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lité Morale, telle qu'eft l'Autorité Souveraine, foit attachée à une perfonne, par le confentement de quelques autres, qui n'en étoient pas formellement revêtus eux-mêmes, mais qui ne laiffent pas pour cela de la produire réellement dans celui en qui elle commence d'exifter (1); de même que plufieurs voix réunies d'une certaine maniére, forment une harmonie qui n'étoit pas dans chacune. D'ailleurs, la Souveraineté résultant d'une Convention, par laquelle les Sujets s'engagent à ne pas réfifter au Souverain, & à le laiffer dispofer de leurs forces & de leurs facultez, comme il le jugera à propos; il eft clair, qu'il y a dans chaque Particulier des femences, pour ainfi dire, du Pouvoir Souverain, qui pouffent & fe réuniflent toutes enfemble par les Conventions entre les Sujets & le Souverain. C'est donc raisonner fur des idées bien groffieres, que de prétendre, que le Pouvoir Souverain ne puiffe point émaner des Hommes, fous prétexte qu'on ne trouve rien de tel dans les Facultez Naturelles de chacun; comme s'il s'agiffoit ici d'une Qualité Phyfique, ou comine s'il n'y avoit point de Qualitez Morales. Je ne fai, fi les Rois fages, & fur tout ceux qui font auffi Chrétiens, feront bien aifes d'entendre dire, comme fait enfuite le même Auteur, que Dieu, qui avoit lui feul le droit de gouverner l'Homme, en vertu de la Création, s'en eft déchargé fur les Princes, en forte néanmoins qu'il le conferve toûjours; & qu'ainfi il aît (b) entiérement revêtu les Rois de fon Pouvoir, fans s'en dépouiller abfolu (b) Per cumulament lui-même, & autres femblables éloges, par lefquels de lâches Flatteurs prennent plai- nimidam abfir à rehauffer la Majefté des Princes, en abaillant la Majefté Divine. On diroit qu'ils dou- dicationem. tent, s'il refte encore à Dieu quelque Pouvoir fur les Hommes, depuis l'établiffement des Rois; & fi ceux-ci doivent, de même que leurs Sujets, le reconnoitre pour leur Supérieur commun. Mais l'Autorité des Souverains eft certainement d'une toute autre nature que l'empire que Dieu a fur les Hommes en qualité de leur Créateur. Ainfi il y a également de l'abfurdité & du blafpheme à dire, que Dieu, par une faveur toute particulière, communique aux Princes, qui font Hommes, auffi bien que leurs Sujets, l'empire qu'il a lui feul en vertu de la Création. Pour prouver enfuite, que Dieu feul eft la caufe immédiate de la Majesté Souveraine, on diftingue entre la caufe efficiente immédiate, & la maniére immédiate d'établir. Dieu, dit-on, eft l'auteur immédiat de la Majesté Souveraine, quoi que la plupart des Rois montent fur le Thrône par quelque autre voie médiate. Ainfi il faut mettre de la différence entre ces deux propofitions: Dien eft la caufe immédiate de la Majefté Souveraine; & Dieu établit immédiatement le Prince, ou, Dieu lui confére immédiatement la Majefté Souveraine: car quoi que l'on puiffe dire, que Dieu confére cetre Majefté (c) par l'entremife des fuffrages du Peuple, par la voie de la Succeffion, par les (c) Voiez TheConquêtes; on ne fauroit en attribuer la production proprement ainfi dite, à aucune Cau- mitius, Orat. VI. fe Seconde, prochaine & immédiate. Mais on raifonne ici toujours fur une faufle idée de p. 73. C. la Souveraineté, que l'on conçoit manifeftement comme un Etre Phyfique, qui aiant été produit par le Créateur fans être attaché à aucun fujet, court enfuite par le monde, juf ques à ce que l'élection d'un Peuple le fixe au Roi nommé, & le rempliffe de fon augufte fplendeur. Qu'eft-ce donc que cette Majesté Souveraine, avant qu'elle ait été placée dans la perfonne d'un Roi? Eft-ce une Subftance, ou un Mode? Si c'eft un Mode, comment peut-elle exifter fans fujet? En quel tems a-t-elle été créée? Eft-ce au commencement du (d) Voiez l'Hi Monde, ou depuis ? N'y a-t-il, dans tout le Monde, qu'une feule Majefté Souveraine, toire du Concile de dont chaque Roi poffède une partie ? ou bien chaque Roi a-t-il en particulier fa Majefté Paolo, Lib. II. toute entière? Lors qu'un Roi meurt, que devient fa Majesté? Périt-elle avec lui, ou P. 213. où les Pefubfifte-t-elle encore, comme une Ame féparée du Corps; ou bien paffe-t-elle, par une fe tourmentent efpéce de Metempfychofe, dans le nouveau Roi, qui fuccéde au défunt (d)? On feroit fort fort pour expli

§. IV. (1) Sur ce principe (ajoûtoit ici nôtre Auteur) on ne fauroit approuver le raifonnement de Socrate, rapporté par Elien (Var. Hiftor. Lib. II. Cap. 1.) lors que ce Philofophe, pour encourager Alcibiadé à paroitre har

Edit. Harduin.

Trente, par Fra

res du Concile

quer l'opération em- des Signes Sacra

mentaux; le tout

diment dans l'Affemblée du Peuple, lui difoit: Si vous pour ne pas con-
méprifez en particulier chacun de ceux qui compofent cette
Affemblée, que ne les méprifez-vous anffi, lors qu'ils font
tous enfemble ?

Ff 2

noitre la nature des Chofes Mo

rales.

S. V.

XVII, 14.

4. & ce que nous

V. §. 2, 3, 4.

V. au commen

jefté, n'eft qu'u

que.

embarraffé de répondre à toutes ces queftions: & au fond il eft ridicule de chercher la caufe immédiate du Pouvoir Souverain confidéré en général par abstraction, puis qu'il n'existe jamais que dans telle ou telle perfonne en particulier. C'eft tout comme fi fachant la caufe de l'existence de chaque Homme en particulier, on s'avifoit de chercher la cause de la Nature Humaine confidérée par abftraction. D'ailleurs, l'Auteur, que je réfute, laissant aux Peuples la liberté, lors que perfonne n'a aquis aucun droit à la Souveraineté, de choifir quel Roi il leur plait, & quand bon leur femble, ou d'établir telle forme de Gouver(e) Voiez Deut. nement qu'ils jugent à propos (e); je voudrois bien favoir, que feroit devenue la Majesté Souveraine, fi tous les Peuples euffent trouvé bon de faire des Etats Ariftocratiques, ou Démocratiques. J'avoue, que l'Election confidérée proprement & précisément en elle-même n'eft autre chofe qu'une manière de faire aquérir à quelcun la Souveraineté. Mais rien n'empêche, , que, par un feul & même acte, on ne défigne une certaine perfonne, & on ne lui confére en même tems une Autorité, qui n'exiftoit pas auparavant. Car il eft clair, que le concours mutuel des volontez fuffit pour produire un droit, & généralement toute au() Voiez Hobbes, tre forte de Qualité Morale (f). Nous n'aurons pas de la peine à réfoudre cette autre difde Cive, Cap.11; ficulté: Si le Peuple, dit-on, eft la Caufe Seconde de la Majefté Souveraine, il doit avoir avons dit ci-def- reçu de Dieu le pouvoir de la produire or c'est-ce que l'on ne fauroit prouver. Mais puis fus, Liv. III. Ch. que Dieu a imprimé dans le cœur des Hommes un défir ardent de leur propre conferva(g) Ce que dit tion; qu'il leur ordonne de maintenir parmi eux le bon ordre & la paix; & qu'il leur a Ovide, Faft. Lib. donné la Raifon, pour connoitre les moiens propres à cette fin, dont le principal eft le cement, fur l'o- Gouvernement Civil; y a-t-il le moindre lieu de douter, qu'ils ne tiennent du Ciel le droit rigine de la Ma- d'établir l'Autorité Souveraine? Les axiomes Philofophiques, que l'on étale ici en divers ne fiction Poeti- endroits, font en partie fort incertains, en partie tirez des Chofes Physiques, & appliquez mal à propos aux Chofes Morales. Je n'ai pas loifir de les examiner en détail (g). §. V. LE même Auteur s'étend fort à réfuter les fentimens de ceux qui rapportent à Pas Pre- quelque autre caufe l'origine de la Souveraineté. Sur quoi il faut avouer qu'il dit bien des chofes judicieufes; quoi qu'il en avance d'autres qu'on ne fauroit lui paffer. Il a raison de foûtenir, que le Pouvoir Souverain ne doit pas fon origine aux Guerres excitées par l'Ambition on par les autres Paffions déréglées des Tyrans: car cela fuppofe des Sociétez Civiles déja établies. Il eft vrai, que les violences. qui fe commettoient tous les jours, & les machinations de ceux qui travailloient à opprimer les autres, ont pu donner occafion aux Péres de famille, qui avoient vêcu jufqu'alors féparez & indépendans, de fe joindre plufieurs ensemble, pour former des Etats (1). Il eft clair encore, que la plupart des grands Empires, pour ne pas dire tous, doivent leurs accroiffemens aux Conquêtes. Mais il ne s'enfuit pas de là, que les Guerres aient produit originairement le Pouvoir Sou verain. Car il faut pour le moins que les prémiers qui allérent de concert attaquer les autres, fe foient, avant toutes chofes, foûmis volontairement à la conduite d'un Chef. Et pour ceux qui étoient fubjuguez, le Vainqueur n'eut fur eux aucune Autorité légitime, que quand ils fe furent enfuite engagez, par quelque Convention, à lui obéir fidélement. §. VI. IL n'eft pas non plus impoffible, que l'Autorité des Péres de famille, fur tout famille ont pas de ceux qui avoient fous leur dépendance plufieurs hameaux, aît été érigée en Souveraineté (1). A la vérité le Pouvoir Paternel ne regarde proprement que l'éducation des Enfans, comme le pouvoir des Maîtres ne s'étend qu'à ce qui concerne les affaires domestiques; & la multitude des Enfans, ou des Efclaves, ne fait pas par elle-même changer de nature à ces deux fortes de Pouvoir. Il n'y a pourtant pas une fi grande diftance entre l'Autorité des Péres de famille, & celle des Souverains, que l'on ne puiffe paffer de la prémiére à l'autre, fans que Dieu produife lui-même une Majefté toute nouvelle. Car fuppofé qu'un

Les Guerres duit le Gouvernement Civil.

Ji les Péres de

devenir Princes?

§. V. (1) Voiez ce que j'ai dit ci-deffus, fur le Chap. I. de ce Livre, §. 7. Note 1.

§, VL. (1) Voiez ci-dessus, Liv. VI. Chap. II. §. 10.

Pére

Note 2. & le Second Traité du Gouvernement Civil, par
Mr. Locke, Chap. VIII. §. 11. & fuiv..

Pére de famille, qui avoit un grand nombre d'Enfans, & d'Efclaves, émancipât, pour ainfi dire, les prémiers, & affranchît les autres, leur permettant de vivre déformais en leur particulier, & de former des Familles féparées, à condition qu'elles fe foûmettroient à fon Gouvernement en ce qui concerneroit leur fûreté commune; je ne vois pas ce qui manquoit à un tel homme, pour avoir le rang & l'autorité de Prince, pourvû qu'il eût d'ailleurs en main les forces néceflaires pour le but des Sociétez Civiles. Que fi, avant que de mourir, il défignoit un Succeffeur, du moins avec le confentement de fes Enfans, il falloit fans contredit fuivre cette difpofition. Autrement, après fa mort, il y avoit une ef péce d'Interregne, pendant lequel les Enfans devoient, d'un commun accord, régler entr'eux la forme du Gouvernement, & choifir le Chef, à la conduite de qui ils vouloient fe foûmettre déformais: auquel on pouvoit, fans violer le Droit Naturel, nommer pour Succeffeur le Cadet même des Enfans du défunt (a).

(a) Voiez Genef.

XXVII, 29, 37.

§. VII. L'AUTEUR, que j'ai réfuté fi fouvent dans ce Chapitre, prétend auffi, que De quelle mal'on ne peut pas regarder comme véritable auteur de la Majefté Souveraine, celui, qui en niere un Vaffal qui eft dégagé étant revêtu lui-même, confére la dignité Roiale à une perfonne, qui dépend de lui, en de l'Obligation fe dépouillant déformais de tout le pouvoir qu'il avoit fur elle: comme, fi un Roi déchar- fon Seigneur, ge fon Vaffal des engagemens, où il étoit envers lui, & confent qu'il poffède déformais peut devenis comme Prince Souverain, les terres qu'il avoit en Fief; ou fi l'on donne à un Sujet quel- Souverain 2 que Province, fans s'y referver abfolument aucun droit. En ce cas-là, felon notre Auteur, la ceffion du Prince n'eft qu'une manière de faire aquérir la Souveraineté, & elle peut être mise au même rang, que l'Election. Mais il faut dire ici, à mon avis, que, quand le Roi renonce à tous fes droits fur le Vaflal, & fur le Fief, il met dès-lors le Vaffal en état de devenir Souverain, & il lui procure auffi des gens, qui peuvent devenir fes Sujets. Car les habitans des terres féodales ne fauroient fe foûmettre légitimement au Vaflal, comme à leur Souverain, s'ils ne font entièrement déchargez de l'obeillance qu'ils doivent au Seigneur principal. Après quoi, c'eft toûjours le confentement du Peuple, qui eft la fource & le fondement de l'Autorité Souveraine, que le Vaffal aquiert. Car, fi le Seigneur pouvoit, de fa propre autorité, donner la Province à qui bon fui fembleroit, il avoit aquis ce droit par un confentement du Peuple, ou entiérement libre & volontaire, ou donné en fuite d'une Guerre jufte. Mais, i le Seigneur n'avoit pas un tel pouvoir, il faut que le Peuple donne un confentement exprès, par lequel il fe foûmette au nouveau Sou

verain.

un Roi, ou un

autre, lui confe

torité Souverai

§. VIII. ENFIN, le même Auteur foûtient, qu'un Peuple même, qui las du Gouver- și un Peuple IInement Démocratique, vient à fe choifir un Roi, n'eft pas néanmoins l'auteur du Pou- bre.qui fe choifit voir Souverain que celui-ci reçoit : car, dit-il, le Roi n'eft revêtu de l'Autorité Souverai- Roi, qui refigne ne, que quand le Peuple s'eft dépouillé de fon droit; or du moinent que le Peuple s'eft le Roiaume à un dépouillé de fon droit, il n'a plus l'Autorité Souveraine; donc il ne fait que choifir celui rent par là vériqui doit la recevoir immédiatement de Dieu. Mais, par un femblable raifonnement, on tablement l'Aupourroit foûtenir, que la Propriété des biens ne paffe jamais d'une perfonne à l'autre. Car ne? certainement un autre ne fauroit devenir maître de la moindre chofe, qui m'appartient, si je ne renonce à mon droit de Propriété: or après cela je n'ai plus la Propriété, & par conféquent, felon le principe de nôtre Auteur, je ne faurois la transférer à autrui: ainfi, fur ce pied-là, je ne fais que choisir une perfonne, qui doit recevoir, je ne fai d'où, un droit de Propriété formé tout de nouveau, & tombé des nues, pour ainfi dire. Ces deux raifonnemens font auffi ridicules l'un que l'autre.

A l'égard de la réfignation volontaire qu'un Roi fait de fa Couronne, on prétend que par là il fe dépouille de l'Autorité Souveraine qu'il avoit fur fes Provinces, & qu'il décharge fes Peuples du ferment de fidélité qu'ils lui avoient prêté, après quoi la Majesté Souveraine retourne à fon prémier auteur, qui en revés le Succeffeur défigné. C'eft-là manifeftement admettre une espéce de Métempfychofe de la Souveraineté; & je crois que toute per

Ff 3

fonne

A qui il appar

le titre de Roi à un Souverain?

fonne de Bon-Sens me difpenfera de m'étendre à faire voir l'abfurdité d'une telle pensée. Il est évident, que celui, qui renonce à la Couronne, fait place à un Succeffeur, en forte que le Peuple peut déformais lui conférer l'Autorité Souveraine par une foùmiffion libre; ou que le Prince peut de lui-même fe mettre actuellement en poffeffion du Roiaume, fuppofé qu'il y eût déja droit en vertu de l'Ordonnance du Peuple, qui avoit réglé l'ordre de la Succeffion.

§. IX. IL ne fera pas hors de propos d'examiner ici, à qui eft-ce qu'il appartient de tient de donner donner le titre de Roi, & les marques de la Dignité Roiale, ou tel autre nom que ce foit, qui marque un Pouvoir Souverain & indépendant, attaché à une feule perfonne? Il eft clair, que ceux qui conférent la chofe même, ou la Souveraineté, font auffi ceux qui doivent conférer le nom & les titres. Si donc un Peuple, ou en formant une Société Ĉivile, ou en changeant fon ancienne forme de Gouvernement, dépofe l'Autorité Souveraine, entre les mains d'un feul, il lui donne droit dès-lors de prendre le nom & le titre de Roi, avec toutes les marques d'honneur convenables à un tel rang. Ce Prince n'étant redevable de fon Pouvoir & de fa Dignité à aucun Etranger, le contentement des autres Rois, ou des autres Etats, n'eft pas néceffaire pour le mettre en droit d'agir comme Roi, & pour le faire regarder fur ce pied-là. Au contraire, comme les Etrangers lui feroient du tort, s'ils lui conteftoient fon autorité; ils l'outrageroient (1) auffi, s'ils lui refufoient le titre de Roi. Et il ne ferviroit de rien de dire, que les Etats de ce Prince font fort petits: car le nom de Roiaume ne marque pas une certaine étendue de païs, ou de forces, mais feulement une certaine forte de Gouvernement Civil, qui peut être établi dans des terres plus ou moins vastes. Mais afin qu'un Seigneur, qui dépend lui-même d'un Supérieur, puiffe devenir Roi, il faut que le Supérieur le décharge lui, & tous ceux de fes terres, des engagemens où ils étoient envers lui. Ainfi celui qui a un Fief fervant ne fauroit s'ériger en Roi fans le confentement de fon Seigneur. Et s'il prend le titre de Roi avec l'approbation de fon Seigneur, fans ceffer pour cela d'être fon Vaffal, il ne fera revêtu de la Dignité Roiale qu'avec quelque reftriction. C'eft ainfi que les Succeffeurs d'Alexandre le Grand n'oferent prendre le titre de Rois, avant que la famille d'Alexandre, à laquelle (a) Voiez Corn. l'Empire revenoit de droit, fût entiérement éteinte (a): quoi que d'ailleurs ils euffent en Neosine- main un affez grand nombre de tronpes, pour ne pas craindre que les Peuples, à qui ils metr. Jufin. Lib. commandoient, leur refufaffent le confentement néceffaire pour cet effet. Lors qu'un PrinXV. Cap. II. Ap- ce a conquis un Pais, il peut fe donner le titre de Roi, par le même droit de la Guerre pian. Alexandr. in Syriac. Diod. qui lui a aquis la domination fur ce Pais (b). Un Prince peut auffi ériger en Roiaume Sicul. Lib. XX. quelcune de fes Provinces, en la feparant entiérement de tous fes autres Etats, & la gouvernant de telle forte qu'elle n'en dépende en aucune manière. Tout le monde fait au refte, qu'autrefois le Sénat Romain donnoit aux Princes, pour marque d'honneur, le titre de Roi & d'ami du Peuple Romain. Il pouvoit le faire légitimement à l'égard de ceux, auxquels il avoit conféré lui-même l'Autorité Roiale,ou fur les Roiaumes defquels il avoit aquis quelque droit de fupériorité. Mais c'étoit une ufurpation bien infolente, de prétendre que les Princes, qui ne dépendoient de lui en aucune manière, duffent lui favoir gré de ce qu'il vouloit bien leur donner un tel titre: privilége que le Pape n'a pas fait difficulté de s'attribuer depuis, avec autant d'arrogance & aulfi peu de fondement, par rapport (c) Par exemple, aux (c) Etats libres & indépendans de l'Europe.

Plutarch.

Eumen.

(b) Voiez Justin. Lib. XLI. Cap.

IV. V.

en

Paul IV. érigea l'Irlande Roiaume, (Fra Paolo Hift. du Conc. de Tren

te, Liv. V. pag. 354.) & Pie V. donna le titre de Grand Duc à Core I. Thuan, Lib. XLVI.

§. IX. (1) Mr. Titius (Obferv. DLXI.) prétend que non, & qu'il eft libre aux Etrangers de reconnoitre, ou de ne pas reconnoitre pour Roi un tel Souverain: car, dit

il, ce titre donne pour l'ordinaire un rang & des prérogatives, qui peuvent causer quelque préjudice à d'autres

Etats.

CHA

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Des Parties de la Souveraineté en général, & de leur

liaifon naturelle.

veraineté a des

UOI QUE la Souveraineté foit en elle-même quelque chofe de fimple (1) & En quel fens on d'indivifible: cependant, comme elle s'exerce par divers actes diftincts, felon dit, que la Soules différens moiens qu'il faut néceffairement mettre en ufage pour la confervation de l'E- Parties? tat; on y conçoit diverfes parties, qui ont quelque rapport avec ce que l'on appelle (2) Parties Potentielles. Car ce n'eft pas un Tout compofé de parties de différente nature, qui, quoi que jointes enfemble, puiflent fubfifter chacune féparément. Mais comme dans nôtre Ame, quelque fimple & indivifible qu'elle foit de fa nature, l'on conçoit néanmoins autant de Parties Potentielles, qu'elle produit d'opérations différentes, felon la diverfité des Objets, & des Organes du Corps, auquel elle communique la vie & le mouvement: de même la Souveraineté, entant qu'elle preferit des Régles Générales pour la conduite de la Vie Civile s'appelle Pouvoir Législatif: entant qu'elle prononce fur les démêlez des Citoiens, conformément à ces Régles, Pouvoir Judiciaire: entant qu'elle arme les Citoiens contre un Ennemi étranger, ou qu'elle leur ordonne de mettre fin aux actes d'hoftilité, Pouvoir de faire la Guerre & la Paix: entant qu'elle fe choifit des Miniftres pour lui aider à prendre foin des affaires publiques, Pouvoir d'établir des Magiftrats; & ainfi du refte.

§. IL LA nature & le but des Sociétez Civiles fait voir très-évidemment en quoi con- Du Pouvoir Lé fiftent ces Parties de la Souveraineté, & combien il y en a. 1. L'Etat, comme nous l'a- gislatif. vons expliqué (a) ci-deffus, eft un Corps Moral, que l'on conçoit n'avoir qu'une volon- (a) Chap. II. té, entant que chaque Citoien a foumis fa volonté, en ce qui concerne le bien de la Société, à celle d'une feule perfonne, ou d'une Affemblée, entre les mains de laquelle ils ont tous déposé d'un commun accord l'Autorité Souveraine. Il faut donc, avant toutes chofes, que les Souverains donnent clairement à connoitre leur volonté par des fignes convenables. Or il feroit impoffible, parmi un fi grand nombre de gens, de preferire à chacun, & dans chaque occafion particuliére, de quelle maniére il doit fe conduire. Ainfi les

§. 1. (1) Ce font les termes de Grotius, Lib. I. Cap. III. §. 17. mum. 1. mais cela femble fonde fur une faufte hypothefe, que notre Auteur a lui-même refurée dans le Chapitre précédent, par laquelle on conçoit la Souveraineté comme un Etre Phyfique, qui n'a point de parties, & qui reçoit feulement divers noms felon la diverfité des objets, par rapport auxquels il agit. La vérite eft, que la Souverainete renferme un aflemblage de divers droits ou de divers Pouvoirs diftincts, mais conferez pour une même fin, c'eft-à-dire, pour le bien de la Société; de forte qu'à les confiderer en eux-mêmes, rien n'empêche qu'ils ne foient ou entierement féparez l'un de l'autre, ou entre les mains de différentes perfonnes. Voiez Mr. Titius, Obferv. DLXIX. num. 2. & dans fon Specimen Juris Publici &c. Lib. VI. Cap. VIII. 5.26. & feqq.

(2) On entend par là les Efpeces d'un même Genre : car le Tout Potentiel eft ce que les Scholaftiques appellent autrement Tout Logique, ou Universel; fur quoi on peut voir les Metaphyficiens. Ainfi on conçoit la Souverainete comme un Gente, dont les Efpeces font le Pouvoir Souverain de faire la Paix ou la Guerre, le Pouvoir Souverain de punir, le Pouvoir Souverain d'etablir des Impots &c. On oppose à cela les Parties Subjectives de la

Souveraineté, c'est-à-dire les divers fujets, ou les diffé-
rentes perfonnes, entre lefquelles la Souveraineté eft
partagee, comme quand l'Empire Romain etoit entre
les mains des Triumvirs, Augufte, Marc-Antoine, &
Lépide, &c. Mais, pour le remarquer en pafiant, Mr.
de Courtin, felon fon exactitude ordinaire, dit dans fon
Indice, que par Parties Potentielles d'un Etat Grotius
entend les parties qui ont la Puiffance Souveraine, de mê¬
me, ajoute-t-il, qu'il eft arrivé qu'un même Empire Ro
main a eû deux Chefs on parties potentielles, qui ont régné
l'un en Orient, & l'autre en Occident, l'Autorité Impériale
demeurant cependant une & indivisible. Au contraire les
Parties Subjectives font, felon lui, celles qui font foûmi-
fes à la Puiffance Souveraine, c'eft-à-dire, les Swiers des
Provinces qui compofent l'Etat, lesquelles font à l'égard de
l'Etat ou de la Puiffance Souveraine, ce que dans l'Ecole
plufieurs Efpeces font à l'égard d'un Genre &c. 11 cft aifé
de voir, par ce feul echantillon, fi l'on peut se fier aux
explications que ce Traducteur donne & des termes, &
de quelques penfees de Grotius; pour ne rien dire de la
Verfion même. Le galimatias qu'il fait ici eft d'aurant
plus impardonnable, qu'il pouvoit aifement l'éviter en
fuivant Gronovius, dont il paroit qu'il avoit vû les No-
tes

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