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de plus fuffit pour faire regarder un avis comme le plus fort, & comme équivalent à un confentement unanime de tous les Membres de l'Allemblée (3).

nombre des voix

Lib. II. Cap. V.

§. XVII. MAIS, fi le nombre des voix eft égal de part & d'autre, il n'y a rien alors de Du cas, où le conclu, & l'affaire demeure toûjours dans fon prémier état, parce que rien ne fait pan- eft egal de part cher la balance. C'eft pourquoi, dans le Barreau (1), lors que les voix pour & contre font & d'autre. égales, le Défendeur eft renvoié quitte & abfous. En ce cas-là pourtant les peines établies pour les Calomniateurs, & pour ceux qui intentent procès mal à propos, ne femblent pas avoir lieu. Parmi les Juifs même, un Criminel n'étoit point tenu (a) pour condamné, lors (a) Voicz Grotius, que le nombre des Juges, qui abfolvoient, n'étoit moindre que d'une voix. La raison en 5. 1s. Not. ult. étoit fans doute, que les Juges devant prononcer avec la même intégrité, que les Témoins; la fentence d'un feul Juge ne paroilloit pas avoir affez de poids pour condamner un Criminel, de même que la dépofition d'un feul Témoin (b) ne fuffifoit pas pour le convain- (b) Voiez ci-defcre: car les fuffrages des autres Juges étant directement oppofez, ils fe détruifent les uns fus, Liv.V fus, Liv.V.Chap. les autres. Il faut remarquer encore, que, quand une affaire doit être décidée par diverfes Curies ou Tribus, dans chacune defquelles on prononce à la pluralité des voix, les fuffrages qui ont du deffous dans une Tribu ne peuvent pas augmenter le nombre de pareils fuffrages qui l'emportent dans une autre.

joindre, ou fé

§. XVIII. ENFIN, lors qu'il y a plus de deux avis dans une même Affemblée, on de- Des avis, que mande, s'il faut compter les voix de chacun à part, pour donner enfuite la préférence à l'on doit ou celui qui en a davantage; ou bien fi l'on peut joindre enfemble deux ou plufieurs avis, qui parer. ont quelque chofe de différent, afin que ce qu'ils ont de commun l'aiant emporté fur un troifiéme avis, on les compare enfuite par rapport à ce qu'ils renferment de différent, en forte que celui des derniers qui fe trouvera avoir plus de fuffrages à cet égard, l'emporte

pas qu'il doive y avoir les deux tiers des voix de ceux qui font prefens, pour pouvoir prononcer definitivement fur une affaire. Nulli permittetur nomine civitatis vel curia experiri nifi ei, cui Lex permittit, aut Lege ceffante Ordo dedit, cùm DUE PARTES ADESSENT, aut amplius quàm dua. Planè ut dua partes Decurionum adfuerint, is quoque, quem decernent, numerari poteft. Digeft. Lib. III. Tit. IV. Quod cujufc. univerfitat. nomi

ne,

vel contra eam, agatur, Leg. III. IV. Nominationum forma vacillare non debet, fi omnes, qui albo Curia detinentur, ADESSE non poffunt: ne paucorum ABSENTIA, five neceffaria, five fortuita debilitet, quod à majore parte ordinis falubriter fuerit conftitutum: cùm dua partes ordinis in urbe pofita, totius Curia inftar exhibeant. Cod. Lib. X. Tit. XXXI. De Decurionibus &c. Leg. XLVI. Voiez auffi Digeft. Lib. L. Tit. IX. Leg. II. III. Le paffage de Prudence, que nôtre Auteur citoit enfuite, n'eft pas mieux appliqué: car il fignifie auffi, que, pour faire un Sénatufconfulte valable, il falloit anciennement qu'il y eût trois cens Sénateurs dans l'Affemblée; & non pas que trois cens Sénateurs dûffent opiner de même.

Sic confulta Patrum fubfiftere Confcriptorum Non aliter licitum prifco fub tempore, quàm fi Tercentum fenfiffe fenes legerentur in unum. Servemus leges patrias: infirma minoris Vex cedat numeri, parvâque in parte filefcat. Contra Symmach. Lib. I. verf. 604. & feqq. Car il fuffifoit que, parmi ces trois cens Sénateurs, le plus grand nombre de voix fût pour un certain fentiment. Cela paroit, entr'autres, par ce paffage de Tite Live: Plebes fic juffit; Quod Senatus juratus MAXIMA PARS CENSEAT, QUI ASSIDETIS, id volumus jubemufque. Lib. XXVI. Cap. XXXIII. in fine: fur quoi voiez la Note de 7. Frider. Gronovius. Notre Auteur, §. 19. cite lui-même, dans le fens, que je viens de dire, les Loix qu'il applique mal ici. Il n'y a donc que l'exemple fuivant, qui foit à propos. Lors que les Venitiens chafférent de leurs Etats les Jésuites, ils ajoûtéTOM. IL

fur

rent cette claufe: Que l'Arrêt ne pourroit être révoqué
que par une Affemblée compofée de cent-quatre-vingts
Senateurs, dont les cinq parties de fix fe trouvaffent
de même avis. Andr. Maurocen. Hift. Venet. Lib. XVII.

(3) Voiez Digeft. Lib. IV. Tit. VIII. De receptis, qui
arbitrium receperunt &c. Leg. XVII. §. 6. & Gratius, Lib.
II. Cap. V. §. 17. avec les Notes, & celles de Boecler.
En vain objecte-t-on, (ajoûtoit nôtre Auteur) cette déci-
tion du Droit Canonique: Quod omnes tangit, id ab omni-
bus adprobari aquum eft. Cap. Quod omnes, de Reg. Jur.
in VI. Decretal. Lib. ,, L'Equite veut, que ce qui re-
», garde tous les Membres, foit approuvé de tous. Car
il ne s'enfuit pas de là, qu'il foit injufte de faire préva-
loir l'avis du plus grand nombre, lors qu'il n'y a pas
d'autre moien de terminer les affaires. De plus, cette
maxime ne convient pas aux Affemblées, où l'on deli-
bére des affaires de l'Etat; mais feulement aux Socié-
tez particulières, qui ne font formées que par des Con-
ventions, ou en vertu du droit commun que plufieurs
ont à la poffeffion d'une feule & même chofe: car en
ce cas-là aucun ne peut, fans le confentement des au-
tres, difpofer de la chofe commune d'une manière que
ceux-ci jugent capable de tourner à leur préjudice. C'eft
par là qu'il faut expliquer la Loi XI. du Digefte, Lib.
VIII. Tit. III. De fervitur. prad. rufticor. & la Loi XXVIII.
Lib. X. Tit. III. De communi dividundo.

§. XVII. (1) Inter pares numero Judices, fi diffona fententia proferantur, in liberalibus quidem caufis (fecundùm quod a D. Pio conftitutum eft) pro libertate ftatutum obtinet: In aliis autem caufis pro reo: quod & in judiciis publicis obtinere oportet. Digeft. Lib. XLII. Tit. I. De re judicata &c. Leg. XXXVIII. princ. Alter Judex damnat, alter abfolvit: inter difpares fententias mitior vincat. Senec. Lib. I. Controv. V. Voiez auffi Quintil. Decl. CCLIV. Antiphon, Orat. XIV. Ariftotel. Problem. Sect. XXIX. Cap. XIII. & Grotius, Lib. II. Cap. V. §. 18. avec les Notes de l'Auteur, & de Gronovius; comme auffi la Differtation de Boerler fur ce que l'on appelle Calculus Mi§. XVIIL

nerva.

Ee

(a) Elle eft ci

rée dans la Notei.fur ce paragr.

(b) Sparf. for. in Jus Justin.

(c) Voiez Plin. Lib. VIII. Epift. XIV. Polyb. Excerpt. legat. 129. A. Gell. Lib. IX. Cap. XV. Quin CCCLXV. Liban. argum. Dediador, Ethiop. Lib.I. Cujac. Obf. Ziegl. ad Grof. Lib. II. Cap. V. d) vbi fuprà,

til. Declam.

clam. XXX. He

XII, 16. & Cafp.

$. 19.

S. 22.

De combien de

le moins doit

fur tous les autres? A ne confidérer ici que l'Equité Naturelle, indépendamment de toute Convention & de toute Loi particulière, il faut diftinguer les avis qui différent en tout abfolument, d'avec ceux dont l'un renferme une partie de l'autre, ou qui ne différent qu'à l'égard du degré. Les derniers doivent être réunis en ce qu'ils ont de commun: mais il n'en eft pas de même des prémiers. Si, par exemple, les uns condamnent à vingt Ecus, & les autres à dix, il (1) faut réduire l'amende à dix Ecus, contre l'opinion qui abfout; puis que dix étant compris dans vingt, la plus grande partie des Juges s'accorde à l'égard de la prémiére fomme. Il y a une Loi du Digefte (a), qui porte, que, fi de trois Arbitres l'un condamne à quinze, l'autre à dix, & le troifiéme à cinq; la Partie doit paier cinq: parce que c'est la fomme en laquelle ils font tous d'accord. En vain Grotius (b) s'éloigne-t-il de cette décifion, prétendant que le Défendeur doit être condamné à dix: car, dit-il, c'eft à quoi le réduit l'avis du plus grand nombre, déduction faite de ce en quoi ils différent. Mais je répons, que les trois Arbitres s'accordent tous dans la fomme de cinq, & par conféquent il faut s'en tenir là, puis qu'ils différent dans tout le refte. Car toutes les fois qu'il y a quelque diverfité dans les avis, on doit fuivre celui du plus grand nombre. De là vient qu'autrefois, dans le Sénat Romain, lors que l'avis d'un Sénateur (2) renfermoit deux chofes, dont l'une avoit paffé, & l'autre non; on lui ordonnoit de partager fon fentiment. Mais, fi au contraire une partie des Juges condamne un Criminel au banniffement, & l'autre à la mort, pendant qu'un troifiéme avis l'abfout: les voix qui vont à l'exil, ne pourront pas être jointes avec celles qui décernent la mort, contre l'opinion qui abfout; non plus que les voix qui abfolvent, avec celles qui reléguent, contre celles qui condamnent à la mort: parce que tous ces avis font entièrement différens les uns des autres. En effet, la mort n'eft pas plus une partie du banniffement, que le banniffement une partie de la mort. Et quoi que ceux qui abfolvent, & ceux qui reléguent, conviennent en ce que les uns & les autres épargnent la vie du Criminel, leur avis néanmoins ne tend pas là directement; c'eft feulement une conféquence qui en réfulte. Car ceux qui abfolvent, déchargent le Criminel de toute punition; au lieu que ceux qui le banniffent, le condamnent fans contredit à une peine très-réelle (c).

Grotius dit encore (d), que, dans une déliberation de plufieurs perfonnes, qui, fans compofer entr'elles un Corps proprement ainfi nommé, font unies enfemble par rapport à une certaine chofe, où elles n'ont pas toutes part également; il ne faut pas feulement régler le rang des Membres de la Société, felon que chacun y a plus ou moins de part, mais encore le poids & la valeur des avis doit fuivre cette Proportion Géométrique (3). Sur quoi il faut pourtant remarquer, qu'une telle Société étant fondée fur la communauté d'une chofe, & non pas fur quelque Convention, d'où il réfulte un Corps proprement ainfi dit, & par laquelle chacun aît foumis fa volonté à celle du plus grand nombre, l'avis des Alliez ou Affociez, qui ont une plus grande part à la chofe, dont il s'agit, ne doit prévaloir fur celui des autres, qu'autant que cela fe peut fans donner aucune atteinte au droit des derniers, ou fans leur caufer aucun préjudice.

§. XIX. CE que nous avons dit, fuffit pour faire comprendre, de quelle maniére on perfonnes pour connoit la volonté de l'Etat, lors que le Pouvoir Souveram eft entre les mains de plus d'uêtre compofee, ne perfonne. Il eft clair au refte, que, dans toute Affemblée, où il s'agit de prendre quelque délibération fur des affaires qui regardent également tous les Membres, il faut pour le

ane Affemblée ?

§. XVIII. (1) Si diverfis fummis condemnent Judices;
minimam fpectandam effe Julianus fcribit. Digeft. Lib.
XLII. Tit. I. De re judicata &c. Leg. XXXVIII. §. 1. Si
ex tribus Arbitris unus quindecim, alius decem, tertius quin-
que condemnent.... Julianus fcribit, quinque debere praf-
tari: quia in hanc fummam omnes confenferunt. Lib. IV.
Tit. Vill. De receptis &c. Leg. XXVII. §. 3. Voiez auffi
le Droit Canonique, de Arbitris, Cap. I. in VI.
(2) Quod fieri in Senatu folet, faciendum ego in Philofe-

moins

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(a)Voiez le Droit

Lib. XXVI. Tit.

&Curat. Leg.

tion. & liberat.

moins trois personnes (1). Car s'il n'y en avoit que deux, quand elles ne fe trouveroient pas de même fentiment, il n'y auroit rien qui pût faire pancher la balance d'un ou d'autre côté: ainfi en ce cas-là l'affaire demeureroit indécife (a). J'avoue, que deux Confuls, par Canon de Arbiexemple, font quelquefois appellez Collégues. Mais ce mot de Collégue s'applique fouvent tris, Cap. I. à ceux qui (b) exercent fimplement le même Emploi. Les Auteurs Latins difent le College (b) Voiez Digeft (c) des Tribuns; & cependant un feul Tribun pouvoit, par fon opposition, annuller la dé- VII. De admin. libération unanime de tous les autres. Tous ceux qui fe donnent les uns aux autres le peric. Tutorum nom de Collégues, ne forment pas entr'eux une Affemblée, où les volontez de tous les XIV. Lib. XLVL Membres fe réuniffent en une feule, par l'effet de quelque Convention. Il peut y avoir au Tit. III. De folu contraire des Sociétez, où chacun conferve fa volonté particuliére, entiérement indépen- Leg. Cl. & Lib. dante de la volonté des autres. Ainfi il ne fert de rien de dire, que deux perfonnes fuffi. L. Tit. XVI. De fent pour un Contract d'Affociation. Pour la Loi du (2) Digefte, qui porte, que, fi un Leg. CLXXIII. Corps fe trouve réduit à une feule perfonne, elle conferve le droit de tous les autres, auffi bien (c)Collegium Trique le nom du Corps entier; il ne s'enfuit pas de là, qu'une feule perfonne puiffe former bunorum. un Corps ou une Affemblée; mais cela fignifie feulement, que, quand tous les Membres (d)Voiez le Droit d'un Corps déja établi viennent à manquer par quelque accident, à la rèferve d'un feul; Canon, de elect. & celui-ci repréfente pour un tems tout le Corps, jufques à ce que l'on aît rempli la place de ele ceux qui manquent. Ordinairement même, dans ces fortes d'Affemblées, on n'a point d'égard aux abfens, pourvû qu'ils aient été duement convoquez (d), mais leur droit accroit aux préfens. Ce qui, à mon avis, fe doit néanmoins reftreindre aux affaires ordinaires, & qui ne fouffrent point de retardement. Il faut encore ajoûter cette exception, que les Loix n'aient pas fixé précisément (e) un certain nombre de perfonnes, dont l'Affemblée doive néceffairement être compofée. En certains endroits les abfens peuvent charger quel cun des préfens de tenir leur place, ou donner même leur fuffrage par écrit (f).

verbor. fignific.

Cap. XXXVI. Se

nec. Excerpt. Con. VII, 4

(e) Voiez les Loix citées dans la Note 2. fur le §. (1)voiez le Droit Canon, ubi fupra,

16.

C. XLVI.

Citoien.

§. XX. L'ETAT étant formé de la manière que je viens de le décrire, le Souverain Ce que c'eft pros'appelle ou Monarque, ou Sénat, ou Peuple, felon que le Gouvernement eft entre les prement qu'un mains d'une feule perfonne, ou de plufieurs: tous les autres font ce que l'on nomme des Sujets. Sur quoi il faut remarquer, que l'on devient Membre d'un Etat en deux maniéres, favoir, ou par une Convention expreffe, ou par une Convention tacite. En effet, les prémiers Fondateurs des Etats n'ont pas prétendu fans doute que la Société finit auffi-tôt avec ceux qui l'avoient eux-mêmes formée; mais ils ont eû auffi en vûe le bien de leurs Enfans, & de toute leur poftérité. Ils font donc censez avoir ftipulé entr'eux, que leurs Enfans & leurs Defcendans auroient, en venant au monde, le droit de jouir des avantages communs à tous les Membres de l'Etat. Et comme on ne fauroit obtenir ces avantages fans le Gouvernement, qui eft l'Ame des Sociétez Civiles; tous ceux qui naiflent d'un Citoien, font cenfez par cela feul fe foûmettre à la Puiffance Souveraine, de laquelle leurs Parens dépendent. De là vient que ceux qui ont une fois pris en main les rênes de l'Empire, n'ont pas befoin de faire prêter ferment de fidélité aux enfans qui naiffent depuis dans leurs Etats, lors même qu'il ne reste plus aucun de ceux qui leur avoient déféré l'Autorité Souveraine.

De plus, comme chaque Etat a pris poffeffion d'une certaine partie de la Terre, pour y mettre en fûreté la perfonne & les biens des Citoiens; & qu'il y auroit beaucoup à craindre pour eux à cet égard, fi tous ceux qui ne reconnoiffent pas l'Autorité de leur Souverain, pouvoient venir dans le Païs & y demeurer, comme bon leur fembleroit; c'eft une maxime, qui eft regardée comme une Loi générale de tous les Etats, que quiconque entre fimplement dans les terres d'un Etat, & à plus forte raifon ceux qui veulent jouir des

§. XIX. (1) Neratius Prifcus tres facere exiftimat collegium: & hoc magis fequendum eft. Digeft. Lib. L. Tit. XVI. De verborum fignificatione, Leg. LXXXV.

(2) Si univerfitas ad unum redit, magis admittitur,

avan

poffe eum convenire, & conveniri: cùm jus omniura in
unum reciderit, & ftat nomen univerfitatis. Lib. III. Tit.
IV. Quod cujufe, univ. nom. &c. Leg. VII. §. 2.

Ee 2

§. XX.

V. §. II.

avantages que l'on y trouve, font cenfez renoncer à leur Liberté Naturelle, du moins pour tout le tems qu'ils demeurent dans le Pais, & fe foûmettre au Gouvernement qui y eft établi. Que s'ils refufent de le reconnoitre, ils peuvent être regardez fur le pied d'Ennemis, du moins en forte qu'on aît droit de les chaffer du Pais.

Il eft clair encore, que ceux qui entrent dans un Etat déja formé, ne dépendent pas moins du Gouvernement Civil de cet Etat, que ceux qui l'ont eux-mêmes établi dès le

commencement.

Enfin, il faut remarquer, que quelques Savans ne font pas bien d'accord fur la défi(a) De Cive, Cap. nition du Citoien. Hobbes (a) femble ne faire aucune diftinction entre le mot de Sujet, & celui de Citoien. Sur ce pied-là, les Femmes, les Enfans, les Serviteurs, & les Esclaves même feroient du nombre des Citoiens. La définition d'Ariftote (1) ne convient qu'aux Démocraties. Pour moi, il me femble, que l'Etat fe formant par une foûmiffion des volontez de chaque Particulier à celle d'un Prince, ou d'une Affemblée; le terme de Citoien doit s'entendre principalement de ceux qui, par leurs Conventions mutuelles, ont fondé l'Etat, ou de leurs fucceffeurs de Pére en Fils. Or comme ce font les Péres de famille, qui ont établi toutes les Sociétez Civiles, c'eft auffi à eux que le nom de Citoien convient proprement, à mon avis. Pour les Femmes, les Enfans, les Serviteurs, ou les Efclaves, dont les Péres de famille repréfentoient les volontez, comme renfermées dans la leur, le titre de Citaien ne leur peut être donné qu'entant qu'ils jouiflent de certains droits, & de la protection commune de l'Etat, comme étant Membres de la Famille d'un Citoien (b) Peregrini; In- proprement ainfi nommé. A l'égard (b) des Etrangers, qui ne demeurent dans le Pais que pour quelque tems, & non pas à deffein de s'y établir; on voit bien qu'ils ne peuvent en aucune maniére être appellez Citoiens.

quilini; TempoTarii Incola.

Des Corps fubor. donnez qu'il y a

dans un Etat.

§. XXI. Au refte, dans la plupart des Etats, les Citoiens, outre la rélation générale de Membres d'une même Société Civile, ont ensemble diverfes liaisons particulières, que l'on peut réduire à deux principales: l'une, lors que quelques-uns forment certains Corps particuliers, mais fubordonnez à l'Etat: l'autre, lors que les Souverains confient à certai nes perfonnes jointes enfemble quelque partie du Gouvernement. Ces Corps fubordonnez, foit qu'on les nomme Compagnies, Chambres, Colléges, Sociétez, Communautez, ou de quelque autre maniére, peuvent être divifez 1. En ceux qui font plus anciens que les États, & ceux qui n'ont été formez qu'après l'établiffement des Sociétez Civiles. Les Corps particuliers plus anciens que les Etats, ce font les Familles, dont les Chefs avoient un certain pouvoir & de certains droits fur ceux qui en étoient Membres, comme nous l'avons fait voir en fon lieu; autorité qu'ils ont confervée autant que la nature des Sociétez Civiles, & les Loix ou les Coûtumes particulières de chaque Etat le permettent. Les Corps Lubordonnez qui n'ont été formez que depuis l'établissement des Sociétez Civiles, peuvent être divifez en Publics, & Particuliers. Les Publics, ce font ceux qui font établis par autorité du Souverain. Les Particuliers ou fe forment fimplement par des Conventions entre les Citoiens, ou dépendent d'une Autorité étrangère, qui ne fauroit être regardée dans l'Etat avec plus de confidération que celle d'un fimple Particulier. Ces Corps Particuliers font ou Légitimes, ou Illégitimes. Les prémiers font ceux que l'Etat approuve, ou doit du moins approuver: les autres font ceux qu'il n'approuve, ni ne doit approuver. Je dis, mi ne doit approuver : car fi, dans un Etat où le Culte Public de la Religion eft corrompu, quelques perfonnes qui connoiffent la Vérité s'affemblent en particulier pour faire leurs exercices de dévotion, fans caufer aucun trouble, & fans rien machiner contre l'Etat; quoi que les Souverains n'approuvent pas tout ce qui eft contraire à leurs fentimens, on ne fautroit traiter d'illégitimes ces fortes d'Affemblées, puis que les Souverains (1) eux-mêmes

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font obligez de reconnoitre & d'approuver la véritable Religion, qui y eft enfeignée. De même, i parmi un Peuple barbare, où l'on méprife toutes les Sciences, quelques perfonnes tenoient là-deffus des Conférences particuliéres, qui eft-ce qui oferoit appeller cela des Affemblées illégitimes? Les Corps fubordonnez le divifent encore 2. En Réguliers, & Irréguliers. Dans les prémiers, la volonté de tous les Membres eft unie par quelque Convention. Dans les autres, il n'y a qu'un fimple accord fans engagement, & une union formée uniquement par quelque Paffion commune à plufieurs perfonnes qu'elle fait agir de concert, comme eft, par exemple, l'efpérance du gain, un défir de Vengeance, l'Ambition, la Colére, & autres femblables mouvemens.

ces fortes de Corps?

§. XXII. A L'EGARD des Corps Légitimes en général, il faut remarquer, que tous les Quel droit ont droits qu'ils ont, & tout le pouvoir qu'ils exercent légitimement fur les Membres, dont ils font compofez, dépendent de la détermination du Souverain, en forte qu'ils ne peuvent rien faire ni prétendre au préjudice du Gouvernement établi. Autrement il y auroit, dans l'Etat, un autre Etat. Si donc un Etat s'eft formé de divers Corps abfolus & indépendans, il faut néceffairement que chacun de ces Corps, en fe réuniflant pour compofer une feule & même Société Civile, fe foit dépouillé d'une partie de fon pouvoir & de fes anciens droits, autant que le demandoit la conftitution de l'Etat, où il entroit; fans quoi ils ne feroient point parvenus à leur but. Pour ce qui eft des Corps qui prennent naillance dans un Etat déja formé, il faut examiner fur quel pied le Souverain a prétendu les fonder ou les approuver. S'il a donné ou confirmé en termes exprès à quelcun de ces Corps un droiz abfolu & indépendant en matiére de certaines affaires qui concernent le Gouvernement de l'Etat; il s'eft manifeftement dépouillé d'une partie de la Souveraineté, & il a rendu par là l'Etat irrégulier, ou lui a donné deux Chefs: ce qu'une perfonne de Bon-Sens ne fera jamais fans quelque grande néceffité qui l'y oblige. Mais lors que le Souverain n'a prétendu rien relâcher de fon Pouvoir, il faut néceffairement que ces fortes de Corps fubordonnez tempérent de telle maniére l'ufage de leurs droits, qu'ils ne donnent aucune atteinte à la Souveraineté, & ils ne fauroient légitimement les étendre ni directement, ni indirectement, à quoi que ce foit qui tende à faire en forte que leur autorité ne foit plus fubordonnée. Pour connoitre donc les bornes de leur pouvoir, il faut en juger par les Lettres Patentes de leur fondation, ou de leur confirmation; ou par les Loix communes & fondamentales de l'Etat, qui obligent tous les Citoiens en général, & chacun en particulier, à moins que l'on n'en foit difpenfé par quelque Privilége exprès. D'où il s'enfuit, que, fi quelcun de ces Corps eft gouverné par une feule perfonne, tout ce qu'elle fera felon les réglemens de la fondation du Corps, ou conformément aux Loix générales de l'Etat, fera regardé comme un acte de tout le Corps. Mais du moment que le Chef vient à paffer ces bornes, les autres n'entrent pour rien dans ce qu'il fait, & il en doit rendre compte lui feul. Que fi un tel Corps eft gouverné par une Affemblée compofée de plufieurs perfonnes, & que cette Affemblée faffe quelque chofe de contraire aux Loix de fa fondation, ou à celles de l'Etat; il n'y aura que ceux qui auront donné un confentement exprès, qui en foient refponfables: pour les autres, qui ne fe feront pas trouvez à la délibération, ou qui auront opiné autrement, on ne peut leur infliger aucune peine. En ce cas-là il eft bon, pour fe mettre à couvert, de protefter hautement contre l'avis des autres, & de faire inférer l'acte de fa proteftation dans les Regîtres de la Compagnie, de peur que l'Innocent ne fe trouve enveloppé dans un même danger avec les Coupables. Il en va tout autrement d'une Affemblée indépendante car, fi quelcun des Membres proteftoit contre ce qui a paffé à la pluralité des voix, ce feroit donner atteinte au Pouvoir Souverain de l'Affèmblée. Pour ce qui regarde les Dettes de ces fortes de Corps, il faut voir au nom de qui elles ont

fuasion, rien ne l'oblige à changer. Mais c'eft que les Souverains, de quelque Religion qu'ils foient, n'ont aucun droit d'empêcher, que chacun ne ferve DIEU

éré

paisiblement felon les lumiéres & les mouvemens de sa
Confcience. Voiez ce que l'on dira fur le Chap. IV. §.14
Not. 2.

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