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COMPTES RENDUS ANALYTIQUES

DES PUBLICATIONS NOUVELLES

QUESTIONS POLITIQUES ET SOCIALES

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Les faits dont nous entretient M. Steenackers en ce volume datent de douze ans et plus; ils n'en sont pas moins intéressants. Tout ce qui se rapporte à l'organisation de la défense nationale aura pendant bien longtemps encore le privilège de passionner notre patriotisme. L'ancien directeur général des télégraphes et des postes a été, comme tous les fonctionnaires du gouvernement de Tours et de Bordeaux, l'objet des critiques les plus vives. Mais M. Steenackers a bec et ongles et s'en sert pour se défendre. Il le fait avec esprit, chaleur et conviction. Dans une rapide introduction, il expose ses antécédents politiques, et, revenant une fois de plus sur son attitude à la chambre des députés, dans la journée du 4 septembre, il repousse l'accusation d'avoir ouvert au peuple les grilles du palais Bourbon. « La vérité, dit-il, est que je n'ai rien ouvert du tout: les portes de l'Empire étaient assez pourries en ce moment pour tomber d'elles-mêmes. » C'est jouer sur les mots; heureusement l'auteur accompagne ce trait de justifications un peu plus sérieuses. Le livre est à lire d'un bout à l'autre. Si M. Steenackers s'y montre parfois un peu vif contre ses adversaires, il sait aussi rendre justice à des hommes qui n'étaient pas de son parti. Contre lui bien des témoins de la commission d'enquête ne firent pas étalage de douceur. Il riposte. De là certaines vivacités excusables de ce plaidoyer pro domo, fort habile d'ailleurs et plein de faits.

L'Allemagne d'aujourd'hui (1862-1882), Études politiques et littéraires, par ALEXANDRE PEY, I vol. in-18; Paris, 1883 (Hachette).

Les cinq morceaux dont se compose le volume de M. Pey: Les luttes parlementaires en France; — Débuts de M. de Bismarck;- M. de Bismarck en Prusse ;— Ses jugements sur les événements et les hommes de 187071;- Le socialisme chez les Allemands; —une Usurière

d'outre-Rhin;-Adèle Spitzeder;-le Roman socialiste en Allemagne; Catherine la brune, par Ernest de Waldow, intéressent autant la France que l'Allemagne. Il n'est pas indifférent de voir celle-ci chez elle; ce qu'elle a fait chez nous récemment empêchera long. temps notre attention d'être distraite de ce qui la regarde. On exagère volontiers, dit l'auteur de l'Allemagne d'aujourd'hui, le génie du vainqueur; on lui prête des talents que lui-même ne se connaissait pas, des vertus et un courage qu'il a sans doute, mais qui n'auraient pas eu tant de relief si la fortune ne leur avait accordé ses faveurs. On est moins humilié d'avoir été vaincu. Il y a encore autre chose: le succès a le privilège d'imposer du respect à tout le monde; cela n'est pas d'hier et cela ne finira pas demain; le succès est le favori de l'opinion. Depuis une douzaine d'années, la présomption que la civilisation germanique est supérieure à la nôtre se manifeste dans notre conduite d'une façon qui ne fait pas beaucoup d'honneur à notre caractère. De ce côté-ci des Vosges, on avait déjà la philosophie allemande, la science allemande, l'érudition allemande, la philologie allemande, l'archéologie allemande; on est en train d'emprunter encore. Après l'enseignement supérieur des universités germaniques, il a fallu introduire celui des gymnases, des écoles primaires; on a copié l'organisation militaire; le casque et la tunique des fantassins de la Germanie n'ont pas échappé à l'attention de notre état-major.

Ce serait puéril, si ce n'était lamentable. Maintenant, ce sont les vertus allemandes qu'il s'agit de s'approprier. La générosité de l'âme germanique et sa noblesse empêchent M. Prudhomme de dormir. Les Allemands appuient sur l'idée qu'on a en France de leur grandeur morale; M. Alexandre Pey leur répond, au nom de la patrie outragée, par les mots de la Marie Stuart de Schiller à Élisabeth : « Je n'ai jamais couvert mes fautes d'un voile menteur; le monde sait ce que j'ai fait de pire, et je puis dire que je suis meilleure que ma renommée». Les Allemands nous accusent d'impuissance, de pusillanimité; le passé de la race-française serait à cela une réponse suffisante. L'auteur de l'Allemagne d'aujoura'hui en fait une autre: il ouvre les plaies de cette Allemagne de Sadowa et de Sedan, à qui l'occasion et l'habileté d'un

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La lutte contre la Misère, par HIPPOLYte Maze, député. Léop. Cerf, édit., Paris. In-18.—Prix: 2 fr.

Élever la moralité en garantissant les risques de la vie physique, intéresser l'homme à sa dignité en favorisant ses intérêts matériels, apaiser ses jalousies et ses haines en lui facilitant la sécurité du lendemain; tel est le but très noble, très humain et très patriotique à la fois que s'est proposé M. Maze. Le moyen qu'il préconise c'est la création des sociétés de secours mutuels: remplacer la charité par la mutualité, créer des droits à ceux qui ont besoin, là où l'on ne voyait que la libre préférence de ceux qui donnent. Il im

porte d'habituer les hommes, les femmes et les enfants à prévoir, à économiser.

C'est surtout ce point de vue pratique et matériel que M. Maze s'attache à éclaircir: il veut d'abord prouver par des faits, par des chiffres, l'avantage positif de l'association. C'est évidemment ce qui, avant les considérations morales, touche les esprits les plus vulgaires. Ce sont justement ceux-là qu'il est urgent de convaincre, puisqu'ils ont moins de résistance aux entraînements, aux dissipations, aux suggestions coupables. L'exposé de l'honorable député est d'une parfaite clarté, et les conseils qu'il y ajoute d'une sagesse très pratique. La question sociale sera plus facilement résolue par la coopération pacifique et les mutuelles assurances que par les révolutions, qui laissent toujours quelque chose à défaire ou à recommencer.

PZ.

SCIENCES MÉDICALES

Phénomènes nerveux, intellectuels ee moraux, leur transmission par contagion; par J. RAMBOSSON; I vol. in-8°. Paris, 1883 (Didot).

Les nerfs de l'homme sont un grand mystère, c'est par eux que l'àme communique avec le monde extérieur. Mais de même que l'âme est une substance inconnue à la science, les nerfs, qui sont les instruments de l'àme, participent en quelque sorte de sa nature. On voit bien leur action, on étudie leur contexture, eux-mêmes échappent à l'examen. Leurs affections morbides font le désespoir de la médecine; elle constate les douleurs qu'ils occasionnent, elle n'en voit pas la source. Elle est contrainte de procéder, à l'égard de ces douleurs, comme les praticiens qui ont des secrets acquis par l'observation et qui les appliquent sans savoir pourquoi ils produisent tel ou tel effet. En face dés phénomènes nerveux, la médecine et la physiologie en sont toujours réduites à la recette de Molière, qui en réponse à la demande : pourquoi l'opium fait dormir, dit ingénument: Quia habet virtutem dormitivam, parce qu'il a une vertu dormitive. Cependant les nerfs, le jeu des nerfs, leurs affections sont très curieux à examiner. La nomenclature des effets et des influences qu'on leur attribue est immense; ce sont, en effet, ces influences qu'analy se M. Rambosson et qu'il essaye de ramener

:

à des lois. Il croit en avoir découvert une très importante qu'il formule en ces termes: La loi de la transmission et de la transformation du mouvement expressif. Afin d'en juger, une autorité supérieure à la nôtre serait nécessaire. M. Rambosson applique la loi précédente à l'étude de la propagation du mouvement cérébral d'un cerveau à un autre, aux affections et aux phénomènes nerveux comme le rire, le bâillement, les tics divers, l'épilepsie, les maladies mentales, les déviations du sens commun, l'épidémie du suicide, de l'homicide, les faits d'imitation, le langage, les effets produits par la musique et les beaux-arts. Dans un cas donné, on est sûr que tel phénomène en produira un autre connu d'avance. Pourquoi? là est le mystère. Il en est ainsi; c'est tout ce qu'on peut dire. M. Rambosson emploie le mot contagion en vue de caractériser l'action extérieure des phénomènes nerveux. On pourrait peut-être, selon lui, trouver une expression meilleure. « Cependant, ajoute-t-il, dans la propagation des phénomènes qui nous occupent, il y a réellement contact par l'intermédiaire du milieu ambiant, qui conduit l'expression des phénomènes et qui les rend contagieux. » Quoi qu'il en soit, la lecture du livre de M. Rambosson est un régal de l'esprit. Il y a là des faits accumulés, d'une espèce rare, qui prêtent à la méditation et à la pensée.

L. D.

SCIENCES MILITAIRES

Le Japon militaire, par DE LAPEYRIÈRE, ancien attaché d'ambassade. 1 vol. in-12 de 195 pages avec gravures. Paris, Plon, 1883.

Les graves événements qui se passent dans l'extrême Orient donnent à ce livre un véritable cachet d'actualité. L'expédition du Tonkin, en éveillant les susceptibilités d'une puissance dont nous allons devenir les voisins, fait naître des craintes de conflit entre la France et la Chine. Si une semblable éventualité se produisait, le Céleste Empire aurait sans doute à se tenir en garde contre un autre de ses voisins, qui se rapproche tant de lui par la race et les mœurs, sans pourtant qu'une sympathie profonde semble exister entre eux. Le Japon, en effet, a eu maints démêlés avec la Chine, et il n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'il profitât d'une conflagration générale pour revendiquer certains territoires contestés.

Dans` la situation présente, un livre sur le Japon militaire est donc le bienvenu; il est dû à un homme qui a vécu un certain temps dans le pays, qui a vu nos officiers à l'oeuvre dans la tâche de réorganisation militaire qu'ils avaient entreprise, qui connaît par conséquent le fort et le faible de la question. Deux missions militaires françaisés ont été successivement envoyées dans l'empire du Soleil levant. La première, dirigée par le capitaine, maintenant colonel Chanoine, en 1866, n'a pas eu de grands résultats; la seconde, de beaucoup plus importante, fut dirigée par le colonel Munier; elle resta près de huit ans dans le pays, de 1872 à 1880, pour les derniers de ses membres; elle transforma complètement l'armée japonaise, lui donna, en les appropriant au tempérament national, les institutions françaises, et en fit l'armée actuelle. Celle-ci est d'un très faible effectif, eu égard à la population de l'Empire, qui est un peu inférieure à la nôtre; elle ne compte que 35,000 hommes, qui pourraient être immédiatement portés à 53,000 par l'adjonction des réserves. Toutefois, en cas de danger pressant, l'armée territoriale et l'armée nationale, cette dernière sorte de levée en masse, auraient à puiser dans une population de plus de six millions d'hommes de dix-sept à quarante ans, aptes à porter les armes.

Ce qui distingue surtout le Chinois du Japonais, au point de vue militaire, et nous nous arrêterons spécialement sur ce point de l'intéressante étude de M. de Lapeyrière, c'est le point de vue sous lequel ces deux peuples considèrent le métier des armes. Pour le Japon, cette carrière a toujours été la marque

de la noblesse; les guerriers ont de tout temps obtenu le respect. En Chine, au contraire, le soldat ou ce qui y ressemble est un objet de mépris. C'est, dans l'opinion publique, un être ignorant, grossier, sans valeur. Dans le cas d'une grande guerre, le gouvernement chinois compte beaucoup sur son or; il espère qu'avec la promesse d'une haute paye il se procurera très vite une armée de mercenaires européens et américains qui aurait très vite raison des jeunes troupes nationales japonaises. Là est évidemment l'inconnu de la question. La réorganisation de l'armée japonaise est encore trop récente pour que les institutions militaires qu'elle a consacrées aient pu donner tout leur effet. Le Japon, malgré le succès de ses récentes campagnes à Formose et contre les insurgés féodaux des provinces du sud, a besoin plus que jamais de recueillement et ne s'engager que très prudemment dans une querelle avec son puissant voisin. Telle est la conclusion qui se dégage de l'œuvre de M. de Lapeyrière, œuvre complète à tous égards. Elle nous donne non seulement des détails peu connus sur l'organisation militaire du Japon, mais encore de curieux aperçus sur le passé et l'avenir de ce pays, qui nous est si sympathique, et qui vient encore de nous prouver son amitié en sollicitant de notre gouvernement l'envoi d'une nouvelle mission militaire.

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C. M.

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L'État militaire des principales puissances étrangères au printemps de 1883: Angleterre.— Autriche. S. RAU, chef d'escadron d'état-major. 3e édition mise à jour. Paris Levrault, 1883. 1 vol. in-12 de 525 pages. Prix : 5 francs.

Un journal allemand publiait récemment une étude militaire dans laquelle, escomptant les conséquences de la triple alliance italo-germanique, il mettait en regard les forces que pouvaient mettre en ligne l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie d'une part, et, de l'autre, celles de la France et de la Russie coalisées, et qu'il supposait devoir faire face à cette immense levée de boucliers. Il arrivait, si nos souvenirs sont exacts, à prouver que la balance pencherait encore numériquement de notre côté. Sans vouloir nous livrer à des calculs contradictoires, nous pouvons signaler à tous ceux qui se plaisent à des dénombrements de bataillons, d'escadrons et de batteries la nouvelle édition de l'ouvrage, si remarquable à tous les titres, de M. le commandant Rau. Ils y trouveront non seulement le moyen de vérifier les calculs de

l'écrivain allemand, mais encore, chose plus sérieuse et plus importante, une étude des plus détaillées sur l'organisation militaire des principales puissances continentales de l'Europe. Tout en étant convaincu de la nécessité de répondre à l'immense développement de forces d'une nation armée par un déploiement à peu près semblable, nous ne croyons pas cependant que ce facteur soit le seul dont il faille tenir compte en cas de guerre. La qualité des troupes, leur organisation, les moyens employés soit pour les transporter sur le théâtre des opérations, soit pour les ravitailler, leur armement et tant d'autres choses encore, tous ces éléments jouent un rôle presque aussi considérable que la question des effectifs et doivent être l'objet d'un examen approfondi, si l'on veut se rendre un compte exact de la valeur respective d'une armée.

C'est à ces nombreuses questions que répond le travail de M. Rau. La nouvelle édition que publie la librairie Levrault, et qui est à jour pour le printemps de 1883, présente sur celles qui ont paru en 1830 et en 1877 de notables perfectionnements. L'auteur a toutefois respecté sa division si judicieuse en dix chapitres, embrassant pour chaque puissance tout ce qui concerne son organisation militaire; mais en présence des efforts faits par l'Espagne pour mettre son armée au niveau de celle des autres peuples de l'Europe, il a cru devoir faire entrer cette nation dans le cadre de son étude. Comme détails se trouvant pour la première fois dans son volume, nous citerons les nombreux renseignements sur les effectifs du pied de paix, renseignements qui, comparés à ceux qui sont relatifs aux effectifs de combat, permettent au lecteur de se rendre compte facilement de l'effort im

posé au pays par la mobilisation, et par suite de la richesse en anciens soldats, c'est-à-dire de la qualité des troupes qui seront envoyées sur le champ de bataille. Nous y trouvons encore, de plus que dans les éditions précédentes, la description des drapeaux des différentes armées, des détails précis sur les propriétés balistiques des armes portatives et des bouches à feu, et d'autres encore de moins grande importance. Un simple énoncé des chapitres, dont les en-têtes se reproduisent à peu près textuellement pour chacune des puissances étudiées, permettra au lecteur de se rendre un compte exact des questions multiples traitées dans cet ouvrage; l'autcur, tout en multipliant, comme il le devait, les données statistiques, en a fait plus qu'un simple répertoire, c'est un livre qui se lit couramment et que nous croyons indispensable à tous ceux qui se préoccupent quelque peu des questions étrangères. Voici, en résumé, la matière de ces dix chapitres :

I. Commandement supérieur et administration centrale. Budgets et effectifs budgétaires.

II. Recrutement et réserve.

III. Remonte et conscription des chevaux.
IV. Cadres. États-majors.

V. Formations organiques des troupes d'opéra

tions.

VI. Division militaire du pays. Organisation défensive du territoire.

VII. Formation de l'armée en cas de mobilisation. VIII. Voitures et convois d'un corps d'armée mobilisé. Approvisionnements.

IX. Armements et matériel d'artillerie.
X. Uniformes. Insignes. Drapeaux.

C. M.

BELLES-LETTRES

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En vérité, je pourrais ne pas parler de Païenne et laisser le public un grand juge qui sait aujour d'hui distinguer le mot talent du mot réclame — porter son verdict sur cette production soporifique et vide; mais comment se taire lorsque l'auteur, dans une dédicace à Alexandre Dumas fils, ne craint pas, avec une assurance qui frise un haut comique, de parler de son œuvre en ces termes: «Littérairement, ce livre est hardi. Dans le val fermé où Pétrarque immortalisa l'amour platonique, j'ose décrire un amour ardent, échangé, possédé. » — Et plus loin : « Ce ne sont point des sonnets que je vous offre, c'est un cantique à la fois divin et humain. »

Eh bien! non, certes non, ce livre n'est pas hardi. Il ne faut pas confondre hardiesse avec toupet. Cette

Païenne n'est qu'insolemment vaniteuse. Jamais les précieuses de Montpellier, dont se moquent si agréablement Chapelle et Bachaumont, n'auraient à elles tout esaccouché d'un tel galimatias. Non, assurément, non encore, ce vulgaire cantique n'est ni divin ni humain. Il n'y a là ni vie, ni élan. ni enthousiasme, ni passion aucune, ni talent encore moins. Mélissandre n'est qu'une provinciale hystérique qui aurait lu et très mal digéré la Nouvelle Héloïse; quant à Tiburce, le pauvre diable ne possède point de caractère tranché ou de personnalité quelconque : c'est une sorte d'illuminé, de derviche tourneur, dont sa maîtresse, cette oie truffée de prétentions, fait une simple toupie,ou, comme disent les enfants, un sabot.

Il faut croire que Mme Adam, qui se dit « progressiste», ignore absolument la littérature rétrospective et en particulier « le roman épistolaire », sans quoi elle se serait souvenue que le génie seul assassine et enterre ceux qu'il détrousse; et elle aurait été prise d'une peur salutaire, ou se serait sentie moins de hardiesse après avoir lu les Lettres portugaises, les Lettres persanes, les Lettres péruviennes, les Lettres turques et même les romans de Crébillon fils par lettres. L'auteur de Païenne aurait pu intituler son livre: Lettres auvergnates, pour faire suite à celles plus haut citées. Mais franchement les lettres françaises, j'entends les belleslettres, n'ont rien à voir ici.

Il m'est pénible d'être désagréable à une aimable femme que la banalité des éloges a évidemment grisée; Tiburce n'est pas assez homme, dans le sens noble du mot, pour dire franchement la vérité à Mélissandre, et celle-ci me semble se mirer moralement un peu trop dans l'Eau des fées. - Mme de Staël était plus sage et Mmes de Duras, de Souza et même la comtesse de Montolieu ne risquent pas encore d'être éclipsées par cette petite Païenne, qui ne tardera pas à rentrer dans le néant et l'oubli qui l'attendent. u.

Michel Verneuil, par ANDRÉ THEURIET. Paris, Paul Ollendorff, 1883; 1.vol. in- 18 jésus.- Prix: 3 fr. 50.

Ce qu'il faut surtout admirer, chez l'auteur si hautement apprécié de Michel Verneuil, c'est la manière simple et naturelle dont il arrive à communiquer l'émotion, sans torturer les nerfs, sans autre préoccupation que celle de dire vrai et, en disant vrai, d'arriver au plus intime du cœur humain. Rarement un livre nous a plus doucement ému, plus facilement attaché et plus complètement charmé que le dernier roman d'André Theuriet. On ne saurait parler de progrès avec le jeune maître, quand on se souvient de toutes les cordes délicates qu'il a précédemment touchées, de toutes les belles œuvres qui composent sa collection; nous pouvons seulement constater un succès de plus, dans une donnée un peu différente des précédentes.

Il nous semble qu'ici André Theuriet est entré plus avant qu'autrefois dans ses personnages, qu'il les a analysés plus à fond, et qu'à côté du psychologue si remarquable que nous connaissions déjà, il nous a

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montré un physiologiste non moins puissant. Toutes les variations de ce curieux caractère de Michel Verneuil ont été étudiées avec un soin et une précision qu'il importe d'indiquer; il y a une logique implacable, une suite bien droite dans les idées en cette nature de paysan policé qui vient se heurter à toutes les faiblesses, les lâchetés et les trahisons des villes, sans vouloir plier. On sent que ce personnage vit, parce qu'il est véritable, qu'il a été pris sur le vif avec ses hauts et ses bas, ses grandes envolées, ses espoirs superbes et ses intenses découragements. Ses figures de femmes sont peintes avec une réelle maîtrise et une sûreté de touche qui prouvent à quel point le romancier possède son art. Il y avait du reste, dans cette peinture, une difficulté qui peut, à notre avis, être considérée comme la pierre de touche du talent, c'est celle de faire vivre à leur plan, sans exagérations et sans rester au-dessous, des personnages s'agitant dans un milieu moyen, ni héros ni imbéciles, des hommes et des femmes tout bonnement, leurs amours et leurs calculs intéressés tout naïvement, la vie vraie, en un mot. André Theuriet s'est tiré de cette rude tâche avec une délicatesse et un tact parfaits. Les deux femmes sont des figures qui lui feront honneur: la mère, si véritable, et que tous nous pouvons rencontrer dans le monde; la fille, une Parisienne, candide au fond, effrontée en apparence, frottée de ce terrible vernis parisien qui donne le mirage du vice même à la plus entière vertu. - Voilà qui vient parfaire ce roman, un des plus vifs et des plus mérités succès d'un romancier n'ayant jamais sacrifié qu'à l'art pur, à la vérité, sans se préoccuper des modes qui passent et des procédés qui vieillisNous ne parlerons que pour mémoire des ravissants paysages que le poète a sentis et célébrés en une prose vibrante; nul n'a dépassé ce chanteur des prés, des bois et des marines, et il vient de remporter une belle victoire dans l'étude des caractères.

sent.

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G. T.

Contes de la bécasse, par GUY DE MAUPASSANT. Paris, Rouveyre et Blond; 1 vol. in-18 jésus. Prix : 3 fr. 50.

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Dans le dernier recueil des nouvelles que Guy de Maupassant vient de publier sous le titre de Contes de la Bécasse, nous remarquons, plus accentué que dans toutes ses œuvres, le talent avec lequel le jeune écrivain sait s'infuser le langage et la vie même des paysans de son pays, ces curieux Normands, si rusés, si retors et offrant des études si neuves à la curiosité de l'observateur. Nous ne croyons pas qu'il soit possible de pousser plus loin l'assimilation du parfum de terroir que dans les nouvelles qu'il intitule Farce normande, Un Normand, Aux Champs, mais surtout dans celle appelée tes Sabots; en cette dernière existe un mélange de candeur campagnarde et de rouerie paysanne qui ne saurait être dépassé ni mieux rendu. De plus, un genre pareil prêtait à la farce et tournait facilement au gros comique, mais l'écrivain a un tempérament trop véritablement lit

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