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Quoiqu'il voie très clair dans la situation de l'art contemporain, M. Henry Houssaye n'a point de parti pris de sévérité excessive ni surtout de morosité. Il aime et apprécie son temps. Il le voudrait plus digne d'admiration, et il flétrit justement, il condamne sans faiblesse et sans ambages ceux de nos artistes qui se traînent dans les platitudes ineptes et ceux qui descendent plus bas encore jusque dans les bas-fonds et dans la boue. Au milieu des prétentions, des infatuations de quelques-uns, malgré le tapage que font leurs adeptes et les engouements inconcevables de la foule, il ne perd pas son sang-froid, et je crois qu'il faut attribuer ce sens net et droit qu'il garde dans cette matière, non seulement à la justesse naturelle de son esprit, mais à ses études sur l'antiquité, études qui seront toujours le plus efficace des préservatifs contre les défaillances et les aberrations du goût.

M. Henry Houssaye ne songe pas à contester ni à restreindre la place qu'occupe notre École française dens l'art contemporain. Et il a raison. Il ne faudrait pas qu'une fausse modestie nous portât à méconnaître une supériorité que nous possédons bien réellement. L'important est de ne rien exagérer, de ne pas ignorer et de ne pas méconnaître ce qui se fait de beau, au delà de nos frontières, et surtout de ne pas nous endormir sur nos lauriers, dont bien des branches, hélas! sont mutilées ou flétries. Je ne suis pas pessimiste, tant s'en faut, mais je suis forcé de reconnaître avec M. Houssaye que depuis dix ans notre école de peinture ne s'est pas fortifiée. On n'est pas encore autorisé à constater la décadence, mais on a de sérieux motifs pour la redouter.

Après avoir, dans cette étude liminaire, passé en revue les principaux artistes contemporains et caractérisé leur talent, l'auteur arrive aux inpressionnistes. Ce chapitre est sévère. Les remarques de M. Henry Houssaye sur « la victoire simultanée du naturalisme et de l'impressionnisme - deux termes du charlatanisme», sur l'absurdité de la peinture en plein air telle que l'entendent les novateurs, me paraissent d'une parfaite justesse. M. Houssaye dit, en parlant de cette école de prétentieux et d'impuissants : « Si l'école naturaliste impressionniste devait encore étendre son action, ce serait la décadence à bref délai.» On pourrait dire du chef de cette école ce que Poussin disait si justement de Michel-Ange de Caravage, qui, lui aussi, avait voulu renouveler l'art de peindre en substituant l'étude de la nature seule à celle des maîtres, en employant un clair-obscur particulier et en imaginant un monstrueux idéal de laideur et de vulgarité : « Cet homme-là est venu pour perdre la peinture ».

C. C.

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écrivain des plus compétents, qui traite avec élégance de ce qu'il sait à fond, sculpture italienne, peinture milanaise, biographie de Bernardino Luini, expositions de dessins de vieux maîtres, galerie du duc d'Aumale, salons de Paris, etc. Sans rien emprunter à la manière brillante de Saint-Victor ou de Gautier, il repasse par les mêmes chemins et trouve l'occasion d'y cueillir quelques fleurs nouvelles. Ce n'est plus ici, comme chez les deux grands stylistes, le miroir aux arêtes vives, reflétant dans tout leur relief, leur coloris, la statue ou le tableau qu'on lui présente. Non; M. Lafenestre n'a pas de si hautes visées: il se contente de comprendre et de sentir avec âme le chef-d'œuvre, puis de traduire l'émotion qu'il a subie en toute sincérité. Ajoutons seulement qu'il apporte à cette tâche un charme poétique qui n'est qu'à lui. L'homme de goût, d'un goût compréhensif et vaste, s'applique spécialement à discerner le caractère particulier de chaque artiste, la place qu'il mérite entre ses émules, ses devanciers, ses successeurs, et le sentiment personnel, la nuance distincte qui lui constituent une originalité. Qu'il s'agisse d'histoire ou de critique, il ne se départ jamais de l'heureuse quiétude que maintient en nous la contemplation raisonnée des belles œuvres. Gare pourtant à qui touche à ses dieux! Le vandalisme inepte de la Commune lui a inspiré des pages vibrantes, animées d'une indignation généreuse.

Me permettra-t-il de m'étonner qu'il fasse si facilement son deuil de la perte des Tuileries? J'admets volontiers que le palais était incohérent, disparate, massif et lourd en quelques-unes de ses parties; la plupart des murs des plafonds, si l'on ne considère que la valeur artistique, ne méritaient guère non plus d'arrêter le regard; mais que de souvenirs perdus! Que de témoins de nos annales dévorées par les flammes de l'incendie! Il y avait là, pour ainsi dire, l'empreinte historique de tous nos souverains, depuis Catherine de Médicis jusqu'à Napoléon III. Si républicain que l'on soit, on ne se résigne pas sans regret à la perte de documents si précieux.

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Quoique Suisse de naissance et appartenant à une famille originaire du canton de Vaud, le graveur en médailles Antoine Bovy se trouve des nôtres par plus d'un point. C'est en France qu'il s'est perfectionné, qu'il a fondé sa réputation et produit le meilleur de son œuvre. Né en 1795, il vint à Paris vers l'âge de trente ans, fut employé par le sculpteur Pradier à des travaux de modelage et se fit naturaliser Français en 1835. Décoré de la Légion d'honneur et médaillé, il ne retourna se fixer à Genève, où ses filles étaient mariées, que sur ses vieux jours, pour y mourir en 1877.

Son œuvre est vraiment remarquable; nous devons savoir gré à M. Henseler de l'avoir décrit avec un soin presque filial. Le volume, tiré à 300 exemplaires

seulement, deviendra bientôt une rareté que les amateurs se disputeront. Ce qui le rend surtout précieux, ce sont les six magnifiques planches de gra. vures qui le terminent et qui offrent un exemple de plus des merveilles que la phototypie accomplit de nos jours. L'impression en est excellente; elle fait grand honneur à la maison Brunner de Winterthur. Nous ne connaissions encore la jolie bourgade voisine de Zurich que par les réunions des conspirateurs nihilistes i est heureux qu'elle donne également asile aux arts qui conservent les monuments, au lieu de rêver leur destruction.

P.

Manuel d'Histoire de l'Art, par A. DESTREMEAU; un volume in-12. Paris, Renouard, 1882. L'exposé historique est fait aussi succinctement que possible, mais rien de ce qu'il était important de dire n'a été omis. L'auteur a parlé du caractère, du style, de l'idéal, qui sont les moyens par lesquels l'âme se trahit dans les œuvres artistiques; il a analysé les conditions du beau: la puissance, l'unité, l'harmonie; il a traité de l'art sous ses diverses manifestations: architecture, sculpture, musique, peinture; il a fait la comparaison, enfin, de ceux des chefs-d'œuvre les plus justement admirés, qui restent comme l'expression la plus pure du beau, tel qu'il fut conçu par les différents peuples, aux différentes périodes de l'histoire de l'humanité.

Parce que l'enfant, pour qui le livre est fait, sent plus qu'il ne pense, parce qu'aussi l'art s'adresse à la sensibilité plutôt qu'à l'intelligence, nous eussions aimé que l'auteur s'abandonnât davantage à l'énthousiasme; mais, dans son livre, nulle sécheresse; son livre est bon.

. G.

Monographie de la cathédrale de Nancy, par ED. AUGUIN. 1 vol. grand in-4°; Nancy, Berger-Levrault et Cie. — Prix: 100 francs.

La préface de cet important volume rend hommage à l'impulsion donnée par le ministère de l'instruction publique et des beaux-arts à l'étude des monuments historiques de notre pays. Cette impulsion n'est qu'une conséquence de l'heureux mouvement qui se produit en France depuis quelque temps. Il semble que l'on ait partout à cœur de racheter certaines périodes d'iconoclastie et d'autres, plus longues, de paresseux sans souci. Souvent même ce zèle semble aller trop loin, car ce n'est pas toujours parce qu'une chose est vieille qu'il faut absolument la vanter et la conserver. Ce n'est pas d'ailleurs le cas pour la cathédrale de Nancy. Elle ne saurait certes pas être classée parmi nos premières merveilles d'art, mais c'est un monument considérable. L'ouvrage de M. Auguin se divise en trois parties. La première est consacrée à l'histoire ecclésiastique du chapitre avant la Révolution, pendant ces temps troublés, jusqu'au port du concordat. Nous passerons assez rapidement sur ces 120 pages peut-être un peu longues pour une étude aussi spéciale qui fournirait d'innombrables in-folios, si on l'appliquait à toutes

les églises de France. Elles témoignent de patientes études et d'une compétence particulière.

Le monument lui-même est décrit dans la deuxième partie. L'invention de son plan général et de sa façade est restituée à Jules Hardouin-Mansard, dit Mansard neveu, prêté par Louis XIV à son neveu Léopold de Lorraine.

Mais Mansard eut un collaborateur, qui travailla à l'œuvre peut-être plus que le maître lui-même, dans Germain Boffrand, l'architecte du merveilleux hôtel de Soubise, aujourd'hui les Archives nationales de Paris. La dépense totale est estimée par l'abbé Lion-> nois à 745,204 livres; l'auteur pense avec raison qu'il faut, avec les travaux complémentaires et l'ameublement, l'estimer à un million. Est-ce cher ? En art, cela n'est pas une question; il faut dire: Est-ce beau ? Hélas! non, la primatiale de Nancy n'est pas belle.

Malgré la patriotique ardeur que l'auteur met à relever le jugement un peu sévère de Victor Hugo, oubliant qu'il était fils d'un Nancéien, ce n'est point sa façade, tenant à la fois de celles de Saint-Sulpice et de Saint-Gervais, qui donnera une bonne idée de l'architecture de la fin du règne de Louis XIV.

La troisième partie est la plus intéressante. Le magnifique trésor de la cathédrale qui forme, depuis le IVe siècle jusqu'à nos jours, une série presque continue, y est décrit pièce par pièce, avec beaucoup de clarté et d'autorité. De belles gravures hors texte accompagnent ces descriptions. C'est là un inventaire du plus vif intérêt.

Sauf quelques planches, l'ouvrage est en entier exécuté à Nancy et fait le plus grand honneur à la maison Berger-Levrault, qui n'en est pas à faire ses preuves. C'est une de nos trois grandes imprimeries provinciales. Le texte y est d'une régularité de couleur admirable, et c'est une des qualités principales d'un beau livre qui ne s'obtient que dans les maisons habituées à faire tout généralement bien.

En résumé, bien que le prix de l'ouvrage soit de ioo francs, les amateurs en auront pour leur argent. Aussi nous ne ferons au volume que le reproche singulier d'être trop beau. Et, en effet, si la cathédrale de Nancy demande 100 francs, à quel prix sera-t-on obligé d'établir des monographies des cathédrales d'Amiens, de Reims, etc.? Comment les malheureux amateurs feront-ils pour se tenir au courant? Il faut une juste mesure en toute chose. Nous ne doutons pas, d'ailleurs, que les habitants de Nancy sauront montrer que s'ils ont quelquefois de mauvaises intentions sur de vieilles portes, ils n'en sont pas moins grands amateurs des monuments artistiques et des ouvrages qui leur sont consacrés. J. G.

Art and Letters. An illustrated new monthly Magazine of fine art and fiction. Remington and Co, publishers, London, 1882.

Ainsi que son titre l'indique, cette nouvelle revue anglaise est consacrée à la fois aux Arts et aux Lettres. Cela devait être, l'écrivain distingué qui la dirige, M. J. Comyns Carr, étant lui-même à la fois

critique d'art et romancier. Cependant c'est aux arts que la part la plus importante et aussi la plus belle a été faite, en cette publication mensuelle qui vient d'entrer dans sa deuxième année. Jugeant avec raison qu'en général les illustrations qui accompagnent les œuvres de fiction, romans et nouvelles, n'offrent au point de vue de l'art qu'un très médiocre intérêt; considérant, d'autre part, que les périodiques exclusivement voués à l'étude des questions artistiques s'adressent nécessairement à un nombre de lecteurs limité, M. J. Comyns Carr a résolu ce problème difficile de satisfaire à la fois aux exigences spéciales du public artiste et au goût du grand public pour la littérature d'imagination.

Chaque numéro se compose de trente-deux pages grand in-4°. Les vingt-quatre premières sont réservées à des études sur l'art tant ancien que moderne et sur les arts décoratifs; les huit dernières, imprimées en petit texte à deux colonnes, contiennent soit une nouvelle complète, soit une partie de roman, et se terminent par deux pages de Notes résumant tout le mouvement du mois écoulé dans les domaines différents de l'art, de la littérature, de la musique et du théâtre. La première partie seule est illustrée. Mais elle l'est avec une profusion et une magnificence qui étonnent, étant donné que cette revue est ce que nos voisins appellent un shilling's worth, c'est-à-dire une publication à vingt-cinq sous. Le secret de ce bon marché n'est pas seulement dans le tirage à grand nombre auquel atteignent si facilement tous les magazines anglais; nous ne croyons pas être trop indiscret en ajoutant qu'il s'explique aussi par une intelligente combinaison au moyen de laquelle l'éditeur de Art and Letters dispose des plus belles gravures sur bois et en fac-similé déjà parues dans notre excellent journal français l'Art. La source, comme l'on sait, est abondante et somptueuse. M. J. Comyns Carr y puise largement pour le plus grand profit de son public, et y ajoute de son côté bien des gravures inédites. De là le succès rapide et aujourd'hui assuré de Art and Letters, succès que suffiraient d'ailleurs à justifier le choix et la variété de la rédaction. Parmi les articles les plus intéressants parus dans le cours de la première année, nous citerons les études sur J.-B. Tiepolo, Jean de Douai (Giovanni Bologna), sur les peintres anglais W.-Q. Orchardson et feu F. Walker et sur nos artistes français J.-F. Millet, Henri Regnault, Gustave Doré, sculpteur; Sarah Bernhardt, peintre et sculpteur; sur nos Peintres militaires et sur le Paysage moderne. Dans le chapitre des arts décoratifs nous relevons les titres suivants: la Dentelle, la Collection indienne du prince de Galles, les Émaux cloisonnés chinois, Chefs-d'oeuvre de tapisserie, Armures anciennes, l'Art du métal.

E. C.

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paraître à la librairie Quantin. Il devient banal de louer le goût avec lequel sont choisies les œuvres d'art rassemblées dans ce superbe ouvrage et l'exactitude avec laquelle le procédé héliographique de M. Dujardin a permis de les reproduire. Parmi les planches, l'attention se portera plus particulièrement sur les deux admirables groupes en haut relief du Combat des Dieux et des Géants, les deux plus beaux fragments de la frise colossalę qui décorait l'autel de Jupiter et de Minerve sur l'Acropole de Pergame. Plus de cent dix mètres de longueur de cette étonnante composition ont été retrouvés dans les fouilles faites par le gouvernement allemand à Pergame et sont venus enrichir le musée de Berlin. Quand notre gouvernement trouvera-t-il un peu d'argent pour des entreprises de ce genre?

La livraison contient encore la belle copie du Diadumène de Polyclète qui fut trouvée dans le département de Vaucluse en 1862, et qui, refusée par le Louvre, est allée au British Museum; l'Apoxyoménos de Lysippe, au Vatican, le Tireur d'épine du Capitole et celui du musée de Londres, deux beaux bustes en bronze du musée de Naples, des figurines comiques de la collection Lécuyer, enfin, de notre Louvre, la Vénus accroupie de Vienne, la stèle de Pharsale et deux statues égyptiennes.

Les notices qui accompagnent ces planches, et qui sont pour la plupart d'une plus grande étendue que dans les livraisons précédentes, sont signées par les membres les plus connus de notre jeune école archéologique. C'est naturellement M. Maspero qui s'est chargé de présenter aux lecteurs des Monuments les deux statues égyptiennes. M. Collignon a finement étudié l'Apoxyoménos et l'un des bustes du musée de Naples, M. Martha la Vénus de Vienne. M. Cartault a réuni des renseignements fort curieux au sujet des statuettes de la collection Lécuyer. M. Rayet est l'auteur des autres notices. Celles sur le Diadumène,sur le Tireur d'épine et sur les reliefs de Pergame sont de véritables monographies.

Les cinquième et sixième livraisons des Monuments de l'art antique sont en préparation et paraîtront l'une et l'autre au printemps prochain. Ainsi se terminera, avec une exactitude exemplaire et trop tôt sans doute au gré de plus d'un des souscripteurs, cette publication, l'une des plus belles et des plus importantes qui soient sorties en ces dernières années d'une presse française.

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et le charme du style de l'éminent auteur, qui jouit d'une autorité si universellement reconnue dans le monde artistique et littéraire.

Les origines de la gravure, ses progrès, ses divers procédés les uns aujourd'hui oubliés, les autres encore en vigueur, sont décrits et suivis pas à pas, siècle par siècle, sans une omission, sans une défaillance. La vie des graveurs célèbres, leurs œuvres les plus connues, sont le sujet d'études remarquables fixant avec autorité certains points jusqu'à ce jour controversés. La science de l'auteur n'a point banni l'anecdote historique qui, souvent, jette sur la vie d'un artiste une plus vive lumière que les chartes les plus sévères et les plus authentiques.

Pour nous résumer, nous devons dire qu'on peut trouver des histoires de la Gravure plus volumineuses que celle de M. le vicomte Henri Delaborde, mais qu'il n'en est point de plus complète, de plus savante, ni surtout de mieux mise à la portée de tous les lecteurs; ce qui est le but visé et toujours atteint par les ouvrages de la Bibliothèque de l'enseignement des

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Sous la conduite de son eminent directeur, M. Eugène Müntz, conservateur de la bibliothèque, des archives et du musée à l'École nationale des beauxarts, la Bibliothèque internationale de l'art persévère dans la voie de l'érudition pure où elle s'est engagée. L'ouvrage de M. le baron Davillier que nous annonçons aujourd'hui est, paraît-il, le premier d'une seconde série de travaux en préparation pour la même bibliothèque. A vrai dire, nous ne voyons pas bien quelle intention préside à l'ordonnance des séries. Le surintendant Foucquet, par M. Edmond Bonnaffé, et les Précurseurs de la Renaissance, par M. Eugène Müntz lui-même, qui appartiennent à la première, sont, comme l'est aussi le volume de M. le baron Davillier, qui ouvre la seconde, des traités spéciaux sur chaque matière, très riches en documents de toutes sortes, en restitutions de dates, en pièces curieuses, en inventaires et autres actes authentiques, laborieusement exhumés de la poussière des archives par les soins vraiment très méritoires de ces patients et savants archéologues. L'objet de la série nouvelle, en conséquence, nous échappe entièrement. Ce n'est pas pour le vain plaisir d'épiloguer sur une classifi

cation, même arbitraire, que nous nous arrêtons à ce détail. Si nous insistons de la sorte sur un point en apparence peu important, c'est que ce titre très heureux de « Bibliothèque internationale de l'art » promet davantage. Certes, nous estimons très haut la sagacité comme le courage de ces érudits qui retournent le champ tant de fois labouré de l'art italien et de l'art français pour y découvrir quelque parcelle d'inconnu, et j'admire surtout qu'ils y réussissent. Mais n'oublions pas cependant qu'il y a, en dehors de la France et de l'Italie, bien des terres vierges - ou à peu près qu'il conviendrait de faire connaître à notre public artiste; et c'est là précisément le rôle d'une bibliothèque internationale de l'art. Voilà donc l'objet d'une série ou de séries vraiment nouvelles. Il appartient à l'homme si intelligent qui dirige cette publication d'y ouvrir de tels canaux et d'y amener les eaux vives de l'histoire et de la critique, car je ne parle plus ici d'archéologie ni d'érudition.

Ce vœu exprimé, je n'ai plus qu'à louer sans réserve le travail de M. le baron Davillier. Il paraît que depuis vingt ans l'antériorité jusqu'alors généralement admise de la fabrique de porcelaine de Saint-Cloud a été détrônée par celle de Rouen, celleci par celles de Florence, de Ferrare, et ces dernières par celle de Venise. Tout cela est très clairement exposé et accompagné de minutieuses descriptions de pièces. Les collectionneurs et les marchands en feront leur profit. D'où je conclus qu'il y a encore de beaux jours pour le bibelot, la curiosité et la spéculation immense qui s'abrite sans le moindre amour de l'art sous ces aimables étiquettes.

E. C.

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Nous n'avons plus à faire l'éloge du magnifique ouvrage dont la maison Quantin poursuit vaillamment la publication. De l'avis de tout le monde, c'est l'un des chefs-d'œuvre de la typographie moderne. Vainement on chercherait ailleurs un papier plus beau, des caractères plus nets, une disposition plus élégante.

Quant aux eaux-fortes exécutées sous la direction de M. Sadoux, lorsque le maître lui-même n'y a pas mis la main, elles unissent au mérite de l'exactitude les plus brillantes qualités artistiques. Même nous pourrions dire qu'à chaque livraison s'accuse un progrès nouveau; on sent un talent qui ne s'est pas encore livré tout entier, bien qu'il ait déjà produit de véritables merveilles.

Cette part faite à l'extérieur de l'œuvre, à ce qui frappe les yeux dès le premier instant, nous sommes plus à l'aise pour parler de la manière dont le texte est conçu. Chaque problème est étudié avec une complète impartialité, et M. Palustre ne se croit pas obligé d'accepter sans contrôle l'opinion de ceux qui l'ont précédé, quelle que soit l'autorité qui s'attache à leur nom. Bien lui en a pris, du reste, d'agir de cette sorte, car nous savons désormais à quoi nous en tenir

sur la prétendue participation du Bocador à la construction de Saint-Eustache.

Tous les raisonnements de M. Leroux de Lincy, qui s'était fait le champion du trop célèbre architecte italien, ne peuvent tenir devant des documents certains, qui font honneur de cet édifice à Pierre Lemercier, grand-père de Jacques Lemercier, qui prolongea, sous Louis XIII, l'aile occidentale du Louvre et bâtit la Sorbonne ainsi que le palais Cardinal. Pierre était de Pontoise et c'est à l'église de sa ville natale que nous le voyons s'essayer tout d'abord. Appelé à Paris en 1532, il s'adonna pendant treize ans à la nouvelle entreprise qui lui était confiée et toute la partie centrale de Saint-Eustache est incontestablement de sa main. Quant à la nef, elle se réclame de son fils Nicolas, tandis que le rond-point du chœur et les chapelles orientales sont l'œuvre de Charles David, que son mariage avec Anne Lemercier, sœur du précédent, désignait tout naturellement pour continuer un monument de famille.

L'importance de la découverte dont nous venons de parler n'échappera à personnne, et seule elle suffirait pour faire la réputation de son auteur. Mais M. Palustre, heureusement, nous ménage encore bien d'autres surprises. Par la comparaison avec des dessins peu connus, il arrive à prouver que le portail latéral de Saint-Nicolas-des-Champs a été bâti sur un modèle fourni par Philibert de l'Orme; d'où il s'ensuit que cette œuvre remarquable acquiert encore une splendeur nouvelle, grâce à cette illustre origine.

L'espace nous manque pour analyser les pages consacrées à des monuments détruits, tels que les Tuileries et l'Hôtel-de-Ville, ou bien relatives à des con

structions encore subsistantes, mais à peine reconnaissables sous leurs transformations successives, comme la fontaine des Innocents et l'hôtel Carnavalet. De même nous serait-il bien difficile de parler ici des nombreuses statues que la Révolution a léguées à notre musée du Louvre. La plupart sont des chefsd'œuvre que les étrangers admirent souvent plus que nous, témoin certain passage de Cicognara rappelé propos par M. Palustre.

Il n'y avait pas grand'chose à dire de nouveau sur le Louvre de Pierre Lescot, non plus que sur la Petite-Galerie élevée par le second Pierre Chambiges sous le règne de Charles IX. Mais la Grande-Galerie, au contraire, soulevait un problème que ni M. Vitet ni Adolphe Berty n'avaient résolu d'une manière satisfaisante. Suivant eux, la partie inférieure serait de vingt ans environ plus ancienne que le mezzanino et le premier étage, tandis que M. Palustre démontre péremptoirement la contemporanéité de toute la construction. C'est Henri IV qui a fait combler le vide existant à son avénement entre la salle des Antiques et le pavillon de Lesdiguières, et son architecte fut non pas Louis Métezeau, comme l'a prétendu Berty, mais Thibauld, père du précédent.

Cette VIIIe livraison, on le voit, est consacrée entièrement aux monuments de Paris; du moins n'y at-il d'exception que pour le château de Madrid, qui s'élevait à l'extrémité du bois de Boulogne, tout à fait dans le voisinage. A ce sujet, M. Palustre fait justice des fausses interprétations du marquis de Laborde, qui avait attribué à Jérôme della Robbia ce qui est l'œuvre de Pierre Gadyer et de son neveu Gatien François.

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Armorial historique et généalogique des familles de Lorraine titrées ou confirmées dans leurs titres au XIXe siècle, par J. ALCIDE GEorgel; ouvrage orné de 300 écussons dessinés par l'auteur et gravés par E. Deschamps, ainsi que de nombreux fleurons, culs-de-lampe et têtes de chapitres. I vol. gr. in-4o. — Elbeuf, chez l'auteur, 1882.

C'est un but élevé qui a été visé par l'auteur de ce beau livre; c'est une inspiration généreuse qui a poussé M. Alcide Georgel à composer et à mener à bonne fin un ouvrage aussi considérable que celui-ci. Il a fallu même un rare courage pour oser entreprendre une semblable publication en, un temps où

les titres nobiliaires sont si éloignés de jouir de la faveur du vulgaire. M. Georgel s'est rendu compte que l'objection lui pourraît être faite, et lui-même a pris la peine d'y répondre d'avance. « Aux personnes, ditil, qui pourraient trouver étrange la publication d'un ouvrage héraldique et nobiliaire sous le gouvernement actuel, nous répondrons que le moment nous paraît, au contraire, très bien choisi pour parler de cette institution, puisqu'elle a cessé dé fonctionner depuis 1870 et qu'elle appartient désormais à l'histoire. » Le raisonnement est fort juste; il est temps de considérer les grands faits de notre histoire nationale avec l'impartialité qui seule peut dicter des jugements équitables.

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