en gros, ils ne pouvoient s'en prendre qu'à leur avarice, & à l'avidité hors de faifon, qui les avoit portez à vouloir profiter de cette trifte conjoncture. Après tout, une Morale fi rigide en matière de ces fortes d'affaires eft incompatible avec le train ordinaire de la vie. Et pourvû que les Marchands ne veuillent point nous tromper, nous les difpenferons aifément de nous faire des libéralitez,

avoit

§. V. MAIS pour ce qui regarde les défauts, que l'Acheteur n'ignore pas, il n'eft point mention des dé- néceffaire d'en parler car la connoiffance, que l'on en a de part & d'autre, rend les fauts connus de Contractans parfaitement égaux à cet égard (a). Ciceron nous fournira encore ici un exema) Voicz Grotius, ple (b). Marc Marius Gratidianus, fon Parent, revendit à Caius Sergius Orata une maison Lib. II. Cap. XII. qu'il avoit achetée de lui-même quelques années auparavant,& fur laquelle Sergius avoit un (b) De Offic. Lib. droit de fervitude. Marius cependant n'en fit aucune mention dans le marché. L'affaire étant portée en Fuftice, Craffus foûtenoit la Caufe d'Orata, & Antoine celle de Marius. Craffus infiftoit fur la décision du Droit, qui vent, que le Vendeur foit garant des défauts dont il n'a point averti, quoi qu'il les connût très-bien. Antoine d'autre côté fe fondoit fur les ma ximes de l'Equité, en vertu defquelles Marius vendant la maison à un homme à qui elle appartenu autrefois, & qui ne pouvoit pas ignorer par confequent la fervitude à laquelle elle étoit fujette, n'avoit point été obligé de l'en avertir; de forte qu'Orata n'avoit aucun fujet de fe plaindre qu'il l'eût trompé. Ainfi un homme, qui aiant répudié fa femme ne (c) Plutarch, in vouloit point lui rendre fa dot (c), &, pour s'en difpenfer, lui reprochoit qu'elle avoit Mario, pag. 427. commis adultére, fut condamné autrefois à Rome par le Conful Marius, parce qu'on fit Valer. Max. Lib. voir qu'il n'ignoroit pas fes débauches, quand il l'époufa. En effet, comme le difent les VIII. Cap.II. §.3. Jurifconfultes Romains, (1) on n'eft point cenfe avoir voulu celer à une perfonne ce qu'elle XLVIII. Tit. V. favoit déja, & il n'étoit pas besoin de l'inftruire de ce qu'elle n'ignoroit pas. Par la même Ad Leg. Jul. de raifon une Vente ne peut point être annullée à caufe de quelques défauts que le Vendeur a adulter. &c. Leg. lui-même déclarez de bonne foi, puis qu'en ce cas-là il eft clair, que l'Acheteur confent, & fait fon compte là-deffus. Horace introduit agréablement un homme, qui, après avoir vanté en détail les bonnes qualitez d'un Efclave qu'il veut vendre, dit à celui, qui le marchande (2) Il n'y a pas un Marchand, qui en ufat comme moi. Je ne parlerois pas fi (d) Voiez Digest. franchement à tout autre, qu'à vous. Il a manqué une fois à faire ce qu'on lui ordonnoit; & Lib. XXIX. Tit. comme cela eft naturel, il s'alla cacher, de peur des (d) étriviéres. Achetez-le, fi cette peSilan. &c. Leg.I. tite efcapade ne vous rebute pas. Après cela, ajoûte le Poëte, le Marchand peut prendre 5.33.& Lib.XXI. La femme en toute fûreté : car enfin il vous a dit le défaut de l'Esclave, & vous l'acheTit. I. Leg.XVII. tez fur ce pied-là.

E. Ed. Wechel. &

Voiez Digeft. Lib.

XIII. §. 9, 10.

V.DeSenatufconf.

On ne doit for

cer perfonne à traiter.

§. VI. UNE autre maxime, qui a lieu dans toutes fortes de Conventions, & fur tout

§. V. (1) Hac ita vera funt, fi emptor ignoravit fervitutes: quia non videtur effe celatus, qui feit; neque certiorari debuit, qui non ignoravit. Digeft. Lib. XIX. Tit. I. De actionibus empti & venditi, Leg. 1. §. 1. Voiez auffi Lib. XVIII. Tit. I. De contrah. empt. &c. Leg. XLIII. §. 1. LVII. §. 3. & Lib. XXI. Tit. I. De adilicio Edicto, Leg, XIV. §. 10.

(2) Nemo hoc mangonum faceret tibi: non temerè à me

dans
Quivis ferret idem: femel hic ceffavit, & (ut fit)
In fcalis latuit metuens pendentis habena.
Des nummos, excepta nihil te fi fuga ladat.
Ille ferat pretium, pæna fecurus, opinor.
Prudens emifti vitiofum; dicta tibi eft lex.
Lib. II. Epift. II. verf. 13. & feqq.
J'ai fuivi la verfion du P. Tarteron. Voiez encore Lib. II.
Satyr. III, 285, 286.

« PreviousContinue »