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néceffité de demeurer ensemble & de vivre familiérement, paroit une claufe ajoutée, & une condition, pour ainfi dire, accidentelle, dont le défaut feul n'eft pas capable par luimême de rompre entiérement le lien conjugal? Pour répondre à cette difficulté, il faut avouer, que l'on peut fans contredit faire avec la même perfonne plufieurs Conventions différentes, avec cette claufe, que la violation de l'une ne dégagera pas des autres. Rien n'empêche même, que, dans une feule Convention, qui renferme plufieurs articles, on ne ftipule, que, quand on viendroit à enfraindre l'un de ces articles, on ne laiffera pas de continuer à s'aquitter des autres. Si donc on s'eft marié fur ce pied-là, il peut arriver qu'une Femme, avec qui il n'y a plus moien de demeurer, à cause de sa mauvaise humeur, continue néanmoins à coucher avec fon Mari, autant qu'il le faut pour la propagation de l'efpece. Mais, comme, pour l'ordinaire, il n'y a guéres d'apparence, qu'une Femme, qui s'eft rendue infupportable à un tel point, fe montre affez fouple au fujet de ce devoir; ou qu'un Mari veuille avoir des Enfans d'une Femme, qui s'eft rendue fi odieufe: l'engagement de s'accorder l'un à l'autre l'ufage de fon corps, & celui de vivre enfemble familiérement & avec douceur, fe trouvent régulièrement renfermez dans une feule & même claufe de la Convention, & ces deux articles font fi fort liez enfemble, qu'on ne fauroit manquer à l'un, fans violer l'autre. Ainfi une féparation de corps & de biens, fans que l'on puiffe pourtant fe remarier avec quelque autre, répugne au Droit Naturel; à moins que cela ne fe faffe que pour un tems, afin de châtier celui, qui s'eft rendu infupportable (b) Voiez Eurip. par fa mauvaise humeur, ou fes mauvais traitemens, & pour voir s'il n'y auroit pas moien in Andromach. de le faire revenir à lui-même. En effet, il eft abfurde de dire, que le lien du Mariage où il ne s'agit verf.672. & feqq. fubfifte, & que cependant on ne peut ni on ne doit remplir aucun des engagemens qui pourtant pas réfultent de cette Convention. Et quand même on accorderoit, que celui des Mariez, droit. précisément du qui a donné lieu d'en venir à cette extrémité, eft juftement puni par là: en vertu de quoi (c) Pag. 89. A. l'innocent fouffre-t-il pour le coupable, & eft-il condamné pour le refte de fes jours à un de la vie de ce Célibat, qui lui eft peut-être fort dur, ou infupportable? A cet égard certainement la là-deffus, la Nocondition de l'un (b) & de l'autre des Mariez doit être naturellement égale. Et Plutarque trou- dont Pai fuivi la ve fort dure (c) une Loi de Romulus, par laquelle ce Roi défendoit aux Femmes de quit- verfion. ter leurs Maris, & permettoit aux Maris de renvoier leurs Femmes, quand elles auroient (d) Voiez Potter. empoisonné leurs Enfans, qu'on leur auroit trouvé de fauffes clefs, ou qu'elles auroient com- Lib.IV. Cap. XII. mis adultére. Mais, parmi les Athéniens, il y avoit une Loi de Solon, qui accordoit aux (e) Bodin. de Rep. Lib. I. Cap. II. Femmes la liberté de (d) quitter leurs Maris. Au refte, pour quelque raifon que le Divorce foit toléré dans un Etat, il vaut mieux que la féparation fe faffe devant des Juges, qui en examinent les motifs, que d'abandonner à la confcience de chacun une chofe de fi grande conféquence. Car l'objection tirée (e) de ce que par là on fait du tort à la réputation du Mari, ou de la Femme, ne me paroit pas affez forte, pour difpenfer de faire connoître & décider de cette affaire par des perfonnes défintéreflées, & revêtues de l'autorité pul blique. §. XXIII. IL y a plus de difficulté à l'égard de la Loi Divine fur le Divorce, établie ou Quel eft, felon dans l'inftitution originale du Mariage, ou feulement par Jésus-Chrift. Il eft certain que feas de la Loi les Juifs ont crû, que le Divorce étoit non feulement permis, mais ordonné même dans Divine au fujer ces paroles du (a) Deuteronome: Si une Femme déplait à fon Mari, parce qu'il trouve en (a) Chap. XXIV, elle quelque chofe de vilain; qu'il lui donne un écrit, par lequel il la répudie, & qu'il la i renvoie de chez lui. On peut même conclurre d'un paffage de (b) Philon, qu'il falloit, 782. B. (b) De fpecial. Lefelon eux, répudier une Femme, à cause de sa stérilité. Et il n'y a point de doute, que Edit. Parif.Voiez le Divorce ne fût fort commun parmi ce Peuple, quoi que l'on n'en trouve que peu ou A. Gell. Lib. IV. point d'exemples dans l'Hiftoire, tant Sacrée, que Profane, pendant plus de fept-cens ans: Max. Lib. II. Cap. car les Hiftoriens ne parlent guéres que des faits qui ont quelque chofe de particulier & Herodot d'extraordinaire. On voit pourtant, que les Prophetes (c), en cenfurant les péchez du Ed. H. Steph. Peuple, emploient des comparaifons tirées du Divorce, comme d'une pratique très-con- (c) Ifie, L, I.

T 2

nue.

te de Mr. Dacier,

dont j'ai

Archaol. Grac.

Voiez Platon, de
Legib. Lib. XI.
Wech. Charron, de
la Sag. Liv. I.

P. 974. C. D. Ed.

Chap. 42. (46.) num. 12. Selden.

de 7. N. &c. Lib.

V. Cap. VII.

quelques-uns, le

du Divorce.

Cap. III. Valer.

I.

Lib. V. p. 190.

Jerem. UI, 1, 6.

P. 789. D.

(g) Matth. XIV.

9.

(1) Marc,X, 6, & étoit

fuiv.

(d) Antiq. Fud. nue. Jofeph (d) rapporte, comme une chofe extraordinaire, & contraire aux Loix reçues, Lib.XV. Cap.IX. que Salomé répudia Coftobarus fon Epoux, Gouverneur d'Idumée & de Gaze: au lieu que, felon les coûtumes des Juifs, une Femme ne pouvoit point fe féparer de fon Mari, à moins qu'il ne la renvoiât lui-même, ou qu'il ne l'eût accusée mal à propos de ne l'avoir pas trouvée vierge la premiére nuit des nôces; car en ce cas-là il lui étoit permis de quitter (e) Voiez Philon, fon (e) Mari, quoi que, fi elle vouloit demeurer avec lui, il fut obligé de la garder. Le de special. Legib. même Hiftorien allégue un pareil exemple d'Hérodiade (f), fille d'Ariftobule, qui, comAnt. Fud. Lib. me les Evangéliftes (g) le rapportent, en fut cenfurée par Jean Baptifte. Mais la plupart XVIII. Cap. VII. des Théologiens croient, que la permiffion du Divorce a été entièrement abolie fous l'EMarc, VI. vangile, & ils le fondent fur ces paroles de Fefus-Chrift (h): Quiconque répudie fa Fem(h) Matth. XIX, me, fi ce n'eft en cas d'adultére, & en épouse une autre, commet adultére; & celui qui épou(i) Marc, X, 12. fe celle qu'un autre a répudiée, commet auffi adultére. Que fi une Femme (i) ré(k) Matth. XIX,8. pudie fon Mari, & fe marie à un autre, elle commettra auffi un adultére. ... (k) MoïJe vous a permis, à cause de la dureté de vos cœurs, de répudier vos Femmes, mais il n'en pas de même dès le commencement. . . . Au commencement de la (1) création, Dieu a fait un homme & une femme; à cause dequoi l'homme doit quitter fon Pére & fa Mére,& s'attacher à fa Femme. Après cela, ces deux perfonnes doivent devenir une feule chair; en forte qu'ils ne foient plus deux, mais une feule chair. Que l'homme donc ne lepare pas ce (m) Lib. IL Cap. que Dieu a joint. Sur quoi (m) Grotius dit, que, depuis le commencement du monde, le auffi fes Notes fur Mariage le plus agréable à DIEU, a toûjours été celui qui dure toute la vie; mais qu'aMatth. V, 31, 32. Vant Jesus-Chrift il n'y avoit point de Loi expreffe, qui défendît le Divorce. Il y en a (n) Sponfalib.& Di- qui prétendent, que la permiffion de la Loi de Moife n'étoit qu'une fimple connivence, qui exemtoit feulement de la peine devant le Tribunal Humain; & que cette tolérance a été abolie fous l'Evangile. Mais d'autres foûtiennent, que Jesus-Chrift veut dire feule(o) Selden. de ment (o), qu'il n'eft pas permis de rompre légèrement ce facré lien, que Dieu a lui-même établi; & que, pour en autorifer la diffolution, il faut que la Femme aît commis une fornication (p), c'eft-à-dire, felon le ftile de la Langue Hébraïque, quelque chofe de des(q) Celle de Hil- honnête : au lieu qu'il y avoit, du tems de Nôtre Seigneur, une grande Secte (q), qui Leli oppofe à foûtenoit, que, pour peu qu'une Femme déplût à fon Mari, il pouvoit la répudier, fans autre raifon. On ajoûte, que les premiers Chrétiens ne regardoient pas le Divorce hors du (1) Voiez la Loi cas d'Adultére, comme une chole entiérement illicite; ce qui paroit manifeftement par (r) cirée ci-deffus, une Loi d'un Empereur très-pieux. Ce n'eft que par un effet de la Superftition & de la Tyrannie des Papes, que le Mariage a depuis été déclaré indiffoluble jufqu'à la mort de

V. §. 9. Voicz

(n) Buxtorf. de

vortiis.

Uxore Hebr. Lib.
III. Cap. XXII.
(P) Πορνεία.

celle de Sammaï.

S. 22. Not. 2.

Raifonnemens

prouver, que l'E

l'un des Mariez.

§. XXIV. Il y a fur tout un Traité du Divorce, par Jean Milton, où ce favant Ande Milton, pour glois, mis en colere peut-être par une Femme qui le faifoit enrager, fe tourmente fort vangile même pour faire voir, que, par les principes même du Chriftianifme, une conduite & une mapermet le Divor- niére d'agir infupportable, ou une grande incompatibilité d'humeurs, font un fujet fuffid'incompatibili- fant de Divorce; & que même en ce cas-là il faut abfolument féparer des Mariez, qui se té d'humeurs, ou trouvent fi mal affortis. Il n'y aura point de mal à rapporter ici les principales raisons fur infupportable. lefquelles il appuie fon fentiment.

ce pour caufe

d'une conduite

Il paroit, dit-il d'abord, par les paroles mêmes de l'inftitution du Mariage, qui fe trou vent dans l'Ecriture Sainte, que DIEU en établissant cette fociété, a eû principalement en vûe, que le Mari & la Femme vécuffent ensemble doucement, & s'entr'aidassent, par une complaifance mutuelle, à fupporter les chagrins de la vie. Pour la propagation de l'espece, dont il eft parlé enfuite, c'eft une autre fin moins confidérable. Mais cette fuppofition me (a) Genef. 11, 18. paroit faulle, Car, lors que Moife raconte, que DIEU créa pour Adam (a) une aide (b) itd. 1, 28. femblable à lui, & qu'il dit enfuite à Adam, & à Eve: (b) Croiffez & multipliez-vous: ce ne font pas là deux vûes différentes; mais les derniéres paroles marquent feulement le fruit principal, qui, avec la bénédiction de Dieu, doit provenir de cette union, & de

cette

cette affiftance mutuelle. Certainement, fi les douceurs du commerce de la vie euffent été
le principal but, que le Créateur fe propofoit, qu'étoit-il befoin de la diverfité des Séxes?
Car, fans la propagation de l'efpece, & le plaifir que la Nature a attaché à l'union des
deux Séxes, les hommes fe feroient mieux accordez ensemble, & auroient pû se rendre les
uns aux autres plus de fervices, qu'ils n'en tirent des femmes. De là vient que les Enfans,
avant que d'être en âge de fentir les aiguillons de l'Amour, & les Vieillards, qui n'y font
plus fenfibles, fe plaifent plus à être avec des hommes, qu'avec des femmes. Milton fe
fait ici une belle idée d'un commerce agréable entre un homme de Lettres, & une femme
d'un naturel conforme à fon humeur, qui puiffe lui aider dans fes études, ou le délaffer &
le divertir par fa conversation enjouée, fors qu'il fort de fon cabinet, ou qu'il eft accablé
de chagrins. J'avoue, qu'il n'y a point d'homme fage, qui ne préfére infiniment les plai-
firs de l'Efprit à ceux des Sens. Mais on voit fi peu de femmes capables de ces qualitez
fublimes, que l'on ne trouveroit guéres de Mari d'un tel caractére, qui ne pût faire rom-
pre fon Mariage pour ce fujet. Et fi un homme n'eft point fenfible aux attraits du Séxe, ou
ne fe foucie point d'avoir des Enfans, je lui confeille de ne point fe marier du tout. Ceux
qui font de cette humeur, n'aiment guéres les femmes; & il ne faut pas s'étonner que les
femmes à leur tour ne s'en accommodent pas. Après tout, on a beau faire & beau dire:
quand on demande à ces gens-là, d'où vient que le Mariage a été inftitué pour la douceur
de la vie, plûtôt qu'un commerce d'amitié entre deux hommes; ils ne fauroient alléguer
d'autre raison que l'inclination naturelle des deux Séxes. Il vaudroit donc mieux, fans tant
philofopher, & fans fuppofer les femmes autres qu'elles ne font ordinairement, tenir pour
une Epouse affez commode celle qui met au monde des enfans, qui aide fon Mari à les
éléver, & qui a bien foin de fon ménage; quoi que d'ailleurs elle ne s'embarraffe point de
fcience, & qu'elle ne lui foit d'aucun fecours en ce qui regarde fes études. Ce n'eft pas
tout-à-fait fans raifon qu'un ancien Poëte Satyrique difpenfe les Femmes d'être favantes.
(1) Que vôtre femme, dit-il, ne raisonne point en forme & par Enthymêmes; qu'elle ne fa-
che point ce que
ce que c'est que le genre fublime, le médiocre, le rampant, non plus que tout ce
qu'il y a d'hiftoires: il eft bon qu'elle n'entende pas tout ce qui eft dans les Livres. Je ne puis
fouffrir une femme, qui relit & qui feuillette continuellement la Grammaire de Palémon;
qui s'attache fcrupuleusement aux régles du beau Langage; qui vous cite des vers & des anti-
quailles qu'on n'entend point; qui reprend fon amie fur des mots, que d'habiles gens ne s'a-
viferoient pas de reprendre. Eh, du moins que le Mari puisse faire impunément un folécif-
me (c)!

A l'égard des raifons de Milton, il faut remarquer en général, qu'elles ne prouvent rien, fuppofé qu'il foit certain, que Jesus-Chrift exclut tout autre fujet de Divorce, excepté l'Adultére: car en ce cas-là, il faudra s'en tenir à la maxime commune: cela (d) eft bien rude, mais telle eft la volonté du Legislateur. Lors qu'une Loi Civile fe trou ve en général avantageufe à l'Etat, on ne l'abolit pas pour quelques incommoditez qui en résultent par rapport à un petit nombre de Particuliers, & l'on regarde ces inconvéniens comme un fimple malheur. Tout ce donc que l'on peut inférer des principes de Milton, c'eft que, fi les paroles de Nôtre Seigneur au fujet du Divorce font fufceptibles d'une interprétation favorable, il faut la fuivre, comme plus conforme à l'efprit de douceur qui ségne dans l'Evangile, que celle qu'on leur donne ordinairement. Voici à quoi le réduisent les raifonnemens de cet Auteur.

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L'in

Nec curanda viris Opica caftigat amica
Verba. Solacifmum liceat feciffe marito.
Juvenal. Satyr. VI, 448, & feqq.
J'ai fuivi la traduction du P. Tarteron. Tout le monde a
Iù la Comédie de Moliére, où il fe moque fi agréable
ment des Femmes Savantes, c'eft-à-dire, des faufles Sa-
vantes, ou des défauts du petit nombre des femmes,
qui font ou peuvent être véritablement favantes..

1

(c) Voiez Eurips. Hippol. coron.

verf. 640, 647. &C Strab. Lib. XV.

pag.490. Ed. Gen. Cafaub.

(d) Voiez ci-defXII. 5.21. Not. 4

fus,Liv.V. Chap.

L'incompatibilité d'humeurs, & une opiniâtreté incorrigible, qui prive du principal bien du Mariage, je veux dire, du plaifir & du fecours que l'on a lieu d'efpérer d'une Femme, eft un fujet de Divorce beaucoup plus confidérable, qu'un défaut naturel, qu'une maladie, que quelque chofe de dégoûtant dans le corps; & cependant le Divorce étoit permis aux Juifs pour toutes ces raifons. D'ailleurs, il n'y a point de Société, dans laquelle ceux, qui y entrent, foient obligez de demeurer contre le but de la Société même, ou contre l'intention & l'efpérance ou de tous les Membres en général, ou de chacun en particulier. Or DIEU, en établiffant le Mariage, a cu deffein de donner à l'homme une Aide, & non pas un Bourreau domestique; une Compagne, qui non feulement concourût avec lui à la propagation de l'efpece, mais qui encore partageât le foin de l'éducation de leurs Enfans, & qui lui fût de quelque fecours dans tout le commerce de la vie. Il est étrange, que le Droit Canonique, qui déclare, fans balancer, l'impuiffance naturelle, un fujet suffisant de diffoudre un Mariage, n'ait aucun égard à l'humeur des femmes, qu'elles favent ordinairement bien cacher, jufques à ce que le pauvre Galant foit pris dans leurs filets; au lieu que ce défaut Phyfique peut bien-tôt être découvert. La Charité & l'Humanité ne permettent jamais de condamner un homme à être malheureux toute la vie, fans qu'il l'ait mérité par aucun crime; & il n'y a point d'apparence, que DIEU, qui, dans toutes fes autres Loix, femble s'accommoder avec tant de bonté à la foibleffe humaine, aît voulu ôter aux Maris, par une Loi Pofitive fi dure & fi rigoureuse, le remede qu'il leur est aifé de trouver contre l'humeur infupportable de leurs Femmes. Une des raifons, pourquoi les Ecrivains Sacrez exhortent au Mariage, c'eft afin d'éviter les tentations de l'incontinence. Or un homme, qui ne trouve point de fatisfaction dans le Mariage, & qui fe voir chagriné continuellement par fa Femine, eft exposé à de plus grandes tentations, que s'il vivoit dans le Célibat: car fon efprit n'a jamais de repos; & l'averfion qu'il conçoit pour (e) Maimonides. La Femme le porte à aller fatisfaire ailleurs fes défirs. Un favant Rabbin (e) dit, que le Divorce eft permis, entr'autres raisons, pour mieux entretenir la paix & la tranquillité dans les Familles. Et un Jurifconfulte moderne (f) foûtient, qu'il n'y a point de réglement plus propre à (g) réprimer la fierté ou la mauvaise humeur des Femmes, & à retenir la colere (8) Bern. Vare- des Maris, que la Loi du Vieux Teftament, qui permettoit le Divorce. Or cette raison , Defcript. aiant lieu à l'égard des Chrétiens, auffi bien qu'à l'égard des Juifs; quelle apparence, que Japonia, Cap. XII. dit, que ce- DIEU veuille affujettir les premiers à un joug plus rude, qu'il n'en impofoit aux autres? la fe voit dans le L'Ecriture Sainte nous ordonne d'écarter tout ce qui forme quelque obftacle à la Piété; Japon, quoi que le Divorce y foit & y en a-t-il de plus grand, que l'humeur infupportable & incorrigible d'une perfonne, avec très-fréquent. qui l'on eft obligé de vivre, fans pouvoir jamais le féparer d'elle? Il répugne même à la (h) Voiez la Loi Nature, de lier pour toujours des efprits incompatibles. Les (h) Empereurs Chrétiens ont citée ci-deffus, jugé, que l'attentat fur la vie d'un Mari, étoit un fujet fuffifant pour rompre le Mariage. Et n'y a-t-il pas eû bien des Maris, dont les chagrins continuels, qu'ils recevoient de leurs Femmes, ont manifeftement abrégé les jours? Enfin, le Mariage eft une focieté d'Animaux Raifonnables, dont l'union formée par quelque lien Moral, confifte plus dans leur bonne intelligence, que dans la conjonction de leurs corps: autrement le Mariage fe réduit à un fimple commerce charnel, plus brutal que celui des Bêtes, dont plufieurs même font voir une espece d'amitié pour celles, avec qui elles s'accouplent. Lors donc que l'union des cœurs n'accompagne point celle des corps, un couple fi mal aflorti vit dans un efclavage perpétuel, plûtôt que dans une fociété digne de l'Homme. On eft dispensé de tenir les Vœux, faits même avec ferment, lors qu'ils fe trouvent impertinens, ou qu'ils tournent au préjudice d'un tiers: pourquoi ne pourroit-on pas être dégagé du Mariage, pour des raifons auffi fortes, que celles dont il s'agit? En vain replique-t-on, que les Mariages malheureux font des fleaux que Dieu envoie, pour exercer la patience des Maris. Car les maladies, & les autres afflictions, font auffi des châtimens du Ciel; & cependant il n'eft point défendu de fe fervir des remedes humains, pour s'en délivrer.

(f) Bodin, de Republ. Lib. I. Cap. III.

S. 22. Note 2.

5. Voiez un au

fuiv.

avec la Difpennéanmoins trèsdifferentes.

fuiv.

Matth. XII, 3. &
(m) Genef. II, 24.
Voiez là-deflus
Mr. Le Clerc,

le Comm. de

Milton traite enfuite fort au long de la permiffion du Divorce, accordée aux anciens Juifs. Si c'eft, dit-il, un véritable Adultére, qu'une Femme répudiée fe marie à un autre homme, ou que celui, qui l'a répudiée, épouse une autre femme; la Loi de Moïfe autorifoit donc formellement l'Adultére: ce que l'on ne fauroit foupçonner feulement, fans extravagance & fans impiété, en matiére d'une Loi, qui a pour auteur DIEU même. En vain croit-on éluder la force de cette preuve, en difant, comme font quelques-uns, que Dieu difpenfoit les Juifs de la Loi Naturelle, qui rend le Mariage indiffoluble. Il y a deux fortes de Difpenfe l'une impropre, qui confiîte à être légitimement difpenfé d'une Loi générale par quelque Loi particuliére, qui y forme une exception, telle qu'eft la Loi (i) qui (i) Deuter. XXV, ordonne d'époufer la Femme d'un Frére mort fans enfans: l'autre proprement ainfi dite, tre exemple, laquelle n'a lieu que dans les cas particuliers, & qui arrivant rarement ne font pas expri- Nembr. IX, 6, & mez d'ordinaire dans la Loi, mais font laiffez à la Charité & à la Prudence du Juge (k), (k) On voit bien, comme quand David (1) aiant faim mangea des pains qui étoient fur la Table du Sanctuai- que Milten conre: de forte que cette Difpenfe n'eft autre chofe, qu'une interprétation favorable felon les fond ici l'Equité Régles de l'Equité. Si donc on veut, qu'il y aît eû ici une difpenfe pour les Juifs, il faut prouver avant toutes chofes, qu'il y eût alors une Loi Divine générale, ou Naturelle, on na purement Pofitive, qui défendit le Divorce pour caufe d'incompatibilité d'humeurs, ou (1) I. Sam.XXI,6. d'une conduite infupportable. Car pour ce qui eft des paroles de l'inftitution du Mariage: (m) Et les deux deviendront une feule chair; quelques-uns difent, que cela marque feulement une union très-étroite, & qui ne doit pas être rompue fans néceffité; ce qui feroit également deshonnête, & pernicieux au Genre Humain. Mais il ne s'enfuit pas de là, que le Mariage ne puiffe être diffous pour des raifons, qui détruifent la nature & le but de cette fociété. Et quoi que le Mariage aît été inftitué de Dieu, il ne s'enfuit pas, que ce foit un lien entiérement indiffoluble. Dieu unit enfemble les perfonnes mariées : dira-t-on pour cela, qu'il n'eft pas libre à chacun de fe marier à qui il veut? ou qu'il ne faille pas une Convention entre ceux qui fe marient? Au contraire, de ce que Dieu unit les perfonnes mariées par le moien de l'engagement où elles font entrées, il faut inférer, qu'il confent, qu'elles fe féparent, lors que la Convention a été violée d'une ou d'autre part. Le même Auteur examine enfuite l'opinion de ceux qui prétendent, que le Divorce étoit fimplement permis ou toléré par la Loi, mais non pas approuvé. Je trouve, dit-il, cette penfée fort injurieufe à Dieu; car c'eft une grande marque de foibleffe dans un Souverain, que de permettre à fes Sujets des chofes, qu'il défapprouve. Et puis que, depuis plufieurs fiécles, tant de Peuples Chrétiens ont bien pû fe foumettre à la Loi, qui défend le Divorce, d'où vient que les Juifs feuls n'auroient pu s'en accommoder, à cause de la dureté de leur cœur? Pour ces paroles: Il n'en étoit pas de même dès le commencement; quelques-uns les expliquent ainfi, que dans l'état d'innocence, l'homme & la femme étoient fi (2) complaifans l'un pour l'autre, qu'ils ne pouvoient pas donner lieu à une telle rupture: de forte que la néceffité, où l'on eft, d'avoir recours au Divorce, eft un effet de la corruption humaine. Milton réfute enfin ceux, qui croient, que Dieu permit le Divorce aux Juifs, à caufe qu'ils s'y étoient accoûtumez en Egypte. C'étoit, dit-il, au contraire le teins le plus favorable de leur en faire perdre l'envie, puis qu'ils fe reffentoient encore très-vivement de l'esclavage d'Egypte : & de là vient qu'on trouve tant de Loix-fi fortes contre l'Idolatrie, qu'ils avoient vûe pratiquer tous les jours dans ce Païs-là. Voilà le précis des argumens de Milton, dont, comme je l'ai dit, je laille entiérement le jugement au Lec

teur.

(2) Belle explication! comme fi les Hommes avoient demeuré affez long-tems dans l'état d'innocence, pour que le Divorce pût avoir lieu ! Jesus-Chrift expli que aflez clairement ces paroles, lors qu'il dit, Mare, X, 6. que DIEU créa un homme & une femme, afin qué ces deux perfonnes devinffent une seule chair, en forte qu'ils

§. XXV.

ne fuffent plus deux, mais une feule chair; c'est-à-dire,
que, dans l'intention du Créateur, le Mariage doit être
une union fi etroite & fi indsloluble, qu'elle ne puifle
être rompue que par la mort, ou par quelque chofe
d'extremement contraire à la nature de cette focieté,
tel qu'eft l'Adultére, 20 Ap

f. XXV.

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