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bien comprendre aux autres que ce que l'on comprend soi-même; et comment saisir le sens d'une race, c'est-à-dire ce qui s'en dégage de poésie et d'idéal, si l'on n'est pas poète, si l'on n'a pas, pour vibrer à tout choc et refléter en la multipliant toute lumière, cette âme de cristal qu'a reconnue en lui le poète souverain de ce temps? Et c'est pourquoi les poètes sont encore les plus grands savants.

La donnée du nouveau roman de Jean Richepin est d'une simplicité antique. La fatalité, d'un bout à l'autre, domine l'action. Miarka sait, dès son enfance, quelles sont ses destinées; et les péripéties, qui se déroulent avant qu'elle les ait remplies, ne sont que comme les accidents d'une route qui conduit infailliblement au but. Ne croyez pas que cela ralentisse ou diminue l'intérêt. Les créateurs du grand art simple et poignant, les Grecs, procédaient ainsi. Et c'est en cela qu'apparaît surtout, à mon sens, la nature du poète, qui, par instinct autant que par raison, fait bon marché des préjugés courants, élimine sans hésiter les conventions menteuses, saisit d'une main ferme la vérité et la montre telle qu'elle est, sans autres vêtements que sa beauté, sans autre parure que l'éclat de la vie qui fermente en elle et resplendit au dehors. L'auteur avait à symboliser en quelques personnages une race orientale, c'est-à-dire une race reconnaissant et acceptant l'inéluctable. C'est sous le fouet de la fatalité que les Rumani vont par la terre, ruisseau qui traverse un océan sans y mélanger ses eaux. C'est la fatalité qui les défend et les garde. A elle ils doivent l'immutabilité de leurs mœurs, la persistance de leur langage, la pérennité de leur sang. Faire un tableau de la vie bohémienne sans y mettre cette grande figure dominatrice, c'eût été faire un contresens. Avec un profond sentiment ethnique, mais aussi et surtout avec cette inspiration qui est l'heureuse et sublime loi des poètes, Jean Richepin a compris cette condition de vérité, et il a magistralement tiré parti d'une situation en dehors de laquelle, son sujet étant donné, tout n'eût été que mensonge et contradiction.

On a, comme il était naturel, comparé Miarka à la Glu, et on a, comme il est d'ordinaire, voulu se servir de la Glu pour déprécier Miarka. On a dit que Miarka est une ensorceleuse comme la Glu, et que Gléude n'est qu'une nouvelle incarnation de Pierre, le pêcheur breton. Et quand cela serait? L'obi de Bug-Jargal, Han d'Islande, Quasimodo n'ont-ils pas des traits de parente indéniables, et Notre-Dame de Paris, le dernier en date de ces trois romans, en est-il moins un chef-d'œuvre? Mais cela n'est pas. Il est impossible de soutenir sérieusement qu'il y ait entre les deux livres de Jean Richepin rien de commun que l'esprit d'où ils sont l'un et l'autre sortis. L'un et l'autre présentent, il est vrai, une étude de mœurs naïves et violentes; mais combien ils diffèrent dans leurs manifestations! Dans l'un, l'idée moderne de la force, de l'énergie et en fin de compte de la victoire de l'individu, à travers toutes les défaillances de la passion, est incarnée chez la vieille paysanne, mère de Gleude, et, bien qu'à un moindre degré, chez le

docteur. Dans l'autre, je l'ai déjà dit, il a fallu, pour rester dans le vrai poétique et scientifique, subordonner tout à la fatalité. La Glu est une courtisane qui a distillé toutes les pourritures et tous les venins des mauvaises amours; Miarka est une vierge farouche, que nulle impureté ne saurait souiller, et qui, dans son ardeur d'obéissance au destin, se donne, chaste et tendre, au seul être qu'elle doive jamais aimer. Et la Vougne, et la Quédébinque, et ces deux mélancoliques figures, à peine entrevues mais qu'on n'oublie pas, de Tiarko et de la pauvre mère de Miarka, de la chrétienne maudite que la Vougne déchire des mains et des dents à cette terrible scène de l'accouchement par où débute le livre, sont-ce là des types remodelés, des créations déjà connues du public et maquillées pour servir à nouveau ? Le prétendre serait insensé.

Jean Richepin, à qui je reproche de faire en certains passages abus de mots patois pour l'intelligence desquels les vulgaires mortels auraient besoin d'un vocabulaire, a mis en œuvre, dans ce volume, cette étonnante souplesse de style dont il avait donné des preuves à part dans sa Chanson des Gueux et dans ses Caresses, ainsi que dans ses Quatre petits romans. La couleur, l'emportement, la passion, se réunissent ici à l'analyse sobre et exacte, à l'ironie fine et douce, au développement gradué des caractères et des sentiments. Ce n'est pas un des moindres charmes de ce livre que ce contraste, si bien marqué, par exemple, entre les scènes violentes qui ouvrent le roman, celles de l'incendie, du rut de Gleude et de la mort de M. Cattion-Borudille, et celles, si calmes, des livres II et III, où Miarka grandit et où Miarka s'instruit.

En somme, quand on sort de cette lecture, on est rassuré et satisfait. La génération qui s'en va n'emportera pas toute la gloire littéraire de la France. Il nous reste des écrivains jeunes, qui savent produire des œuvres à la fois grandes et belles, originales et fortes.

Une date fatale, par VICTOR PERCEVAL. Paris, E. Dentu, 1883. Un vol. in-18.

Ce volume contient quatre nouvelles, dont la première donne son titre au recueil. C'est, du reste, celle qu'on lit avec le plus d'intérêt et d'émotion. Elle nous reporte aux jours de deuil où l'Allemagne déborda sur notre pays, et, dans son reflux, entraîna deux de nos provinces. C'est un tableau assez saisissant des suites de l'invasion et de la conquête dans une petite ville de la Lorraine annexée. Il s'y mêle naturellement une histoire d'amour qui rend le récit plus touchant.

Toutes ces nouvelles sont écrites dans une note un peu sourde, mais sincèrement émue. Le style est honnêtement bourgeois, comme les situations et les idées. Je suis loin de vouloir dire qu'elles soient sans mérite; on s'y rafraîchit et s'y repose agréablement en dehors de tout le sang et de toute la boue des romans noirs et des documents humains.

B.-H. G.

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Ce volume est le premier d'une série intitulée : les Femmes des Tuileries, et qui fait suite aux Femmes de Versailles, du même auteur.

Roman? non; il y disserte trop et s'attache avec trop de souci aux menus détails, languissants ou ternes. Histoire? non plus; ce n'est pas d'une trame assez serrée, la critique est quelque peu superficielle et ne découvre aucun fait nouveau ni aucune vue nouvelle sur les faits connus. Genre bâtard, cousin germain du roman historique, issu des mémoires.

Le corps du livre renferme cependant des pages intéressantes. Les figures que M. Imbert de SaintAmand y fait mouvoir portent en elles-mêmes un élément de vie et d'originalité qui pique toujours la curiosité: Mme Tallien, Mme de Staël, Joséphine, Bonaparte à ses débuts, on ne peut parler d'eux sans éveiller l'attention. Et nous saurions gré à l'historiographe de nous parler d'eux, s'il n'était si volontiers prolixe.

P. Z.

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Un grave diplomate, qui dans sa première jeunesse a épousé une jeune fille bête et laide, a cette chance de devenir veuf, et d'inspirer de l'amour à une autre jeune fille charmante, qui a été touchée des soins prodigués par ce mari à sa femme poitrinaire. Mais elle lui impose deux ans d'épreuves. C'est long, c'est périlleux. Néanmoins, M. de Kérisel a triomphe des tentations: le délai est expiré, il rentre en France sur un paquebot des Messageries maritimes, lorsque sur le même bateau il fait rencontre d'une perfide et séduisante coquette, dont il est bientôt l'esclave sans en être l'amant. Il déserte le mariage, malgré sa pròmesse, s'attache à cette Circé douteuse qui, malgré ses grandes et ses petites entrées dans le monde, reste jusqu'au bout suspecte. Le pis est que cette femme fut la maîtresse, à Constantinople, du propre frère de la fiancée de M. de Kérisel, mais maîtresse délaissée; car le jeune Champdhivers a dû partir pour l'extrême Orient afin d'avancer dans sa carrière. La jolie femme outrée a juré de se venger, et le jeune Champdhivers meurt d'amour dès qu'il est loin de la beauté perdue. Bref, il revient en France, à Paris, se heurte nez à nez, chez cette Mme Mertrago, Dieu, quels noms bizarres portent ces personnages! avec qui? Parbleu! avec son ex-futur beaufrère. Bon: voie de fait, duel. Kérisel éprouve des remords et des regrets aussi cuisants les uns que les autres, et se fait tuer volontairement par Champdhivers; Me de Champdhivers, qui se considère comme veuve, et Mme Mertrago, qui tout à coup a changé son amour pour Henri en passion pour Alain, font chacune ce qui convient à leur goût : la jeune fille se fait carmélite, l'autre retourne à Constantinople se faire..... lanlaire.

- mon

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L'amour partout! Voilà bien de l'espace parcouru, voilà bien des choses dites en deux mots! Les écrire sur la première page d'un livre était une imprudence grave. Mais qu'importe le danger, si l'on tient ce qu'on a promis, si l'on se tire à son honneur des difficultés qu'on s'était créées soi-même? Qu'importent les écueils si le pilote est assez habile pour les eviter? Or, disons-le tout de suite, Mme la marquise d'Osmond est un nautonier consommé et côtoie sans le moindre accident les dangereux rivages du Tendre. L'amour n'a pas de secrets pour elle. Dans une série de contes elle passe en revue l'amour à Paris et l'amour en province, l'amour au théâtre et l'amour dans le monde, l'amour du naïf et l'amour du blasé, et bien d'autres amours encore. Ceux qui aiment la variété n'auront certes pas à se plaindre. L'auteur a parcouru toute la gamme amoureuse.

Ce livre aura-t-il du succès? Nous le croyons: Mme d'Osmond possède les qualités d'un véritable écrivain; son style a même une allure virile qu'on trouve rarement dans les œuvres féminines. De plus, elle connaît le cœur humain et les mœurs d'aujourd'hui. En faut-il davantage pour réussir ?

N'oublions pas de mentionner une excellente préface de P.-L. Jacob, où l'éminent bibliophile fait, en quelques pages, l'histoire des romancières françaises depuis l'auteur de l'Heptaméron jusqu'à nos jours.

Grippard, histoire d'un bien de moines,

par le P. CHARLES CLAIR, de la Compagnie de Jésus. Paris, Palmé, édit. Un vol. in-18. - Prix: 3 francs.

Quoi! vous êtes dévot, et vous vous emportez!

Et vous vous emportez, mon père, pour quel objet? un objet vil, un objet de ce monde, que vos sermons nous montrent méprisable, objet dont il faut nous détacher! Les biens terrestres! tout ce qu'il y a de plus terrestre, car c'est la terre elle-même. Mais M. Clair est surtout sensible à ce côté de la révolution: sécularisation des biens d'église.

Inutile d'insister: ce pauvre livre est un roman mal fait, sans intérêt, dont le but évident est d'allumer passion contre passion. M. Clair se met tout juste au rang des vulgaires furieux qu'il couvre de sa bile et de son mépris haineux : l'œuvre qu'il produit provient sinon du même moulin, du moins de la même farine. Il juge bon d'alourdir encore de temps à autre

un récit sans vie par des notes d'érudition assommantes. Le pédant reparaît jusque dans ses écarts! P. z.

Ce qu'on dit au fumoir, par HENRI Lucenay. Un vol. in-18. Paris, Ed. Rouveyre et G. Blond, 1883. - Prix: 3 fr. 5o.

Les propos de fumoir ne sont pas d'une gaieté excessive, si l'on s'en rapporte à M. Lucenay. Jusqu'ici, le moment de la digestion nous paraissait être celui où les cœurs se déboutonnaient et où les langues se dėliaient pour se livrer à de joyeux bavardages. Eh bien, nous nous trompions. On trouve, paraît-il, à cette heure-là, des gens assez malavisés pour conter des histoires tristes et capables de faire passer l'envie du cigare aux fumeurs les plus fanatiques. Ce volume nous paraît dénué de toute espèce d'intérêt.

MEMENTO

P. C.

Armand Silvestre vient de publir chez Marpon et Flammarion un volume plein de joyeuses fantaisies, sous le titre Contes grassouillets. Prix : 5 fr. Cet ouvrage comprend vingt nouvelles d'un fumet un peu scatologique, mais d'une belle humeur qui fait monter le rire aux lèvres et dilate les narines. Trois jolies eaux fortes de Kauffmann décorent ce volume du format in-18.

A la même librairie, M. Carolus Brio, qui a déjà publié chez Rouveyre deux volumes de petites nouvelles, fait paraître un nouveau recueil, sous ce titre Par-dessus les moulins. Le jeune auteur montre dans les diverses historiettes qui composent ce volume beaucoup d'esprit d'observation, une agréable recherche de style et autant de brio que son nom l'indique.

Par-dessus les moulins mérite d'attirer le succès.

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public sa notoriété. Un succès hâtif et dispropor tionné à l'effort encourage l'outrecuidance. Voilà pourquoi notre monologuiste aborde plusieurs genres sans y réussir plus qu'il n'eût fait, au théâtre, en essayant tous les rôles. Des redondances, des incorrec tions, des sonorités creuses ou aiguës, des inconvenances même se rencontrent dans les diverses pièces de ce recueil. Ce qui rachète un peu ces défauts, c'est une conviction bien rare aujourd'hui et qui gagne le lecteur. De plus, les descriptions sont sobres et néanmoins frappantes. A l'accumulation des couleurs M. Grenet-Dancourt préfère la discrétion impressionniste et la justesse du trait. Les Vagabonds et la Petite ferme sont dans ce ton. Par contre, Attila et le Conscrit sont du mauvais Déroulède. Quant à la "poétique des Soupirs d'un Nègre, elle est du ressort exclusif des cafés-concerts. Quoi qu'il en soit, si M. Grenet-Dancourt n'atteint pas la perfection, on ne peut lui dénier le feu sacré. Combien ses pensées gagneraient à être traduites dans un langage plus pur, mieux pondéré, moins banal!

G. S. L.

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Ce que nous avons à juger, ce n'est pas l'œuvre du poète allemand, c'est la traduction française. Ce drame fut pour Goethe l'occasion de lever l'étendard de la révolte contre les lois imposées à l'esprit litté raire par les grands écrivains français du XVIIe siècle. Il s'affranchit, en effet, des règles tracées par leur exemple et mal lui en prit, car le drame, de l'aveu des Allemands, est impossible à la scène. Goethe eut beau le remanier d'abord en 1773, deux ans après la première composition, et encore en 1804 avec la coopération de Schiller, Goetz de Berlinchinghen resta une œuvre sans équilibre, sans solidité sur les plan. ches.

Cependant la figure du héros, espèce de haut baron luttant pour ses droits féodaux contre le pouvoir uni. flcateur de l'empereur, et à qui Victor Hugo paraît avoir songé dans les Burgraves, cette figure originale dans sa sauvagerie et sa brutalité, Goethe l'a peinte vigoureusement, dans un style changeant, tantôt sublime, tantôt familier et même populaire, mais tou jours plein de saveur. C'est ce qui assura sa fortune littéraire. On lit Goetz de Berlinchingen comme on lit Cromwell.

M. Lang, professeur au lycée Louis-le-Grand et à l'École Saint-Cyr, s'est attaqué à ce drame complexe dont le style difficile, heurté, mâle, a embarrassé plus d'un traducteur, et en a décidé beaucoup à l'abandonner. M. Lang a pleinement réussi, trouvant avec un rare bonheur non seulement l'équivalence des mots, mais la parité des tournures et les mouvements des idées.

C'est la seconde forme, celle de 1773, qu'il juge la meilleure, qu'il a suivie. Et c'est un mérite très grand, de l'avoir suivie aussi péniblement en ne devenant pas obscur.

P. Z.

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les ténèbres; Je me penchai; Mansuétude des anciens juges; l'Échafaud », qui appartiennent au même ordre d'idées que les Châtiments; puis l'épouvantable vision intitulée « Inferi ». Un poème en quatre chants « Les quatre jours d'Elgiis » est puisé aux mêmes sources que le premier volume de la Légende des siècles. « Gens de guerre et gens d'église; Rois et peuples; les Catastrophes; Dieu!» C'est la même grandeur barbare et somptueuse. Les yeux sous les sourcils, l'empereur très clément Et très noble écouta l'homme patiemment,

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Quand on a imprimé en tête de son œuvre une lettre où François Coppée vous dit : « J'ai lu vos trois dizains de sonnets; ils sont ciselés de main florentine et d'une inspiration très fine et très moderne », le critique malencontreux qui ne serait pas de cet avis, à moins d'attaquer à la fois le patron et le client, n'a plus qu'à se taire. Exposer son opinion avec preuves à l'appui, ce serait juger François Coppée en même temps qu'Elzéard Rougier; et ce n'est qu'Elzéard Rougier qui comparaît à sa barre. Pourtant, il a peutêtre un moyen de se tirer d'embarras tout en faisant son métier: c'est de prendre au hasard dans les trois dizains, et de laisser le public découvrir, là où il

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La poésie des fleurs, par CHARLES ROUVIN. Aug. Ghio, édit. Paris, in-18.- Prix: 2 fr. 50.

C'est le début d'un tout jeune homme on s'en aperçoit à quelques imprudences et naïvetés, mais d'un jeune homme en qui le poète s'éveille. Il n'en faut pour preuve que plusieurs de ces sonnets, où le vers est bien venu et la pensée nettement présentée. O belle jeunesse! elle a le privilège d'excuser même les intempérances; à cause d'elle on sourit avec indulgence quand M. Rouvin lance un sonnet virulent contre la Grue:

La Grue est nécessaire, ainsi que la voirie...

Avec trop de tournure et de plumes d'autruche,
Sans grâce et sans esprit, elle est la coqueluche
De l'espèce d'oison qu'on nomme le butor.

Dame! il n'a pas la main légère, même quand il écrit dans le genre des poésies légères, mais il n'y manque pas de mordant, et ce n'est pas mal tourné. Voyez plutôt le sonnet à Mademoiselle qui joue du piano d'une manière assommante :

C'est un charivari mêlé de gymnastique.

Si la santé chez vous requiert le mouvement,
Que ne hachez-vous pas du persil simplement?
Mais frotter le parquet serait plus salutaire.

Mais M. Rouvin n'est pas toujours d'esprit méchant. On ne voudrait plus reconnaître l'âme qui a consacré tant de vers à chanter toutes les fleurs aux premières pages du livre. Tenez, voici un joli Souvenir de créole qui nous montrera le jeune poète plus doux et plus doucereux :

Dans la chaise-berçeuse, au seuil de son jardin,
Qu'elle est jolie à voir, la créole élégante,
Balançant mollement sa gráce nonchalante,
Lis qui s'épanouit entouré de jasmins.

Les Printanières, par HÉLÈNE SWARTH. Minkman, édit.; Arnhem. In-18.

Voici un volume tout frais, tout parfumé de jeunesse et d'honnêteté, où l'on perçoit les soins attentifs d'une jeune fille mêlés à la coquetterie — dans le bon sens d'une jeune femme. La couverture, toute originale, est un semis de fleurs légères : le livre vient d'un peu loin, et ce n'est pas un vulgaire plaisir que de ressaisir la langue française au bout d'une plume hollandaise, et de l'y retrouver d'ailleurs assez pure.

Ces poésies ont toute la délicatesse qu'on peut attendre d'un esprit féminin qui ne s'égare pas dans les utopies. Les sentiments naturels, honnêtes, ont une interprète sincère en Mile ou Mme Swarth, je n'oserais affirmer, d'après son livre, s'il faut dire madame ou mademoiselle.

Qu'il se trouve beaucoup d'originalité dans les su jets ou dans le style, mon Dieu! non; mais, à part quelques piécettes tpop banales ou d'une familiarité un peu plate, ces poésies se lisent sans peine, et les femmes ne feront pas mal de les préférer à la prose de Mile Louise Michel.

Pour leur donner un avant-goût de la manière de Mile Hélène Swarth, nous transcrivons une toute petite pièce, qui paraît représenter assez bien les qualités les plus constantes de l'auteur :

Blanche et noire.

On les voyait marcher sous les arbres feuillus,
L'une en noir, l'autre en blanc, toutes les deux jolies,
L'une encor presque enfant et l'autre presque plus,
Se contant leurs plaisirs et leurs mélancolies.

La jeune fille en blanc, la jeune fille en noir, Comme deux sœurs enfants se tenaient embrassées,

Et le passant rêveur en elles croyait voir

La joie et la douleur qui marchaient enlacées.

Signalons un morceau d'une bonne facture, le Chemin des écoliers, où ne manquent ni le trait d'esprit

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