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ciardin. Hift. Lib.

IV. où l'on exa

fi Hercule, Duc

ou de Médiateur,

appelle Médiateurs, qui voiant deux Princes, par exemple, fur le point de fe faire la guer re, ou déja actuellement aux mains l'un contre l'autre, interviennent de leur pur mouvement, & tâchent de les porter à quelque accommodement, ou par leur autorité, ou par a) Voiez Guic- des raifons, ou par des priéres (a). Cette médiation paroit avoir pour principe un fi louable motif, qu'il faudroit être bien fauvage pour rebuter fiérement ceux qui nous l'offrent, mine la queftion, quand même ils paroitroient avoir des rélations particuliéres avec l'autre Partie. Car, outre de Ferrare, doit qu'il dépend de nous d'accepter, ou non, les propofitions qu'ils nous font; ce font ordifaire les fonc- nairement les amis, qui en ufent ainsi, pour éviter d'époufer la querelle de l'une des Partions d'Arbitre, ties. Souvent auffi on a grand intérêt, que la guerre ne s'allume ou ne s'entretienne enentre les Veni- tre deux Princes, foit parce qu'il en voleroit quelques étincelles dans nôtre Pais, foit à tiens, & les Flo- caufe qu'il eft dangereux pour nous, que ces deux Princes, foient ruinez ou affoiblis, ou l'un des deux feulement. En ce cas-là, nôtre propre confervation demande, que nous travaillions férieufement à étouffer de bonne heure le feu qui s'eft pris chez nos voisins. Les Chrétiens fur tout devroient s'empreffer avec ardeur à pacifier les démêlez de leur prochain. Et la juftice de ce Devoir eft fi fenfible, que l'Alcoran même, d'ailleurs fi plein de chofes extravagantes, le prefcrit à fes Sectateurs: car on y trouve (b), que, fi deux Nations ou deux Provinces de Musulmans font en guerre, il faut que toutes les autres s'uniffent pour les accommoder, & pour obliger celle qui a tort, à faire fatisfaction à

rentins.

(b) Cap. de clauftris.

l'autre.

Il eft certain, que plufieurs Princes intéreffez à la pacification d'un différent, peuvent travailler de concert à le terminer, & régler d'un coinmun accord jufques où il fera permis à chacun d'entr'eux de fe mêler dans cette querelle. Bien entendu néanmoins qu'aucun d'eux ne fe trouve déja engagé par un Traité particulier à fournir du fecours à l'une des Parties, au cas que l'on en vienne aux mains: car une Promeffe ne fauroit être ni annullée, ni reftreinte, par une Convention poftérieure faite avec un tiers. Rien n'empêche auffi, qu'après avoir bien examiné les prétenfions refpectives de part & d'autre, ils ne dreffent ensemble des Articles de Paix, felon ce qui leur paroit le plus jufte & le plus raifonnable, pour les propofer aux Princes, qui font en guerre, leur déclarant en même tems, que, fi l'un d'eux refuse de faire la Paix à ces conditions; ils prendront le parti de (c) Voiez T. Li- l'autre, qui les aura acceptées (c). Par là on ne fe rend nullement Arbitre des deux ParCap. XIX. in fin. ties, malgré elles, & l'on ne s'attribue pas le droit de décider leur différent avec autorité; & fuftin. Lib. VI. ce qui feroit contraire à l'état de la Liberté Naturelle. On ne leur fait pas non plus cette Cap. VI. num. 1. propofition d'une manière à prétendre, qu'elles foient abfolument obligées d'y aquiefcer.

ve,

Lib. XLIV.

Comment doit s'y prendre un

Arbitre, lors que quels il faudroit

les actes, fur lef

prononcer, fe trouvent perdus?

Mais, comme le Droit Naturel permet à chacun de joindre fes armes à celles d'un autre,
à qui il croit que l'on fait du tort, fur tout lors que cette injure eft capable de lui attirer
du mal à lui-même; on témoigne par là manifeftement un amour extrême de la Paix &
de l'Equité, en ce que l'on fouhaitte d'accommoder les autres à des conditions raisonna-
bles, & qu'on ne veut point prendre les armes contre ceux qui refufent nôtre média-
tion, avant que d'avoir tenté cette voie de douceur, qui eft d'autant plus louable, qu'el-
le peut aisément arrêter le cours d'une guerre fanglante. Cependant ceux qui veulent inter-
venir en qualité de Médiateurs, doivent bien fe fouvenir de la réflexion que fait un ancien
Hiftorien au fujet de la Ville de Marseille: (1) Elle fe rendit mal à propos, dit-il, l'arbi
tre, pour ainsi dire, du parti le plus fort, c'eft-à-dire de celui de Céfar, à quoi on ne doit
s'expofer que quand on eft en état de réprimer ceux qui s'obstinent à continuer la guerre.
§. VIII. POUR ce qui regarde la maniére de plaider & de juger une Cause, portée de
vant des Arbitres, le Bon Sens feul découvre affez comment il faut s'y prendre, felon la
nature des affaires. Ainfi il feroit fuperflu de s'arrêter ici beaucoup à faire voir, comment

S. VII. (1) Feftinationem itineris ejus [Cæfaris] aliquandiu morata Maffilia eft, fide melior, quàm confilio prudentior: intempeftive principalium armorum arbitria captans›

les.

quibus ii fe debent interponere, qui non parentem coërcere poffunt. Velleius Paterculus, Lib. II. Cap. L.

§. IX:

les Parties doivent expofer leurs prétenfions & leurs preuves; comment il faut former l'état de la Cause; comment l'Arbitre doit prononcer, après avoir examiné les raifons de part & d'autre &c. Il faut remarquer feulement, que, quand l'une des Parties ne peut prouver ce qu'elle avance que par des actes, qui fe trouvent perdus, il ne reste à l'Arbitre d'autre expédient, que celui de déférer le Serment à l'une des Parties, avec le confentement de l'autre. Je dis, avec le confentement de l'autre : car autrement, dans l'état de la Liberté Naturelle, perfonne n'eft obligé, à mon avis, de remettre fes droits à la confcience de fa Partie. Il eft permis auffi aux Parties de s'en rapporter d'un commun accord à la décifion du Sort, ou de vuider l'affaire par un Duel; comme cela fe pratiquoit autrefois parmi plufieurs Peuples. Du refte, la perte des actes néceffaires à la juftification d'un fait, ne diminue rien par elle-même du droit de celui en faveur de qui ils avoient été faits: tout (a) voiez Conce qu'il y a, c'est que, devant les Tribunaux Civils, on implore en vain l'autorité du Ju- nestagins, de unioge, lors que l'on n'a pas en main dequoi faire voir fon droit. Mais, dans l'Etat Naturel, V. pag. 222. & il fuffit que l'on en foit bien affuré foi-même, pour pouvoir légitimement le maintenir & Quintil. Declan. fe faire faire raifon, quand même celui, par rapport auquel on a aquis ce droit, le nieroit (a).

ne Lufitania,Lib.

CCCXII.

§. IX. LES Arbitres, auffi bien que les juges, doivent agir avec une entiére impartia- Des Témoins, lité, lors que, fans aucun Serment d'une ou d'autre part, les deux Parties foûtiennent précifément le contraire, en matière d'une chofe de fait, c'est-à-dire, qu'il ne doit en croire ni l'une ni l'autre, mais bien examiner les indices, les raifons, & les piéces ou les actes fideles, qui peuvent fervir à découvrir la vérité. Que fi tout cela ne fuffit pas, il faut prononcer fur la dépofition des Témoins, qui eft une preuve (1) de moindre force.

Cap. XII.

tor. Politic. Lib.

Il faut que ces Témoins foient dans des fentimens d'une fi grande indifférence par rapport aux deux Parties, qu'on n'aît pas lieu de croire vraisemblablement, qu'ils facrifieront leur confcience à la faveur, à la haine, ou à quelque autre Paffion (a). Comme donc une (a) Voiez Ovid. Partie peut récufer les (b) parens & les amis de l'autre, celle-ci de fon côté peut récufer Trif. Lib. III. Eleg. X. verf. 35, fes (2) ennemis déclarez. Quelquefois auffi, par un principe d'Humanité, on n'eft pas 36. & Lex Wifg. reçû à déposition dans l'affaire d'un parent, pour n'être pas réduit à la dure néceffité ou de Lib. II. Tit. IV. porter témoignage contre une perfonne que l'on aime, ou d'être tenté de trahir fa con- (b) Voicz Ariffcience. De là vient encore, que, parmi les (c) Romains, il n'y avoit ni Loi, ni Magif- II. Cap. VI. trat, qui put obliger un Client à porter témoignage contre fon Patron, ni un Patron contre (c) Plutarque, fon Client. Il n'y étoit (3) pas non plus permis de mettre un Efclave à la queftion, pour l'o- dans la Vie de bliger à dépofer contre fon Maître, non feulement par la raifon dont j'ai parlé, mais en- la verfion de Mr. core (4) parce que cela auroit expofé les Maîtres à fe voir trahis par leurs Efclaves. La Loi Dacier. Voiez Lex Wifig. Lib. de (d) Moife veut, qu'il y aît pour le moins deux témoins (5) qui dépofent dans une affai- v. Tit. VII. Cap. re: & ce réglement eft très-conforme à la Raison; non feulement parce qu'il eft plus faci- XI. (d) Nombres, le qu'un feul Témoin fe trompe, ou mente, ou fe laiffe corrompre, que non pas plufieurs, xxxv, 30. Deut. mais encore parce qu'un Juge habile peut découvrir l'impofture des Témoins, en les inter- XVII, 6. XIX, 15. rogeant féparément, au lieu qu'il eft plus aifé à un feul de fe tenir fur fes gardes, & de ne 3. N. & G. fec. pas fe couper (e). J'avoue que par ce moien quelques crimes échappent à la vengeance des Heb. Lib. VII. Tribunaux Humains, & qu'une bonne Caufe fe perd quelquefois, parce qu'il n'y a qu'un (e) voicz Piin.

5. ΙΧ. (1) Τεκμήρια κρείττω ἢ μαρτυριῶν ἔσιν. Ifaus, Orat. VII. Voiez auffi la III. & Philon, fur le Décalogue, pag. 764. A. Edit. Parif. comme auffi Lex Wifigoth. Lib. II. Tit. IV. Cap. III.

(2) Dans la Grande Bretagne, on ne recevoit pas autrefois le témoignage d'un Anglois contre un Ecoffois, ni d'un Ecoffois contre un Anglois, à caufe de la haine irreconciliable de ces deux Nations. Voiez de Thou, Liv. I. Cambden, fur l'An 1585. foûtient, que cette coûtume n'avoit lieu que vers les frontiéres des deux Roiaumes.

(3) Hormis pour caufe d'incefte, dit Ciceron, Orat. pro Milone, Cap. XXII. fur quoi voiez les Interprêtes. (4) Voiez la Harangue de Ciceron pour Dejotarus,

Romulus; felon

Voicz Selden. De

Cap. VI.

feul Hift. Nat. Lib.

Cap. XI. Lucien, in Afin,Tom. II. p. 80. Ed. Amfl. Lyfias,
Orat. de facro oliva trunco ; Plaut. Bacchid. Act. IV.
Scen. VI. verf. 20, 21. Ifocrat. Trapezitic. p. 634. & feqq.
Edit. Parif. Ariftot. Rhetoric. ad Alexandr. Cap. XVII.
Gabriel Sionita, de urbibus & moribus Orientalium, Cap.
III. L'Auteur citoit encore ici, Lex Wifigoth. Lib. V.
Tit. IV. Cap. XIV. Lib. III. Tit. IV. Cap. X. Lib. VI. Tit.
IV. Cap. III. Capitul. Carol. Lib. VII. Cap. CCLXXX.
Edictum Regis Theodorici, Cap. XLVIII. XLIX. CI.

(s) Cela eft auffi décide dans le Code. Et nunc mant-
feftè fancimus, ut unius omnino teftis refponfio non audia-
tur, etiamfi præclara Curia honore prefulgeat. Lib. IV.
Tit. XX. De teftibus, Leg. IX. §. 1. Voiez aufli Digeft.
Lib. XLVIII. Tit. XVIII. De quæftionibus, Leg. XX.
(6) Ples

Q2

VIII. Cap. XXIL & P'Hiftoire de Sufanne, verls 1.

Cap. I. §. 10, II.

feul Témoin. Mais cet inconvénient eft moindre, que celui, où l'on feroit expose, si les (f) Voiez Valer. biens & la vie de tout le monde dépendoient de l'habileté à mentir & de l'effronterie d'un Max. Lib. IV. feul fcélérat: car il vaut mieux fans contredit, qu'un petit nombre de coupables ne foient (g) Lib. XXII. pas punis, que fi plufieurs innocens étoient injuftement condamnez (f). On peut voir Tit. V. De tefti- dans le Digefte (g) les autres chofes, qu'il faut obferver dans l'ufage des Témoins. Ajouprincip. S. 1,2,3, tons, que la dépofition d'un feul témoin oculaire eft de plus grand (6) poids, que celle de 4. IV. V. IX. dix qui ne parlent que par oui-dire ; & qu'ainfi on ne doit point faire (7) fonds fur le téXXIV, Voiez ci- moignage de ceux qui dépofent fur la foi d'autrui.

bus, Leg. II. III.

XIV. XXI.XXIII.

deffus, Liv. III.

(h) Voiez Dé

ailleurs. Voiez

Comme l'on fait prêter ferment aux Témoins, la fainteté de cet acte forme en leur faChap. VI. §. 16. veur une très-forte préfomtion de la vérité de ce qu'ils dépofent. Cependant, à ne confimofthene, Orat. dérer que le Droit Naturel, rien n'empêche que, malgré leur ferment, on ne puiffe les in Energ. init. & convaincre de faux-témoignage; & en ce cas-là, le jugement fondé fur leur dépofition, auffi Platan, de tombe de lui-même, comme le portoient même autrefois les (h) Loix d'Athénes. Mais il Legib. L. XI. cir- feroit abfurde de permettre à celui, contre qui les Témoins ont dépofé avec ferment, de (i) Voiez l'Alco- renverfer ce témoignage en jurant lui-même qu'il eft faux: car, outre que par là on donFan, Cap. de Lu- neroit occafion à une infinité de parjures, l'oppofition de ces deux Sermens laifferoit l'affaire auffi obfcure qu'auparavant (i).

ca fin.

mine.

la fentence.

VII. §. 2.

De l'exécution de §. X. A L'EGARD de l'exécution de la fentence, je n'ai pas grand' chofe à ajoûter. Dans l'Etat Naturel, chacun peut, lors que les autres ne s'aquittent pas volontairement envers lui de ce qu'ils lui doivent, fe faire raifon lui-même par la voie de la force, ou avec le fecours de fes alliez; & nous expliquerons ailleurs au long, en traitant de la Guerre, jufques où l'on peut pouffer la chofe. Il faut feulement remarquer ici, que l'on devient maitre de la chofe adjugée par les Arbitres, non feulement lors que l'on en prend poffeffion, de quelque manière que ce foit; mais encore lors qu'au défaut de cette chole, on fe faifit d'une autre, qui vaut autant, y compris les frais qu'on a été obligé de faire pour (a) Lib. II. Cap. l'avoir: car, comme le dit (a) Grotius, toutes les fois que la Justice Explétrice ne peut obtenir la chofe, qui eft due, elle fe porte à l'équivalent, qui, moralement parlant, eft cenfe le même. On peut dire encore, que naturellement tous les biens d'une perfonne, qui doit quelque chofe à une autre, ou parce qu'elle s'y eft engagée par Contract, ou parce qu'elle a entre fes mains une chofe qui lui appartient, ou parce qu'elle lui a fait quelque injure, & caufé quelque dommage; que tous les biens, dis-je, font tacitement hypothéquez à celui, envers qui elle eft tenue, en forte qu'il peut fe paier là-deffus, fi elle ne s'aquitte pas de ce qu'elle lui doit précisément & directement. Et il n'eft pas obligé de se contenter de garder comme en gage les chofes, qu'il prend à la place de fa dette: car, ou tre que fouvent ces chofes-là feroient à charge, fi l'on ne pouvoit en difpofer abfolument; ce ne feroit pas être paié, que d'avoir fimplement la garde d'une chofe, au lieu d'une autre, que l'on devoit recevoir en propre. Mais il ne faut pas manquer de déclarer, à quel deffein on fe faifit des biens de fon Débiteur, fi c'eft pour les prendre en paiement, ou feulement afin de les garder, & d'obliger par là le Débiteur à nous paier plûtôt. L'Equité demande même quelquefois, qu'après s'être approprié les biens du Débiteur, on lui donLib. XLI. Tit.II. ne le choix, ou de nous les lattler, ou de les reprendre en nous paiant ce qu'il nous devoit. On voit bien au refte, que cette maniére d'exécuter une fentence n'a lieu que dans l'état de la Liberté Naturelle (b), & qu'elle eft incompatible avec la nature du Gouvernement Civil.

(b) Voiez Digeft.

De adquir, vel

V. Lib. XLVII. Tit. VIII. De vi bonorum raptarum &c. Leg. II. S. 18. Lib. IV. Tit. II. Quod metus caufa &c. Leg. XIII. Lib. XLVIII. Tit. VII. Ad Leg. Jul. de vi privata, Leg. VII. VIII.

(6) Pluris eft oculatus teftis unus, quàm auriti decem. Plaut. in Trucul. A&t. II. Scen. VI. verf. 8., (7) C'est ce qui s'obferve, au jugement de Philon, dans les Etats bien policez. Οὗ χάριν καὶ παρὰ τοῖς ἄ

ρισα πολιτευομλίοις ἀναγέγραπται νόμῳ, ἀκοῇ μὴ μας τυρεῖν, ὅτι φύσει τὸ δικασήριον αὐτῆς πρὸς τὸ δικάζεις Tahavasút. De confufione linguarum, p. 340. B. C. Ed. Parif.

Fin du Cinquiéme Livre.

LE

125

DE LA NATURE

§. I.

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LIVRE SIXIEME,

Où il est traité du Mariage, du Pouvoir Paternel, & des droits d'un Maître fur fes Domestiques.

CHAPITRE PREMIER.

Du Mariage.

cietez dans un

'ORDRE veut, qu'après avoir traité des Contracts, & de tout ce qui Combien il y a y a quelque rapport, nous recherchions avec foin l'origine & la nature de fortes de Sodu Gouvernement Civil, pour développer enfuite les maximes du Droit Etat. de la Nature & des Gens, qui fuppofent cet établiffement. Mais, comme on ne fauroit concevoir aucune forte de Gouvernement qu'entre plufieurs perfonnes, & que d'ailleurs, felon le témoignage inconteftable de l'Ecriture Sainte, DIE U créa d'abord un feul Homme, & une feule Femme, qui furent les chefs de tout le Genre Humain; avant (1) que d'entrer dans la matiére du Gouvernement Civil, il faut parler du Mariage, d'où proviennent les Familles, & qui eft, pour ainfi dire, la pépiniére des Etats. En effet, comme le Corps Humain a divers membres, dont chacun en particulier forme une espece de Corps feparé: de même un Etat renferme plufieurs petites Sociétez, les unes Simples & Primitives; les autres plus Compofees. Celles-ci s'appellent ordinairement des (a) Corps ou des Compagnies, & il peut y en avoir un grand nombre de (a) Collegia. différente nature. Les premiéres font feulement de trois fortes, favoir, celle du Mari, & de la Femme; celle du Pére, & des Enfans; enfin celle du Maître, & des Serviteurs, ou des Efclaves. On les appelle Simples, parce qu'elles ne font pas compofées d'autres Sociétez plus petites; & non pas à caufe qu'il n'y entre que deux perfonnes, comme fe l'imagine mal à propos un Auteur (b) moderne. Car lors qu'un Pére a plufieurs Enfans, & un Maître plufieurs Serviteurs, ou plufieurs Efclaves, leur Société n'eft pas pour cela moins fimple, que s'ils n'en avoient qu'un feul.

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§. II. De Legib.

S.II.

(b) 7. Frideric. fois de C

tate, Lib. I. Cap. 1. §. 2.

Genre Humain.

Le Mariage eft §. II. DEPUIS que le Genre Humain fût devenu fujet à la mort, il auroit fallu néla pépinière du ceffairement, ou que DIEU créât fans ceffe tous les jours de nouveaux Hommes, ou (a) Voiez Senec. que la race d'une fi noble Créature s'éteignît dans l'espace (a) de la vie d'une perfonne, fi Hippolyt. v. 466. le Créateur n'y eût pourvû dès le commencement (1) par la différence des Séxes, & par la

faculté naturelle qu'il leur donna de perpétuer leur efpece. Il leur infpira même une douce & forte inclination l'un pour l'autre, auffi bien qu'une grande tendreffe pour leur lignée, afin que par là ils fuflent portez à faire fans répugnance, & même avec plaifir, les fonctions naturelles, d'où dépend la confervation du Genre Humain, & dont on fe feroit aifément difpenfé fans cela, ou par pure négligence, ou pour éviter les incommoditez de la groffeffe, & les embarras de l'éducation d'une famille. On a même remarqué, (b) Baco,de augm. Scient. Lib. VII. que, (b) dans tous les Animaux généralement, les plaisirs de l'Amour font plus vifs, que Cap. II. celui du manger & du boire.

Si l'on peut être dans quelque Obligation de fe marier?

Cyneg. III, 107.6

§. III. LA premiére Question qui fe préfente ici à examiner, c'eft, fi ceux, qui fe trouvent d'ailleurs en état d'avoir des Enfans, peuvent être dans quelque Obligation de fe marier ?

Il y a des gens qui doutent, que le Mariage, & généralement tout ce, à quoi l'on eft porté par un défir naturel, comme, par exemple, le foin de fa propre confervation, l'amour & l'éducation de fes Enfans, puifle être mis au nombre des Devoirs de la Loi Naturelle: car à quoi bon, difent-ils, ordonner ce qu'un Inftinct naturel nous infpire déja d'une maniére affez forte, & affez perfuafive? Mais, bien loin qu'il s'enfuive de là, que le Droit Naturel ne prefcrive point de pareilles chofes, il faut en inférer au contraire, que la Nature veut qu'on s'en aquitte fort exactement, puis que fe défiant, pour ainfi dire, des impreffions que la Raifon toute feule pourroit faire, pour nous porter à la pratique de ces devoirs, d'où dépend directement & immédiatement la confervation du Genre Humain, elle a fait venir au fecours un Inftinct fi puiffant, qu'il eft bien difficile d'y (a) Voiez Oppien, réfifter (a). En effet, fi l'on n'étoit follicité au Mariage par une inclination naturelle (b), feqq. Halieutic.1, où eft (1) l'homme, qui voulût s'embarraffer du foin de mettre au monde des enfans, qui fourniffent toûjours matiére de peine & de foucis, & fouvent même de grands chagrins? (b) Voie Eur fur tout fe voiant obligé pour cet effet à des fonctions naturelles, qui ne font pas en el 1090. & feqq. & les-mêmes fort graves, & à vivre avec des Femmes, dont la fociété paroitroit à un homverf. 616,& feqq. me fage également ennuieufe & indigne de lui, fans les charmes du Séxe, & les attraits (c) Voiez Valer. de l'Amour (c). Je n'ignore pas au refte, qu'il y a une grande différence entre l'Instinct Max. Lib. VII. de la Nature, & les maximes de la Raifon; que même, en plufieurs rencontres, ces deux tern. Montagne, chofes font diamétralement oppofées; & que, toutes les fois que l'Inftinct répugne à la Effais, Liv. III. Raifon, il faut le réprimer avec foin: en quoi paroit principalement la force d'efprit & la grandeur d'ame. Mais, quoi que l'Inftinct feul ne produife par lui-même aucune Obligation; il arrive néanmoins quelquefois, que l'on eft tenu de faire une chofe, à laquelle on étoit déja porté par l'Inftinct (2). Ainfi rien n'empêche qu'il n'y aît quelque Obliga

702. & fegg.

Hippol. coron.

Cap. II. §. 1. ex

Chap. V.

5. II. (1) Quelques Théologiens aiant chicané nôtre Auteur fur ce qu'il dit ici, voici comment il y répond dans fon Specimen Controverfiarum circa Jus Naturale &c. Cap. III. §. 7. Comme DIEU, qui connoit tout, avoit prevû, que l'Homme deviendroit inévitablement fujet à la mort, il difpofa dès le commencement les chofes de telle maniere, par fa Sagefle infinie, que la diverfité des Sexes pût être d'ufage, & dans l'etat d'intégrité, & dans l'état de corruption. Dans l'état d'intégrité, il devoit naitre de là une poftérité fainte, qui augmentât le nombre des adorateurs de Dieu. Mais, après le péché, il devoit naitre une race corrompue, afin que la Mort, qui eft une fuite du Péché, ne détruisit pas entiérement le Genre Humain dans l'efpace d'une feule generation; le Créateur ne jugeant pas à propos de former une nouvelle tige d'Hommes innocens, & aimant mieux voir la Terre habitée par des gens corrompus,

que fi elle demeuroit déferte.

tion

§. III. (1) Et les femmes, ne feroient elles pas auffi à leur tour rebutées par bien des chofes ? Voiez Mr. Bayle, dans fes Nouvelles Lettres au fujet de la Critique du Calvinisme du P. Maimbourg, Lett. XVI. & l'Essai fur l'Entendement, par Mr. Locke, Liv. II. Chap. XXI. S. 34.

(2) Avec tout cela, ajoûtoit nôtre Auteur, une mére, qui tue fon fruit, né hors du Mariage, pour s'épargner le deshonneur auquel elle feroit expofee, ne Taifle pas de pécher contre le Droit Naturel, quoi qu'el le étouffe un inftinct par un autre, je veux dire, la tendreffe maternelle par la crainte du qu'en dira-t-on ? quoi qu'en penfe Grafwinkel, dans fon Commentaire fur Grotus, Lib. I. Cap. I. §. 11. Car ce qui devoit mettre en fureté la vie de l'enfant, ce n'étoit pas feulement l'inftinct naturel, ou l'amour, pour ainfi dire, machi

nal

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