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529. Ed. in ufum tant.Lib.III. Cap.

donne affez à entendre par là, qu'il y a une chofe qu'il fait, c'eft qu'on ne peut rien fa(d) Voiez Apu voir (d). 2. Une autre conjecture, qui fait préfumer, que le Légiflateur, ou les ConLe Apolo a tractans n'ont point confenti dès le commencement, c'eft lors que la raifon, qui feule avoit Delph. & Lac- pleinement & efficacement mû leur volonté, vient à ceffer. Car, quand les chofes prefcriVI. & A. Gell. tes par la Loi font fondées fur quelque raifon, qui s'y trouve formellement exprimée, ou Lib. IX. C. XVI. dont on eft du moins affùré d'ailleurs; on ne les confidére point abfolument & en ellesmêmes, mais par rapport à la liaifon qu'elles ont avec cette raifon. On en voit un exemple dans une Loi du Droit Romain, qui défend aux Patrons de faire jurer leurs Affranchis, qu'ils ne fe marieront point, ou qu'ils n'éléveront point d'Enfans. Quoi que la Loi (3), difent les Jurifconfultes, n'excepte formellement perfonne, cela ne fe doit entendre néanmoins que de ceux qui font en état d'avoir des enfans. De forte que, fi un Patron avoit exigé un tel ferment de quelque Affranchi, qui fût Eunuque, il ne feroit point fujet à la peine portée par cette Loi. En effet, la raifon pourquoi on défendoit cela, c'étoit de que les Patrons, pour fatisfaire (4) leur avarice, n'empêchaffent la multiplication des Citoiens: or on ne pouvoit rien attendre à cet égard-là d'un Eunuque. 3. Enfin le défaut de volonté fe conclut du défaut de la matière. Car on doit toûjours préfumer, que la matiére, dont il s'agit, a été inceffamment dans l'efprit de celui qui parle, quoi que les ter mes, dont il s'eft fervi, paroiffent s'étendre plus loin. Par exemple, fi un Fief a été donné à quelcun pour lui, & pour fes Defcendans mâles, les Defcendans mâles fortis d'une de fes Filles ne font pas compris là dedans, cet ordre de fucceffion étant contraire à la nature d'un tel Fief, qui exclut entiérement les Femmes, & par conféquent auffi leurs Descendans, quoi que mâles.

Sur quoi il y a deux remarques

à faire.

S. 25.

peur

§. XX. MAIS il faut remarquer, avec (a) Grotius, que, quand on parle de la raison, qui feule a pleinement & efficacement déterminé la volonté, on entend fouvent par là certai (a) Ubi fuprà, nes chofes confidérées non par rapport à leur existence actuelle, mais par rapport à leur poffibilité Morale; & en ce cas-là on ne doit point faire de reftriction. C'est-à-dire, que, quand on eft convenu de quelque chofe en vue d'une certaine raifon, comme pour prévenir quelque danger, ou pour éviter quelque perte, quelque dommage, quelque incommodité, ou quelque autre inconvénient; la Convention a lieu non feulement lors que le mal, au devant duquel on a voulu aller, doit s'enfuivre actuellement, mais encore dans les cas où l'on croit qu'il peut arriver vraisemblablement, ou du moins fans beaucoup de peine. Par exemple, fi, dans un Traité conclu entre deux Peuples, il y a une claufe portant, qu'on n'envoiera point d'Armée, ni de Flotte, dans un certain lieu; quoi que le but de cette Convention foit de ne recevoir par là actuellement aucun dommage, il n'eft plus permis déformais de mener ni Armée, ni Flotte, dans le lieu marqué, quand même ce feroit fans aucun mauvais deffein: car il fuffit que le Contractant intéreffe puifle en prendre de l'ombrage, à caufe de la fituation du lieu, qui nous met en état de lui faire du mal aifément, quand l'envie nous en prendra; & il s'étoit propofé de fe précautionner non feulement contre une invafion actuelle, mais encore contre tout péril & tout fujet apparent de crainte. De même, fuppofé qu'il y aît une Loi, qui défende d'ailer de nuit par les rues avec des flambeaux, on ne fera pas reçû à dire, pour s'excufer, que l'on fe fert de fon flambeau avec tant de circonfpection, que perfonne n'en fouffre du dommage.

On demande ici encore, files Promelles renferment cette condition tacite, fuppofe que les chofes demeurent en l'état où elles font? En général il faut répondre, que non. Car cette condition étant odieufe, puis qu'elle tend à annuller la Promeffe, on ne doit pas aifé

(3) Quamvis nulla perfona Lege excipiatur, tamen intelligendum eft, de his Legem fentire, qui Liberos tollere poffunt. Itaque fi caftratum Libertum jurejurando quis adegerit, dicendum eft, non puniri Patronum hac Lege. Digest. Lib. XXXVII. Tit. XIV. De jure Patronatas, Leg. VI. §. 2.

ment

(4) C'eft que, fi un Affranchi mouroit fans enfans, tous fes biens, ou du moins une partie, revenoient néceffairement à fon Patron, ou à celui, de qui il avoit ete Efclave; car c'eft ce que fignifie ici le mot de Patron. Voiez Inftitut. Lib. III. Tit. VIII. De fucceffione Libertorum.

S. xxi.

ment préfumer qu'elle y aît été attachée. Il faut pour cela, ou qu'elle foit expreffément marquée dans l'acte, ou que la fuppofition de l'état préfent des affaires fe trouve très-évidemment renfermée dans cette raifon, dont nous avons parlé, qui feule a pleinement & efficacement déterminé la Volonté à donner fon confentement. Ainfi l'Hiftoire nous four

Hiftor. Lib. II.

nit divers exemples d'Ambaffadeurs (b), qui ont rebrouffé chemin fur les nouvelles qu'ils (b) Voicz Tacit. recevoient, qu'il étoit arrivé chez ceux, auprès defquels ils étoient envoiez, un change- Cap. I. ment qui faifoit entiérement ceffer le fujet de leur Ambaffade.

§. XXI. POUR ce qui regarde l'incompatibilité d'un cas furvenu depuis, avec la volon- 2. De l'incomté du Législateur ou des Contractans, on la conjecture par des raifons tirées ou des principes de la Lumiére Naturelle, ou de quelque indice de la volonté.

patibilité d'un cas furvenu depuis avec la volonté du Législateur, ou des

parce que cela

(a) Ethic. Nico

(b) Voiez en un

II. De Furtis,Leg.

(α) Ευγνωμοσύνη,

Ariftote (a) met, & dans l'Entendement, & dans la Volonté, une Vertu ou une Habitude particuliére, dont l'office eft de faire connoître l'intention par les lumiéres de la Contractans; foit Raifon Naturelle (b). Celle qui eft dans l'Entendement, il l'appelle (c) Bon-Sens, ou fu- engageroit à une gement (d) droit & équitable: & celle, qui eft dans la Volonté, il la nomme (e) Equité, chofe illicite. ou Amour de l'Equité. Le même Philofophe définit très-bien l'Equité, (1) une explica- mach. Lib. V. tion, par laquelle on redresse ce qui fe trouve de défectueux dans la Loi, à caufe des ter- Cap. X. mes généraux, dans lesquels elle eft conçue. C'eft-à-dire, que cette droite interprétation exemple, Digef. confifte à faire voir, par les principes du Bon-Sens naturel, qu'un certain cas particulier Lib. XLVII. Tit. n'eft point compris fous une Loi générale, parce qu'autrement il s'enfuivroit de là quelque abfurdité. Grotius (f) a remarqué, que l'Equité ne fauroit avoir lieu en matiére des (c) Tram. Loix Naturelles, parce que la Nature ne parle jamais d'une maniére plus générale, que (e). la Loi ne le demande. Mais quoi que les Loix Naturelles ne foient pas en elles-mêmes (f) Ad Campafufceptibles d'une interprétation felon l'Equité; elles peuvent en avoir befoin, entant qu'el- wella Politica. les font exprimées par les Hommes d'une manière trop (2) générale. Par exemple, la maxime, qu'il faut rendre à chacun le fien, doit être expliquée avec cette reftriction, pourvu qu'il ait l'ufage de la Raifon, & qu'on puisse lui rendre ce qui lui appartient fans déf obéir à un Supérieur, qui a droit de nous en empêcher. L'ufage de l'Equité regarde donc proprement les Loix, entant qu'écrites: mais on peut audi l'étendre à proportion aux Teftamens, & aux Conventions. Comme on ne fauroit, fur tout en matière de Loix, ni prévoir tous les cas (g), ni les spécifier tous, à caufe de leur variété infinie; il faut laiffer à (g) Voiez ci-defceux qui font chargez du foin d'appliquer les Loix, la liberté d'en excepter les cas accom- fin; & Digef. pagnez de certaines circonftances particuliéres, qui les auroient fait excepter au Législateur Lib I. Tit. III. lui-même, s'il les avoit prévûs, ou s'il eût été préfent. On trouve là-deffus une in- Leg. 111. & feqq. finité d'exemples; en voici un tiré de Ciceron: (3) Il étoit défendu par une Loi, d'ouvrir de nuit les portes de la Ville. Un homme le fit en tems de guerre, pour recevoir des Troupes, qui venoient au fecours, & qui auroient été taillées en pieces, fi elles fuffent restées dehors, l'Ennemi étant campé près des murailles. On voit bien qu'en ce cas-là, bien loin de violer la Loi, on auroit agi contre l'efprit du Législateur, fi l'on ne fe fût éloigné de la rigueur des termes. Il ne faut pourtant pas en venir là fans de bonnes raifons: autrement ce feroit s'ériger en arbitre fouverain d'un acte d'autrui, auquel on ne peut légitimement rien changer; outre que fouvent les Législateurs veulent qu'on fuive exactement la lettre de la Loi, quoi (4) qu'elle renferme quelque chofe de dur.

5. ΧΧΙ. (1) Καὶ ἔσιν αὕτη ἡ φύσις ἡ τῶ ὅππιεικές, ἐπανε έρθωμα νόμο, ᾗ ἐλλείπει διὰ τὸ καθόλο. Ubi fupra, Lib. V. Cap. XIV. Voiez auffi Magn. Moral. Lib. II. Cap. I. II. & le petit Traité de Grotius, intitulé, De Aquitate, &c. qui eft à la fin des derniéres Editions de fon Ouvrage, De Jure Belli & Pacis.

(2) L'Auteur, par mégarde, dit ici minus, au lieu de nimis. Peut-être auffi que c'eft une faute d'impreffion.

(3) · Im quo [genere] non fimplex voluntas fcriptoris often ditur, qua in omne tempus, & in omne factum idem vaTOM. II.

L'in

leat: fed ex quodam facto aut eventu, ad tempus interpre-
tanda dicitur..... Ut in eum, qui, cùm Lex aperiri por-
tas noctu vetaret, aperuit quodam in bello, & auxilia qua-
dam in oppidum recepit, ne ab hoftibus opprimerentur, fe
foris effent, quod prope muros hoftes caftra haberent. De In-
vent. Lib. II. Cap. XLII. Voiez auffi Cap. XXXII.

(4) Quod quidem perquam durum eft: fed ita Lex fcripta
eft. Digeft. Lib. XL. Tit. IX. Qui & à quibus manumiffi
liberi non fiunt &c. Leg. XII. §. 1. Voiez auffi Lex Wifi-
gether. Lib. II. Tit. I. Cap. XII. Les Jurifconfultes di-
Tent auffi, que l'on ne peut pas toujours favoir les rai-

P

fons,

fus, §. 17. à la

De Legibus &c.

(h) Ad Ether. Voicz Valer. Ma Cap. IV. verf. 16. xim. Lib. III.

Cap. VII. num. 1. & Cap. VIII.

num. 6.

bone.

L'indice le plus certain que l'on puiffe avoir ici de la volonté du Législateur, c'est lors qu'on voit, qu'en fuivant exactement la lettre de la Loi, on commettroit quelque chofe d'illicite, c'est-à-dire, de contraire aux Loix Naturelles ou Divines. En effet, perfonne ne pouvant être obligé à de pareilles choses; on préfume auffi, qu'il n'y a point d'homme de bon-fens qui veuille les prefcrire à autrui. Et il y a, comme le dit (h) Grotius, des circonftances fi preffantes, que vouloir obferver en ces cas-là une certaine Loi, c'eft violer les Loix les plus confidérables.

Au refte, le mot d'Equité fe prend en un autre fens, lors qu'on dit, par exemple, qu'u ne Caufe a été jugée felon les (i) régles de l'Equité: ce qui fignifie, que les Juges ont ap(i) Ex aquo & porté quelque tempérament à la rigueur du droit, pour favorifer le Défendeur. On dit auffi d'un Particulier, qu'il en ufe avec équité, lors qu'il relâche volontairement quelque chofe de fon droit. Quelquefois enfin on dit, qu'une Caufe eft jugée par les maximes de l'Equité, lors qu'il n'y a point de Loi Civile fur laquelle on puiffe prononcer, ou que, fans avoir égard à la décision rigoureufe des Loix, on fuit le jugement d'un Arbitre expert & honnête homme.

Ou parce qu'il s'enfuivroit de la une chofe rop dure.

(a)Voicz Grotius,

fur Matth. X3. rez, Defcript. thiop. Cap. XIII.

(b) Franc. Alva

§. XXII. UN autre indice, qui oblige à reftreindre une Loi ou une Promeffe générale, c'eft lors qu'en fuivant à la rigueur les termes il réfulteroit de là une chofe, non pas à la vérité abfolument illicite en elle-même, mais qui, à en juger humainement & équitablement, paroit trop onéreufe & trop dure, foit que l'on confidére abfolument la conftitution générale & ordinaire de la Nature humaine, foit que l'on compare la perfonne, & la chofe, dont il s'agit, avec le but même de l'acte, c'est-à-dire, de la Loi, ou de la Promeffe. En effet, il y a des chofes infupportables à tous les Hommes; d'autres à certaines perfonnes feulement: & il y en a auffi, qui font telles, qu'il y auroit de la folie à s'incommoder beaucoup, pour s'en aquitter. Cela eft encore plus vrai, en matière de Loix, non feulement lors que la Loi eft Pofitive, & roule fur une chofe de telle nature, qu'il n'y a point d'apparence que le Légiflateur en exige toûjours indifpenfablement l'observation, à quelques incommoditez qu'elle engage les Sujets, par l'effet même d'un pur accident; mais auffi lors que le cas, où l'on ne pourroit obferver la Loi, fans s'expofer à quelque chofe de très-dur & de très-facheux, n'eft d'ailleurs accompagné d'aucune circonstance qui tende à diminuer l'honneur ou l'autorité du Législateur (a). C'est donc une folle & ridicu le fuperftition que celle des Abyffins (b), qui, dans le tems de leur Carême, s'affoibliffent tellement le Corps & l'Efprit par de longs Jeûnes, que, fi l'Ennemi profite de cette occafion pour fe jetter dans leur Pais, comme cela eft arrivé quelquefois, il ne trouve perfonne qui foit en état de lui réfifter. Il faut appliquer le même principe aux Conventions & aux Promeffes. Lors qu'on a, par exemple, prêté une chofe pour quelques jours, on peut la redemander avant ce terme expiré, s'il fe trouve qu'on en ait grand befoin; un acte auffi bienfaifant, que le Prêt à ufage, étant de telle nature, qu'on ne doit point préfumer que perfonne veuille s'engager à prêter d'une manière qui l'incommode lui-même confidérablement. Si l'on a promis du fecours à un Allié, & que l'on vienne à être menacé soi-même de quelque irruption; on fera difpenfé de fournir des troupes à cet Allié, tant qu'on en aura befoin pour fa propre défenfe. Car un Prince étant obligé avant toutes chofes de défendre fon Peuple; dans toutes les Promeffes, qu'il fait aux Etrangers, il sousentend toûjours cette condition, que la confervation de fes propres Etats lui permette de faire ce à quoi il s'engage. De même, fi l'on accorde à quelcun une immunité de tout impôt & de toute contribution, cela fe doit entendre feulement des impofitions ordinaires & perpétuelles, & non pas de celles que l'on eft obligé d'exiger dans une néceffité preflante & extraordinaire, en forte que l'Etat ne fauroit s'en paffer. De là il paroit, que, quand Ciceron don

fons, qui ont fait établir une Loi, & qu'on ne doit
pas toujours les rechercher. Non omnium, qua à majori
bus conftituta funt, ratio reddi poteft. Et ideo rationes co-

ne

rum, que conftituuntur, inquiri non oportet: alioquin mul-
ta ex his, qua certa funt, fubvertuntur. Digeft. Lib. I.
Tit. II. De Legibus &c. Leg. XX. XXI.
§. XXII

fus, Liv. III. Ch.

ce qui fuit & qui

ne pour maxime (c); Qu'on eft difpenfe de tenir fa parole, lors qu'en la tenant on fe- (c) Voiez ci-defroit du mal à celui à qui on l'a donnée, ou qu'on s'en feroit à foi-même plus qu'on ne v...ou ce paflui feroit de bien; il s'exprime d'une manière trop générale. Car ce n'eft pas tou- fage, avec tout jours au Promettant à juger (1), fi ce qu'il a promis fera utile, ou non, à celui en precede, a ere cifaveur de qui il s'eft engagé; à moins qu'il n'ait quelque autorité fur lui, & qu'il ne te dans la Nofoit chargé du foin de veiller à fes intérêts & à fa confervation. D'ailleurs, toute forte te 7. d'incommodité & de dommage, que l'on doit recevoir de l'exécution d'une Promeffe, que l'on avoit faite, ne fuffit pas pour nous en difpenfer; puis que toute Promeffe gratuite renferme par elle-même quelque chofe d'onéreux : mais il faut que le préjudice foit fi grand, qu'il y aît lieu de préfumer de la nature même de l'acte, qu'il étoit tacitement excepté; (d) vbi fuprà. comme, par exemple dans ce cas allégué par Ciceron (d): Si vous avez, dit-il, promis à Voiez auffi Senequelcun de vous transporter au Palais, pour l'affifter dans une Caufe, qu'il doit plaider, & Traité des Brenque cependant vôtre Fils tombe dans une maladie dangereufe; vous ne ferez rien de contrai- faits, Lib. IV. re à vôtre devoir, en manquant de parole pour un tel fujer.

que,

dans fon

Cap. XXXV.

deux Conventions

§. XXIII. IL y a encore d'autres fignes qui font voir, que pour fuivre l'efprit & la volonté Des cas, où il y du Législateur, ou des Contractans, on doit excepter d'une Loi ou d'une Promeffe géné conflict entre a une espece de rale certains cas particuliers: comme quand on trouve en un autre endroit des termes non deux Loix, on pas directement oppofez à ceux de la Convention, ou de la Loi, dont il s'agit, (car ce differences. feroit une Antinomie) mais entre lefquels il furvient une espece de conflict par un accident particulier & imprévu; ou, ce qui revient à la même chofe, lors qu'il y a deux Conventions ou deux Loix différentes, qui ne font nullement contradictoires ou incompatibles, & qui peuvent commodément & doivent être d'ailleurs accomplies en divers tems, mais auxquelles on ne fauroit fatisfaire tout à la fois, lors que le tems de leur exécution fe rencontre dans le même moment (a). Pour favoir donc quelle des deux Loix, ou des deux Conventions, doit l'emporter en cette conjoncture, il faut établir ici certaines maximes, par lefquelles on puiffe fe régler. Voici celles que Grotius a posées.

1. Ce qui n'eft que permis, doit céder à ce qui eft pofitivement preferit (1). En effet, une fimple permiffion laiffe la liberté d'agir, ou de ne point agir: au lieu qu'un ordre pofitif impofe la néceffité de faire ce qui eft ordonné, & ôte la liberté de s'en difpenfer dans le cas préfent.

2. Ce que l'on doit faire en un certain tems, l'emporte fur (2) ce que l'on peut faire en tout tems. C'est-à-dire, que, fi l'on eft réduit à s'aquitter en même tems de deux Obligations, dont l'une ne puiffe être bien accomplie qu'en ce moment-là, au lieu qu'il n'importe en quel tems on effectue l'autre; il faut renvoier l'exécution de celle-ci, & fatisfaire pour l'heure à la premiére. Mais, pour prévenir un conflict, qui engageroit néceffairement à violer l'une des deux Loix, on doit prendre garde de ne pas preferire, à une feule & même perfonne des chofes différentes, qu'il eft impoffible d'exécuter en même tems, & dont

§. XXII. (1) Mais, comme le remarque 7. Fred. Gronovius, dans une Note für Grotius, ce n'eft pas non plus ce que Ciceron veut dire : il entend parler d'une chofe, nuifible, felon le jugement de toutes les perfonnes de bon fens, & non pas feulement dans l'imagination de l'auteur de la Promeffe. 11 eft certain, du moins, que, dans tout le difcours de Ciceron, il n'y a rien qui empê che qu'on n'explique sa pensée de cette maniere.

§. XXIII. (1) Plus enim valet fanctio permiffione. Auctor ad Herenn. Lib. II. Cap. X. Voicz Quintilien, Declam. CCCLXXIV. Nam id quod impératur, neceffarium: illud, quod permittitur, voluntarium eft. Cicer. de Inventione, Lib. II. Cap. XLIX. Ces derniéres paroles font partie d'un grand paffage, d'où Grotius a tiré toutes fes Regles, qu'il ne fait que ranger dans un meilleur ordre. Je rapporterai, fur chaque Régle les paroles de Ciceron, qui s'y rapportent; ce que notre Auteur fait, mais non pas par tout. Il eft vrai qu'il cite le paffage entier, à la

aucu

fin du Chapitre: mais, outre que par là il s'engage
dans une repetition inutile; de la inaniere que ce palla-
ge eft place la, il femble qu'il renferme quelque chofe
de nouveau; au lieu que c'eft uniquement le refultat
de tout ce qui a ete dit. Au refte, comme le remarque
Mr. Titius, (Obferv. CCCCXLI.) cette Regle n'eft ve-
ritable qu'en fuppofant, que la Permiflion foit genera
le, & l'Ordonnance particuliere. Car il est certain au
contraire, qu'une Permiflion particuliere l'emporte fur
une Ordonnance générale; la Permiflion, dans ce der-
nier cas, formant une exception à l'Ordonnance, com-
me dans le premier cas P'Ordonnance reflèrre l'eten-
due de la Permiffion.

(2) Deinde ex Lege utrùm ftatim fieri neceffe fit: utrùmm
habeat aliquam moram & fuftentationem. Nam id, quod
ftatim faciendum eft, perfici prius oportet. Cicer. de Invent
Lib. II. Cap. XLIX.

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(a) voicz Char

fe, Liv. 1. Chap

ron, de la Sagef

XXXVII. §. 5.

(b) Que. Roman. in fin. P.

291. C.

(c) Mahomet le

defend, dans l'Alcoran. Je ne

learius rapporte

L. V. C. 31.
Voiez Leon de
Modene, de Rit.

§. I.

aucune cependant ne fauroit être différée. C'eft fur ce principe que Plutarque répondant à la queftion, pourquoi autrefois, parmi les Romains, il n'étoit pas permis aux Prêtres de Jupiter de fe mêler du Gouvernement de la République; dit judicieufement (b), que les fonctions des Prêtres étant fixes & limitées, au lieu que celles des Rois ne font bornées à aucun tems ni à aucun nombre; fi un feul & même homme eût été en même tems Prêtre & Roi, il n'auroit pu vaquer en même tems aux affaires de l'Etat,& aux fonctions facerdotales, qui fe feroient néanmoins fouvent rencontrées dans le même moment; & ainfi, en ce cas-là, il auroit fallu néceffairement qu'il négligeât les unes, pour penfer aux autres. Car en ce temslà les Prêtres n'avoient pas encore trouvé le merveilleux fecret de jouir à leur aife des honneurs & du revenu de leur Charge, en fe repofant fur des Vicaires de toute la peine & de toutes les fonctions, qui y font attachées.

3. Une Loi qui défend, eft préférée à une Loi qui ordonne (3). C'est-à-dire, que fi l'on ne peut obéir à une Loi Affirmative, fans violer une Loi Négative, il faut fe difpenfer de fatisfaire à la premiére, ou en renvoier l'accompliffement, jufques à ce qu'elle ne fe trouve plus en concurrence avec l'autre. La raison en eft, que les Loix Négatives impofent une Obligation perpétuelle & invariable; au lieu que les Loix Affirmatives fuppofent une occafion favorable, qui eft cenfée manquer, lors que l'on ne peut les accomplir fans violer quelque autre Loi; de forte que, tant que les chofes fe trouvent ainfi difpofées, l'obfervation de ces fortes de Loix eft regardée comme moralement impoffible. Ainfi il n'eft pas permis, par exemple, de faire du tort à autrui, ou de manquer à fa parole, pour l'intérêt d'un Parent, ou d'un Ami, ou pour avoir dequoi faire du bien, ou dequoi temoigner fa Reconnoiffance à ceux de qui l'on en a reçû. C'eft une Charité bien malentendue que de dérober, par exemple, du cuir, pour chauffer les pauvres (c).

4. De deux Conventions on deux Loix d'ailleurs également obligatoires, il faut donner fai pourtant, fi la (4) préférence à celle qui eft la moins générale, & qui approche le plus de l'affaire, dont l'on peut ap il s'agit. En effet, les Loix particuliéres reftreignent les générales à quelque chofe de spéprouver ce qu'te cial & de déterminé. Grotius ajoûte, qu'en matière de défenses; celle qui eft expreffément de Schach Abas, accompagnée de quelque peine doit l'emporter fur celle à laquelle on n'en a point attadans fon Voiage, ché (5); & celle, qui porte une plus grande peine, à celle qui en porte une moindre. Mais cette maxime ne paroit pas bien fure. Car une défenfe, qui n'eft accompagnée d'aucune peine, ni déterminée, ni arbitraire, eft fort inutile, & de bien peu d'efficace. D'ailHeb. P. V. C. V. leurs, la Régle, que de deux maux il faut choifir le moindre, ne peut pas proprement être appliquée au Mal Moral, ou aux Péchez. Ainfi je ne vois pas qu'elle puifle avoir lieu ici, à moins qu'on ne l'entende en ce fens; que, dans un cas, où il faut nécellairement faire l'une ou l'autre de deux choses défendues, il eft permis de faire celle dont il importe le moins de s'abstenir. En voici un exemple. Suppofons deux Loix, dont l'une défende de paroître en public avec des armes pendant les jours de fête; & l'autre ordonne, qu'aussitôt qu'on entendra fonner le tocfin, on forte de chez foi, pour le mettre fous les armes. On fonne le tocfin un jour de fête. En ce cas-là, la derniére Loi forme une exception à la premiére, d'où l'on infére, que, quand il eft défendu de paroître en public avec des armes pendant les jours de fête, il faut foufentendre, à moins que le Magiftrat ne fasse fonner le tocfin..

5. Quand il fe trouve du (6) conflict entre deux Devoirs, dont l'un eft fondé fur des rai

(3) Deinde utra Lex jubeat, utra vetet. Nam fæpè ea, que vetat, quafi exceptione quadam corrigere videtur illam, qua jubet. Ibid. Il faut encore diftinguer ici, fi les Loix, qui defendent, ou qui ordonnent, font générales, ou particulieres. Voiez ci-deflus, Note 1.

(4) Deinde utra Lex de genere omni; utra de parte quadam; utra communiter in plures; utra in aliquam certam Tem fcripta videatur. Nam qua in partem aliquam, & qua in certam quandam rem fcripta eft, premtiùs ad caufam

fons, accedere videtur, & ad judicium magis pertinere. Ibid. (5) Deinde in utra Lege, fi non obtemperatum fit, pæna afficiatur, aut in utrå major pæna ftatuatur. Ibid.

(6) Primum igitur Leges oportet contendere, confiderando, utra Lex ad majores, hoc eft, ad utiliores, ad honeftiores ac magis neceffarias res pertineat. Ex quo conficitur, ut, fi Leges dus, aut fi plures, aut quotquot crunt, confervari non poffint, quia difcrepent inter fe; ea maximè confervanda putetur, qua ad maximas res pertinere vidcatur. Ibid.

(7) Cette

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