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mis le pied dans la rue et serait complètement étranger à la vie réelle.

De son côté, M. Yves des Forges a inondé ses deux nouvelles d'une sentimentalité niaise et de pleurnicheries agaçantes. Le vieux fermier qu'il met en scène si maladroitement n'est qu'un paysan d'opéracomique, et sa Blanche une de ces créatures éthérées, immatérielles, dont le profil peut illustrer les pages d'un keepsake, mais fait piètre figure dans le roman. Toute cette littérature prétendue édifiante et qui n'est que soporifique légitimerait jusqu'à un certain point les outrances de crudité que nous avons plus d'une fois reprochées aux naturalistes.

MEMENTO

P.

façon toute naturelle une action constamment mouvementée et dramatique. Ceux qui liront ce livre histoire éprouveront l'impression que c'est une

réelle.

L'édition définitive des Morts bizarres, par JEAN RICHEPIN, vient de paraître entièrement refondue, revue et augmentée. Ce charmant volume comprend aujourd'hui dix-neuf nouvelles dont l'auteur s'est plu à chàtier le style. Maurice Dreyfous, l'éditeur, annonce les Blasphèmes, un noble volume de vers qui fera sensation et dans lequel Richepin se révélera dans une note tout autre que celle de la Chanson des gueux. L'œuvre définitive de Richepin commence à s'arrondir. La Glu est son premier ouvrage de théâtre; mais d'autres succès suivront bientôt, partant, d'autres volumes.

Sous ce titre Bouche cousue (2 volumes. Prix 6 francs). F. DU BOISGOBEY vient de faire paraître un nouveau roman à la librairie Dentu. Le titre est certainement original, mais la donnée du livre l'est bien plus encore. Il serait alléchant de la signaler au public, mais nous croyons qu'il vaut mieux l'ui laisser le plaisir de la surprise. Bornons-nous à dire que c'est excessivement parisien, en ajoutant que l'auteur a déployé, dans le développement d'une action extrêmement délicate, toute la puissance de ses moyens dramatiques, la souplesse de son esprit affiné et le charme de son talent littéraire, qualités qui en ont fait un de nos conteurs les plus intéressants, les plus sympathiques et les plus applaudis.

Mémoires d'une aliénée, un volume in-18. Prix: 3 fr. 50, avec gravures, PAUL OLlendorff, éditeur. Ce livre vient à son heure. Lorsque la curiosité et l'intérêt sont si vivement surexcités par l'affaire de Mistral et celle de Mlle de Monastério, on ne peut manquer d'accueillir avec empressement les révélations qu'apporte Mlle Hersilie Rouy sur ce qu'elle a observé durant sa longue séquestration, et ce qu'a rendu possible la loi irrémédiablement condamnée de 1838.

Si elle a intitulé son ouvrage Mémoires d'une aliénée, c'est que pendant les quatorze ans qu'elle a vécu en liberté, comme pendant les quatorze ans qu'elle a passés dans les asiles, les aliénistes ont persisté à la dire folle. Elle en appelle au public et attend de lui une justice malheureusement posthume.

La vertu de Madeleine est le titre du nouveau roman que Mme JENNY TOUZIN vient de faire paraître chez Dentu. - L'auteur de la Dévorante et de la Fille des Étudiants nous donne cette fois une œuvre d'une conception plus douce. La Vertu de Madeleine est, en effet, un roman de famille, où les émotions du cœur et les sentiments généreux de l'âme, aux prises avec les cruelles nécessités, créent d'une

THEATRE

Souvenirs de théâtre d'art et de critique, par TH. GAUTIER, 1 vol. in-18.- Prix: 3 fr. 5o. Librairie Charpentier.

L'éditeur Charpentier vient de réunir en un volume plusieurs articles dus à Théophile Gautier et qui se trouvaient jusqu'ici disséminés dans des revues et des journaux. Ces articles du critique qui embrassent une assez longue période puisqu'ils vont de 1834 à 1870 ont trait, pour la plus grande partie, à l'art musical. On relira avec plaisir les appréciations du merveilleux écrivain sur les Huguenots, Griselle, le Barbier de Séville, le Diable boiteux et la Norma. Les beaux-arts ne sont pas non plus négligés et l'ouvrage renferme les préfaces demandées à Gautier pour les catalogues des ventes Francesco, Villafranca, Tiem, Jollivet et d'Espagnac. Enfin, des jugements sur Eugène Sue, Gavarni et Meissonier complètent ce volume. Le succès qu'il ne peut manquer d'avoir déterminera sans doute M. Charpentier à livrer au public un second volume de ce mélange. MM. Bergerat et de Lovenjoul, qui s'occupent avec un soin pieux de tout ce qui se rapporte à Gautier, pourront y faire entrer nombre d'intéressants articles qu'il faut aller chercher dans différentes publications et notamment dans le Journal officiel qui eut, de 1856 à 1871, Gautier pour collaborateur.

POÉSIES

Excelsior, poésies par JULES NOLLÉE DE NODuwez. Paris, Plon, 1883, in-8o. — Prix : 4 francs.

Un élégant portrait de l'auteur, déjà connu pour son recueil de 1875, Champs et rues, décore le frontispice du présent volume. L'aristocratique et rêveur profil attirera sans doute à M. Nollée plus d'une sympathie féminine. Il a déjà les plus belles relations; aussi a-t-il pu dédier chacune de ses pièces à des ministres, des ambassadeurs, des ducs, des comtes, des archevêques. Le pape lui-même, Léon XIII en personne, qui fit faire à l'auteur sa première communion en Belgique, a reçu l'hommage du morceau qui ouvre le livre et lui donne son titre. A défaut de gens haut placés dans la hiérarchie sociale, les vers s'adressent à quelque prince de l'art, au peintre Clays ou à Rossini. Le maestro italien répondit à l'envoi du poète par un de ces billets pleins de malice souriante et d'une griffe si délicate dont il avait le secret :

<< Mon cher monsieur Nollée,

<< En fait de pouvoir de la musique, je ne crois qu'aux trompettes de Jéricho! Notre ami commun, le baron de Peellaert, a emporté en souvenir les plumes de mon encrier. Et dire, à en croire les flatteurs, que ces plumes-là renferment encore des chefsd'œuvre! J'ai envie de mettre mes éditeurs à ses trousses! Merci de votre dédicace. J'en suis confus à rougir. On ne rougit qu'à deux âges : quand on est enfant et quand on le redevient. Tout à vous. >>

Il est difficile de remercier avec plus de gentillesse quelqu'un à qui l'on tient à ne pas faire de mauvais compliment. Suivons l'exemple et, sans nous attarder à une critique désormais inutile, citons un sonnet ou deux choisis parmi les meilleurs. Voici celui de l'hirondelle, où résonne comme un écho de Murger:

J'ai fait tomber une hirondelle D'un coup de fusil mal lancé. Mais où? Quel buisson la recèle? Ou bien, quel fouillis herbacé?

Hier, j'ai chanté des sérénades.
Se perdaient-elles dans l'éther?
Quel œil peut suivre des roulades
Fuyant sur les ailes de l'air?

J'ai retrouvé dans l'aubépine
Qui borde la forêt voisine
L'oiseau vivant près d'un sentier.

Sans chercher ma chanson joyeuse, Dans le cœur de mon amoureuse Je l'ai retrouvée en entier!

J'avais promis deux sonnets; mais, tout compte fait, je n'en trouve pas un second qui vaille comme pendant. Laissez-moi vous présenter au moins un échantillon de la manière de M. Nollée, quand il met sa plume à l'aise dans l'épître et qu'il moralise contre le duel:

L'honneur est satisfait! donc, vainqueur ou vaincu,

Au duel je devrai de n'être plus cocu!

Conrard n'aura jamais séduit ma triste femme!

Il sera galant homme, et non point cet infâme
Qui s'est glissé chez moi, rampant comme un voleur,
Pour prendre cent fois plus que mon or mon honneur ?
L'honneur est satisfait! il faudra donc, en somme,
Tenir pour franc, loyal, un fort malhonnête homme?
Immoler à l'erreur? Abdiquer? - A ce coût
L'honneur n'est, à mon sens, pas satisfait du tout.

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Le volume qui sort des presses de Fr. Gobbaerts, de Bruxelles, est un véritable bijou typographique. Les différents caractères sont tous d'un beau dessin, chaque feuille a été bien choisie et l'impression est parfaitement nette. Le livre fait plaisir à voir.

L'auteur avait envoyé quelques pièces de vers à Lamartine, à Victor Hugo, à Lamennais, à Béranger, et Béranger, Lamennais, Victor Hugo, Lamartine avaient répondu. Leurs lettres, simples lettres de remerciements, ont été publiées à la suite des vers qui leur avaient été adressés.

De ces vers, et des autres, nous ne voulons rien dire. Tous nos éloges à l'habile imprimeur.

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est trop discuté maintenant en raison de son livre les Névroses pour que je puisse prétendre clore le débat par un article critique marqué au sceau des éloges les plus sincères ou le discuter sous ses trois faces également tragiques de diseur, de musicien et de poète. Il y a six ans, lorsque parurent Dans les Brandes, un remarquable livre qui passa inaperçu, parce que aucun chroniqueur boulevardier n'osa tirer alors le coup de pistolet qui éclaire un homme jusque-là dans l'ombre, j'eus le plaisir d'éclater en louanges sonores dans un sous-sol du journalisme où je faisais alors mes débuts et où ma voix avait probablement plus d'écho à ma propre oreille qu'à celle du public. Aujourd'hui Rollinat est un homme de premier plan, c'est-à-dire une cible; tout ce qui tient une plume dans la critique plastronne contre lui, on lui casse ses vers sur la tête; on dénie la pure sonorité de ses rimes, on glose sur ses épithètes, on voudrait le forcer à avouer qu'il a toujours vécu dans les culottes de Baudelaire et qu'il a puisé ses frissons sur les bords du gobelet dans lequel Poë sablait son gin, tout cela se calmera, le journaliste parisien qui a proclamé Rollinat en premier article lui a peut-être rendu un piètre service, car il a fait éclore le poète trop subitement au jour aveuglant de la popularité; la meute des petits confrères a bruyamment jappé à ses jambes; toutes les poches de fiel se sont crevées, les vipères se sont hissées sur leur queue, le pauvre Rollinat a été enveloppé de rancœurs. L'heure de l'applaudir est venue, on ne discute pas les vaillants qui poitrinent aux attaques.

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Les Souvenirs littéraires de Maxime du Camp sont du nombre de ces ouvrages d'élite qui auront toujours une place assurée dans toutes les bibliothèques des érudits et des hommes du monde, car ils forment l'une des pages les plus curieuses que je connaisse de l'histoire des lettres dans cette seconde partie du XIXe siècle. On se souvient de la sensation produite par la première partie de ces mémoires d'abord publiés par fragments dans la Revue des Deux Mondes et réunis aussitôt par l'éditeur Hachette en un beau volume in-8°. Il y avait là des lettres de Flaubert admirables, des documents privés sur nombre d'hommes de lettres et quelques pièces curieuses sur

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des hommes politiques, le tout coordonné dans un style vif, entraînant, très français par la tradition et assaisonné d'un esprit charmant et à mille facettes.

Ce second et dernier volume des Souvenirs littéraires ne le cède en rien à son aîné. M. Maxime du Camp y parle tour à tour, en différents chapitres, de la Revue de Paris, du Décret du 17 février et du 2 décembre; des Revenants, c'est-à-dire de Baudelaire, de Pétrus Borel, d'Edgar Poë, de Barbara, d'Étienne Eggis, de Guillaume le Jean, etc.; puis viennent les Saints-Simoniens, les Illuminés, les Ateliers de peintres, les Uns et les Autres, Lui'et Elle, Louis de Cormenin et Louis Bouilhet et enfin les Dernières Tombes (Auber, Gautier et Flaubert).

Je défie bien un amoureux des lettres de jeter les yeux dans ce volume sans y sentir son esprit voluptueusement engrené comme dans le plus spirituel des romans, car ces Souvenirs, je le disais lors de l'apparition du premier volume, ont toute la verve et l'exquise allure des Mémoires de Casanova, à cette différence que Maxime du Camp n'est pas un aventurier qui tient à graver uniquement son nom dans les fastes de Cythère, mais un fervent littérateur, voyageur passionné et passionnant, qui a su magistralement planter sa tente à l'Académie française.

U.

Les Ridicules du temps, par J. BARBEY D'AUREVILLY. Rouveyre et Blond, éditeurs, 1 vol. in-18. — Prix 3 fr. 50.

La critique peut jeter ses filets sur les ridicules de ce temps; elle fera toujours des pêches miraculeuses; car la mer contient moins de poissons de toutes formes et dimensions que la société ne recèle de ridicules petits et grands qui se dévorent entre eux ou surnagent avec satisfaction. Du temps de Montaigne, Paris avait ses verrues, selon le mot du grand essayiste; aujourd'hui Paris a « le Masque », comme une femme qui porte des monstres conçus dans une heure de prostitution crapuleuse. Du haut en bas de l'échelle les ridicules fermentent et poussent comme des champignons, affectant d'abord des formes priapiques et se déployant aussitôt prétentieusement en manière de parasols.-M. Barbey d'Aurevilly ne prétend pas se donner le ridicule de détruire toutes ces végétations grotesques; il faudrait l'eau du déluge pour noyer tout cela et il ne convient point de désespérer les Gavarni, les Daumier et les Henry Monnier en herbe; il passe seulement, avec un sourire d'un exquis mépris, sa cravache sur quelques turgescences de ce monde; il fait siffler sa badine sur ces difformités avec toute la grâce arrogante de Tarquin le Superbe décapitant des pavots. Et quel singulier bouquet il vient de former dans ce livre : la Comédie de la critique, les Chats de la critique, le Cabotinisme, les Chroniqués et les Chroniqueurs, les Effacés, les Bas bleus, l'Abbé Sosie, les Marchands de ruban,l'Ère des Servantes, Madame de Maquerelas-Major, les Lâcheurs, les Petits ventres, les Conférences, le Journalisme, les Lauréats d'Académie, les Blagueurs en littérature, les Chevaliers de la table ronde au xixe siècle, etc. C'est un simple

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aperçu des pellicules que le Juvénal des Bas bleus a détachées de la lèpre sociale. Ce sont des critiques magistrales, pleines de cette verve endiablée, de cette admirable ironie qui assassine ceux qu'elle caresse. De telles choses vivront par le style et par la forme, et je dis cela à dessein, car le seul reproche que je pourrais faire à ces remarquables chapitres, c'est d'être nés dans le journalisme, c'est-à-dire d'avoir été conçus dans la vibration éphémère de cette actualité, à laquelle les cheveux blancs poussent en une nuit. Ce qui fut écrit pour le journal portera toujours son cachet d'origine et dans tous les exhumés de la presse quotidienne il y a une certaine morbidesse affadie, comme une survie qui a peine à s'acclimater dans l'atmosphère du livre.

Les études critiques polémiques ou littéraires de Balzac, de Stendhal, de Gautier, etc., ont tous au front cette mélancolie spéciale que donnent les triomphes éclatants d'un jour dans le journalisme; les guêpes de Karr, qui firent bondir tant de monde, piquottent doucement aujourd'hui; la Lanterne de Rochefort s'est éteinte dans l'oubli. Les grands articles de cette outre de Janin sont évaporés à jamais; le prince de la critique n'a plus à l'heure présente un seul sujet, il n'est plus lui-même qu'un sujet d'étonnement pour tous ceux qui font de vains efforts pour s'intéresser à son œuvre minuscule. Quels livres immortels sont sortís de la Quotidienne, de la Presse, des Débats, de l'ancien Événement ou du Figaro hebdomadaire ou quotidien?... le tri sera vite fait.

Eh bien, M. d'Aurevilly, lui, est une des rares ex

ceptions il a su équiper les Euvres et les Hommes, mobilisés dans le journalisme, tous sont vivants et solidement bâtis pour défier les siècles; — les Ridicules du temps défient aussi les temps futurs, mais d'un œil qui clignotte; c'est que la mode et la Date s'y sont fourrées comme d'imperceptibles grains de poussière. C'est pourquoi je disais qu'ils vivront surtout par le style, la forme et l'esprit, ces trois fleurs rares qui brilleront toujours en relief d'un éclat peu commun sur le fond de gueules de notre époque.

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Une fleur de printemps égaye et parfume ce premier essai d'un jeune homme. Rien de plus naturel. On arrive à la vie littéraire avec un trésor d'espérances, d'enchantements, d'illusions; on est pressé d'écrire tout ce qu'on voit, tout ce qu'on dit, tout ce qu'on fait, courant après toutes les femmes et tous les papillons, avant de se demander si le public aura le temps d'arrêter les yeux sur nos gentillesses d'adolescent. On ne s'en amuse pas moins, en attendant l'expérience et l'âge qui permettront des œuvres plus sérieuses, à souffler de jolies bulles de savon. M. H. Lucien n'a guère fait que cela tout le long de son volume. S'il poursuit dans cette voie, il pourra bientôt prendre place à côté du sémillant Ernest d'Hervilly.

P.

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BEAUX-ARTS

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Ce n'est là sans doute que le premier volume d'une série dont la suite n'est pas limitée. Le Louvre, en effet, ne possède pas moins de trente-sept mille dessins. On ne saurait espérer, il n'y a même pas lieu de souhaiter que le trésor tout entier soit reproduit. L'éditeur se bornât-il à publier les dessins qui, au nombre de deux mille, sont exposés dans les galeries et doivent être les plus beaux, que le service rendu aux amateurs, aux artistes, aux écoles d'art de tous les pays serait considérable. L'utilité d'une telle publication n'a pas besoin d'être démontrée. Elle répond à de telles nécessités qu'à plusieurs reprises on tenta de la réaliser; l'on n'a certainement pas oublié les intéressants fac-similés de dessins de maîtres que gravait, il y a une trentaine d'années, M. Alphonse Leroy. Mais elle n'est devenue réellement possible,

pratique, que depuis l'invention des procédés de gravure en relief dérivés de la photographie, qui permettent les tirages à grand nombre, à bas prix et fournissent une reproduction dont la fidélité n'est pas suspecte.

M. Henry de Chennevières, qui est attaché à la conservation du Louvre, dirige et rédige ce travail. On doit supposer qu'il s'est au préalable tracé un plan d'ensemble, mais il est jusqu'à présent difficile de discerner la méthode qui préside à l'ordre de ses choix. Ce premier volume se compose de soixantesix dessins empruntés à l'œuvre de dix-huit maîtres de différentes écoles. Parmi ces maîtres, il en est treize seulement qui soient l'objet de notices biographiques. On cherche vainement pourquoi un semblable document n'accompagne point les dessins des cinq autres. Les treize notices sont consacrées à MichelAnge (7 dessins), Titien (5 dessins), Parmesan (2 dessins), Murillo (1 dessin), Rubens (4 dessins), Adriaan van Ostade (4 dessins), Jean Steen (1 dessin), Liotard

(2 dessins), Étienne Delaulne (2 dessins), Dumoustier (3 dessins), N. Poussin (3 dessins), Watteau (11 dessins), Edme Bouchardon (6 dessins). Puis pêle-mêle, on découvre sans une ligne de texte : Raphaël (6 dessins), Albert Dürer (2 dessins), Greuze (4 dessins), Boucher (1 dessin) et Bouchardon (o dessins).

Ces dessins sont imprimés en couleur et tirés sur papier teinté. Le choix du papier n'est pas toujours très réussi. Dans l'intention évidente et louable de donner aux marges un aspect vibrant, l'on a fait entrer dans la pâte de ce papier une multitude de petits déchets de matière textile, qui forment sur la teinte unie comme un réseau capricieux de damasquine d'un ton plus vigoureux que le fond. Quand le dessin est très chargé, ces vermiculures disparaissent et encadrent assez joliment le motif. Il n'en est pas de même malheureusement quand le dessin est formé de traits légers et doit rester clair, car il laisse apparaître alors tout un grimoire d'épluchures dont les linéaments se confondent parfois avec les traits de plume ou de crayon, les doublent, les prolongent, leś compliquent de façon à les rendre peu intelligibles. Sans proscrire absolument l'emploi de ce papier, nous devons inviter les éditeurs à n'en user qu'avec le plus rigoureux discernement. Il en est de ce papier comme du style de l'auteur. Le style est très jeune, très maniéré, très tourmenté, visant à la couleur, bourré de néologismes fort inutiles, en cela bien fatiguant, mais çà et là rencontrant d'heureuses trouvailles. De même le papier qui prétend à l'originalité est vraiment bizarre plutôt qu'original.

Dictionnaire du chiffre-monogramme dans les styles moyen âge et renaissance et des couronnes nobiliaires universelles. Trente-quatre planches gravées au burin, accompagnées d'un texte historique sur les chiffres-monogrammes et couronnes depuis l'antiquité jusqu'à nos jours. Composition, gravure et texte par CHARLES DEMENGEOT, graveur héraldiste; 1 vol. grand in-folio, V, 118 pages, tiré à 200 ex., à Paris chez l'auteur, rue de la Tour-d'Auvergne, 48, et chez Juliot, libraire, rue de Rennes, 82. — Prix : 75 francs.

L'origine du chiffre-monogramme date évidemment du moment où l'humanité fut en possession d'un nombre suffisant de lettres ou de signes propres à exprimer la pensée. Que ce fût l'instinct de la propriété ou l'orgueil d'attacher son nom à une œuvre quelconque, ces motifs durent engendrer des combinaisons de lettres ou de signes, qui, simples au début, naïfs et même barbares, et sans aucune intention décorative, progressèrent avec les arts et les styles de chaque époque et produisirent finalement des combinaisons, des groupements innombrables et ingenieux, mais le plus souvent énigmatiques pour qui n'en possède pas la clef. On peut donc dire que l'histoire du chiffre-monogramme, prise dans son ensemble, embrasse l'histoire universelle; car souvent c'est la signature, quelle que soit sa forme, qui indique à l'archéologue l'authenticité et la date de tel

ou tel monument architectural, monétaire ou graphique.

Sous le terme générique de marque monogrammatique, l'usage a consacré quatre genres de composi tions qui ont chacune leur caractère particulier, ce sont la marque proprement dite, le chiffre, le monogramme et l'anagramme. La Marque est une composition réunissant les attributs, avec inscription ou légende, mais surtout avec (chiffre-monogramme, d'une corporation ou d'une personnalité scientifique, artistique, industrielle, etc. Les marques les plus intéressantes sont peut-être celles des libraires et imprimeurs des xv, xvIe et XVIIe siècles. Le chiffre est l'enlacement des initiales des nom et prénoms d'une personne ou d'une raison sociale. Le monogramme est la réunion de plusieurs lettres en seul caractère et, par extension, le groupement de toutes les lettres d'un nom.

un

L'anagramme enfin est le groupement par le renversement régulier où irrégulier des lettres d'une phrase, pour produire un autre nom ou une autre phrase.

Le chiffre-monogramme, dont M. Charles Demengeot s'occupe presque exclusivement dans cet ouvrage, comprend cinq grands styles bien distincts, qui correspondent tout naturellement aux cinq principaux genres de caractères lapidaires ou écrits usités en Europe depuis l'antiquité grecque et romaine jusqu'à nos jours. Ces grands styles appliqués au chiffre-monogramme sont : 1° la capitale grécoromaine en usage depuis l'antiquité grecque jusqu'au xe siècle, c'est-à-dire dans l'ancienne Grèce, à Rome et à Byzance, à l'époque mérovingienne et sous les Carlovingiens.— 2o L'onciale, devenue grande initiale au Ixe siècle, et dont on se servit pendant toute la période du moyen âge, concurremment avec le style suivant. 3o La gothique, qui prit naissance au x siècle sous les Capétiens, et se continua jusqu'au XVI sous les Valois. Les marques d'imprimeurs-libraires des xve et xvIe siècles de ce troisième style sont justement célèbres. - 4o La capitale Renaissance, qui dura pendant tout le xvie siècle et la première moitié du XVII. - 5° Les chiffres en båtarde et à l'anglaise. Bâtarde à son début, l'anglaise produisit les chiffres de Daniel de la Feuille et de Mavelot; et plus tard, vers 1724, l'édition de Nicolas Verien, plagiaire de Daniel. Ces chiffres sont formés de lettres doublées et droites. Dans la deuxième moitié du xvIIIe siècle, Rançon les dédoubla et les orna richement.

A ces grandes divisions principales on pourrait à la rigueur en ajouter une sixième comprenant le style empire et la réaction qui suivit. Mais notre XIXe siècle n'a pas de style qui lui soit propre. Jusqu'en 1850 on se servît de Verien, le Daniel étant devenu très rare; on se servit aussi de l'ouvrage de Denoyer, dont les chiffres dédoublés étaient légèrement penchés à l'anglaise. Vers 1850, l'œuvre de Barclay de Londres dans le style du xve siècle, très habilement exploité par nos papetiers entrepreneurs de gravure, fit une véritable révolution dans le chiffremonogramme. Vers 1860 enfin, parurent les chiffres

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