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nyme dans l'Ain, a un nom dans les Deux-Sèvres : C'est Mlle de Luxembourg, et elle demande à son « papa » cinq ou six sous.

Pour les donner à mon geôlier,

Qu'il me desserre un peu les pieds.

Ce n'est certainement pas en Bresse que le thème populaire a trouvé son expression la plus pittoresque ou la plus touchante. Comparez, par exemple, le Déserteur de la collection Guillon, avec le Soldat par chagrin, des chansons du Poitou, recueillies par J. Bujeaud. Il y a la différence d'un squelette à un homme vivant. Que sont devenus ces adorables et navrants couplets qui faisaient pleurer Murger?

Celui qui me tuera

Ce s'ra mon camarade;
Il me band'ra les yeux
Avec un mouchoir bleu,
Et me fera mourir
Sans me faire souffrir.

Que l'on mette mon cœur
Dans un serviette blanche;
Qu'on le porte à ma mie
Qui demeure au pays,
En disant C'est le cœur
De votre serviteur.

Il n'y a, dans les chants d'aucune nation, rien de plus naïf ni de plus poignant. Cette chanson, qui doit dater des guerres du premier Empire, a un dernier couplet que Bujeaud ne donne pas et qui est peut-être plus moderne et d'un jet moins spontanė. Le soldat, après avoir envoyé son cœur à sa mie, recommande qu'on ne dise pas sa mort à sa mère, mais qu'on lui dise plutôt que les Anglais l'ont fait prisonnier et qu'elle ne le reverra jamais. Il ajoute :

Soldats de mon pays,
Dites-le-z-à mon père;
Mais dites-lui surtout
Que je suis mort debout,
Afin qu' sa croix d'honneur
N'ait pas de déshonneur.

Les poètes cultivés et mondains ne dédaignent pas parfois pourquoi ne le font-ils pas plus souvent? de profiter des inspirations de la muse populaire; et il arrive que ce qui égaye et charme les veillées des paysans de nos provinces vient se faire applaudir à l'Opéra-Comique par les élégants de Paris. Tout le monde connaît le ravissant duo de Mireille, où l'amant se transforme pour suivre les transformations de la bien-aimée, et où, lorsque celle-ci veut mourir et n'être plus qu'un cadavre, il s'écrie :

Alors je me ferai la terre,

Et je t'aurai!

La même idée pratique est développée dans la chanson intitulée Mignonne, avec moins de force peut-être, mais avec plus de grâce campagnarde et

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M. Bonnefoy tel est le nom de l'auteur avait cru longtemps à l'existence d'une Providence, d'une sorte d'être pensant, sentant, voulant, et tout se faisant pour le plus grand bonheur de l'humanité. 11 était naïf. Cinq mots murmurés à son oreille, cinq mots, ou bien les trois seulement et ses « yeux se sont dessilles »; il a vu. Maintenant, il croit à l'existence d'un être pensant, sentant, voulant, et tout se faisant pour le plus grand dommage de tout ce qui vit, de tout ce qui se meut; et cet être, il l'a nommé, c'est LA NATURE.

Il a vu, il n'est plus un naïf; il dit son fait à la nature dont il sait la loi; et, puisqu'il la déteste, qu'il l'abhorre, il lui crie sa haine.

Tous les vers du volume ne sont pas mauvais et quelques pièces ont du mouvement. Nous citons quelques strophes de la dernière.

Il se peut que mes vers ne soient pas nécessaires,
Et n'aient ni grâce ni vigueur,
Mais je puis affirmer du moins qu'ils sont sincères
Et qu'ils ont jailli de mon cœur!

Car je ne pose pas pour la désespérance :
Lorsque ma voix crie ou gémit,
C'est qu'elle est un écho de ma vive souffrance,
C'est que mon âme alors frémit.

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Voici, pour les curieux de bibliographie qui ne s'en doutent probablement pas, la liste des œuvres de M. Gustave Chatenet :

Mes premières ailes (1842);

Les Véridiques, satires (1843);

Le Club au village, quatrième édition (1848); Le Roi de Naples devant l'opinion publique (1851). Depuis 1851, la voix de M. Gustave Chatenet ne s'était plus fait entendre, sans que pour cela on s'aperçut qu'il y eût une note de moins dans le concert humain. Il reprend aujourd'hui la parole, ayant des choses rares à nous dire. Et d'abord c'est une «< comédie satirique en deux actes et en vers, avec prologue et parabase, extraite des Thesmophories d'Aristophane »; puis des scènes dialoguées, comme «le Dernier jour de Beethoven »; « l'Épreuve maternelle »; « Un Mauvais rêve, comédie en un acte >> ; << Bahram-Gur, opéra lyrique »; « la Prise de tabac, pochade »; « la Femme politique »; des poésies diverses, une «< Épître aux souverains de Prusse et d'Autriche » intitulée Sadowa; une autre Épître à Jules Janin à propos de la Légende des Siècles; des Fables, etc., etc.

Tout cela forme un gros volume, comme bien l'on pense. Je ne conseillerai ni ne déconseillerai à personne de le lire. L'auteur compose des vers d'amateur qu'il fait ensuite imprimer. Il y a des lecteurs pour qui tout est pâture et qui s'accommoderont de celle-là comme d'une autre. Au point de vue de l'art, d'ailleurs, tout cela n'est ni bon ni mauvais, ni moral ni immoral, ni beau ni laid, car, au point de vue de l'art, tout cela n'existe pas.

B.-H. G.

MELANGES

Euvres de J. Joubert. Correspondances-Pensées. 2 vol. in-18. Paris, librairie académique Didier et Cie. Prix: 7 francs.

Voilà la septième édition de cet ouvrage admirable, resté si longtemps inédit après la mort de l'auteur, et dont le premier éditeur privé fut Chateaubriand. Les Euvres de Joubert ne sont pas destinées au gros public, c'est de la quintessence de délicatesse et du sublime dans le domaine de la pensée; mais chez tous les esprits élevés, Joubert sera mis au premier rang de la bibliothèque, feuilleté tous les jours ou savouré tous les soirs. On sait que le premier recueil des Euvres de Joubert ne formait qu'un mince volume in-8o; depuis cette édition princeps, l'éditeur littéraire et le neveu de Joubert, M. Paul de Raynal, ne s'est pas ralenti un seul instant dans son travail d'investigation parmi les papiers de son oncle et cette dernière édition en deux volumes (un volume de Correspondances et un volume de Pensées) est aussi complète que possible.

Il est peu probable aujourd'hui qu'on retrouve à glaner après M. Paul de Raynal et l'œuvre de Joubert est définitivement constituée.

Z.

Nos grands Hommes, Portraits et Biographies, Récompenses scolaires; collection A. PRUNAIRE, Ire série. Librairie classique Ract et Falquet.

Le ministère de l'instruction publique s'est grandement occupé de l'instruction primaire et des écoles depuis quelques années; on ne saurait méconnaître son initiative ardente sur toutes les questions d'éducation scolaire. A cette initiative publique se joignent les initiatives privées, et des ingénieuses entreprises, toutes en faveur de l'enfance, naissent chaque jour et se développent heureusement dans toute la France. Ce nous est donc un plaisir très grand que de signaler aujourd'hui à l'attention de tous nos lecteurs une excellente publication qui commence à paraître et qui, nous l'espérons, sera couronnée du plus vif succès.

Sous ce titre: Nos grands Hommes, Portraits et Biographies, M. Alfred Prunaire, le graveur distingué, entreprend une collection de récompenses scolaires qui a été immédiatement honorée d'une souscription du ministère de l'instruction publique. Cette collection paraît par série de douze portraits d'hommes illustres on pourrait dire douze tableaux en couleur, tirés sur très beau bristol au verso

desquels se trouve une biographie très concise écrite par un écrivain compétent, ces gravures instructives sont destinées à servir de bons points aux élèves studieux; c'est une récompense toute nouvelle et très heureuse; aussi le Panthéon Prunaire sera-t-il accueilli à merveille par tous les petits bonshommes qui s'apprennent à grandir moralement et à devenir bons citoyens. Tous ces portraits sont dessinés par nos grands peintres modernes dans la première série, Gérome a signé le Molière; G. Boulanger Cornélie; Olivier Mersons Clémence Isaure; E. Toudouze Eustache Lesueur, et le reste à l'avenant. Théodore de Banville, Philippe Burty, A. de Lassalle, Alcide Bonneau, etc. sont les historiographes de cette première série; on voit que les littérateurs sont à la hauteur des illustrateurs.

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Parti pour un voyage d'exploration dans les basfonds et les mauvais lieux de Paris, M. Louis Barron est revenu de son expédition, sain et sauf comme il s'en était allé, mais avec un carnet de notes qu'il a condensées, réunies, et dont il a fait un volume qu'il a intitulé Paris-Étrange.

On sait comment se font ces voyages on part accompagné d'un ancien agent de police quelconque auquel on a trop souvent le tort de se confier aveuglément.

Le cicerone de M. Barron a été un sieur Lapince (niez donc l'influence des noms'), ancien agent du service de sûreté.

Nous craignons que cet ancien policier n'ait conduit son touriste à travers des sentiers trop battus. Le Château-Rouge, l'établissement du Père-Lunette, les bals d'Austerlitz et Duvert, les garnis des ruelles Maubert ou Maître-Albert ont déjà fait l'objet de nombreuses descriptions.

Ce qui nous a frappé dans le volume de M. Barron, c'est le chapitre consacré à la maison du BonPasteur, maison qui recueille, comme on le sait, les filles perdues. S'il en faut croire M. Barron, les punitions les plus terribles sont infligées dans cet établissement; on priverait les rebelles de nourriture et on irait jusqu'à leur mettre sur les reins un cilice de fer à pointes aiguës qui pénètrent dans les chairs; on les punirait aussi en leur faisant nettoyer des crachats à genoux, avec la langue.

M. Barron est-il bien sûr que ces tortures soient infligées aux pensionnaires du Bon-Pasteur?

Nous attendons avec curiosité ce que ne manquera pas de dire sur cette maison M. Maxime du Camp qui, poursuivant ses études sur Paris, parcourt en ce moment les établissements hospitaliers de la capitale et fait de ses visites l'objet de monographies que publie la Revue des Deux Mondes.

BIBL. MOD.-V.

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M. E. Talbot a voulu donner dans cet ouvrage un tableau complet, quoique en raccourci, de la langue et du génie littéraires de Rome, depuis les origines de cette ville jusqu'à la chute de l'empire romain d'Occident. Le but principal de ce volume est d'instruire la jeunesse; mais il ne manquera pas d'inté resser tous ceux qui s'adonnent à l'étude sérieuse de notre littérature nationale. Pour dégager l'utilité d'une telle histoire, il suffit de se rappeler que « les Romains ont créé, suivant l'expression même de M. Talbot, une langue et une littérature qui vit et qui respire dans nos entretiens de chaque jour, dans nos institutions civiles et dans nos chefs-d'œuvre français. »

Le plan de cet ouvrage ne laisse rien à désirer au point de vue de la logique et de la commodité. M. Talbot évite en effet de morceler les écrivains; il s'évertue, à nous présenter les auteurs dans leur ensemble et avec leur œuvre entière; et comme presque toujours l'œuvre d'un écrivain est étroitement liée à sa vie et expliquée par elle, le nouvel historien de la littérature romaine fait précéder chacune de ses analyses d'une notice biographique. Il s'est souvenu aussi que l'histoire d'une littérature, sous sa forme narrative, n'est que l'opinion d'un critique; empreint de cette idée que les textes des auteurs sont la littérature même, il cite les passages les plus caractéristiques des ouvrages dont il veut faire apprécier à ses jeunes lecteurs les mérites ou les défauts.

C'est en joignant, chose remarquable, le résultat de ses recherches personnelles au souvenir des leçons des Villemain, des Patin, des Nisard, des Pierron, des Boissier, que M. E. Talbot, disciple heureux, a su écrire un livre nouveau. Il a réussi à donner une couleur toute locale à ses idées et à son style.

L. B.

Livre de Lectures choisies en prose et en vers, à l'usage des jeunes écoliers. Paris, Alphonse Le merre, éditeur, 27-31, passage Choiseul, 1883.

Il y a plus d'un quart de siècle qu'on a pris l'habitude de mettre entre les mains des écoliers des recueils de morceaux choisis de prose ou de vers empruntés à nos bons écrivains. En elle-même cette méthode est excellente; elle procure aux élèves de très grands avantages, et le premier, le plus notable, c'est la difficulté d'imitation.

Dernièrement encore, ces recueils avaient le tort immense de ne reproduire que des fragments d'œuvres de poètes et de prosateurs des deux derniers siècles. De la sorte, ces études littéraires circonscrites à certains écrivains produisaient un résultat fort éloigné de celui que l'on s'était proposé. En mettant sous les yeux des élèves des morceaux presque iden tiques de forme, on arrivait à façonner ces jeunes

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intelligences à des formules et à des artifices de style qui leur donnaient à toutes une manière d'écrire uniforme, manière correcte si l'on veut, mais dépourvue de tout caractère de jeunesse et d'originalité. « Les meilleurs élèves, en sortant des lycées, ont presque tous le style vieux, disait un ancien professeur de l'Université; ils n'écrivent pas assurément comme Fénelon, Massillon, Fléchier et Buffon; mais ils ont dans la mémoire la forme habituelle de leur style, l'ordinaire arrangement de leurs phrases, l'enchaînement, le nombre et l'harmonie de leurs périodes, et ils reproduisent à leur insu une classique imitation de ces écrivains qui, probablement, s'ils vivaient aujourd'hui, écriraient eux-mêmes d'un tout autre style. »>

L'auteur du Livre des lectures choisies, comprenant combien était défectueuse la méthode de ses prédécesseurs, a fait de nombreux emprunts à tous ceux des prosateurs et des poètes du XIXe siècle dont le nom se recommande par des œuvres tout au moins distinguées. Citons au hasard : Victor Hugo, Leconte de Lisle, Alfred de Vigny, Sully Prudhomme, etc.

De la familiarité établie entre les élèves et la plupart des écrivains modernes, leurs contemporains, les premiers apprendront à parler et à écrire la langue de leur siècle et de leur temps, dans sa forme la plus correcte et la plus pure.

L. B.

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Le Tintamarre en volume in-18. C'est d'une folie pleine de bon sens, d'un bête très spirituel et d'un amusant à dormir debout. D'aucuns préfèrent s'en tenir les côtes.

Pour ne pas sortir de cette série d'antithèses et de contradictions déroutantes, mais exactes, ce livre a un défaut qui est en même temps une qualité. Il est semé d'allusions ironiques ou grotesques à tout ce qui s'est passé dans la littérature, les arts, la politique et l'industrie depuis quarante ans; de sorte que les nouveaux venus mal stylés, les niais, comme on dit en fauconnerie, ont peine à comprendre ou ne comprennent pas du tout, tandis que les vieux, les archéologues du boulevard, qui ont fouillé les antiquités de la chronique jusqu'à la profondeur de deux générations, y trouvent un ragoût alléchant et une ravigotante saveur.

Nadar a donné des portraits merveilleux, qui sont des caricatures, de même que les biographies sont des charges.

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Littérature orale de la basse Normandie (Hague et Val de Saire), par JEAN FLEURY. Un vol. petit in-8°. Paris, Maisonneuve et Cle, 1883.

Les progrès de la civilisation font peu à peu disparaître les vieilles traditions, les antiques légendes.

Les bibliophiles, les historiens, les simples curieux doivent donc bien de la reconnaissance à l'éditeur Maisonneuve pour avoir eu l'excellente idée de former une collection de livres consacrés aux littératures populaires de toutes les nations.

Avant l'apparition du présent volume, la collection comptait déjà plusieurs recueils de légendes françaises la Littérature orale de la haute Bretagne, les Légendes chrétiennes de la basse Bretagne, les Poé sies populaires de la Gascogne, les Traditions et superstitions populaires de la haute Bretagne. Voici que, pour compléter cet ensemble, M. Jean Fleury nous transporte dans la basse Normandie. Son travail se divise en deux parties distinctes: les Récits et les Chansons. Les Récits comprennent des légendes, traditions, féeries et contes plaisants. Signalons, dans les féeries, une nouvelle version de l'histoire de Psyché. Quant aux Chansons, elles se composent de ballades, bergeries, chansons galantes, rondes, etc. Il va sans dire que tous ces morceaux ont été reproduits textuellement, tels qu'ils avaient été fournis à l'auteur. M. Jean Fleury a, du reste, le respect des textes même pour les contes en prose, il s'est efforcé « de conserver les allures du récit, les tournures des phrases et même les expressions de ses conteurs, sauf à les traduire dans une note ou à les expliquer dans une périphrase ».

Le volume se termine par une série de devinettes, proverbes et dictons du pays cachant, pour la plupart, un sens profond sous une apparence de naïvetė.

P. C.

Choix de textes pour servir à l'étude des ins

titutions de la France, conformément au programme de la classe de rhétorique, par F. CORRÉARD, ancien élève de l'École normale, professeur agrégé d'histoire au lycée de Clermont-Ferrand. Paris, Delalain frères.

L'enseignement de l'histoire, avait dit il y a deux ans l'homme d'État le plus éminent qui ait dirige le ministère de l'instruction publique, doit tendre, surtout dans les hautes classes, à faire connaître les institutions, les mœurs, les usages; mieux vaudrait insister moins sur les menus événements et sur le détail des faits de gnerre; ce qu'il importe aux professeurs de mettre en lumière, c'est le développement général des institutions d'où est sortie notre société moderne. M. Corréard s'est inspiré des recommandations de l'instruction ministérielle.

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des trois ordres, et de ces documents excellemment choisis il a donné, tantôt de longs extraits, tantôt quelques phrases seulement : ce sont des passages des discours de Savarou et Mirou, des fragments du Testament politique de Richelieu, des pages empruntées aux Mémoires de La Rochefoucauld et du cardinal

de Retz, à la Politique tirée de l'Écriture sainte, aux mémoires encore de Colbert, de Saint-Simon, aux

opuscules de Turgot; puis des édits et arrêts, puis des relations du temps. Chacun de ces extraits est précédé ou suivi de récits et d'exposés historiques qui les rattachent; des notes biographiques, historiques, géographiques illustrent le texte.

Dire que M. Corréard a composé un livre utile, ce ne serait qu'exprimer la moitié de notre pensée; il a fait le livre nécessaire, indispensable.

F. G.

BEAUX-ARTS

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Une immense enceinte crénelée, en forme de pentagone irrégulier, appuyant l'un de ses grands côtés à a Moskova, bordée par de vastes jardins et de longs boulevards, contenant en cinq grandes agglomérations de bâtiments, à l'aise parmi de larges espaces, trois cathédrales, vingt et une églises, deux monastères, cinq palais impériaux avec leurs dépendances, un palais de justice, des casernes, des monuments commémoratifs, dix-neuf tours: tel est l'ensemble d'édifices dont se compose le Kremlin, qui n'est donc point, comme on le croit généralement, un palais proprement dit.

ans

les

Fonctionnaire russe, vivant depuis huit au milieu de ces monuments, les admirant, aimant, comprenant leur importance historique, pénétré de tous les souvenirs qu'ils évoquent, possédant de suffisantes notions d'architecture, d'archéologie et d'art, M. Fabricius a eu l'excellente pensée d'écrire et de publier cette monographie du berceau de l'empire moscovite, d'en esquisser l'histoire depuis cinq siècles, et de nous renseigner sur les trésors que protègent les voûtes de ses palais et de ses cathédrales. Assurément on a beaucoup écrit sur le Kremlin, mais il n'a encore été l'objet d'aucune publication spéciale; l'énormité de la tâche avait sans doute fait reculer bien des bonnes volontés. Ce n'est donc pas une banale complaisance qui nous conduit à dire que le livre de M. Fabricius « comble une lacune »; le fait est vrai. Il est clair que si l'auteur avait dû étudier toutes choses par le menu, la matière d'un volume n'eût pas, à beaucoup près, suffi à remplir un tel cadre. Ce travail a donc le caractère d'une esquisse vivement peinte plutôt que d'un tableau minutieusement achevé; mais chaque chose y est indiquée à sa place et, malgré la rapidité du récit, les événements y prennent leur exacte importance. Les traits de mœurs

y_abondent, rapportés avec une sobriété de diction qui est loin de rien enlever à la grandeur des faits; ceux-ci parlent d'eux-mêmes. Telles sont notamment les pages où M. Fabricius raconte comment Striechnief, pauvre gentilhomme, réduit à labourer lui-même son champ, reçut, étant à la charrue, les envoyés du tsar venus pour lui annoncer que Michel Feodorovitch choisissait sa fille pour fiancée; tels encore la généreuse entrée de Nicolas Ier à Moscou terrifié par le choléra, et le jeu de scène muet, soudain, où se traduit l'émotion de Napoléon devinant que l'incendie de la ville n'est pas causé par le hasard.

En si peu de pages l'auteur a dû se refuser le plaisir de décrire les monuments du Kremlin; il supplée à la description par l'image. Les dessins sur zinc on l'aspect de croquis un peu lourds; cette lourdeur même rend souvent mieux que ne le ferait un travail de plume soigné, mais fade, le style massif des constructions; parfois cependant il y a excès. Les vues d'ensemble obtenues par la photogravure complètent la série des documents graphiques et éveillent l'exacte sensation pittoresque du panorama de la ville et celle de bien curieux intérieurs décorés de colonsomptueusement peintes. Le texte, sorti des presses de Th.-J. Hagen, de Moscou, est imprimé avec soin, d'un tirage égal; à être interligné un peu plus, il eût gagné de paraître moins compact; si la correction laisse çà et là à désirer, il ne faut pas oublier que Moscou est à 3,000 kilomètres de notre Paris, où les correcteurs typographes ne sont pas non plus d'une infaillibilité toujours absolue.

nes

E. C.

François-Auguste Charodeau, peintre et sculpteur, 1840-1882, par M. ULRIC-RICHARD DESAIX. Avec deux fac-similés d'autographes. 1 vol. in-8° de 52 pages, sur papier vergé. Des presses de A. Majesté, imprimeur à Châteauroux, 1883. Sans nom d'éditeur.

Le nom de cet artiste, mort à cinquantedeux ans, n'est pas illustre; il restera néanmoins dans la mémoire des vignerons du Berry. Charodeau est fils de l'un d'eux, d'un brave vigneron d'Issoudun

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