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fons, qui renferment un plus grand degré d'honnêteté, ou d'utilité, que celles d'où dépend l'autre; il eft jufte que le premier l'emporte. En effet, toute Obligation renferme cette exception tacite, qu'on eft difpenfé de s'en aquitter, lors qu'une Obligation plus confidérable ne le permet pas.

6. Si l'on ne peut exécuter en même tems deux Conventions, dont l'une a été faite avec ferment, & l'autre fans ferment (7), celle-ci doit céder à la premiére; à moins que la Convention faite fans ferment n'ait été ajoutée à l'autre, en forme d'exception ou de limitation. En effet, le Serment, qui accompagne une (d) Convention, exclut toutes les exceptions (d) Voiez Euriou restrictions tacites, qui ne fuivent pas néceffairement de la nature même de la chofe; au verf. 743que les Conventions fans ferment les admettent plus aifément.

lieu

A ces Régles de Grotius, on peut ajoûter encore les (8) fuivantes. 7. Une Obligation, qui n'eft qu'imparfaitement réciproque (9), céde à une Obligation parfaitement réciproque. Ainfi il faut paier ce que l'on doit par Contract, plûtôt que ce que l'on doit en conféquence d'une fimple Promeffe, ou par les Loix de la Reconnoiffance, ou par quelque autre Vertu (e).

pid. in Medea,

(e) Voicz Plu

tarch, in Phocio

ne, pag. 745. C.

8. Les Loix de la Reconnoiffance, toutes chofes d'ailleurs égales, l'emportent fur les Loix de la Bénéficence on de la Libéralité; quoi que d'ailleurs ni les unes ni les autres D. n'impofent qu'une Obligation Imparfaite. En effet, ce que l'on doit par Reconnoiffance eft plus favorable, que ce à quoi l'on eft tenu par un pur principe de Libéralité ou de Charité; puis que le premier Devoir confifte à rendre ce que l'on a reçû, au lieu que, dans l'autre il s'agit de donner le premier. Ainfi la néceffité où l'on fe trouve de reconnoître les fervices reçûs, fait que l'on eft cenfé n'avoir pas occafion d'exercer la Bénéficence, lors que l'on ne peut fatisfaire en même tems à ces deux Obligations. Cela eft fi vrai, que l'on ne doit pas même faire du bien à fes propres Parens, qu'après s'être aquitté envers les autres des Devoirs de la Reconnoiffance; à moins que l'on n'ait avec les premiers quelque engagement plus étroit qui rende plus forte & plus indifpenfable l'Obligation de la Bénéficence.

9. En matiére de Loix faites par différentes Puiffances, dont l'une eft fubordonnée à l'antre, la Loi de la Puiffance inférieure cède à celle de la Puiffance fupérieure. Ainfi il faut (f) obéir à DIEU, plûtôt qu'aux Hommes; & à fon Souverain, plûtôt qu'à fon propre ( Voiez Ates;

Pére.

10. Une Loi l'emporte ordinairement fur l'autre, felon qu'elle a pour objet une chofe plus noble, plus utile, ou plus néceffaire.

11. Ceux, avec qui l'on a des liaisons & des rélations plus étroites (10), doivent être préférez aux autres, toutes chofes d'ailleurs égales, lors qu'on ne fauroit en même tems s'aquitter envers tous de ce qu'on leur doit (g). C'eft le fondement de cette régle de l'Apôtre St. Paul (h): Pendant, dit-il, que nous en avons le tems, faifons du bien à tout le monde, & principalement à ceux qui font de la famille de la foi; c'est-à-dire, à ceux qui croient en T'Evangile.

(7) Cette Régle n'eft vraie, qu'en fuppofant toutes chofes d'ailleurs egales. Car, s'il s'agit de deux Conventions directement oppofées, la poftérieure en datte doit l'emporter, foit que la première aît été faite avec ferment, ou non. Que fi les Conventions font feulement différentes, la particuliére a plus de force que la générale. Nôtre Auteur, pour avoir fuivi aveuglement Grotius en cet endroit, établit ici une maxime, qui femble être fondee fur un principe qu'il a lui-même réfuté ailleurs, je veux parler de l'opinion de Grotius, qui prétend, que le Serment ajoûté à une Promeffe produit une Obligation nouvelle & toute particuliere, en vertu de laquelle il faut donner aux engagemens, où il intervient, une interpretation plus etroite, qu'à ceux que

l'on contracte fans prendre à témoin la Divinité. Titius,
Obf. CCCCXLV.

(8) Je m'étonne, que notre Auteur n'aît pas pris gar-
de, que toutes les Régles fuivantes fe trouvent renfer-
mées dans la V. dont elles ne font que des confequen-
ces. Cela eft fi vrai, qu'il a lui-même omis les trois der-
nieres, dans l'Abrége, de Officio Hom. & Civis, Lib. I.
Cap. XVII. §. 13.

(9) Voiez l'explication de cette diftinction, ci-deffus Liv. III. Chap. IV. §. 9.

(10) Voiez la Differtation de Mr. Buddé, intitulée, De comparatione obligationum, que ex diverfis horninum ftatibus oriuntur; dans les Selecta Jur. Nat. & Gent. pag. 680. & feqq.

IV, 19.

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Comment fe vuident les différens furvenus entre ceux qui vivent dans l'état de la Liberté Naturelle.

Il faut s'aquitter §. 1. mes de ce qu'ils fe doivent les uns aux autres; & que, fi l'on a caufé du dom

A Lor Naturelle veut fans contredit, que les Hommes s'aquittent d'eux-mê

de fon pur mouvement de ce

à

que l'on doit autrui. Les inivent pas être

mitiez ne doi

éternelles.

(a) Voiez la bel

le Harangue de

Caius Pontius, dans Tite Live,

(b) Plutarch, in ejus Vita, pag.

344. E.

Dans l'Etat Naturel il n'y a

mage, on en offre de fon pur mouvement la réparation à ceux qui l'ont reçû. Que fi l'on a offenfé quelcun malicieulement, la même Loi ordonne, que l'on en témoigne un fincére repentir, & qu'on lui promette de ne plus lui faire du mal, en lui donnant même des furetez pour l'avenir. Lors que ces marques de repentir n'ont point été arrachées par for-ce, & qu'elles font uniquement produites par un remors de confcience, qui a fait rentrer l'offenfeur en lui-même, & qui lui a mis devant les yeux l'injuftice de fa conduite; elles témoignent fuffifamment, qu'il n'eft plus dans de mauvaises difpofitions. Ainfi la personne offenfée doit alors lui pardonner de bon cœur, & vivre déformais en bonne amitié avec lui: autrement (a) elle fera feule coupable d'avoir rompu la paix fans aucun fujet. En effet, il y auroit de l'inhumanité & de la férocité à nourrir éternellement les inimitiez, & à ne point avoir de repos, que l'on n'eût fatisfait fon reffentiment par une vengeance cruelle. C'eft un mot barbare, que celui de Caton l'Ancien, dont on rapporte, qu'aiant rencontré, au fortir du Barreau, un jeune homme, qui venoit de faire noter d'infamie un ennemi de feu fon Pére, il lui dit, en lui prenant la main; Que (b) c'étoit ainfi qu'il falLoit honorer la mémoire d'un Pére, en offrant à fes Manes, non des facrifices d'agneaux ou de chevreaux, mais les larmes & les fletriffures de fes ennemis.

§. II. MAIS, outre qu'il y a dans le monde peu de ces Ames bien nées, qui fe portent point de Juge, d'elles-mêmes à s'aquitter de leurs Devoirs; il arrive quelquefois, que l'on ne convient qui puiffe pro- pas de la juftice des prétenfions d'autrui. Par exemple, on nie la dette, ou bien l'on croit torite fur les dif- ne pas devoir autant que l'autre Partie nous demande: on veut paier le dommage, que ferens furvenus. l'on avoue avoir caufé, mais on foutient, que celui, qui l'a reçû, le taxe trop haut: on

noncer avec au

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contefte à quelcun certains droits qu'il s'attribue, ou du moins l'ufage qu'il en fait, & l'étendue qu'il leur donne: on n'eft pas d'accord fur le réglement des limites, fur l'interprétation d'un Traité, & fur plufieurs autres chofes femblables. En ce cas-là, ceux qui vivent dans l'état de la Liberté Naturelle, n'ont point de Juge commun, pour décider & terminer leurs différens avec autorité. Hobbes (a) foûtient pourtant, que, dans l'Etat Naturel, chacun eft Juge abfolu de ce qui le regarde. Mais nous avons dit (b) ailleurs, en quel fens il faut entendre cela, c'est-à-dire, que, perfonne ne reconnoiffant alors de Supérieur, chacun eft l'arbitre fouverain de fes propres actions, qu'il doit néanmoins régler conformément aux maximes de la Loi Naturelle. Ainfi, dans l'Etat Naturel, il est libre à chacun de négliger ou de maintenir fon droit, de diffimuler une injure, ou d'en pourfuivre la réparation. Mais lors que l'on prononce fur fon affaire propre, celui, avec qui l'on eft en démêlé, n'eft point obligé de s'en tenir à nôtre jugement. Car, quand même l'on fouhaitteroit d'agir avec un entier défintéreffement, & que l'on auroit protesté avec ferment de juger felon ce qui nous paroitroit jufte & équitable; l'autre peut croire fon fentiment auffi raisonnable, que le nôtre; & ainfi, lors qu'ils fe trouveront différens, on n'avancera rien, tous les Hommes étant égaux dans l'Etat Naturel. Ajoutez à cela, que la plupart des gens (1) font très-mauvais juges dans leur propre cause; qu'il n'y

1. 1. (1) Σχεδόν δι' οἱ πλεῖσοις φαύλοι κριταὶ αεὶ ἢ οἰκείων. Arifor, Polit. Lib. III. Cap. IX.

a

(2) Ne

a (2) perfonne qui trouve les injures, qu'il reçoit, plus petites qu'elles ne font effectivement, & que la plupart au contraire les groffiffent par leur imagination.

ne peut être terminé par

entre les Parties,

& Grotius, Lib.

§. III. LA Loi Naturelle ne permet pas néanmoins d'avoir d'abord recours à la voie des Lors qu'un difarmes pour maintenir un droit, que l'on croit avoir. Il y a, comme le difoit très-bien Ci- ferent mile pa ceron, deux (1) maniéres de vuider un différent: l'une, par la difcuffion des raisons de part une conférence & d'autre : l'autre, par la force. La premiére eft particuliére a l'Homme: l'autre n'ap- il faut s'en repartient proprement qu'aux Bêtes. Il ne faut donc en venir à la derniére, que quand il n'y mettre à des Ara pas moien d'emploier la premiére (a), c'eft-à-dire, lors que le différent ne peut être ter- bites miné par une conférence amiable entre les Parties, ou avec ceux à qui elles en ont donné Tri. Lib. V. Ecommiffion: quoi que, felon l'ufage ordinaire, les Traitez & les accommodemens ne leg. X. verf. 43. viennent guéres qu'après que l'on s'eft bien battu, & que les efprits ont été adoucis par les 11. Cap. XXIII. calamitez de la guerre. Le (b) Sort eft encore une voie très-propre à terminer un différent, §. 7; (b)VoiezGrotius, lors que la nature de l'affaire le permet, & que les Parties y confentent. Mais fi les con- bifuprà, §. 9. férences des Parties font inutiles, & que l'on ne veuille pas expofer à la décision aveugle du Sort, une Caufe que l'on croit foûtenue de bonnes raifons; il refte encore un parti de douceur à prendre, c'eft que les deux Parties s'engagent réciproquement à s'en remettre aut jugement (c) d'un Arbitre. Il faut feulement remarquer ici avec (d) Grotius, que, bien (c) Grotius, ibid. que, dans une affaire litigieufe, les deux Parties doivent l'une & l'autre chercher tous les (d) Ibid. §. 11moiens poffibles d'accommodement, afin d'éviter la guerre; celui qui demande, y eft pourtant plus obligé, que celui qui poffède; la Caufe du poffeffeur étant toûjours favora ble, même par le Droit Naturel.

$. 8.

bitres. Il n'y a point de Con

§. IV. LA raifon qui oblige de s'en rapporter à un Arbitre, fait voir d'abord de quel- Devoir des Arle maniére il doit fe comporter. En effet, on le prend, parce que l'Amour propre (a) rend chacun fufpect en fa propre caufe. Il doit donc fur tout prendre garde de ne rien donner à la faveur, ni à la haine, & de ne prononcer à l'avantage de l'une des Parties, qu'autant que le droit eft de fon côté : après quoi il peut fe moquer (b) de l'injufte reffentiment de fens on eft tenu celle qui a perdu sa cause.

De la il paroit, qu'un homme ne peut pas raisonnablement être pris pour arbitre dans une affaire, où il a lieu d'efpérer, en faifant gagner l'une des Parties, quelque avantage, ou quelque gloire, qui ne lui reviendroit pas, s'il prononçoit en faveur de l'autre; en un mot, toutes les fois qu'il a quelque intérêt particulier, que l'une des deux Parties demeure victoricufe. Car, en ce cas-là, le moien qu'il garde exactement cette neutralité & cette indifférence impartiale, qui doit faire le caractére d'un Arbitre (1) ?

Il s'enfuit encore de là, qu'il ne (c) doit y avoir entre l'Arbitre, & les Parties, aucune (d) Convention ni aucune Promelle, en vertu de laquelle il foit tenu de prononcer contre le droit en faveur de l'une des Parties. Et il ne peut prétendre d'autre recompenfe de fon jugement (2), que celle d'avoir bien jugé. Il y a bien entre les Parties, & l'Arbitre, une Convention au fujet de l'arbitrage, dont il eft chargé car un homme ne peut être Arbitre, que du confentement des Parties, & il lui eft libre auffi d'agréer ou de refufer propofition de ceux qui veulent le prendre pour juge de leur différent. Mais l'obligation, où eft un Arbitre de prononcer felon ce qui lui paroit jufte & équitable, n'eft pas fondée

(2) Neque cuiquam mortalium injuria fua parva videntur: multicas graviùs aquo habuêre. Cæfar, in Orat. apud

Salluft. in Bello Catilin.

§. III. (1) Nam cùm fint duo genera decertandi, unum per difceptationem, alterum per vim: cumque illud proprium fit hominis, hoc belluarum: confugiendum eft ad poftevius, fi uti non licet fuperiore. De Offic. Lib. I. Cap. XI. Voiez Jufin, Lib. VIII. Cap. I. num. 4. & feqq.

S. IV. (1) Πανταχό ἢ πιςότατῷ ὁ διαιτητής διαιτη THS, . Ariftot. Politic. Lib. IV. Cap. XII. Voiez Diodore de Sicile, Lib. I. Cap. XCV. pag. 85. A. Ed. Rhodom. Ainfi c'eft un vilain perfonnage que celui que joué

la

fur

vention entre Parties. En quel

P'Arbitre, & les

d'aquiefcer à la fentence, jufte,.

ou non?

Lib. I.Tit. 1. De (a) Voiez Digeft.. Jurifdict. Leg.X. & Plutarch. de difcrimine.

adul. & amici

(b) Voiez ce que difoit Bias, dans Diog. Laerce, Lib. .87. & A. Gel

lius, Lib. I. Cap.

.'

(c) Voiez Hebber,

De Cive, Cap.III.
S. 14.

(d) Comme celle

du Pape Leon X.avec les Veni

tiens, & l'Empe

reur Maximilien,, qui avoient paffe rent les Romains, lors qu'aiant été pris pour arbitres un Compromis par les Ariciniens, & les Ardéatiens, ils s'adjugérent à entre fes mains. eux-mêmes & s'appropriérent fans aucune honte les ter- Voiez Guicciar res, qui faifoient le fujet du différent entre ces deux din. Hift. Lib. XL. Peuples voisins. Tit. Liv. Lib. III. Cap. LXXII. Veiez circa fin. & Lib.. un pareil exemple, de Philippe de Macedoine, dans Juftin, XII. p. 345. Lib. VIII. Cap. IIL à la fin.

(2) C'est l'éloge, que Pline donne à Trajan, au fujet des causes, fur lesquelles cet Empereur prononçoit. Nec aliud tibi fententia tua pretium, quam bene judicaffe. Panegy, Cap. LXXX. num.-i.

(3) Quan

fur cette Convention. La raifon de cela ce n'eft pas tant, parce qu'une Convention ne pourroit rien ajoûter à l'Obligation où l'Arbitre eft d'ailleurs par la Loi Naturelle, de juger felon ce qui lui paroit jufte; que parce que de cette maniére il y auroit un progrès à Pinfini, qui rendroit l'arbitrage entiérement inutile. En effet, une telle Convention fe réduiroit à ceci, que les Parties s'engageroient de s'en tenir à la décision de l'Arbitre, fuppolé que la fentence fût jufte. Or, dans toute Convention qui ne diminue rien de la Liberté Naturelle, chacun des Contractans eft en droit d'examiner, fi l'autre a tenu ce à quoi il s'étoit engagé. Lors donc que la fentence de l'Arbitre paroitroit injufte à l'une des Parties, ou le feroit même effectivement, il naîtroit de là un nouveau différent, dont la décifion ne pouvant appartenir ni à l'Arbitre, ni aux Parties, il faudroit avoir recours néceffairement à un autre Arbitre, & après celui-ci à un autre encore, & ainfi à l'infini. D'où il s'enfuit, que la Convention, par laquelle les Parties s'engagent à s'en tenir au jugement d'un Arbitre, doit être pure & fimple, & non pas fous condition, que la fentence foit juste (3). Il eft clair encore (e), qu'on ne peut pas appeller du jugement d'un Arbitre (4), n'y Lib. I. Cap.XX. aiant point de Juge fupérieur, pour redreffer la fentence. Cela a lieu même dans les Socié tez Civiles, lors qu'il n'importe point au Souverain de quelle maniére fe vuide l'affaire, qui a été remise à la décifion d'un Arbitre, du commun confentement des Parties. Que fi en quelques endroits il eft permis d'appeller de la fentence d'un Arbitre, c'est en vertu d'une Loi purement Pofitive. On donne même quelquefois le nom d'Arbitres à certains Juges extraordinaires, commis pour examiner & décider une affaire fans toutes les formalitez & les longueurs des procedures du Barreau. Ainfi rien n'empêche qu'on n'appelle d'un tel Jugement.

(c)Voiez Grotius,

46. num. 2..

Il y a deux fortes

Au refte, lors qu'on dit, qu'il faut en (5) paffer par le jugement de l'Arbitre, foit que la fentence fe trouve jufte, ou injufte, cela doit s'entendre avec quelque reftriction. J'avoue, que, quelque bonne opinion qu'une Partie eût conçue de la juftice de fa caufe, cela ne fuffit pas pour l'autorifer à fe dédire du compromis. Mais s'il paroit manifeftement, qu'il y a eû de la collusion entre l'Arbitre, & l'autre Partie, ou qu'elle l'avoit gagné par des préfens, ou qu'ils avoient fait enfemble une Convention à nôtre préjudice; on n'est point alors obligé de fe foûmettre à la fentence d'un tel Juge, qui aiant témoigné une partialité fi vifible, ne fauroit plus foûtenir le perfonnage d'Arbitre.

On prend quelquefois plus d'un Arbitre; & en ce cas-là il faut, s'il fe peut, faire en forte qu'ils foient en nombre impair: autrement, lors que les fentimens fe trouveroient partagez, il n'y auroit pas moien de terminer le différent par cette voie.

§. V. GROTIUS (a) dit, que, pour favoir à quoi eft tenu un Arbitre, il faut cond'Arbitres. Dans fidérer, s'il a été pris en qualité de Juge, ou bien fi on lui a donné un pouvoir plus étendu, en forte qu'il foit autorifé à prononcer plutôt felon les maximes de l'Equité & de l'Hu

un doute, on
préfume que
I'Arbitre doit
juger felon les
Loix rigoureufes
de la Juftice.
(a) Vbi fuprà,
§. 47.

(3) Qualem autem fententiam dicat Arbiter, ad Pratorem non pertinere Labeo ait: dummodo dicat quod ipfi videtur. Et ideo fi fic fuit in arbitrum compromiffum, ut certam fententiam dicat; nullum effe arbitrium. Digest. Lib. IV. Tit. VIII. De receptis, qui arbitrium receperunt, ut fententiam dicant, Leg. XIX. princ. De là vient, que, felon les mêmes Jurifconfultes, la fentence d'un Arbitre doit terminer entiérement l'affaire, & non pas la renvoier au jugement d'un autre Arbitre. Idem Pedius probat: ne propagentur arbitria, aut in alios interdum inimicos agentium transferantur, fua fententia finem controverfia eum imponere oportet. Ibid. Leg. XXXII. §. 16. Au refte, pour ce qui regarde le Compromis des Parties, & les qualitez ou les Devoirs des Arbitres, en matiere des affaires particulières des Membres d'un même Etat, on peut voir tout le Titre, que j'ai cité; comme auffi les Loix Civiles dans leur ordre naturel, par Daumat, I. Fart. Liv. I. Tit. XIV. & le Droit Public du même Auteur, Liv.

II. Tit. VII.

mani

(4) Adeo fummum quifque caufa fue judicem facit, quemcunque elegit. Plin. Hift. Nat. Præfat. “Hy dé TIVES ἑκόντες αὐτοὶ συνθῶνται δικασάς, καὶ προελόμοι όπιτρέψωσι διαιτῶν, ἐκ ἔτι [δίδωσιν ὁ νόμῳ ἐς ἕτερον ἐφεῖναι dinashev.] Lucian. in Abdicato, Tom. I. pag. 715, 716. Ed. Amftelod.

(s) Cela eft dit formellement dans une Loi, où l'on oppofe les Arbitres, dont il s'agit ici, à une autre forte d'Arbitres, au jugement defquels on n'eft tenu d'aquiefcer, que quand il eft conforme aux régles de l'Equité. Arbitrorum enim genera funt duo: unum ejufmodi, ut five aquum fit, five iniquum, parere debeamus; quod obfervatur, cùm ex compromiffo ad arbitrium itum eft: alterum ejufmodi, ut ad boni viri arbitrium redigi debeat. Digeft. Lib. XVII. Tit. II. Pro focio, Leg. LXXVI. Voicz les Loix fuivantes.

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manité, que fuivant les Loix rigoureufes du Droit étroit. En effet, quelquefois les deux Parties en appellent à la Justice rigoureuse; & en ce cas-là l'Arbitre, auffi bien que le Juge, doit peler exactement les raifons de part & d'autre quelquefois l'une des Parties, qui s'en rapportent à un Arbitre, fe fonde fur le Droit étroit, mais l'autre demande quelque adouciffement, ou en appelle à l'équité. Et par l'Equité on n'entend pas proprement ici cette droite & commode interprétation des Loix, dont nous avons traité dans le Chapitre précédent, & qui eft du reffort même d'un Juge fubalterne; mais un tempérament du Droit rigoureux, felon les maximes de l'Humanité, de la Charité, de la Compaffion, & d'autres femblables Vertus, tempérament qui ne peut être apporté que par le Juge Souverain, ou par un Arbitre à qui l'on a donné pouvoir de prononcer fur ce pied-là. Mais dans un doute on préfume que l'Arbitre eft tenu de fuivre exactement les Régles de la Juftice. En effet, outre que c'eft faute de Tribunal commun que l'on fe remet au jugement d'un Arbitre; en matière d'affaires obfcures (1) on prend toûjours le parti qui donne le moins d'étendue aux chofes, comme celui où il y a le moins d'inconvénient: & ici l'Arbitre ne peut pas fi aifément faire du tort à quelcune des Parties en prononçant felon la rigueur du Droit, que fi fon pouvoir s'étendoit plus loin. D'ailleurs, ceux qui, fans aucun compromis des Parties, interviennent en qualité d'amis communs, pour tâcher de les accommoder, font ceux à qui il appartient principalement d'exhorter les Parties à relâcher un peu de leur droit.

Au refte, il eft clair, que, dans un différent entre deux Citoiens d'un même Etat, l'Arbitre doit ordinairement juger felon les Loix Civiles, auxquelles les Parties font foûmifes l'une & l'autre. Mais lors que les Parties ne reconnoiffent point ici bas de Tribunal commun, l'Arbitre doit fe régler fur le Droit Naturel, à moins que les Parties n'aient confenti elles-mêmes de fe conformer aux Loix Pofitives d'un certain Etat.

§. 48.

§. VI. LE même Auteur (a) remarque encore, que les Arbitres nommez par des Sou- și les Arbitres verains doivent prononcer fur le péritoire, ou fur l'affaire principale, & non pas fur le pof- doivent prononcer fur le pofleffeffoire; car, dit-il, les jugemens fur le poffeffoire ne font que de Droit Civil; & le droit foire? de poffeder fuit la Propriété, par le Droit des Gens, ou de la Nature. J'avoue, que, fe- (a) vbi fuprà, lon les maximes du Droit Naturel, il ne paroit pas néceffaire, que celui, qui a été dépoffédé, foit d'abord remis en poffeffion, avant que l'on aît pris connoiffance de l'affaire, fur tout fi la Caufe peut être jugée en peu de tems. Mais cela n'empêche pas, à mon avis, qu'en plufieurs différens un Arbitre ne doive commencer par examiner qui eft le Poffeffeur, pour favoir quelle des deux Parties eft obligée à prouver (1). En effet c'est au Demandeur à expofer clairement fes prétenfions & fes raifons: mais le Poffefleur n'a autre chofe à faire qu'à les réfuter; fi ce n'eft que quelquefois il doit, du moins par furabondance de droit, alléguer les titres de fa poffeffion. Il ne faut pourtant pas, que les Arbitres fe contentent de prononcer fur la poffeffion: car ce n'eft pas pour cela qu'on a accoûtumé de prendre des Arbitres, la chofe étant d'ordinaire affez évidente, mais feulement afin qu'ils terminent l'affaire principale, en forte qu'il ne reste plus déformais aucune conteftation là-deffus. Que fi une fois on eft entré dans la difcuffion de l'affaire principale, le Droit Naturel veut fans contredit, que l'on ne change rien à l'état des chofes jufques à ce que la fentence foit prononcée, & que fi le Demandeur ne juftifie pas alors fes prétenfions, on

décide en faveur du Poffeffeur.

§. VII. IL ne faut pas confondre avec les Arbitres proprement ainfi dits, ceux que l'on Des Médiateurs

5. V. (1) Semper in obfcuris, quod minimum eft, fequimur. Digeft. Lib. L. Tit. XVI. Leg. IX.

§. VI. (1) Exitus controverfia poffeffionis hic eft tantùm, st priùs pronuncier Judex, uter poffideat: ita enim fiet, ut is, qui victus eft de poffeffione, petitoris partibus fungatur, &iune de domino quaratur. Digeft. Lib. XLI. Tit. II. De adquirenda vel omittenda poffeffione, Leg. XXXV. D'ailleurs, comme il y a quelquefois de grandes prefomTO M. II.

aptions en faveur de l'une des Parties, l'Equité veut, que, fi elle a été, par exemple, depoffedée par une injufte violence, on la remette d'abord en poffeffion, fans attendre la difcuffion du péritoire, qui peut être longue & embarraffee, & afin que, pendant ce tems-là, le detenteur ne jouïffe pas paisiblement des fruits de fa violence, & des avantages de la poffeffion. Voiez Mr. Titius, Obferv. in Lauterbach. Obf. MLXXI.

S. VII.

de la Paix.

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