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la réunion de la salle Pétrelle, il aurait été défendu par un conseiller municipal présent à cette réunion; « Qu'à la vérité, il est question dans ce compte rendu d'un vol de caisse que chacun des partis politiques dont certains membres ont assisté à la réunion impute d'une façon générale à ses adversaires politiques; mais que, sur ce point et à ce sujet, le nom de Nicoullaud n'a été nullement prononcé;

« Que Nicoullaud n'avait donc aucun intérêt à exiger l'insertion d'une réponse relative à deux faits dont l'un est sans importance, l'autre lui est étranger; d'où il suit qu'Imbert a été fondé dans son refus. >> Cette manière de juger serait peut-être un frein à l'abus du droit de réponse.

Les mémoires de Viel Castel.

A la fin de décembre 1882, on a mené grand bruit d'une saisie qui avait été faite sur les mémoires de M. de Viel Castel.

Ces mémoires avaient été publiés à Berne, chez Hallet, par Mme d'Evremond de Bérard. Introduit en France, l'ouvrage avait été saisi, l'on ne sait trop comment, par voie judiciaire ou administrative, à la requête de M. Hébert, curateur de la succession Viel Castel.

Mme Bérard a assigné M. Hébert devant le tribunal civil. Elle demande la nullité de la saisie et 10,000 fr. de dommages-intérêts.

Me Le Senne s'est présenté hier pour la demanderesse. Il a déclaré qu'avant de plaider la cause au

fond, il entendait obtenir du défendeur communication de l'ordonnance ou de l'arrêté qui avait précédé la saisie.

Le tribunal a ordonné que cette communication fût faite et a remis à huitaine pour les plaidoiries.

La chambre des appels de police correctionnelle a infirmé le jugement par lequel la dixième chambre du tribunal s'était déclarée incompétente pour connaître de la plainte en diffamation portée par M. Rodriguez Rubi, consul d'Espagne à Paris, contre l'auteur, l'éditeur et le distributeur de la brochure intitulée les Ducs de la Torre et le mariage de leur fils.

On sait que la dixième chambre avait assimilé les consuls étrangers aux fonctionnaires publics français et en avait conclu que les diffamations commises à leur égard, à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, relevaient de la cour d'assises.

La cour n'a pas admis cette doctrine, « considérant que, si c'est une des conditions de notre liberté civile que des dépositaires du pouvoir ne puissent se plaindre d'être diffamés à raison de leur gestion sans venir soumettre leurs actes au jugement de l'opinion publique exprimé par le verdict du jury, cette règle, fondée sur des raisons d'ordre purement politique, n'est point susceptible d'être étendue aux consuls étrangers, lesquels ne sont pourvus d'aucune autorité en France, si ce n'est vis-à-vis de leurs natio

naux. >>

Évoquant ensuite la cause, elle a remis à quinzaine pour les débats au fond.

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«Depuis quelque temps, celui que notre jeune école revendiquait pour un de ses chefs, - retiré de la lutte, lui, - semblait déjà ne plus nous appartenir; ce solitaire s'était peu à peu concentré en lui-même, vivant dans une misanthropie douce, et son âme, sa grande âme, de jour en jour se détachait de son pauvre corps brûlé par la maladie.

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Aujourd'hui il est mort. Son esprit s'est envolé vers les sphères supraterrestres auxquelles, dans sa sérénité de croyant, il aspirait avec tant d'ardeur. Il s'est élevé dans les hauteurs, dans le mystérieux «au delà », laissant derrière lui son œuvre méditative qui plane comme un grand oiseau mélancolique.

« Laissez filer le ver à soie, écrivait-il. Ne courez pas autour du nid. Ne touchez pas à l'oeuf de la couveuse. Ne criez pas quand l'oiseau est sur la branche. Ne rompez pas le fil qui tient la chrysalide au rebord du mur. Ne marchez pas sur la glace alors qu'elle est fragile. Ne sifflez pas quand les grues émigrantes cherchent une contrée hospitalière. Ne gravez pas votre nom dans la tendre écorce de l'arbre alors que la sève printanière se porte à sa cime. Ne sautez pas sur la barque qui porte son fardeau. Laissez la neige couvrir la mousse qui doit reverdir. Vivez en paix avec le

BIBL. MOD. - V.

respect du travail d'autrui, et recueilli en votre

œuvre. >>

Ainsi débutait, à la manière d'un chant funèbre, la notice que, dans son numéro du 20 mai, au lendemain même de la disparation d'Octave Pirmez, la Revue Moderne consacrait à ce grand mort. Si j'en ai transcrit les premières lignes, c'est pour montrer les liens profonds qui unissaient celui qu'on appelait le solitaire d'Acoz en Belgiqué au groupe en qui s'est révélé si inopinément le don des initiatives littéraires.

En les écrivant, Max Waller était encore sous le coup de la solennelle émotion des funérailles promenées là-bas sous les grands chênes de la retraite où le poète, depuis bientôt quinze ans, avait concentré sa vie. Mêlé au douloureux cortège, parmi les fronts hâlés des villageois accourus des alentours dans un élan de pieuse reconnaissance pour la souveraine bonté et l'inépuisable charité de leur châtelain, il avait suivi, entre les haies fleuries d'aubépine, l'âme méditative qui s'en retournait au giron de la nature.

Tous les deux retenus, lui par l'absorbant souci des affaires auxquelles il a voué sa vie, moi par les obsessions d'un cruel anniversaire, nous l'avions chargé, Edmond Picard et moi, de nous représenter dans cette grande maison vide, naguère animée par l'incessante veille d'un des plus

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pensifs esprits de ce temps et où seule, chargée d'ans, une mère demeurait pour pleurer, en une muette attitude irrésignée, le brusque évanouissement de l'existence commune. Mais si cette partie de nous-mêmes qu'enchaînaient, loin de notre ami expiré, les nécessités tristes de la vie, n'avait pu rompre ses entraves, nos cœurs, du moins, accompagnèrent, sur cette route de gloire et de deuil, le roulement du char emportant à la tombe, du pas de ses quatre chevaux parés de flottantes draperies azurées par je ne sais quel consolant adoucissement aux familières couleurs de la mort, le grand rêve brisé du hautain et doux visionnaire.

Lié à lui d'une vieille amitié qui remonte au temps de mes débuts, il m'appartenait de consigner, dans ces notes écrites sous l'impression de nos naissantes agitations littéraires, l'espèce de consternation qui a suivi le brusque écoulement de cette vie de travail et de contemplation. Toute vouée au silence qu'elle fût, on la sentait, à travers les conditions si différentes de son évolution spirituelle, mêlée aux querelles bruyantes qui préparaient l'avènement au sein de notre jeune école. Ainsi que d'un observatoire placé dans les régions supérieures, en ces altitudes de la pensée où se complaisait le vol de son esprit, toujours éveillé au fond des songeurs comme lui, il regardait du haut de sa sérénité, en apparence inaccessible aux fièvres humaines, les alternatives du combat que livraient contre les vieilles routines de généreuses intelligences éprises d'indépendance et de clarté. Les lettres qu'il leur écrivait, toutes chaudes d'encourageante sympathie, dans cette noble écriture mesurée qui avait le nombre et la magie des vers, le montrent attentif aux initiatives naissantes, avec une prédilection marquée pour les audaces révolutionnaires.

On l'a dit timide, mais sa timidité n'était peutêtre qu'une pudeur dont il s'enveloppait luimême, quitte à s'en affranchir quand sa personne n'était plus en jeu. Non seulement sa correspondance, mais ses livres d'un si ferme jugement et d'une pensée si mûre battent constamment en brèche les conventions, comme des glus malsaines accrochées au tronc de l'art et de la société. Son ens admirable de l'éternel vrai lui faisait presentir les solutions, partout où le sphynx humanité propose ses problèmes; et retenu seulement, dans le domaine de la philosophie religieuse, par d'anciennes et profondes racines, à un spiritualisme contre lequel se butait son indépendance native, il obéissait, dans toutes ses autres recherches, à l'instinct d'un penseur épris de mouvement et de progrès.

Je me souviens d'une de ses plus belles pages où, méditant sur les conditions de l'art, il les ra

mène à un réalisme intuitif et attendri, lui qu'un parti, acharné à se choisir des alliances jusque dans les consciences les plus antipathiques à son parti pris d'obscurantisme, représentait comme uniquement imbu de psychologie mystique.

La vérité, c'est que Octave Pirmez, génie aristocratique et fin, avait, à l'égard des théories utilitaires dans lesquelles certains esprits à courte vue mettent le salut universel, une dédaigneuse pitié il n'admettait pas la vertu des panacées universelles, ayant par-dessus tout le respect de l'individualisme et estimant que chaque homme doit être sauvé par des moyens différents, tirés du mal même qui le consume. Ainsi, il marchait par les sentiers de la pensée, solitaire dans sa conception des destinées de l'humanité comme il l'était dans le train et les habitudes de sa vie.

Nulle existence, d'ailleurs, ne fut plus pleine que la sienne : il n'avait pas assez des heures de la journée pour adorer la nature à travers ses manifestations toujours changeantes, et ses nuits s'employaient souvent à noter les impressions recueillies pendant ses courses dans les bois, au maternel contact de cette terre d'où lui venait sa philosophie. Ame élégiaque et douce, il était surtout sensible aux tristesses voilées des choses; la splendeur joyeuse des apogées le touchait moins. que la pâleur mourante des déclins; et de l'éternité des métamorphoses, alternant la mort et la vie dans une constante succession de composition et de décomposition, sortait pour lui comme l'évidence sensible de la vanité des jours.

L'état véritable de son esprit était une sorte de mélancolie souriante, qui, pour le sensitif s'écoutant vivre à travers l'émotion émanée du monde extérieur, avait ses voluptés. Vous verrez partout s'élever dans ses livres, véritables poèmes d'un accord si parfait de forme et de sentiment qu'ils détonnent parmi les turbulences des œuvres littéraires contemporaines, les tendresses extasiées pour l'éphémère vie des insectes et des plantes; et, comme le poète en lui se doublait d'un philosophe, il rapportait les sensations que ces contemplations faisaient naître dans son cerveau à des pensées plus hautes, soit qu'il cherchât à débrouiller en lui-même les manifestations de sa vie intime, soit qu'il s'appliquât à déchiffrer l'énigme humaine chez les autres.

Je n'ai parlé encore que des inclinations de ce rare et pénétrant esprit il me faudrait dire aussi la clarté et la musique, qui étaient ses moyens d'expression pour se manifester au dehors. Sa langue, mélange exquis de naturel et d'art, s'assouplissait en flexibilités charmantes, comme les vrilles d'un convolvulus, pour embrasser et contenir l'idée. Elle avait tout l'éclat et l'abondance

des images, les floraisons du style, la solidité de la pierre et des métaux. Langue de pur lettré, mettant sa gloire à ciseler dans l'or l'inépuisable caprice de la phrase. Sainte-Beuve en faisait grand cas, la tenant même pour une des plus parfaites que son temps eût connues. Octave Pirmez avait fait paraître alors déjà ses Heures de philosophie et ses Jours de solitude, publiés d'abord en Belgique et qui plus récemment ont été réimprimés à Paris par Plon et la Librairie des Bibliophiles. Deux autres livres devaient suivre : Nemo et les Feuillées. Je ne crois pas que le grand critique les ait connus; ils eussent ajouté encore à l'estime qu'il avait conçue pour le penseur et l'écrivain. Ces quatre livres, à part des fragments que ce difficile et ce délicat a jugés sans doute indignes de demeurer après lui, composent tout l'œuvre de Pirmez : ils suffisent à assurer à son nom cette part de vie dans le temps qui est le lot des âmes loyales, comme les louves demeurées vierges.

Si décevante est la vie que, malgré le vif désir que nous avions l'un et l'autre de nous joindre, toujours quelque empèchement s'est mis entre nous. Je ne le connaissais donc pas plus qu'il ne me connaissait; mais si mes livres m'ont révélé à lui aussi bien que les siens l'ont rendu familier à moi, certes j'ai dù vivre dans sa pensée d'une vie nette et tangible. Fidèle à la pente de son humeur. qui toujours le ramenait à cette silencieuse demeure d'Acoz, uniquement animée du mouvement et du vol des idées, avec son grand parc enseveli sous les mousses et ses bois dont les frondaisons avaient fini par former des enchevètrements de forêts vierges, ses bois ombreux dont la mystérieuse obscurité protégeait jalousement les sensibilités de cet esprit qu'un rien attendrissait, il délaissait le monde ou n'y apparaissait que tout juste assez pour laisser croire à ses amis qu'il n'avait point encore perdu sa forme matérielle. Hélas! il me faudra m'en tenir au portrait que je me suis fait de lui par la lecture de ce Nemo où, abdiquant sa vie personnelle, il essayait de revivre du souffle et des pulsations vitales d'un frère qu'il chérissait par-dessus tout, par la méditation de ses Jours de solitude, empreints d'une grâce mélancolique qui n'était ni la plainte élégiaque de Lamartine ni la sombre rancune de Chateaubriand, mais participait de leur hautaine gentilhommerie à tous deux, enfin par la connaissance et la pratique réitérée de ses Heures de philosophie, d'une philosophie qui vole avec l'o:seau, soupire avec les vents, siffle avec les merles du bois, se confond et s'avive à la circulation de la vie universelle.

La mort m'a ravi le plaisir que j'aurais eu à le voir apparaître lui-même derrière son œuvre : il

s'est dissous dans les premières haleines du printemps, comme si la nature, reconnaissante de la ferveur amoureuse de son poète, avait voulu accorder sa disparition avec l'avènement des nids pour envelopper ses derniers moments de musique et de caresses; il s'est endormi à l'heure du grand réveil, dans un frémissement d'ailes qui dut porter son âme expirée au séjour de toute clarté.

J'ai payé mon tribut à cette mémoire chère; je suis plus libre à présent pour rentrer dans le courant de nos études habituelles. Aussi bien n'aurai-je point à vous signaler d'événement littéraire dans le sens rigoureux du mot : il est bon que l'attention publique se recueille après certaines surprises, et certes la floraison imprévue, — imprévue pour ceux qui, comme nous, n'ont pas suivi le profond travail de la germination, l'imprévue et éclatante floraison des talents auxquels j'ai consacré mon dernier courrier a secoué violemment la légendaire torpeur des esprits belges.

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Pensez donc! Presque au même moment où Georges Eckboud, le rude marteleur de types, le peintre agreste et franc des bords du Polder anversois, le subtil transcripteur des plus fuyantes particularités du milieu flamand, donnait cette note neuve, Kees Doonk, Émile Giraud, tempérament littéraire d'infinies ressources et de prestigieuses adresses, en qui le poète, le sensitif, le maladif amoureux de la chimère se compliquent d'un Ruggieri étincelant, prodiguait les pyrotechnies du style dans son Scribe; Émile Verhæren, nature débordée à la Jordaens, carrait dans les Flamandes son large appétit de la chair, avec de maîtresses truculences de peintre gras, affolé de tons et de couleurs.

C'était trop pour le maigre estomac du public, habitué aux molles gélatines et aux gluantes gibelottes que, de temps immémoriaux, lui servaient les cuisiniers chargés de lui délayer sa pâture intellectuelle. Une dose en plus, et il eût défailli. C'est pourquoi j'estime que Max Waller, l'espiègle et charmant esprit, a fait chose profitable et pour les autres et pour lui, en ne surchargeant pas le festin d'un plat qui, si délicate qu'en fût la sauce, eût infailliblement amené l'indigestion. Il a préféré retarder l'apparition de sa Vie Bête et il a bien fait, puisque cette Vie Bête se détache à présent sur le vide de la table dégarnie, et que le débile viscère, un instant mis à mal par un menu trop copieux, a pris des forces pour s'assimiler de savoureuses et nouvelles nourritures.

Comparé aux viandes juteuses de Georges Eckhouet, aux reliefs pimentés d'Albert Giraud, aux rouges ragoûts d'Émile Verhæren, le morceau rentre dans la catégorie des blanc-manger. Il se

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compose de fines quenelles sentimentales, épicées | j'ajoute la manifestation d'un joli tempérament,

d'un grain de poivre romanesque et liées de fine. fleur de farine betterave: c'est, après les entrées d'emporte-gueule, un plat apaisant, qui n'irrite point le palais et au contraire fait couler, sur les papilles enflammées par les poivres, des douceurs de crème fondante et parfumée.

On me dira que je suis mal placé pour juger avec sang-froid le début dans le livre d'un écrivain envers lequel j'ai assumé les responsabilités de préfacier; ce n'est pas mon sentiment. Rien n'équilibre la conscience comme la nécessité de lire un ouvrage assez à fond pour en connaître le principal et l'accessoire : ce qui est la condition première de tout écrivain qui se charge de présenter un auteur au public. Puis encore, on ne dit jamais, dans une préface, tout le bien ou tout le mal qu'on pense du livre pour lequel on la fait, si bien qu'il reste toujours quelque chose à en dire.

Pour moi, j'ai été surtout sensible à l'odeur de verte jeunesse qui s'exhale des pages de cette Vie Bête, qui n'est, en somme, qu'un coin de la jeunesse de l'écrivain, un souvenir emprunté au passé et tout parfumé de cette mourante senteur des choses déjà lointaines. Ce n'est pas même une histoire, mais un sentiment finement analysé, dans sa gracilité ténue et fuyante, un battement de cœur fixé sur le papier avec des mots frémissants et doux, ou, pour mieux dire encore, le candide poème des premières affres amoureuses. Eh? oui, candide! Car le charme essentiel de ce début si vraiment jeune est là tout entier : il a la fraîcheur des sensations juvéniles; il reflète, à travers la douce mélancolie, des larmes, de ces larmes montées du trop plein de la vie intérieure, le coup de soleil des amours printanières; il retrouve même jusqu'à l'exagération de ces passions qu'on croyait éternelles et qui ne laissent pas plus de traces dans le cœur que le vent d'été expirant de proche en proche dans les blés.

Ne croyez pas pourtant à un délayage de sentimentalité niaise ni à un flux de tendresses lacrymales la marque du temps s'est partout opposée à ce livre qui aime et qui rit, qui souffre et qui raille, et dont les pâles violettes, sèches comme les vieux souvenirs saupoudrés de poivre et de vétiver, s'entremêlent çà et là d'une rouge fleur d'ironie. Ce n'est donc pas le « livre du brave jeune homme », dont on s'est tant moqué, encore qu'ilmérite mieux que notre morgue dédaigneuse; ce n'est pas le bouquin duquel accouche fatalement tout collégien amoureux de sa cousine, pour peu qu'il rêve la gloire de Musset ou de Hugo; c'est l'œuvre même d'un écrivain déjà sûr de luimême sous ses apparentes inexpériences, et

élégant, distingué, finement maniéré et prédestiné sans aucun doute à réussir dans la note mondaine.

Max Waller est, du reste, une des personnalites oserai-je dire les plus sympathiques, dans un temps où il semble que ce mot, accolé au nom d'un écrivain, soit synonyme de l'estime honnête et moyenne qui convient aux natures sans angles, mucilagineuses et rondes, aux boules de suif littéraires? Mettons qu'elle soit simplement cordiale, j'ajoute des plus cordiales de notre jeune littérature belge, ce qui est tourner la difficulté par un terme dont le sens implique, comme l'autre, l'idée d'un réel attrait émané de l'écrivain, mais écarte la présomption d'anémie intellectuelle. Cette personnalité du jeune directeur de la Revue Moderne et de la Jeune Belgique est plus qu'aucune autre, dans le combat qui se livre actuellement ici entre les aspirations juvéniles et le vieil idéal de ceux qu'on a assez irrévérencieusement qualifiés de blessés de septembre de la littérature, active, vivante, batailleuse, rapière au vent et toquet sur l'oreille! C'est lui qui, depuis près de deux ans, donne le ton aux meutes altérées de sang académique, et qui, soufflant dans sa corne, mène le hourvari contre la littérature officielle. Un esprit prompt à la riposte, une verve à l'emporte-pièce, de la décision dans l'attaque, une ironie par moments cruellement caustique lui ont fait une physionomie de polémiste redouté. Ses débuts remontent au temps du collège, alors que, simultanément avec Émile Verhæren, Albert Giraud, Émile Van Keyenberg et, si je ne me trompe, Georges Rodenbach, ils tetaient à bouche revèche le lait frelaté de la mamelle universitaire dans le giron de l'Alma mater, la pauvre nourrice qui ne se doutait pas des jeunes loups qu'elle abreuvait bien inutilement de sa pure doctrine. En ce temps déjà, un souffle de rébellion horripilait chez ces sycophantes leur poil, qui plus tard devait se hérisser si furieusement contre tout ce qui sent le pédant et l'école. On tiraillait à quatre ou cinq après les moineaux en noire soutane, s'égosillant dans le branchage académique, et gaillardement, à défaut de plomb qui n'était point encore fondu, on leur fusait au derrière des grêlées de pois. Chose troublante que la révolution littéraire prît justement dans la grande matrice catholique ses meilleurs soldats! Chacun, depuis, a fait son chemin, et un joli chemin, au clair soleil de l'idée, gardant sous la gravité des études l'allure indisciplinée du collégien, et aussi son goût d'une certaine fronde à coups de dents qui entament la chair, - lui surtout, le blond poète de la Vie Bête qui, inscrivant en tête de sa prime

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